Regards sur l'éveil
Café philosophique, littéraire et
scientifique
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Posté
le 27 octobre 2005 par joaquim
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Vérité essentielle
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J’ai ouvert
“Post-scriptum aux Miettes philosophiques”, de Sören Kierkegaard, et suis tombé sur ces
passages:
«La vérité éternelle essentielle n’est pas du tout en elle-même
paradoxale, mais elle n’est telle que dans son rapport avec un sujet
existant.
Expliquer le paradoxe signifierait alors saisir toujours plus
profondément ce qu’est un paradoxe et que le paradoxe est le paradoxe.
Ainsi Dieu est une représentation suprême qu’on ne peut expliquer par
quelque chose d’autre, mais seulement par le fait qu’on s’approfondit
soi-même dans cette représentation.
Objectivement, on accentue ce
qui est dit; subjectivement, comment
c’est dit. Cette distinction vaut déjà en esthétique, où elle dit que
ce qui est vérité peut, dans la bouche de celui-ci ou de celui-là,
devenir mensonge. Objectivement, on ne s’informe que des déterminations
de la pensée: subjectivement, que de son intériorité. A son somment, ce
“comment” est la passion de l’infini, et la passion de l’infini est la
vérité elle-même.
Une telle définition de la vérité est la suivante: l’incertitude objective
appropriée fermement par l’intériorité la plus passionnée, voilà la
vérité, la plus haute vérité qu’il y ait pour un sujet existant. Là où le
chemin bifurque (où, on ne peut le dire objectivement, car c’est
justement la subjectivité) le
savoir objectif est suspendu.
Objectivement on n’a donc que de l’incertitude, mais c’est justement
par là que se tend la passion infinie de l’intériorité, et la vérité
consiste précisément dans ce coup
d’audace qui choisit l’incertitude objective avec la
passion de l’infini.»
Ce que décrit Kierkegaard, n’est-ce pas philosopher et
vraiment vivre, porter la tension jusqu’au point où on abandonne toute
philosophie, où on prend le risque de sauter dans le vide, de transgresser
l’ordre rassurant, n'étant plus porté que par la foi en l’infini (il
ajoute plus loin: “Mais la définition ainsi donnée de la vérité est une
transcription de celle de la foi. Sans risque, pas de foi.”)?
Pour ma part, je le comprend ainsi: la
connaissance qui s'applique à un objet extérieur ne pourra jamais
concerner que cet objet, et en aucun cas le sujet. Elle restera donc
toujours une vérité partielle, inscrite dans la dualité sujet-objet.
Pour qu'elle devienne vérité la plus haute, "vérité éternelle
essentielle", comme l'appelle Kierkegaard, il faut que l'esprit
connaissant demeure dans l'incertitude quant à l'objet de sa
connaissance (qui en l'occurence ne peut être que Dieu), qu'il accepte
donc de ne pas le saisir, mais qu'il s'approprie avec toute l'énergie
possible de sa passion l'incertitude même qu'il ressent face à Lui.
Lorsque le sujet demeure ainsi dans un état d’incertitude tout en
saisissant sa propre incertitude avec toute l’énergie possible, il se
trouve intensément présent, dans un état de pure présence qui lui
confère une consistance qui est celle même de l’objet. Dans la dualité
sujet-objet, l'objet est consistant, et le sujet inconsistant, raison
pour laquelle le sujet a toujours besoin de s'appuyer sur
l'objet. En effet, les seules choses consistantes dans ma conscience de
sujet, ce sont les objets du monde, ma conscience elle-même demeurant
résolument inconsistante. Mais si elle parvient à rester intensément
présente face à l’objet sans rien vouloir d’autre qu’approfondir cette
présence, elle acquiert alors la consistance propre à l'objet, elle se
fond en lui, et se trouve ainsi propulsée hors de la dualité
sujet-objet, dans la vérité éternelle essentielle.
Accepter de ne pas saisir la vérité,
accepter de demeurer dans le brouillard, dans l’incertitude; mais le
faire non pas passivement, mais avec toute la passion dont on est
capable. Alors on devient intensément présent, tout en s'oubliant à la
fois. C'est cela, l'éveil.
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