Regards sur l'éveil
Café philosophique, littéraire et
scientifique
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Posté du 11
décembre 2005 au 21 février 2008 par kadak-bouddhiste.a
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Karl Renz : dépasser le Je suis
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J'ai longtemps moi-même considéré que Karl
Renz
était malhonnête et qu'il s'agissait de sophismes. En fait ce n'est pas
le cas, mais pour cela, il faut avoir lâché le "Je", la lumière
radieuse etc... Lui-même est passé par ces étapes. Un jour il a cru
s'être "éveillé" parce que cette lumière du "Je" est apparue partout
(celle qui précède le "je suis" et le "je suis Karl", les 3 étant cités
à la queue-leu-leu dans le texte). Et puis un beau jour il a réalisé
qu'il lui fallait lâcher ce truc. Ce qui lui a brisé le coeur, dit-il.
Mais là a eu lieu la vraie réalisation. L'advaita (Nisargadatta et son
co-disciple Ranjit, entre autres) est clair sur ces deux étapes :
trouver le "Je suis" (ce que Karl appelle le Je), et aller au-delà.
Evidemment, "personne" ne peut aller au-delà. Cela se fait, c'est tout.
Mais "je" ne peut pas lâcher "je", de même que personne ne peut
s'envoler en tirant sur ses lacets. C'est pour cette raison que le
bouddhisme a éradiqué cela en disant "il n'y a pas d'âme". Bien sûr il
y en a une, mais ils savent trop bien que tout le monde va vouloir
rester coincé dedans.
Maintenant, si tu compares les textes bouddhistes et ce qu'écrit
Karl, tu verras qu'il y a là plus qu'un simple discours. Autant chez
Karl on peut se dire "Bah c'est un p'tit gars de chez nous qui se la
pète", autant chez un type qui est parti en corps d'arc-en-ciel on
reste circonspect, en se disant que peut-être il a vu un truc qu'on n'a
pas vu. Devant certains textes du dzogchen "tout est primordialement
pur etc...", il est difficile de prétendre que c'est une vue de
l'esprit. Pour ma part, je me suis longtemps dit :"ça ne me semble pas
juste, mais qui suis-je pour dire que ces types sont des menteurs ?
Attendons".
Aussi étrange que cela puisse paraître, le discours de Karl est
totalement justifié, parce qu'il est allé une marche plus loin. Une
marche plus loin, il n'y a plus de lessive. Chez les bouddhistes, on a
coutume de dire "Le mouchoir est sale. Avec les tantras, on nettoie le
mouchoir. Avec le dzogchen, on jette le mouchoir". Une fois qu'on l'a
jeté, il n'est réellement plus possible de le récupérer pour le
nettoyer, ça n'aurait aucun sens. Je ne te demande nullement d'admettre
cela, simplement, peut-être, de suspendre ton jugement pour un temps
indéterminé, en te disant "peut-être que quelque chose m'a échappé".
Fais ta lessive, et dans un tout petit coin de ton esprit, si tu
peux, laisse exister une possibilité qu'il existe un univers où cela ne
serait pas nécessaire, un univers où il n'y aurait plus d'horizontal et
de vertical, pas de plan de l'éveil, pas de plan psychologique, et rien
à purifier, un univers où tout serait "primordialement pur", selon le
leitmotiv du dzogchen. |
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Les mots importent peu, nous sommes tous
d'accord, mais les actes, et les émotions, indiquent assez clairement
ce qu'il en est. Là où il y a de l'enthousiasme ou de la tristesse,
pour citer deux émotions assez courantes, je dirais qu'il y a un
certain manque de recul sur ce qu'on est vraiment.
Emotions qui sont par exemple très présentes chez quelqu'un comme
Steve Jourdain, après 50 ans de "réalisation" - intéressant de se
trouver avec lui en voiture, sauf que lui c'est carrément de la colère,
dirigée contre les gens qui l'aiment, en plus. |
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Il y a un peu plus d'un an j'étais en
retraite
avec un respectable Gueshé (il s'était lui-même soumis à des
expérimentations scientifiques) qui nous a raconté l'anecdote suivante.
Il avait un ami, disait-il, qui était passé à travers un mur sans s'en
rendre compte, au monastère où il résidait parfois. Apparemment, la
cuisine et le temple étaient séparés par une chambre où se trouvait un
couple, et soudain, le couple a vu apparaître un type le milieu de la
pièce, alors que la porte était fermée. Bien sûr ils ont poussé des
cris, le type est sorti de son "état naturel" où il avait perdu
conscience du monde environnant (de sa solidité en tous cas), et s'est
excusé, avant de ressortir par la porte. Le gueshé a terminé en disant
"Mais je ne sais pas s'il pourrait le refaire". Quoi qu'il en soit,
pour lui ce n'était pas une chose extraordinaire. Amusante, plutôt.
C'est vraiment monnaie courante chez les tibétains et personne ne
s'en émeut. Mais tu trouveras les mêmes choses dans la vie des grands
saints, par exemple. Ou même de Maître Philppe, au début du siècle. Il
a fait un paquet de miracles, et là il y a pas mal de témoins.
Cela dit, je pense maintenant que le vrai miracle consiste à faire
changer les gens, et ça, même pour un avatar, c'est très difficile.
Comme le dit UG, aucun d'entre eux ne peut accomplir le seul véritable
miracle qui consisterait à changer les consciences afin que la société
reparte dans le bon sens. |
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Modélisation de l'univers
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Je voudrais ici faire part de réflexions
qui me
sont venues. Je me suis aperçue qu'en fonction de la modélisation (de
l'univers et de la conscience) retenue, on se retrouve avec des options
totalement opposées - et donc des points de vue irréductibles. Mais si
l'on remonte à la source, on voit simplement qu'il y a, à la base, une
modélisation qui n'a pas forcément été examinée.
J'en ai repéré deux.
1) La première consiste en l'hypothèse d'un monde objectif, unique
pour tous les êtres. Je ne sais pas exactement ce qu'elle implique, en
revanche, ce qui me semble évident, c'est que les systèmes de pensée
qui récusent une action possible de l'esprit sur la matière impliquent
cette modélisation. Mais au fond, qui nous garantit qu'elle est juste ?
Pour le bouddhisme tibétain, le monde est un grand rêve partagé.
Partagé grâce aux karmas que nous avons en commun. Mais il existe
d'autres êtres qui ont d'autres karmas et qui ne voient pas du tout la
même réalité que nous, humains. Bref, dans ce système de pensée, 1) les
consciences sont des monades 2) il existe un univers par conscience.
Autrement dit, rien ne s'oppose à ce qu'une conscience puisse agir
directement sur son univers matériel, puisqu'elle en est l'unique
source. Le "miracle" se produira alors pour elle, dans son univers, et
dans celui des consciences qui auront le karma pour le partager. Pour
un bouddha, le mur n'existe pas en tant qu'objet solide, pour nous il
existe, il n'y a pas de contradiction, et rien qui s'oppose à ce qu'il
le traverse.
2) Soit l'on croit qu'il existe en nous un point de vue non
contaminé par l'ignorance, soit on croit le contraire. La première
modélisation implique qu'il suffit de se mettre dans ce point de vue
pour être "éveillé". L'éveil ne serait donc qu'un changement de
perspective (cf Douglas Harding) qui ne changerait rien à la réalité
matérielle et psychologique. C'est le point de vue de pas mal de gens.
Le bouddhisme (encore lui) affirme le contraire. Il n'existe aucun
point de vue non contaminé. En quelque sorte, "Dieu" (c'est-à-dire
nous), est sale dès l'origine. Et c'est cette origine contaminée qui
donne naissance à notre psychisme perturbé et à notre corps grossier.
Cette "état originel" peut être expérimenté au moment de la mort (c'est
la claire lumière de la mort), et les textes nous disent clairement
qu'il n'est pas pur mais au contraire pollué par une grande quantité de
traces karmiques. Que nous l'avons déjà expérimenté des millions de
fois et que nous en constatons le résultat (le samsara). Dans ce
système de pensée, l'éveil implique une décontamination effective et
totale de la conscience, de l'aspect le plus grossier à l'aspect le
plus subtil. Auquel cas l'origine (ou Dieu) deviendra pure, et au lieu
d'en résulter une existence samsarique, il en résultera les 3 corps
d'un bouddha, qui ne seront aucunement soumis aux lois du samsara
(mort, renaissance etc...), quoique pour le bien de tous les êtres, il
puisse faire semblant du contraire en émanant un corps apparemment
malade et soumis aux aléas de l'existence (mais là encore, tous les
êtres ne le verront pas semblablement, certains le verront jeune et en
bonne santé, d'autres le verront vieux et malade, en fonction de leur
karma). Dans cette perspective et contrairement à la précédente, il n'y
a donc pas "rien" à faire, mais "tout" à faire. Et les résultats seront
matériellement tangibles, en ce sens où la réalisation inclut la
réintégration totale de tout l'univers manifesté (incluant le corps
physique du pratiquant) dans sa lumière originelle. Mais rappelons,
que, en vertu du point 1), il ne réintègre que son univers.
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