Regards sur l'éveil
Café philosophique, littéraire et
scientifique
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Posté
le 5 mars 2005 par joaquim
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J'avais disparu du monde
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Voici
un témoignage de José Le Roy, qui fait comme écho
à celui de Jourdain.
«Il
se produisit alors un événement
inattendu et incompréhensible. Je me trouvais à ce moment-là dans le
café Beaubourg à Paris, à la fin du mois de février 1992. J’étais assis
à une table et attendais mon amie. Tout-à-coup, sans raison apparente,
ma perception se modifia. Le café, le décor, les murs, le sol, les
tables et les gens furent baignés en un instant dans une transparence
et une lumière nouvelle. Les objets m’apparaissaient extrêmement
proches et brillants, comme si un voile avait été ôté à ma perception.
J’avais percé quelque chose du monde mais je ne savais pas quoi. Je
ne comprenais pas ce qui arrivait et pourtant c’était réellement
stupéfiant. Ma perception redevint normale au bout d’une demi-heure et
je demandais alors: qu’est-ce qui s’est passé?
Je laissais de côté cet événement que je ne parvenais pas à
reproduire ignorant ce qui l’avait fait naître et je me replongeais
dans ma quête ininterrompue dans la connaissance de moi-même. Je
continuais à lire Maharaj et persévérais à retourner mon attention vers
sa source à la recherche de ma véritable identité.
Un samedi après-midi, un événement se produisit dont aucun mot ne
peut vraiment rendre compte, Un instant avant je me croyais un
individu; un instant après...
J’avais disparu du monde.
En fait, je ne reconnus pas ce qui venait d’arriver. Cela ne
correspondait pas à l’idée que je m’étais faite de l’Eveil, ou de la
connaissance du Soi. Je m’imaginais avant cet événement un individu
éveillé, transformé; or c’est l’individu qui avait disparu du monde. Je
n’étais tout simplement plus là. Volatilisé, évaporé! Le monde
absolument transfiguré, brillait de mille feux, et se tenait, tout
seul, là, sans observateur.»
Un chemin de
connaissance de soi, in Revue 3ème Millénaire, No 68, 2003, p. 7
Le Roy décrit, comme Jourdain, deux étapes sur le chemin de l’éveil.
Tout d’abord une modification de la Présence du monde, la découverte
enivrante de la totale Réalité de celui-ci, puis une modification
radicale du sujet. Leroy décrit que le sujet disparaît, s’évapore,
alors que Jourdain se découvre advenir en tant que sujet. Il écrit
d'ailleurs à la suite du texte cité plus haut: «Quand à ce type-là, la
chose est manifeste: il commence en cet instant.» Je pense que là
aussi, les mots sont trompeurs, ce qui n’est pas étonnant, puisqu’ils
sont enfants de la scission du Tout en sujet et objet, et sont donc
intrinsèquement impropres à rendre compte du retour à la totalité. Le
sujet n’existe plus ou le sujet adevient: c’est la même chose. Jourdain
a écrit plus tard ces mots assez percutants: «Pendant mon adolescence,
le ciel m’est tombé sur la tête et la terre s’est ouverte sous mes pas.
En une fraction de seconde, tous mes appuis, toutes mes bases, tous mes
repères ont été volatilisés; l’homme que j’étais, en son double aspect
mental et physique, a éclaté comme bulle de savon; et l’Univers, mon
vieux compagnon, et le Temps qui nous emportait tous deux sur ses
ailes, ont péri de la même manière silencieuse et radicale. Un nouveau
moi-même est né instantanément de cet anéantissement. Si incroyable
était la splendeur de cet être, si impérieuse la nécessité de
l’actionner et de le célébrer, que deux années s’écoulèrent avant que
ne me frappe l’étrangeté de mes origines apocalyptiques, que ne
m’étonne le paradoxe de la persistance de mon expérience terrestre au
sein de sa totale destruction.»
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