Regards sur l'éveil
Café philosophique, littéraire et
scientifique
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Posté
du 19 juillet 2005 au 24 décembre 2007 par Ael
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Là où j'en suis
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J'ai longtemps pensé que l'être en quête
d'éveil
franchissait des étapes, parfois de plaine, parfois de montagne, en
fonction d'une supposée difficulté, pour évoluer.
Avec le temps, j'ai compris que cette notion d'évolution n'était
pertinente que dans la mesure où un préalable semble consister en la
connaissance des subtilités de l'ego. Celui-ci vivant suivant un
certain nombre de règles qu'il a lui même façonnées (le temps entre
autres), il est important de bien comprendre son fonctionnement pour
mieux en déceler les failles.
Par la suite, dans mon expérience personnelle, j'ai compris qu'il
n'y a rien à attendre. Tout est là, il ne reste qu'à saisir... J'en
suis là aujourd'hui, devant une porte que je ne sais comment ouvrir,
faute d'avoir identifié la simplicité du mécanisme. Mais je sais que
lorsque cette porte s'ouvrira, elle disparaîtra... Mais peut être
est-elle déjà ouverte et que je ne le vois pas...
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Mais revenons donc à ce samedi au matin,
jour où
je m’adonne traditionnellement à un footing d’une heure. Pour une fois,
je me suis dit : « essayons donc, pendant que tes pattes arpentent
péniblement le bitume, d’ouvrir notre esprit, de le laisser
suffisamment libre pour qu’il s’affranchisse du contact direct avec un
corps qui passe son temps à réciter sa souffrance. » Et je dois dire
que je ne suis pas prêt d’oublier ce footing. En effet, à peine un
quart d’heure après le départ, à l’heure où habituellement les premiers
signes de fatigue apparaissent, voilà que je vole littéralement, le
sourire aux lèvres, en proie à une joie, je pèse mes mots, que je ne
connaissais pas en pareille circonstance. Je ne sentais plus mon corps
et je goûtais avec délice à tout ce que j’accueillais dans mon cœur :
le soleil, pourtant faiblard de prime abord, me chauffait comme en
plein été, la nature brillait de mille feux, même les panneaux
publicitaires ne me posaient plus problème.
Une heure plus tard, une fois remisées mes baskets sans âge, j’ai
réfléchi à tout ça et je me suis dit que peut être s’agit-il là d’une
illumination passagère. Je n’exagère rien, car dans ma quête je
n’attends rien d’autre que ce qui va m’arriver, c’est bien pour ça que
je ne provoque pas de méditation. Certes, je suis conscient que le «
véritable » éveil nécessite la disparition de la dichotomie
existentielle ainsi que la disparition de tout jugement, mais depuis
samedi, je crois également que l’esprit s’ouvre par étapes. Je pense
sincèrement que j’ai vécu une belle et inoubliable initiation ce
week-end.
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Cela éclaire une autre dimension de mon moi
que
je percevais jusqu’alors et qui me demeurait incompréhensible. Je suis
intimement convaincu depuis des lustres qu’un adulte heureux est un
enfant qui s’assume, une personne qui a su garder, retrouver ou
entretenir cet enfant qu’il croit ne plus être. Je me souviens de mon
adolescence et de ce sentiment qui m’envahissait parfois à la vue d’un
malheureux, qu’il soit mendiant ou malade. Je me souviens de cet homme
en déambulateur, que je ne connaissais pas, et que j’aimais du simple
fait que je me disais : «
lui aussi était un enfant un jour. » Et
là, plus de traits disgracieux, plus d’odeur de vinasse, mais les
traits d’un poupin… Et alors je me demandais par quelle cruauté céleste
cet homme, tout poupin qu’il était, a-t-il pu devenir une épave. La
réponse, vous tous venez de me la donner. En imaginant cet homme sous
les traits d’un enfant, ce n’était pas une image. Mes yeux sur le coup
étaient aveugles, ne voyant que la misère et cherchant dans un
mouvement de colère des coupables. Mon cœur, que j’ai toujours cru
éteint, lui, voyait et en me montrant l’enfant, me montrait l’être,
abolissant toute dualité entre nous. Deux enfants se voient, comme un
appel réciproque à s’abandonner l’un à l’autre, au-delà des fausses
images transmises par notre regard instrumentalisé par l’ego.
Je suis comme quelqu’un qui vient d’accéder à une compréhension
soudaine, sans particulièrement la rechercher. J’écris d’un seul
souffle, sans forcément structurer mon propos, de peur de ne pas
profiter pleinement non pas de ce que je viens de comprendre, mais de
cette révélation qui m’est donnée. Sans doute est-ce cela, vivre ici et
maintenant. |
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J'observe des changements, c'est une
évidence. Notamment la forte résistance de mon ego qui semble me faire
payer les moments passés à caresser l'être dans mes moments de présent.
Ou encore le retour de perceptions perdues (le toucher du volant quand
je conduis, le bruit des clignotants, autant de choses que j'avais
étonnament oubliées) et la découverte d'autres bien agréables (le vide
dans la tête, voire l'absence de tête quand je cours, et donc l'absence
momentanée de souffrance)...
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Au
fil de mes méditations spontanées (je dis
spontanées car je médite davantage en marchant ou en attendant qu’en
m’asseyant en tailleur dans une chambre), j’ai appris, en étant
présent, à débrancher mon mental, et ce sur des périodes de plus en
plus longues. Et bien, je dois avouer que les changements survenus dans
ma vie sont édifiants. Moi qui stressait pour ma carrière il y a encore
quelques mois, j’ai purement dissipé l’illusion de l’importance de la
chose. Je suis perpétuellement de bonne humeur et je deviens léger,
léger… Cela ne m’empêche nullement de bien travailler, mais je découvre
une façon de vivre après laquelle je courais depuis des années. Je sais
que c’est la bonne voie maintenant.
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Tout ça pour dire que aujourd'hui, même si
mon
ego me donne parfois du fil à retordre, ce qui en passant est logique
car c'est de sa vie même qu'il est question, je ne cherche pas à le
combattre, à la dresser... pour qu'à une supposée obscurité se
substitue une supposée lumière. Non, j'ai procédé ainsi avant mais en
arrivant ici, j'ai compris mon erreur et, pour défaire peu à peu
l'emprise de mon ego, j'apprends à l'aimer car je n'oublie pas que
jusqu'à présent, je lui dois tout. C'est lui qui m'a construit, qui m'a
identifié à lui même, en toute illusion certes, mais c'est aussi lui
qui, de mauvais grâce parfois, me permet de découvrir ma vraie nature.
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Après quelques mois de « présence
silencieuse »,
je souhaite vous faire part de mon expérience, débutée il y a quelques
années avec, entre autres réjouissances, la découverte de ces lieux. Le
temps faisant, je me rends compte que certains repères supposés stables
évoluent. Des changements se donnent à voir : ils ne surviennent pas
encore, mais je sens que quelque chose se passe. Bon, OK, c’est pas
très clair, je vais chercher ma lanterne et je reviens…
… Il m’a fallu quelques minutes pour trouver cette lanterne car,
voyez-vous, je l’avais perdue ou plutôt je ne l’avais jamais utilisée,
sauf peut être dans ma tendre enfance. Bref, en un mot comme en cent,
j’ai eu accès à des moments de "pleine conscience." Non pas d’éveil car
je me méfie de ce mot que mon ego tente de s’approprier, mais de
présence, de découverte de soi. Et je me rends compte, dans ces
instants, à quel point, je dors le reste du temps. Oui, c’est cela,
j’ai l’impression de dormir 23h30 sur 24 et de me réveiller par
intermittences.
Dans ces instants de présence, je découvre un monde qui change. Je
suis dans un corps qui me semble non pas extérieur (car je l’apprécie)
mais un peu inconnu. Idem pour mon environnement. J’ai l’impression de
voir avec des yeux neufs, un peu comme un enfant qui découvre le monde.
Et dans ces moments, bien brefs encore, les repères s’estompent, créant
un peu de déstabilisation, même si je sens que je n’ai qu’à
m’abandonner…
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