Regards sur l'éveil
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Posté
le: Ve 8 décembre 2006 par joaquim
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Le vase sacré
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Le plus vieux livre religieux connu, le Rig-Veda, ou Livre des Hymnes,
commence ainsi:
«Je chante Agni, le dieu prêtre et pontife, le magnifique héraut du
sacrifice.» (sect.1, lect.1, hym.1)
Rig-Véda,
traduction par A. Langlois, 1872.
Agni est le feu, le feu qui donne vie à tout ce qui sur terre se
nourrit de chaleur et de lumière, et aussi le feu que les prêtres
allument sur l’autel. Agni naît sur l’aranî, pièce de bois munie en son
centre d’une fossette, dans laquelle vient se loger une tige de bois
verticale, que les mains frottent dans un mouvement de rotation
alternatif, jusqu’à ce qu’une étincelle apparaisse. Dans les grandes
cérémonies, l’aranî était constituée d’une grande croix de bois posée à
plat sur le sol, et des hommes vigoureux actionnaient un pieu posé sur
la fossette centrale. Aussitôt que les flammes surgissaient, elles
étaient ointes de beurre sacré et de soma, une liqueur préparée à cet
effet, censée contenir en elle le feu répandu dans toute la création,
et qui produisait une lumière intense.
«Sage Agni, possesseur de tous les biens, celui qui allume tes feux, et
qui, élevant la coupe
sacrée, te présente trois fois par jour la libation, doit,
par l’effet de ta puissance, regorger de biens et triompher de ses
ennemis.
O Agni, celui qui prend la peine d’apporter un aliment pour ta
flamme, et qui honore ta splendeur en allumant tes feux vers le soir et
au lever de l’Aurore, obtient de florissantes richesses et des forces
victorieuses.
Agni est le roi de l’homme puissant et riche. Il est le maître de
l’abondance et de la fortune: flatté de l’offrande du mortel pieux, ce
dieu toujours jeune ne cesse de le combler de biens.
O Agni toujours jeune, si, hommes que nous sommes, nous avons pu
par ignorance commettre quelque faute, délivre-nous entièrement du
péché. Ne laisse en nous aucune prise au mal.
O Agni, en face des dieux et des mortels nous avons commis de
grandes fautes. Fais que nous n’en ressentions aucune peine, nous qui
sommes tes amis. Donne le bonheur à nos fils et nos petits-fils.»
(sect.3, lect.5, hym.8).
«Agni est l’enfant du
sacrifice;
il a la tête dans le ciel et le pied sur la terre. Il est sage, il est
roi; il est l’hôte des mortels, et les Dévas l’ont produit
pour déposer dans sa bouche l’holocauste.» (sect.4, lect.5, hym.6).
«Agni est le gardien des oeuvres sacrées; à peine né, il les surveille
du haut de son siège divin. (...) Admirable ami des hommes, il a
consolidé le ciel et la terre, et par sa lumière a fait disparaître les
ténèbres. Vêswânara a étendu dans l’espace comme deux vastes peaux qui
renferment tout; il contient en lui tous les germes de fécondité.»
(sect.4, lect.5, hym.7).
«Deux mondes successifs nous amènent tour à tour le jour noir et le
jour blanc. Agni surnommé Vêswânara naît, et, tel qu’un roi, par sa
lumière il repousse les ténèbres.
Je ne distingue pas encore le fil ni la toile que tissent ces
ouvriers rassemblés pour le sacrifice. Où est le fils qui pourrait d’en
haut nous indiquer les choses que lui apprend son père habitant
ici-bas?
Agni saura bien distinguer et le fil et la toile; il saura bien
dire les choses qui doivent être dites en temps convenable. IL connaît
tout, lui qui est le gardien de l’immortalité, qui séjourne ici-bas, et
qui voit d’en haut par l’oeil d’un autre lui-même.
Il est le premier des sacrificateurs. Voyez-le, ce flambeau
immortel au milieu des mortels. Ce dieu ferme, solide, impérissable; il
vient de naître, et déjà son corps grossit.
Sa lumière est fermement établie pour le bonheur de la vue; son
essence active existe dans tous les êtres animés. Tous les Dévas d’un
commun accord se rallient à ce dieu puissant.
Lorsque
je pense que cet être lumineux
est dans mon coeur, les oreilles me tintent, mon oeil se trouble, mon
âme s’égare en son incertitude. Que dois-je dire? Que
puis-je penser?
O Agni, quand tu restes caché dans l’obscurité, tous les dieux
t’honorent en tremblant. Que l’immortel Vêswânara vienne à notre
secours; oui, qu’il daigne venir à notre secours.» (sect.4, lect.5,
hym.8).
«Pontife fortuné, bienfaiteur généreux, dieu toujours présent par
nos rites pieux au milieu des mortels, porteur de nos holocaustes, ô Agni, avec l’offrande de la
cuiller sainte, reçue dans ta bouche, sacrifie ton propre corps.
(...)
Quand pour fêter Agni on arrache le gazon sacré, quand on lève la
cuiller remplie de ghrita, quand l’hymne accompagne l’holocauste, et
que le dieu vient siéger sur son trône de terre, alors le sacrifice
n’existe que par lui, comme l’oeil ne voit que par le soleil.»(sect.4,
lect.5, hym.9).
«En votre nom, le poète chante le dieu hôte de tous les hommes et
maître de tous les peuples. Agni s’éveille avec l’Aurore. Tantôt il arrive, brillant enfant
du Ciel; tantôt, fils de l’Aranî, il reste pour manger l’ambroisie du
sacrifice.» (sect.4, lect.5, hym.14).
«Ainsi, que le mortel honore par ses hommages le divin Agni; qu’il
le célèbre dans le sacrifice en lui présentant son offrande, et, les
mains élevées avec respect, qu’il vénère le pontife qui rend un juste
culte à ce qui est dans le ciel et sur la terre.» (sect.4, lect.5,
hym.15).
«(Les Dévas parlent.) O Agni, possesseur de tous les biens, nous
t’avons vu souvent entrer dans les Eaux, dans les Plantes. O dieu qui
brilles d’un éclat si varié, Yama a su que tes rayons apparaissaient en
dix séjours.
(Agni parle.) O Varouna,
je
viens; mais j’ai peur de l’holocauste. Les Dévas ne m’ont pas encore
ici attaché à leur char. Je suis entré dans bien des corps. Mais cette
manière est inconnue à Agni.
(Les Dévas parlent.) Viens; Manou [le père des hommes], serviteur des
dieux et du sacrifice, a fait tous les préparatifs. O Agni, tu restes
dans l’obscurité. Ouvre les voies que suivent les dieux, et avec un
esprit de clémence porte les holocaustes.
(Agni parle.) Les frères aînés d’Agni ont, tels qu’un conducteur
de char, passé par cette voie. O Varouna, j’ai donc cessé de craindre!
Ainsi tremble un cerf au bruit de la corde de l’arc.
(Les Dévas parlent.) O Agni, possesseur de tous les biens, nous te
donnons une vie immortelle; et une fois attelé à ce char, tu ne dois
pas périr. Ainsi, ô noble héros, porte avec bonté la portion de
l’holocauste destinée aux dieux.
(Agni parle.) Accomplissez donc tous les rites qui précèdent et
qui accompagnent le sacrifice. Donnez-moi la part de l’holocauste qui
constitue la force, et le beurre, et le vigoureux Soma né des Ondes et
des Plantes. Qu’Agni ait une longue vie.
(Les Dévas parlent.) Qu’ils soient accomplis, les rites que
précèdent et accompagnent le sacrifice. Qon te donne la part de
l’holocauste qui constitue la force. O Agni, ce sacrifice est
entièrement pour toi. Que les quatre régions du monde t’adorent.»
(sect.8, lect.1, hym.6).
«(Agni parle.) J’ai vu les projets de l’impie: je me rends dans le
foyer, et j’aspire à l’immortalité. Quand,
pour être tourmenté, je quitte mon repos bienheureux, quand j’entre au
sein de l’Aranî, c’est par amitié pour toi.» (sect.8,
lect.7, hym.5).
Le feu est présent dans la création par la chaleur et la lumière
que les plantes et l’eau s’incorporent; c’est lui la source de toute
vie. Les hommes se sont séparés de la nature, par le langage, par leur
domination de la nature, avant tout grâce au feu, et cherchent la
réconciliation avec le dieu qui donne la vie. Pour cela, ils lui
offrent les mets les plus précieux, ceux qui contiennent la
quintessence de la vie: le beurre sacré, qui repose dans la cuiller, et
le soma, liqueur sacrée, qui repose dans le vase. Agni craint de venir
parmi les hommes, il craint de naître sur le bûcher, par une voie qui
ne lui est pas naturelle, par la voie que les hommes ont conquise en
dominant le feu. L’homme engendre Agni: Agni est le fils de l’homme.
Agni naît parmi les hommes par le sacrifice de son propre corps, le
bois des Aranîs. Ailleurs, il est aussi appelé le fils du charpentier
(celui qui a construit l’aranî). Les hommes, en lui faisant offrande
des mets qui renferment au plus haut point le feu et la vie (le beurre
et le soma), se trouvent bénis par le sacrifice d’Agni, qui les éclaire
alors d’une lumière ardente. C’est, au sens le plus primitif, et aussi
le plus pur du terme, une religion.
Le vol du feu qu’accomplit Prométhée, la lumière qu’apporte
Lucifer, c’est la chute de l’homme hors du sein de la nature, c’est le
pouvoir que l’homme conquiert et qui fait de lui un individu, un être
séparé. Le sacrifice a pour but de reconduire cette lumière tombée dans
les ténèbres à la lumière originelle. On peut lire dans ce sens la Prière eucharistique
(IV) du sacrifice de la messe, tel qu’il se pratique
aujourd’hui dans l’Eglise catholique:
[Le prêtre dit, les mains étendues:]
Père très saint, nous proclamons que tu es grand et que tu as crée
toutes choses avec sagesse et par amour: tu as fait l'homme à ton
image, et tu lui as confié l'univers, afin qu'en te servant, toi son
Créateur, il règne sur la création.
Comme il avait perdu ton amitié en se détournant de toi, tu ne l'as
pas abandonné au pouvoir de la mort. Dans ta miséricorde, tu es venu en
aide à tous les hommes pour qu'ils te cherchent et puissent te trouver.
Tu as multiplié les alliances avec eux, et tu les as formés, par les
prophètes, dans l'espérance du salut. Tu as tellement aimé le monde,
Père très saint, que tu nous as envoyé ton propre Fils, lorsque les
temps furent accomplis, pour qu'il soit notre Sauveur.
Conçu de l'Esprit Saint, né de la Vierge Marie, il a vécu notre
condition d'homme en toute chose, excepté le péché, annonçant aux
pauvres la bonne nouvelle du salut; aux captifs, la délivrance; aux
affligés, la joie.
Pour accomplir le dessein de ton amour, il s'est livré lui-même à
la mort, et, par sa résurrection, il a détruit la mort et renouvelé la
vie. Afin que notre vie ne soit plus à nous-mêmes, mais à lui qui est
mort et ressuscité pour nous, il a envoyé d'auprès de toi, comme
premier don fait aux croyants, l'Esprit qui poursuit son œuvre dans le
monde et achève toute sanctification.
[Il rapproche les mains et, en les tenant étendues sur les offrandes,
il dit]
Que ce même Esprit Saint, nous t'en prions, Seigneur, sanctifie ces
offrandes: qu'elles deviennent ainsi [Il fait un signe de croix sur le
pain et le calice puis il joint les mains.] le corps X et le sang de
ton Fils dans la célébration de ce grand mystère, que lui-même nous a
laissé en signe de l'Alliance éternelle.
Voici comment résume Emile Burnouf, un éminent orientaliste, le sens du
sacrifice d’Agni:
«Le feu sur la terre est d’origine céleste, car les arbres et les
plantes sont produits et entretenus par la chaleur et la lumière qui
leur viennent du Soleil. Cet astre est le producteur éminent de tout ce
qui a vie ici-bas. Mais comme la lumière et la chaleur se manifestent
aussi dans les autres astres, le père universel d’Agni est le Ciel, Div.
Le symbole qui exprime la descente du Feu du Ciel sur la terre, c’est
l’épervier Cyêna. Un hymne cité plus haut explique qu’il se produit une
vapeur aqueuse; cette vapeur devient un nuage orageux qui, manifestant
le feu de la foudre, laisse tomber les gouttes fécondantes de la pluie.
Ces gouttes passent ensuite, et le feu de la vie avec elles, dans les
plantes qu’elles font croître, les animaux que les plantes nourissent,
dans le lait de ces animaux et enfin dans le beurre clarifié qu’on en
extrait. Le sacrifice supprime tous les intermédiaires; le prêtre
“allumeur” Samitri
trouve
Agni dans le bois des aranî où la chaleur solaire s’est accumulée et il
le force à se manifester. Puis cet Agni, Fils de l’homme et
Enfant-de-la-force, est nourri par les plus ignés des aliments, le
beurre clarifié et le sôma. Il y a donc ici deux séries de phénomènes,
la série naturelle qui est longue et demande un long temps pour
conduire le Feu depuis le Soleil jusqu’au lait de vache et au suc de la
plante, et une série artificielle comprenant peu de termes et vite
parcourue, commençant aux aranî et finissant au bûcher. Cette deuxième
série est l’abrégé et le symbole de la première; le sacrifice est une
image de la nature. Les termes de la série sacrée ont une double
signification; ainsi Agni a deux pères, le Ciel qui est l’origine de
toutes choses, et le Charpentier Twashtri,
qui a construit la machine sacerdotale des aranî. Le Vase est à la fois
l’ustensile qui contient le Sôma et le Ciel avec la Terre où circule la
puissance d’Agni. Sôma est le liquide alcoolique tiré de l’asclépias et
la puissance céleste qui circule dans tous les végétaux; elle se
manifeste éminemment dans la Lune, qui porte aussi le nom de Sôma,
comme Agni réside dans le Soleil et sur l’autel. (...)
Dans la grande théorie symbolique qui vient d’être résumée, le Vase
occupe une place éminente; car il contient le sang d’Agni pendant le
temps qui s’écoule entre sa mort et sa résurrection. Il ressuscitera au
lever du jour, quand le prêtre criera aux fidèles: “Levez-vous;
l’esprit de vie est venu vers vous; l’obscurité s’est enfuie; la
lumière arrive, elle ouvre la voie où va marcher le soleil; nous voici
venus où l’on prolonge la vie. Mère des dieux, face d’Aditi,
avant-courrière du sacrifice, grande Aurore, resplendis. Luis sur notre
cérémonie; fais-nous renaître dans une famille pourvue de tout. La
brillante, l’heureuse opulence que les Aurores apportent à celui qui
les adore et les loue, qu’ainsi nous la donne Mitra, Varouna, Aditi,
l’Eau, la Terre et le Ciel.” RV.I,113,16»
Emile Burnouf,
Le Vase sacré et ce qu’il contient, dans l’Inde, la Perse, la Grèce et
dans l’Eglise chrétienne, Ed. Sébastiani.
Dans cet éclairage, on lira avec intérêt la liturgie de la veillée de
Pâques:
«O nuit du vrai bonheur, nuit où le ciel s’unit à la terre, où l’homme
rencontre Dieu.
Dans la grâce de cette nuit, accueille, Père saint, en sacrifice du
soir, la flamme montant de cette colonne de cire [le "beurre"
des abeilles]
que l’Eglise t’offre par nos mains. Permets que ce cierge pascal,
consacré à ton nom, brûle sans déclin dans cette nuit. Qu’il soit
agréable à tes yeux, et joigne sa clarté à celle des étoiles.
Qu’il brûle encore quand s’élèvera l’astre du matin, celui qui ne
connaît pas de couchant, le Christ, ton Fils ressuscité, revenu des
enfers, répandant sur les humains sa lumière et sa paix, lui qui règne
avec toi et le Saint-Esprit, maintenant et pour les siècles des
siècles. Amen.»
Missel des
dimanches, Célébration de la veillée pascale.
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Pour moi, lorsque j’ai lu pour la première
fois
le livre d’Emile Burnouf sur le Vase sacré, j’en suis tombé assis.
C’est comme si un mur s’effondrait. Une religion qui s’auto-proclamait
comme la Vérité (j’en ai été copieusement abreuvé durant toute mon
enfance), qui revendiquait son caractère originaire et singulier, ne se
reconnaissant une filiation qu'à travers l’Ancien Testament, mettait en
scène, dans sa liturgie sacrée, les mêmes thèmes que les habitants du
nord de l’Inde, presque 2000 ans avant elle.
Comme le relève Nout, l’expérience est originelle pour chacun qui
accède à la Source, et chaque témoin de cette Source qui fonde un
enseignement à partir de son cheminement éclairera toujours, même si
c’est avec un regard singulier, une facette du Même. Mais ce que nous
montre la comparaison entre le culte chrétien et le culte védantiste
(et cela est aussi valable pour la Perse et dans une moindre mesure
pour la Grèce), ce n’est pas avant tout une question d'enseignement,
mais plutôt des rites communs, une tradition, un regard que les peuples
portent sur le monde, et sur lequel viennent se greffer les différents
enseignements. Le contenu de l’enseignement de Jésus est relaté dans
les Evangiles par ses apôtres. Ce contenu pourrait être comparé au
contenu de l’enseignement du Bouddha, et on pourrait certes y découvrir
de multiples similitudes. Mais ce n’est pas le contenu de
l’enseignement qui m’interpelle ici, c’est le mythe chrétien.
On pourrait le résumer ainsi: l’humanité était dans l’obscurité, Dieu
lui a envoyé son Fils, pour le reconduire vers la lumière. Ce Fils est
né au plus profond de la nuit, à Noël, d’une vierge (comme Bouddha,
d’ailleurs), et a été déposé sur la paille, dans une étable (ou une
grotte). Son père terrestre est charpentier, le même qui, dans la
tradition védique, construit les bois de l’aranî sur laquelle on fait
naître Agni. Il est fils de Dieu et fils de l’Homme. Voici le premier
cycle mythique.
Le second cycle s’ouvre avec la retraite dans le désert, la Tentation,
qui est, à une octave supérieure, la descente dans l’obscurité
accomplie déjà par la naissance. Cette descente touche son nadir durant
la semaine sainte. Avant d’être livré, Jésus, lumière du monde,
s’exclame: «Abba, Père,
à toi tout est possible, écarte de moi cette coupe!» (Mc
14, 33-36). Ce qui répond parfaitement aux mots que le poète védique
met dans la bouche d’Agni: «(Agni
parle.) O Varouna, je viens; mais j’ai peur de l’holocauste. Les Dévas
ne m’ont pas encore ici attaché à leur char. Je suis entré dans bien
des corps. Mais cette manière est inconnue à Agni.» Agni,
lumière du monde, est entré dans bien des corps (l’eau, les plantes,
etc...), mais cette manière de naître dans l’obscurité sur le bois mort
de l’aranî lui est inconnue. Pourtant, Jésus le fait par amour des
hommes et pour leur salut, comme Agni, lorsqu’il dit: «Quand, pour être tourmenté, je
quitte mon repos bienheureux, quand j’entre au sein de l’Aranî, c’est
par amitié pour toi».
La référence de l’évangile à la coupe n’est d’ailleurs pas sans évoquer
celle remplie de sôma que le prêtre va verser bientôt sur l’autel du
sacrifice. Le corps de Jésus que les hommes ont tué sur la croix est
comme le bois lui-même de cette croix, corps sans vie d’Agni, arraché
par les hommes à la vie de la terre et érigé en forme d’autel
sacrificiel, pour implorer une nouvelle vie. Le cadavre de Jésus
disparaît du tombeau, et devient corps glorieux, corps de lumière, de
même que le corps d’Agni se consume et devient lumière qui éclaire les
hommes.
Ce qui m’émeut, c’est cette même ferveur qui réunit depuis la nuit
des temps les hommes autour d’un sacrifice qui retrace leur propre
descente dans l’obscurité et leur réconciliation par le sacrifice du
Dieu qu’ils ont, par leur péché (involontaire), mis à mort.
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