Regards sur l'éveil
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Posté
le 7 août 2004 par joaquim
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Philosophie
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Dans un
passage de "Gertrude", Hermann Hesse
livre une réflexion sur le travail d'accouchement et de rédemption que
constitue pour lui l'écriture:
«
Celui pour qui la pensée n'est pas
une chose douloureuse se réjouit de se lever le matin, de manger, de
boire ; il en est satisfait et ne veut rien d'autre. Mais celui qui ne
trouve plus incontestable cette routine cherche avidement dans le cours
des journées les instants de vie réelle, dont le jaillissement rend
heureux, anéantit le sentiment du temps et supprime toutes les
réflexions sur le sens et le but de l'existence entière. On peut
appeler ces instants ceux de la création, car ils éveillent,
semble-t-il, le sentiment d'union avec le Créateur, et l'on croit que
tout leur contenu, même s'il est dû au hasard, a été voulu. C'est comme
l'union avec Dieu des mystiques. »
Hermann HESSE, Gertrude, Calmann-Levy, Paris, 1962, pour la traduction
française.
Est-ce une expérience d'éveil? Il dit lui-même que c'est "comme
l'union avec Dieu des mystiques". Il y a dans la création telle qu'il
la décrit un oubli de soi qui amène l'artiste à devenir un avec ce qui
jaillit du plus profond de lui, et qui conduit non pas à une extinction
de la conscience, mais à l'éveil de celle-ci à une réalité qu'elle
était jusqu'alors incapable d'englober dans ses frontières. Cette
réalité vient la frapper et fait éclater ces frontières qui la
disinguaient de tout ce qui est autre, l'anéantissant et la libérant à
la fois: elle s'éveille à un état où elle ne se possède plus, où elle
n'enclôt plus ce qu'elle est dans une autoappropriation, mais ne fait
plus qu'un avec l'acte créateur qui l'habite.
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