Regards sur l'éveil
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 6058 Localisation: Suisse
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Posté le: Je 03 Juin 2010 22:22 Sujet du message: Éveil et état naturel (bis) |
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Bonjour à tous,
Je poste ce message, que j'ai écrit à Claudette, et qu'elle a posté (avec mon accord) sur son blog (ici), parce que je l'avais transmis aussi à Joël, et que la réponse qu'il y apportait conduisait à une discussion qui différait de celle que j'ai eu avec Claudette. J'espère que Joël voudra bien poster ci-après la réponse qu'il m'avait faite. Voici le message en question :
Le statut du "moi" est diversement appréhendé par ceux qui parlent pourtant de la même réalité ultime : l'éveil. J'ai lu hier ces mots de Thomas Merton sur le blog de José Le Roy :
"Rappelons-nous, cependant, qu'une autre conscience —-métaphysique — est encore accessible à l'homme moderne. Elle ne procède pas du sujet pensant et conscient de soi, mais de l'Être, vu ontologiquement comme au-delà de la division sujet-objet et antérieure à elle. Sous-jacente à l'expérience subjective du moi individuel, il y a une expérience immédiate de l'Être. Celle-ci est totalement différente d'une expérience de conscience de soi. Elle est complètement inobjective. Il n'y a rien en elle de cette division et de cette aliénation qui se produisent quand le sujet prend conscience de soi comme d'un quasi-objet. La conscience de l'Être (qu'elle soit considérée positivement ou négativement, en apophase, comme dans le bouddhisme) est une expérience immédiate qui dépasse la conscience réfléchie. Ce n'est pas la « conscience de », mais la conscience pure, dans laquelle le sujet en tant que tel « disparaît »."
J'ai mis en gras : "qu'elle soit considérée positivement ou négativement", parce que c'est là le problème. S'agit-il de détruire un obstacle, le moi en l'occurence, de sorte que que plus rien d'autre ne soit que la conscience universelle (voie négative ou apophatique), ou s'agit-il d'amener le moi à son point d'incandescence pour qu'il s'éveille à ce qu'il est vraiment, c'est-à-dire la conscience universelle (voie positive ou du Soi) ?
Si on part du principe que l'éveil dont on parle est la réalité ultime, alors on peut considérer que les deux voies décrivent la même chose de deux points de vue différents. A mon avis, la voie négative porte un regard englobant sur l'ensemble de la réalité, et à partir de ce regard la décrit. Lorsqu'il est traduit en mots, il prend la forme d'un regard en troisième personne. C'est-à-dire un regard extérieur, neutre, impersonnel. Bien sûr, ce n'est pas tout-à-fait juste de dire qu'il serait en troisième personne, parce que ce qu'il décrit, c'est l'intégralité de la réalité, et que donc en dehors d'elle, il n'y a rien, aucun regard extérieur qui puisse la décrire. Mais dans la mesure où malgré tout il est bien obligé de mettre son regard en mots, cette mise en mots le fait apparaître comme un regard en troisième personne. La voie positive, elle, est plus fidèle à mon avis à ce qu'elle prétend décrire, parce que d'emblée, elle se présente comme un regard en première personne. Il n'y a rien d'autre que le sujet, tout ce qu'il imagine d'autre que lui, c'est quelque chose de construit par lui, de sorte que lorsqu'il s'interroge sur sa propre nature, il tombe sur la réalité ultime, parce que c'est elle sa propre nature. C'est l'investigation par exemple que propose le Maharshi, et qui conduit à la réalisation du Soi.
Voilà pour l'aspect théorique. Mais il y a aussi un aspect pratique, et celui-là pose à mon avis des problèmes bien plus complexes. A commencer par cette question : ceux qui parlent de la disparition du moi, et ceux qui parlent de l'éveil du moi, parlent-ils réellement de la même chose ? Dans la discussion théorique ci-dessus, je suis parti du principe qu'ils parlaient de la même chose, c'est-à-dire de la réalité ultime. Mais est-ce bien le cas ? Lorsque j'ai ouvert le premier forum, j'étais sûr qu'il n'y avait qu'un éveil, que nécessairement, nous parlions tous de la même chose, fondamentalement. Je n'en suis plus si sûr aujourd'hui.
Il y a certaines personnes qui prétendent que le "moi" aurait été totalement éradiqué... j'allais dire "en eux", et cela montre bien toute l'ambiguité du problème. Parce que s'il n'y a plus de "moi", il n'y a plus que la Conscience ultime, ou Dieu. Ce qui subsiste de "personnel" et qui fait que ces personnes ne sont pas totalement identiques à des pierres ou à des plantes, c'est ce qu'elles appellent elles-mêmes "l'organisme corps-esprit". Celui-ci est doté de qualités physiques, biologiques, psychologiques et mentales, mais il n'est qu'une simple enveloppe, sans dimension spirituelle propre, au sens qu'il n'a rien à voir avec la Conscience ultime. C'est le courant de la néo-advaita, en particulier Ramesh Balsekar, et peut-être aussi Poonja (je ne connais pas assez bien), de Tony Parsons, et je crois, mais je n'en suis pas sûr, du zen et du dzogchen. Pour tous ces courants, le moi est un obstacle, une illusion en fait, et lorsqu'il a été supprimé, l'état naturel est là.
D'autres considèrent que ce que je crois être moi-même n'est que l'ombre dévitalisée de ce que je suis vraiment. Pour eux, l'éveil c'est advenir à ma véritable nature, qui est la Conscience ultime, ou Dieu. Pour eux, la créature n'est pas une simple enveloppe (un organisme corps-esprit) dont on se débarrasserait, elle est appelée à devenir le Fils de Dieu, et c'est lorsqu'elle le devient qu'elle est Un en Dieu. Il y a unité entre le Fils et le Père, entre moi et Dieu, mais il n'y a pas identité. Cela veut dire que je ne suis pas Dieu, mais que je suis Un en Dieu lorsque j'accède à ma nature véritable. Ou dit en d'autre mots, cette unité entre moi et Dieu, ce n'est pas un état (cela, ce serait l'identité), mais un geste, que je dois continuellement réaccomplir, parce que jamais, tant que je suis en vie, je ne peux me départir de mon statut de créature. La créature ne disparaît pas une fois pour toute (ou alors elle meurt), mais elle s'efface à chaque instant devant son créateur. Ou elle se laisse recréer à chaque instant par son créateur.
Désolé, je tourne un peu autour du pot, et peine à aborder le côté vraiment pratique. Personnel. Parce que j'ai peur d'émettre des jugements de valeur. Mais bon, je vais quand même te dire mon point de vue. Pas théorique, mais comme je le vis. Pour moi, il y a deux niveaux de conscience différents qui donnent accès à la réalité non-duelle. L'un est une conscience impersonnelle, qui survient lorsqu'on s'est dépouillé de tout ce à quoi on s'identifiait, et que j'aimerais appeler l'état naturel. Dans cet état, il n'y a plus adhérence aux pensées et aux émotions, mais elles passent simplement à travers la conscience, comme des nuages dans le ciel. dans cet état-là, on est le ciel, serein, et à ce titre, on se sent résorbé dans l'unité. Dans la vacuité. Mais on ne sait pas "qui" on est. On n'a pas encore répondu à la question du Maharshi. On dira : je suis l'espace dans lequel cela se passe. Mais ce n'est pas cela, la réponse. La réponse, c'est que je, oui ce petit moi misérable, suis Dieu. Lorsqu'on a connu cela, c'est tellement renversant, tellement évident, qu'on peine à concevoir qu'il soit possible de parler de cette évidence en termes d'impersonnalité. Bien sûr, le petit moi qui s'accroche, il faut qu'il lâche prise, parce que c'est le geste de s'accrocher qui le referme sur lui-même et le coupe de Dieu. Mais c'est lui, exactement lui, lorsqu'il lâche prise, qui découvre que le centre de ce qu'il est, ce qui en lui dit "je", c'est Dieu. Et là, je me dis avec le temps que quelqu'un qui a connu cela, même s'il peut à bon droit insister sur le dépouillement qu'il s'agit d'opérer, sur la déprise de l'image à laquelle on adhère sans même s'en rendre compte, ne peut pas non plus méconnaître le caractère éminemment personnel de l'éveil. L'éveil nous révèle que ce qu'on est, est la Personne. Et c'est là que j'en viens au jugement de valeur. Parce que dans mon expérience, l'éveil se situe au-dessus de l'état naturel. Bien sûr, je ne saurais prétendre que ce que moi j'appelle "état naturel", c'est ce que les tenants de l'éveil impersonnel appellent "éveil". Comment pourrais-je juger le vécu d'autrui pour le comparer au mien? Je ne prétends pas dire la vérité, mais c'est simplement ce que je pense, actuellement. La mise hors-course du moi donne accès à un état d'unité sereine, qui n'est pas à proprement parler le bonheur, mais la paix. C'est un état qui ressemble aux états hypnotiques que l'on peut connaître lorsqu'on est par exemple entièrement absorbé dans une musique au point qu'on devient elle, qu'on épouse chacune de ses formes. C'est découvrir Ce qui Est, parce qu'il n'y a plus l'obstacle du mental pour créer une séparation d'avec le Tout. Mais l'éveil, c'est plus que cela. C'est une commotion. C'est découvrir que Je est un Autre. Et c'est un bonheur sans nom. Pour ma part, je suis aujourd'hui la plupart du temps dans l'état naturel, et plutôt rarement dans l'éveil. Perdre l'état naturel, c'est l'horreur, c'est insupportable, c'est comme se retrouver en prison. Alors que perdre l'éveil, je veux dire l'intensité abyssale de l'éveil, c'est simplement somnoler. |
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riseohms
Inscrit le: 30 Nov 2009 Messages: 4335 Localisation: paris
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Posté le: Ve 04 Juin 2010 14:08 Sujet du message: Re: Éveil et état naturel (bis) |
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Bonjour Joachim
, je me sens plutôt proche de l’éveil tel que tu l’exprimes ici
Pour moi le texte de thomas Merton n’est pas l’expérience de l’être en tant qu’être ce qui serait pour moi l’éveil mais l’expérience du monde à partir de l’être (et non plus du mental cad de l’ombre de l’être, son double)
C’est ce que j’appelle l’état naturel qui est sans identité, on se laisse porter par l’être, on n’est plus bloqué dans la conscience réflexive ou ego
L’état naturel est effectivement une libération par rapport à l’état soucieux de l’ego, il procède d’un lâcher prise, c’est un état passif, de réceptivité et en même temps actif qui permet de ne pas se laisser entrainer par les pensées mais de les laisser glisser, c’est que tu décrivais comme l’état qui a précédé ton éveil
L’état naturel permet une joie de vivre, un bien -être, une vie spontanée et immédiate où on se situe avant les pensées et identifications, c’est un état de silence, d’immobilité, effectivement sans ‘’ je ‘’, on est totalement réceptif et ouvert au monde.
On éprouve ce qui nous arrive mais on ne s’éprouve pas, on est présent et conscient des choses extérieures et intérieures sans s’y identifier mais on n’est pas conscient de la conscience, on est présent à notre vécu mais cette présence et conscience ne s’apparait pas à elle-même
Et l’éveil, c’est justement cette apparition de soi, l’éveil est donc une connaissance et relève de la pensée, du je pense, pensée dans le sens large : intellect, perception, émotion, intuition
L’éveil c’est une forme minimale de réflexivité où la conscience s’apparait à elle-même sans non plus être un objet pour elle-même
Je crois que l’état naturel est cette conscience pré -réflexive dont parlait Sartre, il y a bien une présence où on colle aux choses sans non plus s’y attacher, il y a une fluidité des pensées et des émotions et des vécus, il n’y a pas de position de témoin dans l’état naturel, pas d’observateur ni d’observé, pas de distance mais pas non plus de blocage, de soucis, il y a bien identification aux vécus mais dans la liberté
C’est vraiment l’état du fils resté dans la maison du père ou comme tu dis, on vit dans la main de dieu, d’une certaine façon, c’est un état non duel, on vit par la vie de dieu mais pas de sa vie
Quand on quitte cet état naturel, c’est l’état réflexif qui est l’ego où le je est son propre souci :
Souci mondain, matérialiste : ma vie, mon travail, mes projets, mes désirs, mon image par rapport aux autres
Ou souci spirituel (matérialisme spirituel): acquérir des biens spirituels, l’éveil, techniques spirituelles pour réaliser ce désir, distance à soi, position de témoin, on est dans le je pense, dans le cogito : réflexif impur lorsqu’il est souci de son moi empirique
Et réflexif pur lorsqu’il est souci de son moi transcendantal, c’est un état duel où comme tu dis ‘le moi est ‘’dévitalisé’’ cad séparé du vivant en nous : l’émotionnel
C’est le fils qui a quitté la maison du père.
Bien entendu la plupart des gens oscillent entre ces deux états, quand tout leur réussit, famille, travail amour, santé bref quand tout va bien. ils sont dans l’état naturel, ils sont heureux de vivre, ils n’ont pas trop de problèmes mais comme ces biens ne durent pas : chômage, divorce, maladie etc ils rentrent alors dans l’état réflexif du souci, des soucis, des conflits et de la dualité
Le troisième état qui est l’éveil, je l’appellerais la conscience post réflexive où la non dualité intègre la dualité ; un exemple de cette non dualité duelle est la vision, pour avoir une vision totale cad en relief, il faut deux yeux mais notre vision est une, comme si on avait un seul œil
, c’est un retour au premier état (retour du fils prodigue), état naturel mais avec la conscience en plus, avec la connaissance du je, on vit de la vie de Dieu, on est avec le créateur, on devient créateur, on n’est pas seulement créature comme dans l’état naturel
Alors non seulement j’éprouve librement les choses, je vis mais je m’éprouve moi-même éprouvant tout cela.
La réflexivité est bien là mais non séparée de l’émotion qui est la vie.
On se reconnait, on se sent soi même, c’est l’auto reconnaissance dont je parlais, auto reconnaissance non intentionnelle et pourtant en même temps intentionnel, on a l’impression d’être responsable de cette conscience de soi, de la choisir et pourtant on ne l’a pas décidé dans sa pensée superficielle
Je crois que l’éveil est une harmonisation de l’intellect et de l’émotionnel, du réflexif et du non réflexif, de la distance et de la non distance, de la dualité et de la non dualité, de l’actif et du passif sans que l’on puisse les séparer et les discerner
Cette harmonisation c’est le moi intégral, le moi profond qui a son propre vouloir, intention, connaissance et faire
L’ego cad quand le réflexif est séparé du non réflexif, c’est un savoir partiel, un vouloir réactif et un faire impuissant aussi doit il renoncer à lui-même, s’abandonner, lâcher prise
Et revenir dans cet état naturel qui est du point de vue de l’ego de surface non savoir, non vouloir, non faire
On doit quitter cet égo, sortir ‘’ de l’esclavage à plus petit que soi et se soumettre à plus grand que soi, et c’est dans cette soumission que se trouve notre liberté,<<
( phrase entendue aujourd’hui sur France culture dans un entretien avec Arnaud Desjardins
http://www.franceculture.com/emission-les-racines-du-ciel-la-transformation-de-soi-avec-ar naud-desjardins-2010-05-25.html
Ce plus grand que soi c’est Dieu, cad notre moi intégral issue de l’harmonisation entre notre intellect et émotionnel, cette pensée émotionnelle, on peut l’appeler intuition cad connaissance directe
du réel et de soi comme manifestant ce réel
Mais parler de Dieu, de soumission, c’est encore relatif, c’est encore du point de vue de l’ego mais un ego qui se soumet, on reste encore dans l’extériorité par rapport à une transcendance, de même la notion de grâce implique une extériorité, tout cela est relatif au moi de surface cad à la pensée séparée
L’état naturel est insuffisant, il lui manque une base, une assise, une réalité et une identité et cette identité c’est le je, c’est la réalité de l’état naturel,
c’est répondre à la question : l’état naturel, c’est l’état naturel de quoi, de qui ?
Et cette identité vient comme une révélation dans cet état naturel mais il suppose une question, un désir (qui suis-je ?) et cette réponse c’est l’éveil
le je est bien de l’ordre de la connaissance, de l’identité, c’est bien un concept, le concept derrière tous les concepts, concept absolu comme disait Hegel dans son idée de savoir absolu, mais un concept sans contraire , un concept vivant qui est aussi affect, une identité qui renait continuellement de ses cendres et n’est jamais figée, un je qui se fait toujours autre, un je qui s’apparait toujours à lui-même à chaque instant comme si c’était la première fois, c’est une naissance à soi , c’est une identité qui est en même temps l’abolition de toute identité fixe, c’est un être qui ne cesse de devenir lui-même et donc est en même non être, autre
C’est exactement ce que tu écris et que je partage complètement
joaquim a écrit: |
. Pour moi, il y a deux niveaux de conscience différents qui donnent accès à la réalité non-duelle. L'un est une conscience impersonnelle, qui survient lorsqu'on s'est dépouillé de tout ce à quoi on s'identifiait, et que j'aimerais appeler l'état naturel. Dans cet état, il n'y a plus adhérence aux pensées et aux émotions, mais elles passent simplement à travers la conscience, comme des nuages dans le ciel. dans cet état-là, on est le ciel, serein, et à ce titre, on se sent résorbé dans l'unité. Dans la vacuité. Mais on ne sait pas "qui" on est. On n'a pas encore répondu à la question du Maharshi. On dira : je suis l'espace dans lequel cela se passe. Mais ce n'est pas cela, la réponse. La réponse, c'est que je, oui ce petit moi misérable, suis Dieu. Lorsqu'on a connu cela, c'est tellement renversant, tellement évident, qu'on peine à concevoir qu'il soit possible de parler de cette évidence en termes d'impersonnalité. |
L’état naturel est bien une condition favorable à l’éveil mais à condition qu’on ne s’attache pas, qu’on ne s’attache pas à l’espace, à la vacuité, à l’immobilité, au silence, qui ne sont que des aspects, des attributs du soi mais pas le soi en lui-même,
Cet état naturel est bien notre nature mais la réalité, notre réalité n’est pas un état, n’est pas une nature, mais un acte
Ce que l’on est n’est pas naturel mais surnaturel, et ce surnaturel c’est soi, je
, ce que tu dis aussi ‘’l'éveil se situe au-dessus de l'état naturel’’
Qui n’est ni un état ni une nature mais un acte, un devenir, un geste qui nous fait advenir
L’état naturel n’est pas la réalité absolue mais comme tu le dis au début de ton texte, une description négative du réel pour la différencier des artifices de la vie mentale, et relative à lui
C’est une libération par rapport à l’ego dévitalisé mais ce n’est pas la liberté, c’est un vécu libre mais encore relatif à la prison de l’égo. C’est l’éden dont parle Jourdain mais ce n’est pas encore l’éveil
La liberté absolue c’est quand on se retrouve soi même, quand on retrouve le sujet de l’état naturel, le sujet de la vacuité. Le réel est en rien vide ou négatif, il est plénitude et toute positivé, cette positivité c’est le Soi
C’était aussi le thème de mon échange avec viator à propose de mon idée de pli,
Le pli c’était une façon sortir de la ligne pure, où l’être est simple état naturel mais qui ne s’apparait pas à lui-même
Le pli permet une réflexivité minimale sans dualité réelle (ou rupture de la ligne) où l’être cad soi s’apparait à lui-même, où le père (la ligne droite ) d’engendre comme fils (le pli)
Cette réflexion m’a permis de considérer que l’état naturel n’est pas la réalité complète, que l’être en tant qu’être (état naturel) est insuffisant et qui lui faut le non être, le néant pour rendre compte de la réalité absolue qui est présence à soi et donc éveil.
joaquim a écrit: |
". Comment pourrais-je juger le vécu d'autrui pour le comparer au mien? Je ne prétends pas dire la vérité, mais c'est simplement ce que je pense, actuellement. La mise hors-course du moi donne accès à un état d'unité sereine, qui n'est pas à proprement parler le bonheur, mais la paix. C'est un état qui ressemble aux états hypnotiques que l'on peut connaître lorsqu'on est par exemple entièrement absorbé dans une musique au point qu'on devient elle, qu'on épouse chacune de ses formes. C'est découvrir Ce qui Est, parce qu'il n'y a plus l'obstacle du mental pour créer une séparation d'avec le Tout. Mais l'éveil, c'est plus que cela. C'est une commotion. C'est découvrir que Je est un Autre. Et c'est un bonheur sans nom. |
Ce que tu dis là, tu me l’avais écrit par ailleurs et cela m’avait interpellé parce que ces états de fusions avec le monde ou hypnotiques me semblaient appartenir à l’éveil
Mais finalement ils sont plus fruit de l’éveil que l’éveil lui-même
Et peuvent aussi se produire sans l’éveil : en écoutant une musique, dans la contemplation esthétique, dans des expériences de drogues, voir psychotiques (selon Freud où le ça envahit complètement le moi et brise toutes ses défenses)
Et tout simplement dans l’état naturel où le mental (je pense) ne fait plus obstacle à l’émotionnel (j’éprouve)
Ce sont des expériences d’affects, et l’affect est sans distance avec lui-même et élimine toute distance avec le monde
C’est vivre sa vie, on est totalement un avec notre vécu, présent à lui mais je ne dis pas conscient de lui, disons que la conscience est en arrière plan
Je crois que la présence relève de l’émotionnel et la conscience en tant que connaissance relève de la pensée, de l’intellect
On peut parler de conscience émotionnelle ou présence et de conscience intellectuelle ou connaissance
Dans ces états hypnotiques, on est dans une pure conscience émotionnelle où la conscience intellectuelle est hors circuit
Je pense aux échanges avec miboogh partisan de l’éveil impersonnel, nad m’avait dit qu’il vivait des états de non séparation.
Je veux bien le croire
Et quand il disait que le’’ je suis’ le moi était un concept, quelque chose d’intellectuel, il avait raison, mais dans son esprit , c’était une critique dévalorisante car pour lui toute pensée ou concept est illusion
Le je est bien concept et connaissance mais dans l’éveil, le je est unifié à l’émotionnel, il est vivant, il est un acte, pas un concept figée dans la conscience, il est la conscience elle-même en tant que concept absolu
Alors ‘’ j’éprouve ‘’devient’’ je m’éprouve’’, la présence s’apparait à elle-même, l’arrière plan vient au premier plan, l’être devient ‘’s’être, se faire être, devenir être, se devenir, s’advenir, être son propre événement. Devenir ce que l’on est, soi même sans se figer non plus en soi même comme identité,
et donc être toujours soi en tant qu’autre et c’est le propre de la présence à soi sinon on ne serait que soi. Etre présent à soi c’est aussi une mise à distance de soi, une différenciation de soi tout en restant soi cad le même
L’état naturel (conscience pré réflexive) n’est que le renversement de l’état artificiel de la pensée séparée (conscience réflexive), c’est tomber dans l’excès inverse
Dans l’un, on vit le monde à partir de l’être vivant, éprouvant et dans l’autre à partir de l’être pensant. Dans l’un on vit sa vie, dans l‘autre, on la rêve
L’éveil c’est être à la source, être la source, avec le sujet de cette vie et de ce rêve
L’unité de notre personne qui est l’éveil, c’est l’équilibre du je pense et du j’éprouve= je m’éprouve
La Conscience post réflexive ;’’ je suis’’, oui mais pas seulement, je me sens être, je me sais être : présence à soi, pli de l’être
joaquim a écrit: |
Pour ma part, je suis aujourd'hui la plupart du temps dans l'état naturel, et plutôt rarement dans l'éveil. Perdre l'état naturel, c'est l'horreur, c'est insupportable, c'est comme se retrouver en prison. Alors que perdre l'éveil, je veux dire l'intensité abyssale de l'éveil, c'est simplement somnoler. |
Moi aussi, cette présence à soi dans l’unité de la pensée et de l’affect survient brusquement, se révèle, n’a pas besoin de notre intervention, elle semble venir comme une grâce, c’est une méditation naturelle qui fait appelle à notre moi intégral. notre moi de surface doit juste se taire et ne pas bouger
J’ai connu cet éveil en novembre, puis plusieurs fois depuis et notamment il y a quelques jours, cela apparait comme un miracle, une grâce, et surtout tellement simple et évident, qu’on n’imagine même pas en sortir
Et pourtant on en sort et on vit cette sortie comme une malédiction, une chute, quelque chose de révoltant
Comment retrouver cet éveil quand on en sort ?
Tu as donné des réponses à différents endroit du forum notamment dans tes textes sur le geste de l’éveil
; En parlant par exemple d’acceptation du non éveil, effectivement prendre conscience qu’on est inattentif, c’est déjà être attentif
Mais on dirait que cet éveil ne dure que le temps de cette acceptation, acceptation qui suppose la présence du je
Puis on retombe vite dans l’inattention ou identification (fluide),
il y a effectivement dans l’état naturel une trop grande passivité qui est celle en fait de l’affect, il n’y a rien d’actif dans les émotions, dans l’état naturel on n’est que réceptif
et l’on risque aussi de tomber dans la somnolence et par là de revenir dans les affres de la pensée séparée cad de l’ego, en se fixant sur des identifications et finalement en quittant cet état naturel
L’état naturel est un excès qui à tout moment pour se transformer en excès inverse, ce n’est pas un équilibre
Or l’éveil, la conscience, c’est l’activité pure puisque c’est la liberté même, les émotions, elles, nous affectent comme des nécessites
La question est donc comment faire ce geste de l’éveil sans que cette activité soit celle de la pensée séparée ou pas seulement
joaquim a écrit: |
Oui, je suis d'accord. Tant qu'il y a intention, il y a dualité, et donc il est exclu par l'intention de sortir de la dualité. La seule chose que l'on puisse faire intentionnellement dans ce sens, c'est d'exercer toute sa vigilance pour décapiter toute velléité d'intention |
Tout a fait, l’intention est bien dualité mais rejeter toute intention est aussi une position dualiste, si on ne fait qu’attendre l’éveil dans l’état naturel, il risque bien de ne pas venir,
aide toi et le ciel t’aidera, dit on
l’éveil a besoin de notre participation : l’ego, la pensée, l’intention peuvent être outils au service du Soi et de la non dualité.
Rejeter toute pensée, tout jugement, tout manque et tout vouloir est une erreur. Le manque peut être un appel du soi
C’est ce que je t’écrivais dans un post précédant:
riseohms a écrit: |
Je pense avoir résolu le problème dont je t’ai fait part souvent à savoir cette opposition entre la présence à soi intentionnelle et la présence à soi non intentionnelle cad naturelle comme elle l’est actuellement, c’était bien entendu un faux problème
J’ai constaté, et je me rappelle que c’était aussi le cas en novembre, que c’est bien une reconnaissance de soi délibérée qui m’a amené à cette auto-reconnaissance, l’intentionnel s’est transformé très rapidement en non intentionnel
-l'intentionnel dans cette présence à soi, c’est quoi ?, c'est manquer de ce qui est et désirer ce qui est
Ce manque, ce désir est juste et non dualiste car immédiatement comblé et satisfait, c'est pourquoi l'intention et l'effort se fond en non intentionnel et non effort très rapidement, et si la distraction revient, on recommence
-ce qui est dualiste c'est manquer et désirer ce qui n'est pas |
Et c’est ce que tu écris :
.
joaquim a écrit: |
Pour ma part, on peut le faire sur un mode que je dirais passif, ou négatif, pour reprendre la terminologie ci-dessus, apophatique, en renonçant simplement à saisir, ou sur un mode actif, positif, en étant intensément présent, simplement présent, sans rien vouloir, sinon de nourrir cette présence. L'une conduit à ce que j'appelle l'état naturel, l'autre à ce que j'appelle l'éveil. |
L’état naturel ne mène pas de lui-même à l’éveil mais c’est la condition nécessaire et le terrain favorable dont il faut reconnaitre l’identité, la réalité et cette réalité, c’est la conscience, la présence de soi même
S’il n’y a pas cette reconnaissance, toujours immédiate, l’état naturel ne dure pas et retombe dans les identifications et artifices du mental cad redevient un état ordinaire, celui de notre moi quotidien
Il faut aider l’éveil, il ne tombe pas du ciel, cette aide, c’est la conscience
La conscience permet d’éviter de retomber dans cette tendance qu’à l’esprit à s’attacher, à figer ce qu’il vit, à objectiver,
La conscience est d’abord un lâcher prise. L’état naturel est ce lâcher prise
Puis la conscience finit dans ce lâcher prise par se reconnaitre elle-même et par devenir présence à soi
Quand ce trésor est découvert, il faut être déterminé à ne pas le laisser se recouvrir de nouveau, à ne pas retomber dans l’oubli de soi
Il y a besoin d’une intensité, d’une persévérance dans la présence à soi
Cette présence à soi, au départ délibérée, devient vite naturelle, non intentionnelle, comme si le grand moi prenait la relève.
Le petit moi ne ferait qu’utiliser la clé de contact, mettre le moteur en route, ensuite çà roule tout seul,
Cependant il y a toujours le risque de s’endormir au volant, le moteur ralentit et finit par s’arrêter.
Si cela arrive, c’est que quelque part on a commencé à faire de l’éveil un état et à se prendre pour un éveillé.
On s’est habitué, la passivité a pris le pas sur l’activité et le dynamisme propre à l’éveil
Le problème c’est qu’ensuite on a du mal à réutiliser la clé de contact, la présence intentionnelle car elle semble tellement artificielle par rapport à la simplicité de l’éveil, on voudrait se passer de l’ego qui est ressentie comme une opacité par rapport à la transparence de la conscience, une opacité, une non liberté
On est peut être ici dans un jugement dualiste où on oppose artificiel et naturel. Silence et pensée, non intentionnel et intentionnel. il ne faut pas oublier que tout problème ou dualité est un faux problème
Peut être, faut il sortir de cette fascination du ‘’ naturel’’ et cesser de dévaloriser l’artificiel. Ce qui doit compter c’est La présence à soi qu’elle soit intentionnelle ou pas.
D’ailleurs dans la présence à soi dite naturelle, j’ai le sentiment d’un choix et de la vouloir, ce qui montre bien que l’intentionnel n’a pas disparu mais s’est uni au non intentionnel de façon indiscernable.
Il y a les deux dans l’éveil mais dans un mélange et une unité paradoxale, difficile à penser et à formuler, elle est même inaccessible à la pensée, cette unité est un miracle
Merci pour ton post, il m’encourage à une position plus active par rapport à l’éveil
Amitiés
Joël
Dernière édition par riseohms le Ve 04 Juin 2010 22:36; édité 1 fois |
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riseohms
Inscrit le: 30 Nov 2009 Messages: 4335 Localisation: paris
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Posté le: Ve 04 Juin 2010 14:12 Sujet du message: Re: Éveil et état naturel (bis) |
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. joaquim a écrit: | Ce qui m'avait troublé, c'est que tu avais l’état naturel assimilé à un état d'identification, alors que je l'assimilais à un état de non-identification, différent de l'état ordinaire. Comme ta dernière réponse n'est pas cohérente avec ce que tu dis dans le message mis en lien, j'imagine qu'il s'agissait d'un malentendu. |
En fait ce qui caractérise l’état ordinaire, c’est que l’es identifications n’y sont pas fluides, c’est un état soucieux où la pensée et l’émotionnel sont bloquées, tournent en rond sur eux-mêmes alors on ne vit plus dans le présent
Alors que dans l’état naturel les identifications sont fluides et ce qui permet cette fluidité c’est la non identification dont tu parles, on est pleinement dans les identifications ce qui revient à les épuiser et à en faire venir d’autres, cet état est sans ego (centrisme) l’ego n’est qu’une réaction, un retour sur soi qui bloque le processus naturel de notre vécu.
L’état naturel est à la fois identification et non identification ce qui donne la fluidité dans nos flux mentaux et émotionnels
Je pense que l’état naturel c’est l’état dans lequel on est le plus souvent, quand on travaille, quand on est pris par les actions et relations ou par un spectacle, un film, la tv, on est s dedans, ce qui suppose une présence mais dans la quelle on ne se positionne pas, que j’appelais présence pré réflexive
On n’est pas conscient de cette présence mais elle est bien là en arrière-plan. La présence est par nature une avec ce dont elle est présent, elle est à la base de toutes les identifications tant dans nos activités quotidiennes que dans ces moments de non séparation avec le monde dont tu parlais
La présence est silencieuse en elle-même, c’est le silence de l’émotionnel
Ce silence nous accompagne tout le temps, il n’est pas à faire : quelqu’un nous lance une pomme et aussitôt on l’attrape, y avait il une pensée à ce moment là ? Non, notre esprit dans le réflexe d’attraper le fruit était silencieux
La plupart du temps, on est dans ce silence de l’état naturel mais on l’oublie, on ne se rappelle que des moments où l’on s’arrête, où l’on fait le point, où l’on a des problèmes et des soucis, bref la conscience réflexive et lourde survient lorsque les choses vont moins bien, on ne prend conscience de notre corps que lorsqu’il se rappelle à nous par une douleur ou une gêne
L’état naturel qui est présence pré réflexive à soi est toujours là, ce qui manque c’est d’y être sciemment, pleinement
Et cela c’est la conscience qui le fait et permet à cette présence d’apparaitre à elle-même, de se connaitre où plutôt de se reconnaitre (présence post réflexive)
Je crois qu’il faut distinguer présence et conscience, la présence est non distance et identification
L’état naturel qui est présence pré réflexive à soi est toujours là, ce qui manque c’est d’y être sciemment, pleinement
Et cela c’est la conscience qui le fait et permet à cette présence d’apparaitre à elle-même, de se connaitre ou plutôt de se reconnaitre (présence post réflexive)
un maitre zen pourrait répondre à la question qu'est ce que l'éveil ?
juste boire ta tasse de café
cad être pleinement dans cet acte de boire son café, sans penser à autre chose
alors la présence qui n'est autre que boire son café s'apparait à elle même. le fait d'être totalement là, attentif, dans la totale acceptation de ce qui est et donc de ce qu'on l'on fait, c'est la conscience
Je crois qu’il faut distinguer présence et conscience, la présence est non distance et identification
Alors que la conscience est distance et désidentification.
La présence relève de l’émotionnel et la conscience est le propre de la pensée (en tant qu’acte et non en tant que pensée produite).
l'éveil est l'équilibre de la présence et de la conscience,
Je ne sais si tu es d’accord avec cette analyse
Amitiés Joël |
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 6058 Localisation: Suisse
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Posté le: Sa 05 Juin 2010 15:07 Sujet du message: |
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Bonjour Joël,
Merci pour tes réflexions toujours stimulantes.
Je retiens que nous sommes d'accord qu'il y a une différence entre l'état naturel, qui est toujours là, parce qu'il est la base de ce qui est, et l'inhabitation de cet état naturel par une présence, qui est Je. En l'exprimant ainsi, je bute sur l'éternel problème du "Qui ?" (je réfléchis là à haute voix, je ne te prends pas à partie...). Parce que si l'état naturel n'est pas habité par Je, par qui est-il donc habité, ou dit autrement, qui prend conscience de l'état naturel ? Si l'on dit que l'état naturel est lui-même conscience, qu'il est La conscience, alors c'est de Dieu que l'on parle, et c'est une tautologie de dire que Dieu est et que Dieu est Conscience. Mais qu'est-ce que cela a à faire avec moi ? Pour que je puisse en parler, à partir du point de vue du sujet que je suis, il faut que ce sujet découvre que sa nature véritable, le coeur même de "je", c'est La conscience. Autrement dit que je sois présent à cette conscience, quand bien même cet acte de présence fasse qu'elle prendrait toute la place, jusqu'à se révéler comme étant ultimement ce que je prenais jusqu'alors pour "je". Cette présence-là n'est nullement identification, à mon avis, elle est découverte d'une identité (découverte jamais acquise, mais entièrement contenue dans le geste de la découvrir). C'est plutôt me semble-t-il lorsqu'il y a défaut de présence, c'est-à-dire lorsque je me perds dans le bouillonnement de la manifestation, qu'il y a identification de ma conscience à ses contenus manifestes. Dans ce cas-là, l'état naturel est bien sûr présent en arrière-plan, puisque c'est à partir de lui que cette conscience surgit, mais cette conscience ne se sait pas être l'état naturel, de sorte qu'à cause de ce non-savoir elle s'en trouve séparée, non dans l'absolu, mais dans la conscience qu'elle en prend. Parce que même perdue dans les contenus de la manifestation, la conscience se définit elle-même toujours comme une identité, un "je", qui dans ce cas-là, séparé de l'état naturel qui lui donne vie, prend le nom d'ego. Ainsi, je suis bien d'accord pour dire que l'état naturel ne peut pas disparaître, mais cela ne m'avance pas plus que de dire que Dieu ne peut pas disparaître. La vraie question, c'est où est-ce que je me situe par rapport à cet état naturel. Y suis-je présent avec assez d'intensité pour découvrir mon identité avec lui, ou suis-je perdu dans les manifestations distinctes qu'il suscite dans ma conscience, et auxquelles par inertie je m'identifie ?
riseohms a écrit: | L'état naturel qui est présence pré réflexive à soi est toujours là, ce qui manque c'est d'y être sciemment, pleinement
Et cela c'est la conscience qui le fait et permet à cette présence d'apparaitre à elle-même, de se connaitre ou plutôt de se reconnaitre (présence post réflexive) |
En te relisant, je me demande si je n'ai pas fait un contre-sens sur ce que tu entends par "état naturel", et que finalement, c'est bien la même chose que ce que j'avais entendu dans mon précédent message. Ce qui m'a troublé, c'est la distinction que tu fais entre conscience et présence, et aussi le fait d'attribuer la propension à s'identifier à la présence. Mais je devine ce que tu veux dire. La conscience, c'est la limpidité (impersonnelle ou pré-réflexive) à travers laquelle les choses se donnent. La présence, c'est la position d'un sujet face à ce qui se donne. Soit il se laisse porter par ce qui surgit dans sa conscience, et par là s'identifie à un contenu, soit il résiste à cette identification. Cette résistance peut se fait par appropriation, ce qui a pour effet de définir sa présence comme étant "autre" que ce qui lui est extérieur, soit elle se fait par l'intensification de la présence, une présence nue qui, si elle parvient à le demeurer jusqu'au bout, se découvre être La conscience. En fait, c'est toujours le problème du chassé-croisé entre la conscience et le sujet. On ne peut pas supprimer l'un, sous peine de tomber soit dans l'inconscience, soit dans l'abstraction. La seule solution logique (et celle qu'apporte aussi à mon sens l'éveil), c'est la découverte de l'identité des deux.
riseohms a écrit: | Je crois qu'il faut distinguer présence et conscience, la présence est non distance et identification
Alors que la conscience est distance et désidentification.
La présence relève de l'émotionnel et la conscience est le propre de la pensée (en tant qu'acte et non en tant que pensée produite).
l'éveil est l'équilibre de la présence et de la conscience,
Je ne sais si tu es d'accord avec cette analyse |
Pour ma part, je dirais que la conscience est neutre et impersonnelle, alors que la présence est l'expression de la personne. Ce sont deux choses qui semblent opposées et qui le demeurent tant qu'on n'est que partiellement présent, c'est-à-dire présent simplement aux contenus de conscience, mais qui se révèlent identiques, lorsque la présence se saisit dans sa réalité nue et se découvre ainsi être la conscience universelle (impersonnelle mais du coup aussi éminemment personnelle).
La distinction que j'avais voulu faire entre état naturel et éveil est un peu différente de celle-ci. Je n'entendais pas par "état naturel" la conscience pré-réflexive toujours présente en retrait de tout acte de conscience, mais une certaine qualité de présence aux contenus de conscience qui fasse qu'il n'y ait pas identification, mais fluidité, comme tu dis, et je m'aperçois que tu as parfaitement décrit cette différence que j'entendais :
riseohms a écrit: | En fait ce qui caractérise l'état ordinaire, c'est que l'es identifications n'y sont pas fluides, c'est un état soucieux où la pensée et l'émotionnel sont bloquées, tournent en rond sur eux-mêmes alors on ne vit plus dans le présent
Alors que dans l'état naturel les identifications sont fluides et ce qui permet cette fluidité c'est la non identification dont tu parles, on est pleinement dans les identifications ce qui revient à les épuiser et à en faire venir d'autres, cet état est sans ego (centrisme) l'ego n'est qu'une réaction, un retour sur soi qui bloque le processus naturel de notre vécu.
L'état naturel est à la fois identification et non identification ce qui donne la fluidité dans nos flux mentaux et émotionnels |
L'état ordinaire, c'est l'état de séparation, l'enfermement dans l'ego. L'état naturel, c'est un état que je qualifierais à défaut de mieux d'hypnotique, dans lequel on est porté par les contenus de conscience, sans qu'il y ait identification, en tout cas par identification par appropriation, mais peut-être bien par fusion. On se sent Un avec tout ce qui est, et cela produit un état de paix et de sérénité.
Daniel demandait quelque part comment on pourrait sortir de l'état naturel. Et bien, en s'appropriant des contenus de conscience. Qu'est-ce que ça veut dire s'approprier un contenu de conscience ? C'est l'acte par lequel on décide que l'acquisition de tel ou tel objet de désir est plus important que sa propre position par rapport au Tout, autrement lorsqu'on subordonne la qualité de sa présence au monde à l'acquisition d'un contenu de conscience. Dans l'état naturel, cette identification se produit, sous la forme de la fusion, c'est-à-dire sans création d'un espace distinct du reste qui serait "moi". Tout ce qui survient entre et sort de moi dans une totale fluidité. Alors que dans l'identification égotique, l'espace du moi est exclusif de tout ce qui n'est pas "moi". Ce qui est en-dehors de moi doit devenir mien pour pouvoir pénétrer en moi, sans quoi il sera perçu comme hostile à moi. Et dans l'éveil, l'universel se révèle au coeur même de ce qu'on croyait être l'espace distinct du "moi".
Edit : l'état naturel, c'est en fait l'état dans lequel se trouve le petit enfant aussi longtemps qu'il n'a pas le sentiment d'être séparé. Il vit toutes les passions, tous les désirs, avec tout son être, mais ce vécu ne crée jamais une frontière entre un être qui serait sien, et l'être du monde. Il est dans l'être comme un poisson dans l'eau, il lui appartient. |
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riseohms
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Posté le: Sa 05 Juin 2010 21:51 Sujet du message: |
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bonsoir Joachim
et merci pour ta lecture
joaquim a écrit: | Ce qui m'a troublé, c'est la distinction que tu fais entre conscience et présence, et aussi le fait d'attribuer la propension à s'identifier à la présence. Mais je devine ce que tu veux dire. La conscience, c'est la limpidité (impersonnelle ou pré-réflexive) à travers laquelle les choses se donnent. La présence, c'est la position d'un sujet face à ce qui se donne |
Je crois que c’est plutôt la conscience qui se positionne face à ce qui se donne : elle est toujours conscience de quelque chose et position d’un sujet face à un objet cad à un ‘donné’’
La présence au contraire ‘’se donne,’’ corps et âme, elle est présence ‘à.
La présence est un don, on s’oublie dans notre présence aux choses, c’est pourquoi je parlais d’identification pour définir la présence dans le sens’’ d’être un avec’’
Un acteur doit oublier sa conscience de jouer un rôle, il devient son personnage, le devient corps et âme,
Ce qui fait la qualité de bon acteur c’est sa présence
J’ai distingué conscience et présence, mais j’aurais pu parler de’’ conscience émotionnelle et lieu de présence et de conscience intellectuelle
En précisant que la conscience émotionnelle ne relève pas de la relation sujet- objet propre à la conscience intellectuelle qui est mise à distance mais d’un rapport direct aux émotions, on peut parler d’identification par rapport aux émotions.
En tout cas il n’y a pas de séparation dans le ressenti, on est l’émotion. La conscience de l’émotion la fait disparaitre
La présence à soi se révèle dans la conscience pure, en elle-même ni intellectuelle ni émotionnelle. Ici la conscience est présence et la présence est conscience d’elle même
Tu en parles très bien ici
joaquim a écrit: | Cette présence-là n'est nullement identification, à mon avis, elle est découverte d'une identité (découverte jamais acquise, mais entièrement contenue dans le geste de la découvrir[ |
Cette identité n’est donc pas un donné, elle n’est pas en face de soi comme un objet et pourtant elle nous entoure, elle nous englobe, elle est l’arrière plan qui s’apparait à lui-même et qui est partout : derrière, devant, au dessus, en moi.
Mais jamais on ne la regarde directement car alors on la perd, on la fige et on se fige
Je l’appelle conscience ou présence post réflexive parce qu’elle inclut la réflexivité propre à la conscience (de) tout en la dépassant dans la globalité et donc au delà d’une relation sujet -objet (où la conscience serait l’objet)
joaquim a écrit: | Parce que si l'état naturel n'est pas habité par Je, par qui est-il donc habité, ou dit autrement, qui prend conscience de l'état naturel ? ? Si l'on dit que l'état naturel est lui-même conscience, qu'il est La conscience, alors c'est de Dieu que l'on parle, et c'est une tautologie de dire que Dieu est et que Dieu est Conscience. Mais qu'est-ce que cela a à faire avec moi |
En fait l’état naturel n’est pas un état dont on pourrait prendre conscience, il n’est pas un donné, une réalité immobile, c’est juste la cessation des artifices de l’ego et de ses efforts, le lâcher prise.
L’être n’est pas un donné, c’est pourquoi Viator pouvait écrire :Dieu n’est pas ou ‘’Dieu au-delà de l’être’’( plotin, levinas )
Autrement dit, Dieu est ce mélange d’être et de non être qui en fait un acte créateur et non pas un état.et si Dieu est sujet, il n'est pas extérieur à son acte, il n'est pas un agent de cet acte, il est cet acte
D’une certaine façon il n’y a pas d’état naturel
, l’état naturel c’est moi dans ma présence vivante. Si je ne me reconnais pas dans cet état naturel, je vais vite revenir dans les artifices du mental cad dans l’état ordinaire et les bienfaits de la libération qu’est cet état naturel vont vite s’estomper
En fait l’état naturel c’est juste le passage de l’ego à sa vie réelle et la vie réelle c’est moi en acte et non pas moi figé en images ou idées de moi
L’état naturel c’est le ‘ je’’ dans sa nature véritable
Comme tu l’écris joaquim a écrit: | il faut que ce sujet découvre que sa nature véritable, le cœur même de "je", c'est La conscience. |
La présence pré réflexive est chez l’adulte toujours mélangé à du réflexif, il fait corps avec ce qu’il vit du fait de sa présence mais s’attache à son vécu, créant des identifications ou images ou idées de soi et bloque ainsi la fluidité ou le naturel de son vécu. Et c’est à cause de cette réflexivité que la conscience ou présence pré réflexive reste dans l’arrière plan.
Rares sont les adultes qui vivent d’une vie immédiate et spontanée cad pré réflexive
La conscience purement pré réflexive non mélangée au réflexif serait la conscience du tout petit enfant
Comme tu l’écris :
joaquim a écrit: | L’état naturel, c'est en fait l'état dans lequel se trouve le petit enfant aussi longtemps qu'il n'a pas le sentiment d'être séparé. Il vit toutes les passions, tous les désirs, avec tout son être, mais ce vécu ne crée jamais une frontière entre un être qui serait sien, et l'être du monde. Il est dans l'être comme un poisson dans l'eau, il lui appartient |
L’adulte, lui ,du fait de son conditionnement ‘’a quitté la maison du père’’, c’est la vie séparée qui celle de la vie réflexive où tout le vécu est médiatisé par les mots, la mémoire.
Sa présence au monde est doublée par une vie de pure représentation l’empêchant d’avoir une vie authentique cad un contact direct avec lui-même, les autres et les choses
Quand un adulte retrouve son état naturel, il ne redevient pas enfant, il redécouvre sa dimension d’enfance, ce qui vitalise son rapport au monde mais
il y a quelque chose en plus, c’est la conscience, et je ne peux distinguer le sens de soi même de la conscience.
En fait l’état naturel retrouvé pour un adulte ne devrait pas être autre chose que l’éveil.
Si ce n’est pas le cas, c’est qu’il n’est plus naturel mais dénaturé par la non acceptation,
Il n’est pas vécu pleinement cad il n’est pas vraiment compris.
On s’est contenté du lâcher prise qui est la face négative de l’éveil sans en découvrir sa face positive qui est présence
joaquim a écrit: | La vraie question, c'est où est-ce que je me situe par rapport à cet état naturel. Y suis-je présent avec assez d'intensité pour découvrir mon identité avec lui, ou suis-je perdu dans les manifestations distinctes qu'il suscite dans ma conscience, et auxquelles par inertie je m'identifie ? |
On lâche prise, on abandonne nos dualités, soucis références, on a d’abord le sentiment d’un vide et ce vide par nature on a tendance à le fuir et à le remplir de fausses identités, aussi ne faut il pas rester passif par rapport à cet état naturel, il faut une acceptation totale de ce vide, alors dans cette acceptation il finit par révéler sa véritable nature qui est conscience et cette conscience est soi même. Ce ‘’ naturel’’, c’est ma propre nature, c’est moi. il n’y a pas d’acceptation sans conscience et de conscience sans acceptation et la conscience est toujours en dernière instance conscience d’elle même
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. joaquim a écrit: | En fait, c'est toujours le problème du chassé-croisé entre la conscience et le sujet. On ne peut pas supprimer l'un, sous peine de tomber soit dans l'inconscience, soit dans l'abstraction. La seule solution logique (et celle qu'apporte aussi à mon sens l'éveil), c'est la découverte de l'identité des deux. |
Je pense cela aussi
et le sujet n’est alors plus clos sur lui-même, dans un identité, il se confond avec la conscience, toujours en acte et ne vit plus le rapport au monde dans la séparation
La conscience pure est toujours conscience de quelqu’un mais ce quelqu’un quand il a épuré sa conscience ne se confond plus à sa petite personne, ne se limite plus à elle et l’intègre dans une dimension plus grande, dans une globalité,
Amicalement
joel |
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joaquim Administrateur
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Posté le: Di 06 Juin 2010 0:36 Sujet du message: |
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Bonsoir Joël
riseohms a écrit: | Je crois que c'est plutôt la conscience qui se positionne face à ce qui se donne : elle est toujours conscience de quelque chose et position d'un sujet face à un objet cad à un ‘donné''
La présence au contraire ‘'se donne,'' corps et âme, elle est présence ‘à.
La présence est un don, on s'oublie dans notre présence aux choses, c'est pourquoi je parlais d'identification pour définir la présence dans le sens'' d'être un avec''
Un acteur doit oublier sa conscience de jouer un rôle, il devient son personnage, le devient corps et âme,
Ce qui fait la qualité de bon acteur c'est sa présence |
Oui, sous cet angle, c'est vrai. Quoique... La conscience est quelque chose qui se produit, à travers quoi le sujet se reçoit comme un donné. Alors que la présence est quelque chose qui engage le sujet. Comme tu le dis, dans la présence, il se donne. Bien sûr, à un certain niveau, on peut concevoir que celui qui se découvre conscient est moins identifié que celui qui se donne. Et pourtant, d'un autre côté, l'identification la plus retorse qui soit, c'est bien celle qu'opère la conscience ordinaire en nous faisant croire qu'on est ce donné qu'elle nous présente comme "soi". Alors que le don de soi de l'acteur qui se glisse dans un rôle met en veilleuse les prétentions du sujet à croire se connaître, et fait advenir en arrière-plan un autre sujet, celui qui procède de l'engagement de l'acteur envers son rôle. Et ce sujet-là me semble plus se rapprocher du sujet véritable, c'est-à-dire celui qui naît de son propre don. C'est pour cela que je trouve que la présence révèle le sujet plus véritablement que la conscience. Je viens de lire ce texte magnifique que José Le Roy donne en lien dans son article d'aujourd'hui. Selon Sabine Plaud, Wittgenstein distingue, à raison selon moi, un sujet empirique, psychologique, qui n'a pas de réalité identifiable au sein du monde, et un sujet métaphysique, qui est la limite même du monde, autrement dit ce qui l'englobe. Et il caractérise ce sujet métaphysique non pas en termes de conscience, mais en termes d'éthique.
En voici quelques extraits :
« Wittgenstein réfute ici la métaphysique classique en montrant que l'âme n'existe pas, et il réfute la psychologie empirique en montrant que le prétendu sujet de la pensée n'est pas véritablement un sujet mais au mieux un complexe de représentations. Pourtant, ce sujet psychologique n'est pas, selon Wittgenstein, le seul sujet. Bien au contraire, comme le souligne Sebastian Lalla, « l'effondrement du sujet empirique fait immédiatement signe vers le sujet métaphysique ». Il convient par conséquent de se demander ce qui est exactement désigné par cette expression de « sujet métaphysique ». Assurément, quand Wittgenstein emploie ici le qualificatif de "métaphysique", il ne se réfère nullement au sujet de la métaphysique classique : bien au contraire, ce terme renvoie ici au fait que le sujet en question est « limite, et non partie, du monde ». On comprend alors pourquoi Wittgenstein affirmait qu'« en un sens important il n'y a pas de sujet » : ce sujet n'existe nulle part au sein de la réalité, parce que la limite n'est pas incluse dans ce qu'elle limite. Mais affirmer qu'en un sens important il n'y a pas de sujet, ce n'est pas dire qu'il n'y a pas de sujet du tout : car dans un autre sens, non moins important, le sujet métaphysique s'avère également être une limite de ce monde duquel il est absent.
(...)
tandis que le sujet transcendantal kantien était le sujet d'un « Je pense » qui « doit pouvoir accompagner toutes mes représentations », le sujet métaphysique de Wittgenstein est quant à lui si évanescent, si dépourvu d'extension qu'il ne saurait pas même se saisir dans un « Je pense » :
Le Moi philosophique wittgensteinien est un « Je », mais il n'est pas véritablement un « Je pense ». (…) Il est bien, si l'on veut, une condition de possibilité de l'expérience en général, mais en un sens encore beaucoup plus formel (…) que chez Kant (J. Bouveresse : Le Mythe de l’intériorité, Expérience, sensation et langage privé chez Wittgenstein, Paris, Minuit, 1987, p. 167.)
(...)
Or cette volonté métaphysique peut être quant à elle être à juste titre qualifiée de volonté transcendantale. En effet, elle est bien une condition de possibilité : non plus du monde mais de ses valeurs. Ainsi,le monde est, en lui-même, éthiquement indifférent. C'est pourquoi les valeurs éthiques ne sauraient être fixées que par un sujet qui le considère depuis un point de vue supérieur, depuis ce point de vue transcendantal qui est celui de la volonté métaphysique. Selon Wittgenstein, « le bien et le mal n'apparaissent que par le sujet » : or cette autorité éthique n'est autre que le sujet transcendantal de la volonté. On comprend alors en quel sens le sujet wittgensteinien est transcendantal : il l'est en tant que sujet d'une volonté éthique. Dans ces conditions, en quoi consiste le devoir proprement éthique qui est imposé aux sujets ? Ce devoir est celui d'opérer une conversion de la volonté depuis son état empirique vers son état philosophique ou transcendantal. C'est à une telle conversion que Wittgenstein fait allusion à la proposition 6.43 du TLP :
Si le bon ou le mauvais vouloir changent le monde, ils ne peuvent changer que les frontières du monde, non les faits (…). En bref, le monde doit alors devenir par-là totalement autre. Il doit pouvoir, pour ainsi dire, diminuer ou croître dans son ensemble.
Le monde de l'homme heureux est un autre monde que celui de l'homme malheureux.
(...)
Ce changement de perspective qui transforme le monde de l'homme malheureux en monde de l'homme heureux est le pur et simple effet de la volonté philosophique/métaphysique. La différence entre ces deux mondes n'est en effet nullement une différence factuelle. Elle ne dépend que de la façon dont le sujet s'accorde ou non avec son monde : et un tel consentement est l'effet de la volonté transcendantale. C'est pourquoi le seul impératif catégorique de la philosophie de Wittgenstein est contenu dans la formule suivante : « Sois heureux ! »45. Ce bonheur est réalisé par la volonté métaphysique : il témoigne de ce que le sujet empirique ordinaire, par cette conversion de sa volonté, est devenu un « homme digne ».
Le sujet qui pense, c'est le sujet empirique. Il se positionne bien face à un donné, mais ce positionnement ne l'engage nullement en tant que sujet, parce que ce face-à-face n'est pas véritablement de son fait, il est donné lui aussi, à tel point que le sujet se découvre comme le résultat de ce face-à-face. Alors que l'engagement dans la présence, il n'est pas donné, il est, comme tu dis, don. Cet engagement est capable de transformer le sujet simplement conscient, autrement dit le sujet empirique, en ce que Wittgenstein appelle un "homme digne", qui est ce même sujet empirique, dès lors qu'il s'accorde au sujet métaphysique (lequel est sa nature véritable).
riseohms a écrit: | D'une certaine façon il n'y a pas d'état naturel
, l'état naturel c'est moi dans ma présence vivante. |
A ce moment-là, en effet, il n'y a plus "état naturel", mais éveil. Mais il me semble que tu en fais des synonymes, lorsque tu ajoutes : « l'état naturel c'est juste le passage de l'ego à sa vie réelle et la vie réelle c'est moi en acte et non pas moi figé en images ou idées de moi. L'état naturel c'est le ‘ je'' dans sa nature véritable. » Du coup, l'état naturel, ce n'est pas la conscience de l'enfant, puisque celui-ci n'est pas éveillé. Comment appellerais-tu alors la conscience de l'enfant non identifié à ses représentations ?
riseohms a écrit: | Quand un adulte retrouve son état naturel, il ne redevient pas enfant, il redécouvre sa dimension d'enfance, ce qui vitalise son rapport au monde mais
il y a quelque chose en plus, c'est la conscience, et je ne peux distinguer le sens de soi même de la conscience. |
Je trouve que c'est un peu léger de dire simplement qu'il a quelque chose en plus, qui serait la conscience. L'éveil, ce n'est pas l'état naturel de l'enfance plus la conscience d'être un sujet. C'est, comme tu le dis plus loin, "moi en acte". Quelque chose que tu as appelé aussi ailleurs "surnaturel", plutôt que naturel. Est-ce bien vrai d'ailleurs que l'enfant n'aurait pas conscience d'être un sujet ? J'avais enfant une conscience d'être un "je" qui n'était pas différente de celle que j'ai eu à l'adolescence. Simplement, à l'adolescence, le sujet empirique, psychologique, a commencé d'occuper tout l'espace, comme si c'était lui, le seul sujet. Et le sujet que j'ai découvert lors de l'éveil, c'était quelque chose d'absolument nouveau, bien qu'en même temps de si ancien qu'il préexistait à la première lueur de conscience qui éclaira mon esprit d'enfant.
riseohms a écrit: | aussi ne faut il pas rester passif par rapport à cet état naturel, il faut une acceptation totale de ce vide, alors dans cette acceptation il finit par révéler sa véritable nature qui est conscience et cette conscience est soi même. Ce ‘' naturel'', c'est ma propre nature, c'est moi. il n'y a pas d'acceptation sans conscience et de conscience sans acceptation et la conscience est toujours en dernière instance conscience d'elle même |
Entièrement d'accord avec toi. Lorsque l'éveil surgit, je réalise que ce qui surgit était là déjà depuis toujours. Je réalise que ce qui me fonde au plus profond de mon intimité, c'est Dieu. Cela, c'est ma nature. Pourtant, par son surgissement, l'éveil fait advenir quelque chose de radicalement nouveau. Nouveau pour la créature. La créature réalise qu'elle n'est pas que créature. Voilà qui renverse l'ordre de la nature. |
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riseohms
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Posté le: Di 06 Juin 2010 16:19 Sujet du message: |
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Bonjour joaquim
Merci pour ces nouveaux liens
À propos de ce que tu écris sur Wittgenstein j’ai besoin d'y réfléchir et d’approfondir, à vrai dire j’ignore tout de cet auteur et de la philosophie analytique
En attendant je te réponds juste sur deux points, pour le reste, je verrai demain ou après demain
joaquim a écrit: | Je trouve que c'est un peu léger de dire simplement qu'il a quelque chose en plus, qui serait la conscience. L'éveil, ce n'est pas l'état naturel de l'enfance plus la conscience d'être un sujet. C'est, comme tu le dis plus loin, "moi en acte". Quelque chose que tu as appelé aussi ailleurs "surnaturel", plutôt que naturel. Est-ce bien vrai d'ailleurs que l'enfant n'aurait pas conscience d'être un sujet ? J'avais enfant une conscience d'être un "je" qui n'était pas différente de celle que j'ai eu à l'adolescence |
Tu as raison mais je parlais, en fait, du tout petit enfant, et j’aurais du préciser celui d’avant le stade du miroir et de l’acquisition du langage
Et là je ne pense pas qu’il y ait véritablement un moi, un sujet
Et y a-t-il même des perceptions ?
De même je me demande si l’animal perçoit quelque chose ?
La perception est un acte intellectuel qui prélève dans les champs des sensations des objets, un tel prélèvement suppose le langage qui permet de nommer les choses et la mémoire pour les reconnaitre
Le petit bébé comme l’animal vit dans un monde de pures sensations.
Chez l’animal il y a l’instinct qui lui permet de se repérer dans ce monde de sensation
Le bébé vit dans un monde d’objets partiels, sa maman n’existe pas comme objet entier mais comme sein.
Son rapport au monde est fusionnel, il ne se différencie pas du monde : pas de langage, cela veut dire pas de sujet ni d’objet
dans l’éveil, on dépasse le langage mais on l’a déjà intégré en nous
On peut regarder un objet dans une attention silencieuse et se sentir un avec lui cad revenir par rapport à l’objet au niveau de la pure sensation
Je regarde l’arbre, je me sens un avec lui. , je le sens vivre de la même vie qui me traverse
D’une certaine façon, il disparait car je n’ai plus avec lui un rapport de sujet à objet
Pourtant je peux toujours le nommer, je sais que c’est un arbre.
La perception de l’arbre demeure car j’ai acquis le langage et donc l’idée et le mot arbre mais ayant retrouvé ma part d’enfance, je sens de nouveau l’arbre
Il reste objet pour moi tout en n’étant plus simplement objet
Que serait-il pour moi sans le mot arbre ? Juste une masse colorée non distincte de son environnement et de moi
Quand adulte (éveillé ou pas) on perçoit un objet, on en a déjà l’idée et le mot même si notre esprit est silencieux : pas d’objet ou de chose sans idée de la chose
joaquim a écrit: | A ce moment-là, en effet, il n'y a plus "état naturel", mais éveil. Mais il me semble que tu en fais des synonymes, lorsque tu ajoutes : « l'état naturel c'est juste le passage de l'ego à sa vie réelle et la vie réelle c'est moi en acte et non pas moi figé en images ou idées de moi. L'état naturel c'est le ‘ je'' dans sa nature véritable. » Du coup, l'état naturel, ce n'est pas la conscience de l'enfant, puisque celui-ci n'est pas éveillé. Comment appellerais-tu alors la conscience de l'enfant non identifié à ses représentations ? |
C’est pourquoi je disais qu’il n’y a pas d’état naturel, on ne peut parler d’état naturel que par rapport à la vie mentale et artificielle de l’adulte
Dans l’éveil on ne redevient pas enfant mais on retrouve comme disait Deleuze son bloc d’enfance cad une qualité de sensibilité propre à la petite enfance, la capacité d’un rapport direct et purement sensible au réel
Quelle est la conscience de l’enfant ? Pré-réflexive surement, il doit vivre dans un monde de sensation et d’images
Chez Spinoza, c’est le premier mode de connaissance, celui de l’imaginaire et de l’affect, on est simplement affecté par notre environnement
Le deuxième mode de connaissance est celui où commence à faire des rapports entre les choses, c’est celui de la raison
Et le troisième est celui de l’intuition, c’est la connaissance de l’essence des choses, de soi même et du réel, c’est le mode de connaissance de l’éveillé
L’adulte vit dans les deux premiers modes et l’enfant juste dans le premier
Amitiés
Joël |
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daniel
Inscrit le: 15 Fév 2006 Messages: 9284 Localisation: belgique
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Posté le: Di 06 Juin 2010 20:30 Sujet du message: |
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bonsoir !
joaquim relève la chose suivante :
Citation: | ... ce sujet n'existe nulle part au sein de la réalité, parce que la limite n'est pas incluse dans ce qu'elle limite. Mais affirmer qu'en un sens important il n'y a pas de sujet, ce n'est pas dire qu'il n'y a pas de sujet du tout : car dans un autre sens, non moins important, le sujet métaphysique s'avère également être une limite de ce monde duquel il est absent.
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à première vue, ça fait, un peu, "charabia" ... mais je ferai, quand même, le rapprochement entre ce qui est dit là ... et le point (sans dimension) dont tu nous a parlé, y'a pas si longtemps que ça ... |
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daniel
Inscrit le: 15 Fév 2006 Messages: 9284 Localisation: belgique
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Posté le: Di 06 Juin 2010 21:02 Sujet du message: |
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bonsoir rise !
rise dit :
Citation: | Tu as raison mais je parlais, en fait, du tout petit enfant, et j’aurais du préciser celui d’avant le stade du miroir et de l’acquisition du langage
Et là je ne pense pas qu’il y ait véritablement un moi, un sujet
Et y a-t-il même des perceptions ?
De même je me demande si l’animal perçoit quelque chose ?
La perception est un acte intellectuel qui prélève dans les champs des sensations des objets, un tel prélèvement suppose le langage qui permet de nommer les choses et la mémoire pour les reconnaitre
Le petit bébé comme l’animal vit dans un monde de pures sensations.
Chez l’animal il y a l’instinct qui lui permet de se repérer dans ce monde de sensation
Le bébé vit dans un monde d’objets partiels, sa maman n’existe pas comme objet entier mais comme sein.
Son rapport au monde est fusionnel, il ne se différencie pas du monde : pas de langage, cela veut dire pas de sujet ni d’objet
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il y a quelques temps, l'année passée, j'avais fait part de ceci :
Citation: | je me souviens, alors que j'avais un an et demi, et que je me trouvais dans mon relax, d'avoir manqué d'étouffer, parce que la chienne de la maison, était venue sur mon visage, avec affection, puis "s'y est collée ...
mais parents ne l'avait pas, directement, vu, mais à temps, pour pas que je trépasse ... j'ai pris, là, conscience d'être présent ... je m'en souviens comme si c'était hier, et c'est bien à moi, que cela est arrivé ... pourtant, l'on dit, que c'est plus tard que l'on prend conscience de soi ...
on pourrait penser, que je m'en souviens, seulement, parce qu'on me l'aurait raconté ... mais ce que je peux dire, c'est que j'en ai eu la confirmation de mes parents, qu'après leur en avoir relaté l'évènement ...
bref, conclusion, cela semble vouloir dire, que lorsque l'on "est", essentiellement, c'est "soi" qui l'est ... le "moi-je", vient après ... |
tout ce que je peux dire, c'est que c'est la "prise de conscience" (de ce qui est vu, connu, etc ...) qui semble être déterminant, et ce, très vite ... hè !
j'ajouterais, en substance, que l'autre est bien un autre ... que ce soit, dans ce cas, en se retournant vers les parents, ou, en devant supporter le poids du chien ... |
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riseohms
Inscrit le: 30 Nov 2009 Messages: 4335 Localisation: paris
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Posté le: Di 06 Juin 2010 22:22 Sujet du message: |
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bonsoir daniel !
ce que j'ai écrit sur l'animal ou le petit enfant, ce ne sont que des suppositions
en réalité, je ne connais absolument rien sur la psychologie du petit enfant ou de l’animal
je pense que ce dont tu témoignes, c’est du sentiment de la vie, toujours présent dans toute vie que ça soit celle du petit enfant ou de l’animal, c’est la vie s’éprouvant elle-même, un sentiment du soi qui n’a rien à voir avec le moi-je humain
et qui est généralement en arrière plan mais, peut être, dans certaines circonstances telle une situation dangereuse, il peut s’éveiller et passer au premier plan, tant chez le bébé et pourquoi pas chez l’animal parce que tous les sens sont éveillés. Cela doit avoir un lien avec ce qu’on appelle l’instinct de survie
tout être tend à persévérer dans l’être, disait Spinoza
tu dis en outre que tu avais la sensation de'' l'autre ''à un an et demi
c'est possible que la distinction intérieur et extérieur apparaisse plus tôt que je ne le pense
je crois qu'elle apparait avec le sens du toucher car en touchant, en manipulant des objets, on commence à sentir une distance entre son corps et l'environnement alors qu'au niveau purement visuel, la distance n'est pas immédiate
cf l'exemple de l'aveugle né qui recouvre brusquement la vision a l'impression que le monde est en lui
le bébé apprend à se distinguer de l'extérieur en commençant à toucher les objets et à se déplacer.il apprivoise son environnement,
et je crois que cela commence très tôt : à 6 mois ?
s'il y a des gens qui ont des connaissances à ce sujet, cela m'intéresserait
joel |
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riseohms
Inscrit le: 30 Nov 2009 Messages: 4335 Localisation: paris
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Posté le: Lu 07 Juin 2010 18:36 Sujet du message: |
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Bonjour joaquim
joaquim a écrit: | La conscience est quelque chose qui se produit, à travers quoi le sujet se reçoit comme un donné. Alors que la présence est quelque chose qui engage le sujet. Comme tu le dis, dans la présence, il se donne. Bien sûr, à un certain niveau, on peut concevoir que celui qui se découvre conscient est moins identifié que celui qui se donne. Et pourtant, d'un autre côté, l'identification la plus retorse qui soit, c'est bien celle qu'opère la conscience ordinaire en nous faisant croire qu'on est ce donné qu'elle nous présente comme "soi". Alors que le don de soi de l'acteur qui se glisse dans un rôle met en veilleuse les prétentions du sujet à croire se connaître, et fait advenir en arrière-plan un autre sujet, celui qui procède de l'engagement de l'acteur envers son rôle. Et ce sujet-là me semble plus se rapprocher du sujet véritable, c'est-à-dire celui qui naît de son propre don. C'est pour cela que je trouve que la présence révèle le sujet plus véritablement que la conscience
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Oui, tout à fait
la conscience dont tu parles est la conscience ordinaire cad intellectuelle, celle qui se produit en réaction aux interactions avec le monde, qui s’en représente les effets et dont le sujet empirique est le fruit. Le moi de surface est produit, il est le résultat d’un ensemble d’images et d’idées
La conscience dont on parle dans la perspective de l’éveil est une conscience pure, une attention ouverte qui n’est autre que la présence et qui révèle le véritable sujet. Celui qui nait de l’oubli du moi empirique, du sujet enfermé dans des représentations, du lâcher prise de cet ego, de son abandon, de son sacrifice ou don
joaquim a écrit: | Wittgenstein distingue, à raison selon moi, un sujet empirique, psychologique, qui n'a pas de réalité identifiable au sein du monde, et un sujet métaphysique, qui est la limite même du monde, autrement dit ce qui l'englobe. Et il caractérise ce sujet métaphysique non pas en termes de conscience, mais en termes d'éthique. |
Le sujet comme limite du monde me fait tout à fait penser à la vision sans tête Je crois avoir lu une phrase de Wittgenstein sur le champ visuel
Le sujet empirique se situe à l’intérieur de ce champ comme une partie en relation avec d’autres parties, il appartient au monde et considère celui-ci comme extérieur à lui, il n’a pas de réalité mais est juste le centre unificateur d’un complexe physico mental qu’est l’individu (grâce à la mémoire )
Le vrai sujet, sujet métaphysique apparait à la limite de ce monde et physiquement à la limite du champ visuel d’où il englobe le monde
Le sujet se révèle comme condition d’apparition du monde et comme champ de son apparaitre, il en est la substance
Pour la conscience intellectuelle le monde est en face de soi ce qui est le statut de tout objet, être un vis-à-vis
Pour le sujet métaphysique le monde n’est pas en face de soi mais en soi, au niveau de la vision, le soi est le champ visuel, il en définit le sens véritable et le sens de ce qui s’y passe
Ce sujet métaphysique est donc un englobant qu’il ne faut surtout pas aborder comme un nouvel objet de conscience
C’est intéressant de parler du Soi non en terme de conscience mais d’éthique
La présence ou sujet véritable n’est pas spectatrice et le monde cesse d’être un décor extérieur, un spectacle, il est vécu de l’intérieur et ce qui lui donne sa valeur c’est soi même en tant que valeur absolue
Et la valeur absolue n’est elle pas la liberté ?
Sartre a définit la conscience comme liberté, et liberté parce que néant, et au delà de l’ego ou sujet empirique, liberté comme puissance d’arrachement à tout donné ou attache
Ce n’est pas un hasard si Spinoza a intitulé son livre ‘’ l’éthique ‘’
Wittgenstein parle du sujet métaphysique comme d’une volonté métaphysique
Citation: | Dans ces conditions, en quoi consiste le devoir proprement éthique qui est imposé aux sujets ? Ce devoir est celui d'opérer une conversion de la volonté depuis son état empirique vers son état philosophique ou transcendantal. |
Et cette conversion est celle qu’opère le geste de l’éveil, ou acte d'advenir à soi, conversion qui transfigure le monde
, en en faisant un monde heureux
J’ai été très intéressé par le texte de sabine Plaud ‘’le moi peut il être sauvé ? la subjectivité de mach au premier wittgenstein ‘’
il m'inspire ces commentaires:
Le fait de ne plus aborder le monde et son contenu comme un vis-à-vis cad comme un objet implique aussi la disparition du sujet
Cela me fait penser à la conception de Bergson du monde comme une image sans spectateur, le sujet véritable étant intérieur à l’image cad l’image globale elle-même
Citation: | Puisque le Moi n’a pas d’unité déterminée, alors il devient impossible de tracer une frontière nette entre le sujet et ce qui n’est pas lui. Si le sujet n’est rien d’autre qu’un ensemble de représentations, et si le monde lui-même consiste en représentations, alors le sujet se confond avec le monde en général et ne possède pas d’identité propre : « le Moi peut être élargi au point d’inclure le monde entier ». Bien entendu, cette réévaluation par Mach de l’unité du sujet implique une réfutation de la notion d’identité personnelle. |
J’aime bien cette idée de Wittgenstein Citation: | : les limites de mon langages sont les limites de mon monde <<
La totalité des propositions(le langage) correspond à la totalité des états des choses (au monde) |
J’y retrouve cette idée spinoziste qu’il n’y a pas de chose sans idée de cette chose
Et donc si on dépasse le langage, le monde est dépassé aussi, ce qu’on découvre est un monde sans objet ni sujet (empirique) au profit d’un sujet métaphysique qui épouse la totalité du monde.
Sans idée de l’arbre, il n’y a pas d’arbre : ce qui ne veut pas dire que l’arbre est juste une idée (sinon on tomberait dans un idéalisme excluant le monde comme réalité) mais que sa perception suppose le langage
Le sujet véritable s’il est la limite du monde est aussi à la limite du langage, le sujet s’il n’est pas dans le monde n’est pas non plus dans le langage
D’où la critique du cogito cartésien, le sujet n’est pas le sujet du ‘’ je pense ‘’
Néanmoins cette critique suppose qu’on aborde le sujet comme identique à la pensée produite ou en tant que sujet de la pensée
Je dirais pour ma part qu’il est juste identique à l’acte de la pensée mais qu’il n'en est pas le sujet.
C’est ainsi que j’ai toujours compris le cogito
et d’ailleurs Descartes ne limitait pas la pensée à l’intellect
, pour lui le vouloir, le sentir, la perception, c’était aussi de la pensée
Le sujet est identique au monde non des objets mais en tant qu’action manifestant le monde
C’est aussi le problème de Spinoza qui ne considère pas le sujet comme une réalité autonome mais comme un mode de la substance divine
Le sujet que critique Spinoza est le sujet empirique, cad l’âme ou idée du corps
Pourtant cette âme a la capacité de connaitre Dieu et de se faire ainsi sujet métaphysique
Or le sujet est aussi volonté.
Et comme la volonté et la responsabilité sont traditionnellement associées à ce sujet qui se révèle fictif, comment penser la morale et l’éthique sans ce sujet?
De même qu’il y a une volonté faussement libre et partielle associée au sujet empirique
Il y a une volonté libre et totale associée au sujet métaphysique
C’est le passage d’une morale imposée de l’extérieur à une éthique venant de l’intérieur de soi et nous y appelant
Je vois que le seul impératif moral de wiggenstein est << sois heureux<<
L’éthique de Spinoza doit mener au salut qui est béatitude
Merci pour ces textes autour de Wittgenstein, cela me donne envie de lire son ‘’Tractatus logico-philosophicus’’
Et merci pour le lien vers le blog éveil et philosophie de José Le Roy présenté ainsi :<<Ce blog présente la philosophie comme un chemin d'éveil à notre vraie nature. La philosophie n'est pas un simple discours mais une voie de transformation et de connaissance de soi<<
C’est exactement de cette façon que j'aborde la philosophie
amitiés
Joël |
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Invité
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Posté le: Sa 10 Mars 2012 18:20 Sujet du message: Re: Éveil et état naturel (bis) |
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riseohms a écrit: | Bonjour Joachim
, je me sens plutôt proche de l’éveil tel que tu l’exprimes ici
Pour moi le texte de thomas Merton n’est pas l’expérience de l’être en tant qu’être ce qui serait pour moi l’éveil mais l’expérience du monde à partir de l’être (et non plus du mental cad de l’ombre de l’être, son double)
C’est ce que j’appelle l’état naturel qui est sans identité, on se laisse porter par l’être, on n’est plus bloqué dans la conscience réflexive ou ego
L’état naturel est effectivement une libération par rapport à l’état soucieux de l’ego, il procède d’un lâcher prise, c’est un état passif, de réceptivité et en même temps actif qui permet de ne pas se laisser entrainer par les pensées mais de les laisser glisser, c’est que tu décrivais comme l’état qui a précédé ton éveil
L’état naturel permet une joie de vivre, un bien -être, une vie spontanée et immédiate où on se situe avant les pensées et identifications, c’est un état de silence, d’immobilité, effectivement sans ‘’ je ‘’, on est totalement réceptif et ouvert au monde.
On éprouve ce qui nous arrive mais on ne s’éprouve pas, on est présent et conscient des choses extérieures et intérieures sans s’y identifier mais on n’est pas conscient de la conscience, on est présent à notre vécu mais cette présence et conscience ne s’apparait pas à elle-même
Et l’éveil, c’est justement cette apparition de soi, l’éveil est donc une connaissance et relève de la pensée, du je pense, pensée dans le sens large : intellect, perception, émotion, intuition
L’éveil c’est une forme minimale de réflexivité où la conscience s’apparait à elle-même sans non plus être un objet pour elle-même
Je crois que l’état naturel est cette conscience pré -réflexive dont parlait Sartre, il y a bien une présence où on colle aux choses sans non plus s’y attacher, il y a une fluidité des pensées et des émotions et des vécus, il n’y a pas de position de témoin dans l’état naturel, pas d’observateur ni d’observé, pas de distance mais pas non plus de blocage, de soucis, il y a bien identification aux vécus mais dans la liberté
C’est vraiment l’état du fils resté dans la maison du père ou comme tu dis, on vit dans la main de dieu, d’une certaine façon, c’est un état non duel, on vit par la vie de dieu mais pas de sa vie
Quand on quitte cet état naturel, c’est l’état réflexif qui est l’ego où le je est son propre souci :
Souci mondain, matérialiste : ma vie, mon travail, mes projets, mes désirs, mon image par rapport aux autres
Ou souci spirituel (matérialisme spirituel): acquérir des biens spirituels, l’éveil, techniques spirituelles pour réaliser ce désir, distance à soi, position de témoin, on est dans le je pense, dans le cogito : réflexif impur lorsqu’il est souci de son moi empirique
Et réflexif pur lorsqu’il est souci de son moi transcendantal, c’est un état duel où comme tu dis ‘le moi est ‘’dévitalisé’’ cad séparé du vivant en nous : l’émotionnel
C’est le fils qui a quitté la maison du père.
Bien entendu la plupart des gens oscillent entre ces deux états, quand tout leur réussit, famille, travail amour, santé bref quand tout va bien. ils sont dans l’état naturel, ils sont heureux de vivre, ils n’ont pas trop de problèmes mais comme ces biens ne durent pas : chômage, divorce, maladie etc ils rentrent alors dans l’état réflexif du souci, des soucis, des conflits et de la dualité
Le troisième état qui est l’éveil, je l’appellerais la conscience post réflexive où la non dualité intègre la dualité ; un exemple de cette non dualité duelle est la vision, pour avoir une vision totale cad en relief, il faut deux yeux mais notre vision est une, comme si on avait un seul œil
, c’est un retour au premier état (retour du fils prodigue), état naturel mais avec la conscience en plus, avec la connaissance du je, on vit de la vie de Dieu, on est avec le créateur, on devient créateur, on n’est pas seulement créature comme dans l’état naturel
Alors non seulement j’éprouve librement les choses, je vis mais je m’éprouve moi-même éprouvant tout cela.
La réflexivité est bien là mais non séparée de l’émotion qui est la vie.
On se reconnait, on se sent soi même, c’est l’auto reconnaissance dont je parlais, auto reconnaissance non intentionnelle et pourtant en même temps intentionnel, on a l’impression d’être responsable de cette conscience de soi, de la choisir et pourtant on ne l’a pas décidé dans sa pensée superficielle
Je crois que l’éveil est une harmonisation de l’intellect et de l’émotionnel, du réflexif et du non réflexif, de la distance et de la non distance, de la dualité et de la non dualité, de l’actif et du passif sans que l’on puisse les séparer et les discerner
Cette harmonisation c’est le moi intégral, le moi profond qui a son propre vouloir, intention, connaissance et faire
L’ego cad quand le réflexif est séparé du non réflexif, c’est un savoir partiel, un vouloir réactif et un faire impuissant aussi doit il renoncer à lui-même, s’abandonner, lâcher prise
Et revenir dans cet état naturel qui est du point de vue de l’ego de surface non savoir, non vouloir, non faire
On doit quitter cet égo, sortir ‘’ de l’esclavage à plus petit que soi et se soumettre à plus grand que soi, et c’est dans cette soumission que se trouve notre liberté,<<
( phrase entendue aujourd’hui sur France culture dans un entretien avec Arnaud Desjardins
http://www.franceculture.com/emission-les-racines-du-ciel-la-transformation-de-soi-avec-ar naud-desjardins-2010-05-25.html
Ce plus grand que soi c’est Dieu, cad notre moi intégral issue de l’harmonisation entre notre intellect et émotionnel, cette pensée émotionnelle, on peut l’appeler intuition cad connaissance directe
du réel et de soi comme manifestant ce réel
Mais parler de Dieu, de soumission, c’est encore relatif, c’est encore du point de vue de l’ego mais un ego qui se soumet, on reste encore dans l’extériorité par rapport à une transcendance, de même la notion de grâce implique une extériorité, tout cela est relatif au moi de surface cad à la pensée séparée
L’état naturel est insuffisant, il lui manque une base, une assise, une réalité et une identité et cette identité c’est le je, c’est la réalité de l’état naturel,
c’est répondre à la question : l’état naturel, c’est l’état naturel de quoi, de qui ?
Et cette identité vient comme une révélation dans cet état naturel mais il suppose une question, un désir (qui suis-je ?) et cette réponse c’est l’éveil
le je est bien de l’ordre de la connaissance, de l’identité, c’est bien un concept, le concept derrière tous les concepts, concept absolu comme disait Hegel dans son idée de savoir absolu, mais un concept sans contraire , un concept vivant qui est aussi affect, une identité qui renait continuellement de ses cendres et n’est jamais figée, un je qui se fait toujours autre, un je qui s’apparait toujours à lui-même à chaque instant comme si c’était la première fois, c’est une naissance à soi , c’est une identité qui est en même temps l’abolition de toute identité fixe, c’est un être qui ne cesse de devenir lui-même et donc est en même non être, autre
C’est exactement ce que tu écris et que je partage complètement
joaquim a écrit: |
. Pour moi, il y a deux niveaux de conscience différents qui donnent accès à la réalité non-duelle. L'un est une conscience impersonnelle, qui survient lorsqu'on s'est dépouillé de tout ce à quoi on s'identifiait, et que j'aimerais appeler l'état naturel. Dans cet état, il n'y a plus adhérence aux pensées et aux émotions, mais elles passent simplement à travers la conscience, comme des nuages dans le ciel. dans cet état-là, on est le ciel, serein, et à ce titre, on se sent résorbé dans l'unité. Dans la vacuité. Mais on ne sait pas "qui" on est. On n'a pas encore répondu à la question du Maharshi. On dira : je suis l'espace dans lequel cela se passe. Mais ce n'est pas cela, la réponse. La réponse, c'est que je, oui ce petit moi misérable, suis Dieu. Lorsqu'on a connu cela, c'est tellement renversant, tellement évident, qu'on peine à concevoir qu'il soit possible de parler de cette évidence en termes d'impersonnalité. |
L’état naturel est bien une condition favorable à l’éveil mais à condition qu’on ne s’attache pas, qu’on ne s’attache pas à l’espace, à la vacuité, à l’immobilité, au silence, qui ne sont que des aspects, des attributs du soi mais pas le soi en lui-même,
Cet état naturel est bien notre nature mais la réalité, notre réalité n’est pas un état, n’est pas une nature, mais un acte
Ce que l’on est n’est pas naturel mais surnaturel, et ce surnaturel c’est soi, je
, ce que tu dis aussi ‘’l'éveil se situe au-dessus de l'état naturel’’
Qui n’est ni un état ni une nature mais un acte, un devenir, un geste qui nous fait advenir
L’état naturel n’est pas la réalité absolue mais comme tu le dis au début de ton texte, une description négative du réel pour la différencier des artifices de la vie mentale, et relative à lui
C’est une libération par rapport à l’ego dévitalisé mais ce n’est pas la liberté, c’est un vécu libre mais encore relatif à la prison de l’égo. C’est l’éden dont parle Jourdain mais ce n’est pas encore l’éveil
La liberté absolue c’est quand on se retrouve soi même, quand on retrouve le sujet de l’état naturel, le sujet de la vacuité. Le réel est en rien vide ou négatif, il est plénitude et toute positivé, cette positivité c’est le Soi
C’était aussi le thème de mon échange avec viator à propose de mon idée de pli,
Le pli c’était une façon sortir de la ligne pure, où l’être est simple état naturel mais qui ne s’apparait pas à lui-même
Le pli permet une réflexivité minimale sans dualité réelle (ou rupture de la ligne) où l’être cad soi s’apparait à lui-même, où le père (la ligne droite ) d’engendre comme fils (le pli)
Cette réflexion m’a permis de considérer que l’état naturel n’est pas la réalité complète, que l’être en tant qu’être (état naturel) est insuffisant et qui lui faut le non être, le néant pour rendre compte de la réalité absolue qui est présence à soi et donc éveil.
joaquim a écrit: |
". Comment pourrais-je juger le vécu d'autrui pour le comparer au mien? Je ne prétends pas dire la vérité, mais c'est simplement ce que je pense, actuellement. La mise hors-course du moi donne accès à un état d'unité sereine, qui n'est pas à proprement parler le bonheur, mais la paix. C'est un état qui ressemble aux états hypnotiques que l'on peut connaître lorsqu'on est par exemple entièrement absorbé dans une musique au point qu'on devient elle, qu'on épouse chacune de ses formes. C'est découvrir Ce qui Est, parce qu'il n'y a plus l'obstacle du mental pour créer une séparation d'avec le Tout. Mais l'éveil, c'est plus que cela. C'est une commotion. C'est découvrir que Je est un Autre. Et c'est un bonheur sans nom. |
Ce que tu dis là, tu me l’avais écrit par ailleurs et cela m’avait interpellé parce que ces états de fusions avec le monde ou hypnotiques me semblaient appartenir à l’éveil
Mais finalement ils sont plus fruit de l’éveil que l’éveil lui-même
Et peuvent aussi se produire sans l’éveil : en écoutant une musique, dans la contemplation esthétique, dans des expériences de drogues, voir psychotiques (selon Freud où le ça envahit complètement le moi et brise toutes ses défenses)
Et tout simplement dans l’état naturel où le mental (je pense) ne fait plus obstacle à l’émotionnel (j’éprouve)
Ce sont des expériences d’affects, et l’affect est sans distance avec lui-même et élimine toute distance avec le monde
C’est vivre sa vie, on est totalement un avec notre vécu, présent à lui mais je ne dis pas conscient de lui, disons que la conscience est en arrière plan
Je crois que la présence relève de l’émotionnel et la conscience en tant que connaissance relève de la pensée, de l’intellect
On peut parler de conscience émotionnelle ou présence et de conscience intellectuelle ou connaissance
Dans ces états hypnotiques, on est dans une pure conscience émotionnelle où la conscience intellectuelle est hors circuit
Je pense aux échanges avec miboogh partisan de l’éveil impersonnel, nad m’avait dit qu’il vivait des états de non séparation.
Je veux bien le croire
Et quand il disait que le’’ je suis’ le moi était un concept, quelque chose d’intellectuel, il avait raison, mais dans son esprit , c’était une critique dévalorisante car pour lui toute pensée ou concept est illusion
Le je est bien concept et connaissance mais dans l’éveil, le je est unifié à l’émotionnel, il est vivant, il est un acte, pas un concept figée dans la conscience, il est la conscience elle-même en tant que concept absolu
Alors ‘’ j’éprouve ‘’devient’’ je m’éprouve’’, la présence s’apparait à elle-même, l’arrière plan vient au premier plan, l’être devient ‘’s’être, se faire être, devenir être, se devenir, s’advenir, être son propre événement. Devenir ce que l’on est, soi même sans se figer non plus en soi même comme identité,
et donc être toujours soi en tant qu’autre et c’est le propre de la présence à soi sinon on ne serait que soi. Etre présent à soi c’est aussi une mise à distance de soi, une différenciation de soi tout en restant soi cad le même
L’état naturel (conscience pré réflexive) n’est que le renversement de l’état artificiel de la pensée séparée (conscience réflexive), c’est tomber dans l’excès inverse
Dans l’un, on vit le monde à partir de l’être vivant, éprouvant et dans l’autre à partir de l’être pensant. Dans l’un on vit sa vie, dans l‘autre, on la rêve
L’éveil c’est être à la source, être la source, avec le sujet de cette vie et de ce rêve
L’unité de notre personne qui est l’éveil, c’est l’équilibre du je pense et du j’éprouve= je m’éprouve
La Conscience post réflexive ;’’ je suis’’, oui mais pas seulement, je me sens être, je me sais être : présence à soi, pli de l’être
joaquim a écrit: |
Pour ma part, je suis aujourd'hui la plupart du temps dans l'état naturel, et plutôt rarement dans l'éveil. Perdre l'état naturel, c'est l'horreur, c'est insupportable, c'est comme se retrouver en prison. Alors que perdre l'éveil, je veux dire l'intensité abyssale de l'éveil, c'est simplement somnoler. |
Moi aussi, cette présence à soi dans l’unité de la pensée et de l’affect survient brusquement, se révèle, n’a pas besoin de notre intervention, elle semble venir comme une grâce, c’est une méditation naturelle qui fait appelle à notre moi intégral. notre moi de surface doit juste se taire et ne pas bouger
J’ai connu cet éveil en novembre, puis plusieurs fois depuis et notamment il y a quelques jours, cela apparait comme un miracle, une grâce, et surtout tellement simple et évident, qu’on n’imagine même pas en sortir
Et pourtant on en sort et on vit cette sortie comme une malédiction, une chute, quelque chose de révoltant
Comment retrouver cet éveil quand on en sort ?
Tu as donné des réponses à différents endroit du forum notamment dans tes textes sur le geste de l’éveil
; En parlant par exemple d’acceptation du non éveil, effectivement prendre conscience qu’on est inattentif, cest déjà être attentif
Mais on dirait que cet éveil ne dure que le temps de cette acceptation, acceptation qui suppose la présence du je
Puis on retombe vite dans l’inattention ou identification (fluide),
il y a effectivement dans l’état naturel une trop grande passivité qui est celle en fait de l’affect, il n’y a rien d’actif dans les émotions, dans l’état naturel on n’est que réceptif
et l’on risque aussi de tomber dans la somnolence et par là de revenir dans les affres de la pensée séparée cad de l’ego, en se fixant sur des identifications et finalement en quittant cet état naturel
L’état naturel est un excès qui à tout moment pour se transformer en excès inverse, ce n’est pas un équilibre
Or l’éveil, la conscience, c’est l’activité pure puisque c’est la liberté même, les émotions, elles, nous affectent comme des nécessites
La question est donc comment faire ce geste de l’éveil sans que cette activité soit celle de la pensée séparée ou pas seulement
joaquim a écrit: |
Oui, je suis d'accord. Tant qu'il y a intention, il y a dualité, et donc il est exclu par l'intention de sortir de la dualité. La seule chose que l'on puisse faire intentionnellement dans ce sens, c'est d'exercer toute sa vigilance pour décapiter toute velléité d'intention |
Tout a fait, l’intention est bien dualité mais rejeter toute intention est aussi une position dualiste, si on ne fait qu’attendre l’éveil dans l’état naturel, il risque bien de ne pas venir,
aide toi et le ciel t’aidera, dit on
l’éveil a besoin de notre participation : l’ego, la pensée, l’intention peuvent être outils au service du Soi et de la non dualité.
Rejeter toute pensée, tout jugement, tout manque et tout vouloir est une erreur. Le manque peut être un appel du soi
C’est ce que je t’écrivais dans un post précédant:
riseohms a écrit: |
Je pense avoir résolu le problème dont je t’ai fait part souvent à savoir cette opposition entre la présence à soi intentionnelle et la présence à soi non intentionnelle cad naturelle comme elle l’est actuellement, c’était bien entendu un faux problème
J’ai constaté, et je me rappelle que c’était aussi le cas en novembre, que c’est bien une reconnaissance de soi délibérée qui m’a amené à cette auto-reconnaissance, l’intentionnel s’est transformé très rapidement en non intentionnel
-l'intentionnel dans cette présence à soi, c’est quoi ?, c'est manquer de ce qui est et désirer ce qui est
Ce manque, ce désir est juste et non dualiste car immédiatement comblé et satisfait, c'est pourquoi l'intention et l'effort se fond en non intentionnel et non effort très rapidement, et si la distraction revient, on recommence
-ce qui est dualiste c'est manquer et désirer ce qui n'est pas |
Et c’est ce que tu écris :
.
joaquim a écrit: |
Pour ma part, on peut le faire sur un mode que je dirais passif, ou négatif, pour reprendre la terminologie ci-dessus, apophatique, en renonçant simplement à saisir, ou sur un mode actif, positif, en étant intensément présent, simplement présent, sans rien vouloir, sinon de nourrir cette présence. L'une conduit à ce que j'appelle l'état naturel, l'autre à ce que j'appelle l'éveil. |
L’état naturel ne mène pas de lui-même à l’éveil mais c’est la condition nécessaire et le terrain favorable dont il faut reconnaitre l’identité, la réalité et cette réalité, c’est la conscience, la présence de soi même
S’il n’y a pas cette reconnaissance, toujours immédiate, l’état naturel ne dure pas et retombe dans les identifications et artifices du mental cad redevient un état ordinaire, celui de notre moi quotidien
Il faut aider l’éveil, il ne tombe pas du ciel, cette aide, c’est la conscience
La conscience permet d’éviter de retomber dans cette tendance qu’à l’esprit à s’attacher, à figer ce qu’il vit, à objectiver,
La conscience est d’abord un lâcher prise. L’état naturel est ce lâcher prise
Puis la conscience finit dans ce lâcher prise par se reconnaitre elle-même et par devenir présence à soi
Quand ce trésor est découvert, il faut être déterminé à ne pas le laisser se recouvrir de nouveau, à ne pas retomber dans l’oubli de soi
Il y a besoin d’une intensité, d’une persévérance dans la présence à soi
Cette présence à soi, au départ délibérée, devient vite naturelle, non intentionnelle, comme si le grand moi prenait la relève.
Le petit moi ne ferait qu’utiliser la clé de contact, mettre le moteur en route, ensuite çà roule tout seul,
Cependant il y a toujours le risque de s’endormir au volant, le moteur ralentit et finit par s’arrêter.
Si cela arrive, c’est que quelque part on a commencé à faire de l’éveil un état et à se prendre pour un éveillé.
On s’est habitué, la passivité a pris le pas sur l’activité et le dynamisme propre à l’éveil
Le problème c’est qu’ensuite on a du mal à réutiliser la clé de contact, la présence intentionnelle car elle semble tellement artificielle par rapport à la simplicité de l’éveil, on voudrait se passer de l’ego qui est ressentie comme une opacité par rapport à la transparence de la conscience, une opacité, une non liberté
On est peut être ici dans un jugement dualiste où on oppose artificiel et naturel. Silence et pensée, non intentionnel et intentionnel. il ne faut pas oublier que tout problème ou dualité est un faux problème
Peut être, faut il sortir de cette fascination du ‘’ naturel’’ et cesser de dévaloriser l’artificiel. Ce qui doit compter c’est La présence à soi qu’elle soit intentionnelle ou pas.
D’ailleurs dans la présence à soi dite naturelle, j’ai le sentiment d’un choix et de la vouloir, ce qui montre bien que l’intentionnel n’a pas disparu mais s’est uni au non intentionnel de façon indiscernable.
Il y a les deux dans l’éveil mais dans un mélange et une unité paradoxale, difficile à penser et à formuler, elle est même inaccessible à la pensée, cette unité est un miracle
Merci pour ton post, il m’encourage à une position plus active par rapport à l’éveil
Amitiés
Joël
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Merci joel!, ...alors qu'il y a à peine 1 an ces écrits restaient incompréhensibles pour moi, voilà que je reconnais parfaitement ce que je vis aujourd'hui...
Je me suis découvert être à partir de cet état naturel que tu décris avec joaquim.... Je vis cet état naturel depuis environ 6 mois et je ne pouvais rien expliquer de ce qu'il se passe dans cet etat..... Je reviens sur ce forum je ne sais trop pourquoi et j'y decouvre tout a coup ce post qui est si clair!!
J'ai presque tout lu ce qui conserne cet etat naturel, la phrase que je prefere le plus car elle decrit au mieux ce que je vis est celle-ci :
" Alors non seulement j’éprouve librement les choses, je vis mais je m’éprouve moi-même éprouvant tout cela.
La réflexivité est bien là mais non séparée de l’émotion qui est la vie.
On se reconnait, on se sent soi même, c’est l’auto reconnaissance dont je parlais, auto reconnaissance non intentionnelle et pourtant en même temps intentionnel, on a l’impression d’être responsable de cette conscience de soi, de la choisir et pourtant on ne l’a pas décidé dans sa pensée superficielle "
Aussi, je dirait que je navigue entre l'etat naturel et l'eveil... Quand je ne suis pas pleinement éveillee, je suis dans l'etat naturel... C'est alors comme si je ne m'éprouvais plus moi-même temporairement...mais la paix demeure...
Enorme merci a vous deux...je comprend bien le "geste" d'éveil (je n'aurait jamais cru un jour parler ainsi, moi qui était de nature "éveil impersonnel pure " ), et de comprendre ce geste tout en vivant ce que je vis m'aidera surement, du moins permettra a ma conscience de parfaire ce geste...
Xx Christine (autrefois cricri) |
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daniel
Inscrit le: 15 Fév 2006 Messages: 9284 Localisation: belgique
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Posté le: Sa 10 Mars 2012 21:02 Sujet du message: |
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Bonjour christine !
Tu nous donnes, là, un bel écho de ce que tu connais depuis 6 mois ...
Ça a du te changer la vie !? ... mais, est-c'que ça a changé, ton regard, sur la vie !?
Comment, te positionnes-tu, par rapport, aux malheurs du monde (c'est mon quetionnement actuel ) ... faut-il agir pour tenter de changer la donne !? |
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Invité
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Posté le: Sa 10 Mars 2012 23:10 Sujet du message: |
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daniel a écrit: | Bonjour christine !
Tu nous donnes, là, un bel écho de ce que tu connais depuis 6 mois ...
Ça a du te changer la vie !? ... mais, est-c'que ça a changé, ton regard, sur la vie !?
Comment, te positionnes-tu, par rapport, aux malheurs du monde (c'est mon quetionnement actuel ) ... faut-il agir pour tenter de changer la donne !? |
Bonjour Daniel !
C'est si nouveau que je sais pas si je peux en parler avec des mots les plus justes possible comme le font joël et joaquim par exemple... il y aurait tant de choses à dire sur les changements, mais en même temps rien ne change... le changement est toujours du point de vue du mental, rien ne bouge à l'intérieur, ça regarde le mental s'exciter mais rien ne bouge... alors difficile de parler de changement de ce point de vue... mais oui, je comprend ta question et tout change....
C'est encore très nouveau et comme je le disais, ce n'est qu'à la lumière des écrits que je viens de lire ici que je comprend ce qui arrive vraiment....que je peux saisir de façon compréhensible ce qui se vit en moi....je lis aussi Mon Ko qui a aussi le don d'écrire sur cette danse entre l'état naturel et l'état d'éveil...
bien sur que ça change la perception au monde...le rapport au monde aussi. Je pensais que l'éveil était, dit grossièrement, de se débarrasser de ce monde, des états qui le compose et de ce qu'on y vit... (émotions, sentiments, problèmes, etc) pour ensuite accéder à un espèce de ciel d'où on regarde la vie avec une béatitude... ...alors qu'en fait c'est la saisi du monde et de ce qui s'y passe (incluant les états que tu qualifierait de positif) qui cause problème! Quand on ne le saisit pas ce monde, tout baigne!
Côté perception qui change, je dirais que le monde existe....tout en existant pas...je ne souhaite pas entrer dans des explications sur l'état duel et non duel, j'existe et je n'existe pas, etc.. je dirais en gros qu'il faut Voir pleinement ce qu'on pense être comme personne avec des gouts, des fixations, etc.., puis ensuite voir que "je" n'existe pas pour finalement vivre pleinement l'état d'être et d'être du monde/dans le monde...
Aussi bizarre que ça puisse paraître (parce qu'on imagine toujours l'éveil total, complet et parfait sans retour possible et ce à tout coup), je sens que ce geste d'éveil demande de ma part toute ma présence, toute mon attention....ainsi le silence est requis et s'impose naturellement ces temps ci....il est très facile de basculer dans l'état naturel et...je suppose, après s'être endormie un certain temps dans l'état naturel, retourner à l'état d'ego si l'état naturel n'est pas bien fixé et acquis....
je me rend compte que je m'éloigne naturellement de tout concept, je ne lis plus rien, je suis avec moi-même à être présente à l'état d'être...on dirait que c'est naturellement dans cet état que je peux facilement faire le geste d'éveil qui consiste à ne pas m'emparer de rien qui passe, mais à laisser les choses de la vie me traverser...
je pourrais expliquer cela en disant brièvement que c'est dans l'acte de voir et de ne pas bouger (pas physiquement bien entendu) que ce geste se fait et c'est pas moi, christine la personne doté d'un mental qui fait ce geste...alros c'est bizarre mais c'est pas un geste car un geste est une saisi....et là on fait le geste de se saisir de rien...
quand les choses me traversent et que je me saisi de rien, je peux les connaitre vraiment tout en restant présente et consciente, à m'éprouver comme le disait si bien joel.....mais ça reste ténu et ça demande temps et présence, attention.....si je me retrouve dans n'importe quel brou-ha-ha de la vie trop important, c'est dans l'état naturel que je retombe en quelque sorte... c'est pas si mal tu vas me dire, mais c'est un état où je suis un peu plus zombie... même si c'est archi simple et paisible...
Je pourrais faire un livre de tout les trucs chouettes dont le mental raffole, par exemple de ressentir chacun de mes pas quand je marche, d'entendre en meme temps tout les sons en les vivants, en ressentant chaque personne que je croise, allant jusqu'à son odeur corporelle personnelle...bref... s'accrocher à cela fait retomber dans l'état naturel...il est là le défi de l'éveil, ne s'accrocher à rien.
L'éveil me fait penser à une balance sur laquelle on se pose naturellement et à partir de où on laisse la vie être soi et soi être la vie, totalement en la vivant sans jamais, jamais prendre rien, s'agripper à rien...c'est une corde raide en quelque sorte et je suppose qu'un moment donné ça s'ajuste et cela devient plus facile...
je comprend aussi le fait que se n'est pas moi qui fait ce geste car il est impersonnel mais en même temps j'y participe, je le "choisi" en quelque sorte......
j'ai déjà trop parlé bien que cela aide à centrer en moi ce qu'il se passe par rapport à ce geste... J'écrivais sur ma page facebook y a quelques temps que "quelque chose" avait pris le relai en moi et que ce "quelque chose" était rendu plus fort que le désir de m'agripper à tout pour me faire une vie de fantasme....je réalise que ce "quelque chose" est l'acte d'éveil qui se fait sans que le je fasse bien que pourtant je le fasse....
bisou Daniel...xx
ha, et pour ta question sur les problèmes du monde.... tu comprendras que pour moi, ce n'est pas ce qu'il se passe dans le monde qui fasse problème, (et on pourrait se demander s'il se passe vraiment quelque chose ), mais la facon dont on veut changer les choses en les ajustant à son mental, ses idées, à son trip illusoire d'être quelqu'un....
christine |
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riseohms
Inscrit le: 30 Nov 2009 Messages: 4335 Localisation: paris
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Posté le: Di 11 Mars 2012 19:04 Sujet du message: Re: Éveil et état naturel (bis) |
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bonjour Christine, Daniel et à tous
voici 2 liens qui parlent de l’état naturel:
http://forum-nangpa.com/viewtopic.php?f=61&t=5893
où il y a cette phrase
Si saisie ou rejet apparaissent dans notre esprit, même faiblement, l'esprit sera en désordre et la Voie sera perdue.
* La Vacuité nous sauve de la croyance en la Forme. Mais la Forme nous sauve de la croyance en la Vacuité.
être dans la voie juste , c'est vraiment vivre sur le fil du rasoir
par exemple le non effort ou non faire peut être une forme subtile d'effort et de faire si on en fait une recette
en réalité il y a non effort des que l'on comprend directement et en profondeur l'absurdité de tout effort
et notamment tout effort pour être soi même ou vivre avec l’évidence de soi-même
à un moment il devient évident que l'on est toujours soi-même et qu'il est impossible donc de ne pas l’être
alors tout effort , faire ou recherche s’arrête
autre site http://etatnaturel.blogspot.com/
sur ug krishnamurti
amicalement
joel |
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