Regards sur l'éveil
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Posté le 21
août 2004 par joaquim
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Philosophie shivaïte du Cachemire
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Michel Faviez a écrit un livre intitule
"L'Orient et Lacan", sous-titré "Dieu de l'Inconscient", où il se livre
à une traque extrêmement serrée de l'éveil et de sa mise en mots, en
utilisant les réflexions de Lacan autour du miroir (le fameux stade du
miroir) et les enseignements de la philosophie sivaïte du Cachemire. Il
parvient à un nombre considérable de réflexions extrêmement denses, qui
font de son ouvrage une mine inépuisable de perles, mais qui
garantissent aussi au lecteur l'indigestion s'il s'aventure à en lire
plus de deux pages à la fois. Je recopie ci-après une de ces réflexions
si denses que tout y est dit, et qu'on peut presque refermer le livre
après l'avoir lue... à moins d'avoir un estomac à toute épreuve.
Malgré
tout, la place donnée au vide
en tant qu’expérience vécue de sa propre inexistence est essentielle
dans la cadre de la philosophie sivaïte.
Le vide correspond ici à l’inexistence de toute perception,
c’est-à-dire l’expérience vécue par la conscience elle-même de ne plus
avoir d’objet à connaître – ni le soi, ni le non-soi.
(...)
Par cette voie, le Sivaïsme du Cachemire tente de décrire juste cet
instant où «le sujet n’est absolument rien», en y ajoutant, et c’est
essentiel: absolument rien de connaissable de la façon dont on connaît
un objet.
Au
moment même où «le sujet n’est
absolument rien», et qu’il se confond avec le vide alors appréhendé par
ses sens, il existe selon cette philosophie un moyen de faire
l’expérience de la prise de conscience de soi réfléchie et immédiate.
Le paradoxe qui est développé est que, au moment même où le sujet ne se
reconnaît plus, il peut conclure qu’«il est» le vide, et que c’est
justement cette expérience qui est à reconnaître.
Car, si elle est reconnue, c’est forcément par «quelqu’un»: ce
«quelqu’un» serait alors le soi véritable, c’est-à-dire la conscience
elle-même.
Ainsi, pour L. Silburn:
“Mais si l’on réussit à rester conscient de soi au moment de
sombrer dans le vide et à savoir que l’on y pénètre, on jouit de
l’illumination du Soi [...]”
Michel Faviez, L’Orient et Lacan, Dieu et l’Inconscient, Editions
Accarias L’Originel, 2002, pp.72-73
Pour tenter de s’approcher de la réalité décrite ici, je vous propose
de regarder tout d’abord cette petite B.D. de Mafalda (réf. Quino,
Mafalda, vol. 3, “Mafalda revient”, p. 29).
Il y a dans ces 4 cases la description de deux niveaux logiques
distincts: 1) celui du contenu de la conscience de Mafalda, préoccupée
de savoir si la télé dessécherait l’imagination des enfants, et 2)
celui des faits et gestes de cette conscience, qui se laisse emporter
de telle manière par son imagination qu’il ne subsiste aucun doute sur
l’intégrité de sa capacité imaginative. Mafalda actualise dans l’usage
qu’elle fait de son esprit la réponse à la question qui trouble cet
esprit, mais il lui manque le recul pour s’en rendre compte: elle est
obnubilée par le contenu de sa conscience, et ne voit pas l’acte
d’imagination qu’elle actualise. C’est une situation analogue à
celle-ci dans laquelle se trouve la conscience “non éveillée”, dans la
mesure où elle aussi actualise à chaque instant, non pas sa capacité
imaginative, comme dans le cas de Mafalda, mais plus fondamentalement
sa nature d’être, sa séité, et ne voit pas non plus cet acte d’être
qu’elle accomplit, tout occupée qu’elle est à examiner et interroger
les contenus qui l’habitent. Vu sous cet angle, l’éveil serait
simplement la déprise par la conscience des contenus qui l’habitent,
pour ne plus laisser subsister que son pur acte d’être.
"Et
alors, passer de la conscience d’être soi à la conscience d’être."
op. cit., p. 205 |
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