Regards sur l'éveil
Café philosophique, littéraire et
scientifique
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Posté
par joaquim
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Réponse au message
de feuille |
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Merci, feuille, pour cet intéressant
article.
C’est vrai, c’est assez troublant que Winnicott prétende que la santé
mentale dépendrait du fait d’avoir suffisamment confiance en sa
représentation du monde (= la création hallucinée) de manière à ce
qu’on parvienne à adhérer à l’illusion (!) qu’elle nous restitue
fidèlement la réalité. Et pourtant c’est bien vrai. Il faut que la mère
— ou une personne significative pour l’enfant — ait pu lui procurer ce
sentiment essentiel: “J’existe pour elle.” Un sentiment qui lui
permettra de lancer un pont par-dessus sa solitude, vers l’autre. Car
nous sommes tous, radicalement, solitude, et au fond, vide.
Si le pont est solide, l’enfant pourra devenir un adulte parfaitement
“halluciné”, autrement dit un adulte normal, protégé contre son propre
vide intérieur et sa propre solitude.
Si ce pont est intermittent ou conditionnel, l’enfant deviendra un
adulte qui sera toujours inquiet quant à la solidité de son lien avec
autrui. C'est par exemple le cas d'un enfant qui ne se sentirait
exister que lorsqu'il répond aux attentes de ses parents. Il aura du
mal à être simplement lui-même face à autrui, alternant entre le désir
de répondre aux attentes supposées de l’autre (au détriment de la
fidélité à ce qu'il est), et la tentation de rejeter l’autre comme si
ce rejet était une condition de sa liberté. Il ne sera jamais
parfaitement protégé contre sa propre solitude, mais sera toujours à la
merci d’un sentiment de vide, face auquel il réagira en multipliant les
activités et les contacts superficiels afin d’échapper à ce sentiment,
ou en recourant à des produits pour combler ce vide, ou alors en se
mettant en recherche d’une solution à sa souffrance.
Si le pont n’existe pas, c’est-à-dire dans le cas où la (ou les)
personnes significatives pour l’enfant ne lui auront jamais permis de
se sentir exister en tant que lui-même, ne l’auront jamais regardé
comme quelqu’un d’autre, comme une personne, mais comme un simple
prolongement d’eux-mêmes, comme un objet — objet narcissique valorisé
dans le cas de l’enfant chargé de combler sa mère, ou objet de rejet
dans le cas de l’enfant utilisé par la mère pour y projeter sa part
d'ombre. Dans ce cas, l’enfant ne parvient même pas à éprouver sa
propre solitude, son intimité lui est volée, il n’est pas le centre
d’un monde construit autour d’une solitude, il n’est le centre de rien,
il flotte dans un monde qui n’est pas le sien, avec un sentiment, en
cas de crise, d’étrangeté, de dépersonnalisation, ou, pire encore, de
morcellement du moi.
On a donné le nom de névrose au premier des cas de figure, d’état
limite, ou borderline au second, et de psychose au troisième. Bien sûr,
tout cela est très schématique, la réalité est beaucoup plus
mouvante... Mais chacun aura compris que la plupart des chercheurs
spirituels se recrutent dans le second groupe. |
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