Regards sur l'éveil
Café philosophique, littéraire et
scientifique
|
Accueil
·
Forum ·
Blog |
Posté du 7
août 2005 au 11 octobre 2007 par luz-azul
|
Ici et Maintenant
|
|
Je lis partout que le mental, l’ego, le moi
(ou
quelque mot dont on le nomme) est l’ennemi à combattre et qu’il faut le
faire disparaître. Un peu comme un ennemi à détruire pour cause de
malfaisance !
Je ne vois pas que ce mental-casque soit mon ennemi, puisqu’il fait
partie de mon corps, et qu’il est la Vie, lui aussi.
Le travail à entreprendre, c’est simplement de l’amener à se
comprendre, à se voir lui-même, comme un visage qu’on amènerait devant
un miroir pour qu’il puisse se contempler.
Il faut alors l’aimer très fort car cette contemplation lui est grande
souffrance.
Mais l’attention dans cette contemplation conduit inéluctablement à
la lucidité, à un état de transparence, de souplesse et d’effacement.
Et permet à cette Vie qui bouillonne en nous de jaillir enfin, dans le
Ici et Maintenant.
En abrégé, voila où j’en suis. Aucune expérience de transcendance
particulière à signaler, d’autant plus que je me suis toujours méfié
des « traditions à postures répétitives », la répétition m’apparaissant
comme un frein permanent au jaillissement spontané de la Vie.
Et maintenant, la question qui m’a amené à m’inscrire sur ce forum:
Est-ce que « vivre Ici et Maintenant », c’est l’état d’Eveil dont vous
parlez ?
Car vivre « Ici et Maintenant » est si simple, si naturel, que j’ai
l’impression, à la lecture de vos posts dont beaucoup sont complexes,
d’avoir manqué quelque chose ! |
|
|
Sa première et fondamentale prise de
conscience, ce fut lorsqu’il
entrevit que les souffrances qu’il vivait depuis toujours, ce n’était
pas lui (de sa propre et libre volonté) qui les avait choisies ou
provoquées, mais qu’elles venaient de ce qu’on avait fait de lui et que
lui n’y était pour rien (Sartre n’aurait pas plus mal écrit… ).
Alors, telle une cocotte-minute en surchauffe, il a explosé et n’a
plus eu de cesse que de démolir toute cette architecture que d’autres
avaient installé en lui. Le combat pour reconquérir sa liberté
intérieure fut douloureux. Toutes les armes disponibles (du couteau de
cuisine au canon de marine… ) furent utilisées. Détruire et
reconstruire fut son labeur pendant
près de 21 ans. Il savait qu’il était sur le bon chemin car chaque
reconstruction était plus vraie que l’ancienne.
Ses deux seuls Guides furent, au début, un livre de Arnaud
Desjardins (« Les Chemins de la Sagesse ») puis les traductions
françaises des causeries de Krishnamurti. Pendant des années, les
vérités contenues dans les livres de Krishnamurti pulvérisèrent
littéralement les bases de ses croyances et lui firent un nombre
incalculable de bleus à l’âme.
Et puis vint le temps du Mantra qui dura 2 ans.
Et soudain un matin, alors qu’il mettait le pied par terre, il prit
conscience que le monde avait changé : le mantra ne se récitait plus,
les pensées qui le tourmentaient depuis toujours avaient disparu et la
chambre « respirait ». Il était là, Ici et Maintenant.
Je n’occupe maintenant qu’un petit strapontin à l’entresol du
monde, mais je crois avoir atteint ce que la Vie me demandait depuis le
début : que mon « Je » s’efface afin qu’Elle puisse s’épanouir dans mon
corps. Maintenant, c’est Elle qui vit et je me plie en permanence à Sa
volonté.
La Vie me traverse de temps en temps de grandes ondes de bonheur
qui me font pleurer de Joie (c’est quelquefois embarrassant quand ça se
passe en plein milieu d’un repas au restaurant, mais j’assume…). Quant
à la Mort qui mange chaque jour à ma table, je la regarde dans
les yeux et lui rit au nez: je ne suis plus concerné car ma vie ne
m’appartient plus.
Si besoin de nomenclature ou statistiques, je crois qu’on peut me
ranger dans la catégorie des mystiques car je
n’ai qu’une seule et unique et puissante aspiration : La servir en
tout. Le reste n’existe pas.
|
|
|
Depuis de nombreuses années, je suis
préoccupé
par une question très importante (du moins à mes yeux) : par quel
chemin, dans quelles circonstances, une étincelle de lumière
jaillit-elle pour la
première fois dans le fatras des pensées d’un homme?
Car il faut bien que ce premier matin surgisse pour que les autres
existent.
Disons les choses autrement : je suis un être humain, complètement
dans ses pensées. Je ressens un besoin de liberté car mon vécu de
chaque jour est malheureux. Je lis des livres de saints, je rencontre
des hommes pieux, je réfléchis, j’ai le désir d’échapper à mon malheur.
Oui, et alors ? Qui, quand, comment, qu’est-ce qui va faire que la
première étincelle de lucidité surgisse et éclaire ma prison ?
Il est impressionnant de voir les innombrables dissertations et
variations sur l’ego, le mental, l'éveil, que l’on trouve dans les
forums dédiés au « spirituel » et de constater, dans le même temps, la
totale non-productivité de cette grande ronde des propos sans fin.
Et même si on dresse, en plein milieu de cette ronde, un écriteau
du style « pour connaître vraiment la joie de nager dans la piscine,
commenter ad libitum la mosaïque ou l’indice de réfraction de l’eau ne
sert à rien ; mieux serait sans doute de PLONGER dedans », ils
continuent imperturbablement leur discussion sur la température idéale
et la taille des plongeoirs...
Tous ces autres moi-mêmes, malgré leur désir d’être sans cesse
réaffirmé, ne sont pas en état
de voir.
Et quand je cherche un moyen pour déchirer cette taie congénitale
qui aveugle l’œil de la conscience, je vois qu’il échappe à l’action de
l’homme.
Il semble que ce soit la Vie, dans la distribution de son énergie
au-travers des formes, qui provoque, ou ne provoque pas,
cette première étincelle de lumière.
La volonté, le désir, le besoin, le malheur de l’homme n’y sont pour
rien.
Seule, la Vie décide Qui et Quand. |
|
|
Comprendre la nature du temps m’interpelle
depuis bien longtemps car la perception que j’en ai ne cesse de se
modifier au fur et à mesure du Chemin.
Le temps a-t-il une existence en-dehors de l’homme ? Car il ne
semble pas y avoir, caché entre deux galaxies, une grande horloge
cosmique qui égrènerait les secondes à l’usage de l’univers !
Il est facile de constater, dès que les pensées commencent à
s’effilocher, que le temps mis en scène par le mental naît dans et par
l’esprit de l’homme. L’esprit « crée du temps » quand il cherche à
donner du sens à ce qu’il perçoit, en voulant relier les événements
entre eux, en les articulant de causes en conséquences, en projetant la
réalisation de ses désirs. Le temps est la pensée, la pensée est le
temps ; c’est un binôme indissociable qui farde en permanence le réel.
Et ce temps là est totalement artificiel puisqu’il naît et disparaît
avec la pensée.
Mais dès que le mental se calme et que l’on vit « Ici et Maintenant
», l’être, dans sa perception du monde, échappe à la servitude du
temps. Dans quelle dimension vivons-nous alors ?
Et puis il y a un autre temps, un temps que l’on pourrait appeler «
chronologique », celui qui permet de faire partir les trains à l’heure.
Il ne naît pas de la pensée, mais d’un système de mesure que l’homme
s’est donné en contemplant l’univers. L’homme a toujours eu la
nécessité vitale de modéliser l’univers qu’il perçoit afin de se
l’approprier, afin de le comprendre pour échapper à la grande peur de
sa finitude. Et pour cela, il a eu besoin de référents pour quantifier
sa modélisation. L’observation de la marche des planètes, par exemple,
donne à l’homme un étalon cosmique de référence. Mais là aussi, c’est
une création artificielle, en ce sens qu’elle n’existe pas en-dehors de
ce pour quoi on l’a définie.
Que cette tentative (modéliser l’univers pour se l’approprier) soit
vaine et que vouloir connaître (« démonter ») l’œuvre de Dieu soit un
outrage qu’on Lui inflige n’est pas ici le propos (et pourtant, ce
sujet mériterait un forum à lui seul).
Ce que je désire comprendre, et je requière votre aide car je ne
vois pas plus loin pour l’instant, c’est la véritable nature du temps.
Vivre « Maintenant », sans pensée parasite, sans désir ni passion,
fait apparaître le monde dans sa Réalité, véritable dimension de la vie
des hommes, hors du temps ; et notre corps vit alors chaque instant
comme une éternité.
Mais alors, quelle relation y-a-t-il entre le temps « chronologique
» (car les planètes continuent à tourner…) et cette présence hors du
temps, cette autre dimension dans laquelle le corps existe ?
Sommes-nous bien dans le même plan, sommes-nous encore au même endroit
?
Je me suis récemment intéressé à la théorie des cordes, théorie qui
cherche à réunir sous une seule loi universelle les différentes forces
qui composent l’univers (forces qui sont totalement hétérogènes dans
leur manifestation). Pour arriver à cette Loi unique, il semble qu’il
faille admettre l’existence de nombreuses autres dimensions dans
l’univers (jusqu’à 13 pour certains modèles), les sens de l’homme ne
percevant que le volume et le… temps !
N’en serait-il pas de même pour la perception du temps ?
La recherche de la nature du Temps
est-elle un pont entre la perception humaine et l’œuvre de Dieu ?
Le temps que nous percevons, c’est la vaine tentative de l’homme
qui cherche à modéliser l’œuvre de Dieu pour se l’approprier. Mais le Temps
de Dieu semble exister dans une autre dimension. Chaque instant qui
fait tourner les planètes sait-il que l’instant suivant existera ? Que
les planètes continuent à tourner échappe à la compréhension de
l’homme. Seul le Temps
(l’énergie ?) de Dieu est à l’œuvre dans tout cela et vouloir prévoir
son devenir semble ne pas être à notre portée.
Une seule phrase pour résumer tout mon problème : Pourquoi sommes-nous si certains
que demain existera ?
|
|
|
Quand
je réfléchis sur l’ego, je ne disserte pas
sur un être désincarné et théorique qui serait objet observé. Non, je
réfléchis sur moi-même, seul objet de ma connaissance.
Que vois-je alors ?
Très fondamentalement (je saute les innombrables strates
intermédiaires pour arriver directement au fond), l’ego est
l’instrument que mon mental produit et entretient pour que mon corps
échappe à la Peur de la Mort. Tout le reste (besoin de paraître, de
connaître, besoin de puissance, etc…) est une conséquence du mouvement
vers ce besoin fondamental : échapper à la Mort et oublier la Peur de
sa présence.
Mon ego n’est donc pas
mon ennemi, car il fait tout ce qu’il peut pour m'éviter
cette Grande Peur ! Il a été programmé pour cela ! Mon ego n’agit jamais pour me nuire
; c’est exactement le contraire ; il agit toujours pour
mon bien. Que les moyens qu'il utilise soient inefficaces et qu’ils ne
produisent que de la douleur, c’est bien sûr vrai. Mais lutter
directement contre l'ego (donc faire acte de volonté) pour échapper à
la souffrance est totalement contre-productif et n'aboutit qu'à la
renforcer.
Alors, où est la porte ? Je propose ce qui m’a réussi : s’appuyer sur
la bonne foi de sa propre
démarche et trouver l’énergie nécessaire dans son propre refus de sa propre douleur pour
« se voir en face ».
Quand je dis « se voir en face », je vois que l’étincelle de
lucidité que j’ai à ce moment là (résultat de ma bonne foi et de mon
sincère désir d’échapper à ma condition) permet à mon ego de
s’apercevoir lui-même. Dans cette contemplation, mon ego voit le faux
de sa croyance. Il comprend, bribe par bribe, que son action ne produit
que de l'inefficacité et qu'il est à lui-même son propre obstacle.
Alors, chaque nuance de compréhension allège l’ego, brûle l’opinion, le
parti-pris, l’idée toute faite, sur le bûcher du Vrai.
Et, progressivement, l’obscurité cède la place à la Lumière. |
|
|
Nous sommes donc deux bizarres… Car il est
beaucoup plus fréquent de rencontrer sur la Voie des êtres qui suivent
des pratiques régulières et rigoureuses plutôt que… des artistes du
rien du tout.
Mais ce rien du tout doit tendre vers le rien, doit ouvrir l’être à
l’abandon, conduire l’égo vers un encéphalogramme plat à force de
contemplation de sa propre futilité, vers la nécessité vitale de
s’abandonner corps et âme dans Ses Bras.
Cette soif vitale, ce besoin impérieux, naît dans le refus de sa propre
souffrance et y puise l’énergie nécessaire.
Après 22 ans d’érosion et de travail sur l’encéphalogramme (
), si je me remémore le Chemin parcouru, je constate bien sûr qu’une
bonne pratique, guidée par un Maître efficace et compétent, aurait
certainement fait « gagner » quelques années.
Mais le choix de nos vies est-il nôtre ? On ne peut qu’accepter,
s’incliner et suivre le Chemin qu’Elle nous destine depuis toute
éternité. Car Elle seule sait où vont nos pas.
|
|
|
Mon premier contact avec le Réel a eu lieu
il y
a de nombreuses années, alors que je promenais mon chien pour sa
promenade du soir, vers minuit . Nous étions seuls, lui et moi, dans
cette petite ruelle jouxtant ma maison. Aucun bruit, nulle part.
Et là, brutalement, j’ai entendu pour la première fois le Son : le
halètement de mon chien, formidablement puissant, emplissant l’espace
de la ruelle comme un « mugissement doux », ses griffes qui tapotaient
comme des claquettes sur l’asphalte, le choc de mes talons sur le
trottoir qui résonnait comme un gong dans tout mon être… C’est
exactement comme si on avait retiré, en un instant, les gros bouchons
de cire obstruant mes oreilles depuis la naissance. J’entendais comme
jamais.
L’ego a très vite récupéré cette soudaine et brutale émergence. Il
m’a fallu ensuite de nombreuses années pour m’en débarrasser et Vivre,
enfin. |
|
|
Pendant de nombreuses années, les paroles
de
Jiddu Krishnamurti ont labouré et fait germer mon champ. J’ai accumulé
une immense gratitude envers cet homme que je n’ai jamais rencontré,
mais dont les messages sont si impressionnants de Vérité qu’ils font
suffoquer l’ego, littéralement.
Aujourd’hui encore, quand je lis au hasard une de ses paroles, je suis
immédiatement captivé par sa simplicité et sa puissance évocatrice.
Le message de JK me semble aussi universel que celui du Christ (une
fois débarrassé des scories des religions). Plus encore, il me semble
mieux adapté aux esprits « raisonneurs » de notre occident.
Dans toutes ses causeries (JK n’a jamais écrit personnellement le
moindre livre), il traverse avec simplicité la philosophie dualiste
pour systématiquement aboutir à la négation, la négation totale étant pour lui
l'affirmation de l’Etre.
En 1929 (année où il dissout abruptement et définitivement
l’organisation qui voyait en lui le « Grand Instructeur du Monde »), JK
déclare que la Vérité n’a pas de chemin et que l’être humain peut
comprendre ce qu’il est sans avoir besoin d’un maître particulier. Les
méthodes, les traditions, les systèmes, les techniques ne sont pas
nécessaires et ne servent qu’à justifier (sinon augmenter...) la
fragmentation de l’esprit.
Il s’agit simplement d’apprendre
et de pratiquer l’art de voir et d’écouter ce qui est,
sans chercher à comparer, étiqueter, imaginer, rationaliser ou
accumuler. Le texte de Namkhaï Norbu ICI est
voisin de JK quand il dit privilégier l’acte de voir à la
méditation.
L'essence de l'enseignement de Krishnamurti est contenu dans un texte
de 1980 :
La
Vérité est un pays sans chemin.
Aucune organisation, aucune foi, nul dogme, prêtre ou rituel, nulle
connaissance philosophique ou technique de psychologie ne peuvent y
conduire l'homme. Il lui faut la trouver dans le miroir de la relation,
par la compréhension du contenu de son propre esprit, par l'observation
et non par l'analyse intellectuelle ou la dissection introspective.
L'homme s'est construit des images religieuses, politiques ou
personnelles, lui procurant un sentiment de sécurité. Celles-ci se
manifestent en symboles, idées et croyances. Le fardeau qu'elles
constituent domine la pensée de l'homme, ses relations et sa vie
quotidienne. Ce sont là les causes de nos difficultés, car, dans chaque
relation, elles séparent l'homme de l'homme. Sa perception de la vie
est façonnée par les concepts préétablis dans son esprit. Le contenu de
sa conscience est cette conscience. Ce contenu est commun à toute
l'humanité. L'individualité est le nom, la forme et la culture
superficielle que l'homme acquiert au contact de son environnement. La
nature unique de l'individu ne réside pas dans cet aspect superficiel,
mais dans une liberté totale à l'égard du contenu de la conscience.
La liberté n'est pas une réaction; la liberté n'est pas le choix.
C'est la vanité de l'homme qui le pousse à se croire libre par le choix
dont il dispose. La liberté est pure observation, sans orientation,
sans crainte ni menace de punition, sans récompense. La liberté n'a pas
de motif; la liberté ne se trouve pas au terme de l'évolution de
l'homme mais réside dans le premier pas de son existence. C'est dans
l'observation que l'on commence à découvrir le manque de liberté. La
liberté se trouve dans une attention vigilante et sans choix au cours
de notre existence quotidienne.
La pensée est temps. La pensée est née de l'expérience, du savoir,
inséparables du temps. Le temps est l'ennemi psychologique de l'homme.
Notre action est basée sur le savoir et donc sur le temps, ainsi
l'homme se trouve toujours esclave du passé.
Quand l'homme percevra le mouvement de sa propre conscience il
verra la division entre le penseur et la pensée, l'observateur et
l'observé, l'expérimentateur et l'expérience. Il découvrira que cette
division est une illusion. Alors seulement apparaît la pure observation
qui est vision directe, sans aucune ombre provenant du passé. Cette
vision pénétrante, hors du temps, produit dans l'esprit un changement
profond et radical.
La négation totale est l'essence de l'affirmation. Quand il y a
négation de tout ce qui n'est pas amour - le désir, le plaisir - alors
l'amour est, avec sa compassion et son intelligence.»
(texte original en anglais ICI)
Et pour terminer, sa biographie, telle qu’il nous la propose dans le
droit fil de son enseignement :
«
Mon ami, ne te sens pas concerné
par qui je suis. Tu ne le sauras jamais. J’aimerais que tu n’acceptes
rien de ce que je dis. Je ne désire rien d’aucun de vous. Je ne désire
pas la popularité. Je ne désire pas vos flatteries, votre cour. Parce
que j'aime la vie, je ne désire rien. Ces questions ne sont pas d'une
très grande importance; ce qui a de l'importance, c'est le fait que
vous obéissiez et autorisiez votre jugement a être perverti par
l'autorité. Votre jugement, votre esprit, vos attachements, votre vie
sont pervertis par des chose qui n'ont aucune valeur et qui conduisent
au chagrin. » (texte original en anglais ICI)
|
|
|
J’ai vécu une période de trouble intense
lorsque
la découverte de ma laideur intérieure (je parle de l’ego) m’a explosé
en pleine face. Partir à la dérive, toutes amarres brisées, je
connais...
Pour traverser ces récifs périlleux, il faut... beaucoup d’amour !
C’est paradoxal, mais il faut alors l’aimer beaucoup, cet ego qui se
dévoile à lui-même, afin qu’il puisse mourir en paix ! Il faut qu’il se
voie pour qu’il puisse mourir, mais se voir est souffrance ! Dur, très
dur ! Et je n’ose imaginer ne pas l’avoir aimé. Car lui qui se croyait
le centre de l’univers est brutalement dégringolé de son trône ; et la
soudaine découverte de sa laideur a provoqué un tel traumatisme qu'il
aurait pu aller jusqu'au suicide sans l’Amour dont il a été entouré.
Il me semble que c’est le Soi, qui ne demandait qu’à jaillir, qui est
la source de tout cet Amour.
|
|
|
Dans tout ce que je lis, il est dit que
l’être
humain doit « avoir de la gratitude », « recevoir avec gratitude », «
ne pas être sans gratitude envers... », etc... Toutes ces formules
indiquent que la gratitude serait un sentiment purement humain,
expression du remerciement de l’homme en face de son créateur.
Dans un premier temps, quand on cherche cette gratitude en soi, on
constate donc qu’elle est le remerciement silencieux que notre être Lui
adresse pour la vie qu’Il nous a donnée, la beauté des paysages qu’Il
nous a fait découvrir et la profondeur des choses qu’Il nous a
révélées.
Mais qu’un problème surgisse dans nos petites vies, que la douleur
dépasse le plaisir, et cette gratitude là s’efface bien vite en
révélant au passage toute son humaine superficialité. Et les paroles de
Nietzsche me reviennent à chaque fois : « humain, trop humain... ».
Ce qui est par contre puissant au-delà de toute mesure, c’est le
torrent intérieur qui nous submerge parfois, flux intense qui nous
porte, nous transporte, nous traverse, nous secoue, nous vole à
nous-même et nous laisse pantelants, les yeux mouillés par les larmes
du bonheur...
Ces moments intenses de bonheur qui font vibrer chaque parcelle de
notre corps, c’est plutôt cela que j’appellerai « la gratitude ». Et
cette merveilleuse sensation d’exister n’apparaît plus alors comme un
remerciement de l’humain au Divin (ce serait dualité) mais comme
l’expression de la Joie qu’Elle déclenche dans le cœur de l’homme par
Sa présence.
|
|
|
Ce forum n’a aucune vocation pédagogique et
personne ici n’a de message spirituel à délivrer. Mais quand on lit un
post comme le vôtre, on a immédiatement envie d’aider. Non pas en
disant ce qu’il faut
faire
(cela n’est pas vraiment possible et je me dénie à l’avance de toute
capacité en ce sens), mais en présentant ses propres pancartes, celles
qui ont balisé le Chemin qu’on a suivi et qui nous ont permis d’avancer
vers Lui. Permettez moi donc de vous proposer mon propre fil
conducteur. Ce sera très sommaire, simplement pour vous donner le goût
de chercher par vous-même...
Nous sommes tous semblables, tous construits sur le même modèle,
tous issus de la même Vie, tous des feuilles du même arbre. Ce qui nous
différencie, ce sont nos pensées. Sans pensée, on vit dans le Présent.
Et le Présent est le
seul point de contact entre nous et le Mouvement de la Vie.
Mais comment supprimer les pensées ?
C’est à ce point que commence la Révolution intérieure : on ne peut
supprimer les pensées ni par la volonté, ni par le désir, ni par aucune
action qui trouve son origine dans... les pensées. Mais alors comment
s’extraire de ce cercle vicieux qui se dévore lui-même en permanence ?
Pour s’en extraire, il suffit de « voir
à l’œuvre » ce cercle vicieux. Simplement le « voir ».
Il faut passer, le plus simplement du monde, du « je pense que je
pense, et je ne sors pas de mes pensées » au « je les vois, ces
pensées, courir sans trêve, sans jamais s’arrêter, inutiles, petites,
mesquines et toujours, toujours, toujours répétitives, vieilles,
stériles ».
Ce « je vois »
est situé
dans un coin de notre esprit qui contemple tout le reste, un peu comme
un spectateur assis sur les gradins qui regarderait tous ceux qui se
battent dans l’arène, en bas. Dès qu’il a réussi à s’asseoir sur les
gradins, on découvre son existence autonome et le fait qu’il regarde
sans être affecté le moins du monde par tout ce qu’il voit. Au début,
je l’appelais « l’intelligence », puis je l’ai appelé la « lucidité »
puis, enfin, le « témoin silencieux » qui reste à ce jour mon terme
préféré (d’autres semblent l’appeler le Maître intérieur).
Quand vous en serez là, vous serez sur le Chemin, guidée par ce témoin
silencieux, et vous avancerez vers la Porte.
Par contre, il faudra vous baisser pour la voir, cette porte, car
elle est basse, très basse. Elle s’appelle « Abandon de tout ce en quoi
je croyais » et qui formait ma « personnalité » (mes anciennes pensées,
croyances, parti-pris, opinions diverses...).
Vous voyez, rien de bien compliqué. Il faut juste Accepter ce qui
nous arrive, Accepter d’abandonner ce qu’il y a de faux dans nos vies.
Et cela rend libre, libre, libre...
|
|
|
La plus belle production artificielle de la
pensée est le temps. Désolé, il n’y a pas, dans l’univers, de grand
horloger qui égrène les secondes. Divisons un instant de notre pensée
en autant de fois que possible, nous n’atteindrons jamais le moment
présent. Par le fruit de la pensée, nous n’obtiendrons que des valeurs
artificielles, conceptualisées à partir de référentiels qui sont
eux-mêmes concepts imaginés. Le temps n’existe donc pas. Et tant que la
pensée nous circonscrit dans son temps imaginaire, le présent est
inaccessible. Le présent, mystère impressionnant, n’est accessible que
par le corps qui le vit, une fois que la pensée s’est tue.
Il
faut souvent ‘ramer’ beaucoup pour que la
pensée s’efface (n’oublions pas les centaines de milliers d’années qui
ont produit notre mental d’aujourd’hui et qu’il faut quelque part un
peu retraverser...) mais cet état de non-pensée n’en est pas moins
l’état naturel du corps humain.
Un corps qui ne pense pas (sauf à assurer les nécessités du
quotidien) vit enfin dans le monde et participe au mouvement de la vie.
L’évidence de ce qui se passe, l’évidence de l’action à entreprendre,
tout est à sa place, tout est disponible. Dans le moment présent sont
inscrites en permanence les causes et les conséquences, liées
indissolublement dans l’évidence du mouvement de l’instant. L’évidence,
c’est la compréhension instantanée de tout ce qui est vu, causes et
conséquences incluses. Cela rappelle Saint Augustin « Si non rogas,
intelligo » ("Je comprends ce que c’est si tu ne me le demandes pas").
Dans le moment présent, la souffrance morale n'existe pas car la
cause n’existe pas. Les choses perdent leur nom et les formes
apparaissent. L’espace, le volume, les couleurs et les sons d’abord,
puis la densité des formes qui croît à l’aune de l’intensité du regard
qui contemple. La différence duelle disparaît, l’individualité
s’estompe. Surgissent les formes, originales, denses, extrêmement
présentes, vivantes enfin.
Cette multiplicité des formes est la manifestation de la glaise
unique qui compose le monde. Toute forme se perçoit comme une
manifestation de la Vie. CELA qui constitue le monde apparaît au
regard. Le monde devient UN.
La manifestation est multiple et le monde est UN. Rien de ce qui est
n’est pas. Rien n’est pas. Tout est.
Et quand la densité du regard atteint le point critique, quand la
vibration interne du corps rejoint la vibration du monde, le puissant
lien d’amour jaillit de toutes parts. Et le char ardent envahit la
forme, tirée par les chevaux de feu.
|
|
|
|
|