Regards sur l'éveil
Café philosophique, littéraire et
scientifique
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Posté du 6
août 2005 au 7 janvier 2007 par philart
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Chemin
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Plus j'essaie de me souvenir et, moins je
suis
en mesure de me convaincre qu'il y a ou qu'il y ait eu un chemin
possible à imaginer. Maintenant, j'en suis sûr ; il n'y en a pas. Ainsi
sans aucun chemin, il est impossible de se perdre. Il n'y a nulle part
où nous pourrions espérer aller, nulle part où il nous soit donné de
revenir. Cependant, devrais-je entendre :<< Il arrive que
l'on
quitte un lieu, qu'on le perde ou inversement qu'on le
gagne>>.
Eh bien ! non. On ne possède rien, en tant que conserver quelque chose,
nous sommes en constante modification. On ne peut que découvrir les
choses, jamais elle ne sont autres que le souvenir de ce qui est en
cours d'accomplissement. Le seul "chemin" que nous pourrions espérer
est là, où nous sommes, dans notre intériorité. Cependant il ne peut se
nommer ni "chemin", ni "destin", ni "ailleurs", ni "autre". Il est ce
"soi" que nous sommes, qui est un assemblage, une multiplicité en
mesure de communiquer avec d'autres. La seule possibilité qui nous
incombe est d'apercevoir ce que voyons, entendons, touchons, goûtons.
Ainsi, nous assimilons ces sensations sans même être en mesure de les
comprendre. Ainsi, nous pensons errer comme on se perd, écouter comme
on est attentif aux bruits de ce qui nous entoure. Nous sommes
prédateurs, chasseurs, cueilleurs en éveil, en une absurde attente
d'échapper à notre condition humaine par l'imaginaire. Il nous faut
devenir modeste pour nous libérer de nos propres entraves. L'orgueil
qui nos domine et qui nous interdit d'être nous-même, d'envisager le
vide comme la prouesse nécessaire à notre réalisation. Nous sommes en
devenir et l'effort de vivre est tel que nous nous épuisons jusqu'à en
mourir. C'est pour cela qu'il est dommage de supposer qu'on puisse
s'égarer et de ne pas reconnaître ce qui est le besoin d'un devenir en
soi : ce qui se découvre constamment auquel nous oublions de prêter
attention à notre solitude comme entité et non pas comme souffrance
d'exister. |
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Le Philosophe autodidacte (titre original :
Hayy
Ben Yaqzan, " Le Vivant fils de l’Éveil "), unique œuvre du philosophe
arabe Ibn Tufayl, connut dès sa publication un immense succès en Europe
et au-delà (comme en attestent les traductions en latin, espagnol,
néerlandais, anglais, persan…). Ce succès se poursuivit jusqu’au XVIIe
siècle : Spinoza lut Ibn Tufayl et s’en inspira en partie dans son
Éthique.
Ibn Tufayl (1100-1181, dit aussi Abu Bakr) fut le maître d’Averroès.
Ibn Tufayl mêle dans son œuvre la tradition mystique (Al-Ghazali,
Avicenne) et l’intérêt pour le rationalisme (Averroès). Il illustre
parfaitement la situation de l’Andalousie médiévale, véritable
carrefour entre l’Orient et Occident, mais aussi entre l’Antiquité et
la modernité.
J'aime
découvrir, au hasard des choses, suivant,
l'inspiration, les effets qui agrémentent une journée, la rende
radieuse. Un livre en est un élément capital. L'ouvrir aussi, au
hasard, quel plaisir ! S'imprégner de son épaisseur, de son feuilleté
comme si j'allais déguster un mille-feuilles. Alors, dès la première
page, sur laquelle s'inscrit la phrase annonciatrice, je sais presque
toujours discerner la qualité de l'ouvrage. Il y a, le tout de suite
qui introduit la première phrase, et la dernière jusqu'au mot ultime
qui n'est pas : "fin", mais celui de l'auteur qui conclut. Bien souvent
la force poétique. La boucle est bouclé et qu'en reste-t-il ? Justement
ce qui ne fait que commencer son devenir d'interprétation, de
subjectivité de recréation, de passation. Il n'y a pas de fin en soi,
mais la continuité de la sensation inscrite en nous ; bon pour
l'échange. C'est un petit livre qui tient, sans problème dans la poche
mais, chaque mot, chaque page tournée s'agrandissent à l'infini. J'y
retrouve de l'émerveillement dû à la naïveté du jeune âge prêt à tout
apprendre sans aucune retenue, à laquelle s'ajoute la lecture qui nous
enseigne et qui nous permet de nous extraire de notre magma mental, de
notre propre enfance. Ce livre, image d'un paradis, éduque, abstrait le
sens des choses bien que proche des sciences naturelles. Il nous
transporte vers toutes les félicités. Il est deux en un : d'une part à
cause de l'état sauvage d'Hayy, né sans parents, ou, issu de l'argile
et d'autre part, Hayy abandonné par sa mère et qui est livré au gré des
flots dans une caisse en bois qui devra être brisée comme un œuf, de
l'intérieur comme de l'extérieur, une fois échouée sur la deuxième île.
Il sera recueilli par une gazelle nourricière, attendrie par ses
pleurs, qui a perdu son faon. Cet ouvrage est encore duel parce que
nous sommes requis de la rencontre du philosophe autodidacte et du
mystique anachorète.
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