Regards sur l'éveil
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 6058 Localisation: Suisse
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Posté le: Sa 22 Mars 2014 22:26 Sujet du message: Splendeurs et misères de l’individu |
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Bonjour à tous,
J’ouvre un nouveau sujet, parce qu’il m’a conduit à aborder quelque chose qui s’écarte trop du sujet dans lequel Marie avait écrit : http://www.cafe-eveil.org/forum/viewtopic.php?p=29856#29856
marie a écrit: | Quelle différence et quel lien fais-tu entre « la nature » et Dieu?
Je ne suis pas sûre de comprendre ta phrase. Est-ce l’individu qui attend depuis le commencement du monde ? ou bien Dieu qui est la main tendue ? Te réfères-tu à un concept de Dieu extérieur ?
De mon point de vue, la nature est divine, l’intelligence à l’œuvre dans la nature est l’intelligence divine. Cette intelligence, cette vie en mouvement n’est pas autre que la conscience…
Qu’est-ce que l’individu ? |
Bien sûr, le Dieu éternel qu’on (se) découvre être dans l’éveil est le même que celui qui donne son être à la nature et qui fait qu’elle est. J’ai distingué Dieu et la Nature, parce qu’il y a entre eux la distinction qu'il y a entre l’éternité et le devenir, entre l’être et l’étant. Et puis, surtout peut-être, parce que Dieu et la nature n’établissent pas la même relation avec l’individu. Pour Dieu, l’individu compte infiniment, il est cet infime morceau de nature qui échappe à la nature pour créer un monde nouveau, un monde de pur être au sein de l’étant. Pour la nature au contraire, l’individu ne compte pas. Il n’est qu’un peu de mortier qu’elle malaxe sans aucun égard pour lui, afin de construire ses édifices, qui ont pour échelle des centaines de milliers d’années.
L’individu, en accédant à la conscience de lui-même, ouvre une brèche qui le propulse hors de la nature. Il sait son corps issu de la nature, mais lui, en tant que soi-conscience, ne provient pas de la nature. Il ne provient de nulle part. Il est, c’est tout. Il se découvre être, sans jamais être apparu. L’humain surgit hors d’une biologie qui craque, qui ne le protège plus comme elle le fait pour l’animal, mais qui l’abandonne à lui-même. L’être humain est seul en lui-même. Abandonné par la nature. Il lui faut construire un lien avec elle, pour s’y relier — religare. Construire ce lien, c’est entrer dans le monde de la culture. Durant des dizaines (des centaines?) de milliers d’années, la culture et la religion visaient à relier l’individu à la nature dont il était issu. Aujourd’hui, l’homme est devenu à lui-même son propre modèle : l’homme est devenu la mesure de l’univers. Dans nos sociétés, il n’y a plus aucune valeur qui primerait sur le respect de chaque vérité individuelle.
Tu dis dans ta réponse à kenneau : «L’ignorance est innocente». Oui, elle l’est pour la morale humaine. Mais pas pour la nature. Dans la nature, l’ignorance est sanctionnée impitoyablement — par l’accident, ou par la mort. Pour la justice des hommes, il faut qu’il y ait connaissance pour qu’il y ait culpabilité. Quelqu’un qui ignorerait qu’il fait le mal ne peut être considéré comme coupable. Pourtant cette notion de culpabilité est totalement étrangère à la nature. Qu’elle fonde le fait humain suffit à révéler que l’homme n’est plus soumis aux lois de la nature.
marie a écrit: | Justement , il me semblait que si cette mutation qu'est l'éveil un saut évolutif, elle doit l’être pour l’ensemble et pas une rareté. La nature est généreuse et abondante elle ne retient pas ses solutions gagnantes . C’est seulement en masse que cette mutation aurait des répercutions à grande échelle. |
En fait, ce saut ne dépend plus de la nature. Peut-être y a-t-il des conditions naturelles qui pourraient favoriser sa survenue, et alors il conviendrait de les cultiver. Mais le saut en lui-même se situe au-delà de la nature. Il ne dépend que de l’individu lui-même. C’est un enjeu entre lui et lui. Il en est le point de départ, et le point d’arrivée. Il ne se passe rien, et tout est transformé. Parce qu’à travers ce saut, l’individu a reconnu qu’il n’est rien, et tout à la fois.
Il me semble que l’individu est un malentendu. Une illusion, comme le disent certaines sagesses orientales. Et pourtant, il est une porte, il est cette main tendue que Dieu — le Dieu éternel — attend depuis le commencement du monde. Mais il ne devient cette porte qu’à l’instant où il se dessaisit de lui-même.
Or, ce à quoi on assiste depuis bientôt 2’000 ans, c’est à la sacralisation de l’individu. Chez les peuples païens, toute la nature était sacrée. Dans les religions monothéistes, l’homme est déclaré fait à l’image de Dieu, et la nature est là pour le servir. Depuis 2’000 ans, le culte de la nature et le respect de ses lois s’est perdu, et une seule loi subsiste, celle de la sacralisation de l’humain, qui trouve sa consécration dans les Droits de l’Homme. L’individu est déclaré plus précieux que tout le reste, il est la mesure de tout, du juste et du vrai. Jamais les Anciens, ni aucune société traditionnelle, n’ont considéré que l’individu méritait tant d’attention et de déférence. Pour elles, une vie humaine n’était pas sacrée «en soi», ni même sacrée tout court. Le sacré, pour ces sociétés traditionnelles, c’est ce qui fonde l’humain et le dépasse. Aujourd’hui, la Terre croule et étouffe sous ces milliards d’humains dont chacun est sacré. On a chosifié l’individu en le déclarant sacré ; pourtant, le seul pouvoir sacré qu’il recèle, c’est celui de s’effacer devant ce qui n’est pas lui. Ce pouvoir-là est unique. En effet, jamais un animal ne s’effacera devant ce qui n’est pas lui. Il n’en a pas la capacité. Mais jamais non plus il n’exercera son pouvoir au-delà de ce que la nature lui a prescrit. L’être humain s’est affranchi de la nature, il peut s’effacer devant ce qui est, ou bien aspirer à un pouvoir sans limites sur les êtres et les choses. Et c’est cet être centré sur lui-même qu’on a érigé au rang de mesure ultime des choses. Quel pari insensé ! Ériger le désir de chacun comme norme de ce qui est bien.
Le désir de chacun, pour autant qu’il converge avec celui du plus grand nombre, représenterait donc la légitimité. C’est le principe même de la démocratie. Comme si la légitimité d’une cause pouvait dépendre du désir du plus grand nombre. L’esprit n’accepte pas ces calculs d’épicier. Une telle politique est à proprement parler une girouette. Elle se met dans l’axe où souffle le vent le plus fort. J'ai toujours été très impressionné par l'histoire de Louis XV détruisant les papiers permettant la fabrication d'une arme nouvelle, épouvantable pour l’époque, comme pourrait l'être pour nous l'arme atomique, le feu grégeois, et qui détruisit les papiers de son inventeur et acheta son silence, alors que sa marine en aurait eu bien besoin pour vaincre les Anglais ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Feu_gr%C3%A9geois#Exp.C3.A9rience_de_Dupr.C3.A9 ). Aurait-on fait passer la décision de se pourvoir de cette arme en votation populaire, elle aurait eu, je pense, toutes les chances de passer, parce que le principe de la démocratie est l’addition des intérêts personnels, et que chacun aurait considéré comme étant dans son intérêt que le pays dispose de cette arme. Mais le roi, lui, fut capable de faire passer son intérêt personnel — et celui de tous ses sujets — après un intérêt supérieur, celui du respect des valeurs qu’il était censé représenter. Au fond, l’esprit qui préside à la démocratie est le même que celui qui préside au libéralisme : l’idée qu’un bien — voire le seul bien véritable — émergerait de la recherche combinée des intérêts individuels. C’est faire descendre le Bien, émanation de l’esprit au même titre que le Vrai et le Beau, au niveau d’un consensus d’intérêts.
Les individus ont été protégés contre eux-mêmes par la société jusqu’à la Révolution Française, en gros. Depuis lors, la tendance s’est inversée, et la société favorise au contraire l’immersion de l’individu en lui-même. Auparavant, le bien commun primait sur le bien individuel (cf. par ex. cette conférence de Marion Sigaut : http://www.dailymotion.com/video/xy17ze_alain-soral-marion-sigaut-comprendre-les-lumieres_news). Aujourd’hui, le bien commun est censé naître spontanément de la recherche du bien individuel. C’est vrai en économie, selon l’image d’Adam Smith sur la «main invisible du marché» ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Main_invisible ) qui recrute les égoïsmes individuels pour les mettre au service du bien commun, et c’est vrai en politique, comme le démontre le consensus unanime à propos de la démocratie. Et ne parlons pas de la religion, où chacun taille la sienne à sa mesure. Ainsi, les individus sont livrés à eux-mêmes, et n’ont d’autre ressource, pour ne pas sombrer, que de développer une ouverture à l’autre qui concrétiserait le message chrétien. Peut-on vraiment attendre qu’une part suffisante de l’humanité réalise ce projet, qui mise tout sur l’individu, en ayant foi qu’il sera capable de s’ouvrir à Dieu, pour qu’on puisse fonder une nouvelle société sur cette ouverture-là? Stricto sensu, cette ouverture a toujours existé, et c’est en parlant d’elle que Jésus a déclaré que «mon Royaume n’est pas de ce monde». Pourrait-elle réellement devenir ce qui fonde «le monde» ? Et maintenant, pas demain, parce qu’il y a urgence. Ou bien ne faudrait-il pas quand même trouver une autre manière d’être ensemble, de nouvelles règles sociales, qui puissent servir de matrice pour permettre à ses membres de se dépasser eux-mêmes ? Pour ma part, attendre que les individus accèdent spontanément à cette ouverture et concrétisent ainsi le projet chrétien — et celui de la spiritualité individuelle en général —, c’est pour l’instant une pure utopie. Il faudrait des siècles ou des millénaires pour y parvenir. Pourtant, l’urgence est là, la société est sur le point de s’atomiser sous la pression des individus livrés à eux-mêmes. Elle ne les maintient plus en son sein que par la vertu du seul ciment qu’elle connaisse : l’égoïsme individuel et l’argent. Or l’argent est proche du moment où il va révéler sa vraie valeur, c'est-à-dire nulle, purement virtuelle, parce qu’il ne vaut réellement plus rien, il n’est plus adossé à des valeurs physiques réelles, il n'est adossé plus qu'à de la dette, incarnation de l’hubris humaine (cf. l'Argent-dette, de Paul Grignon, un désormais classique : http://www.youtube.com/watch?v=kgA2-bWXSN4). Et la démocratie, à force de contradictions, de mensonges et de faux-masques, va également révéler sa vraie nature, qui est d’être au service du pouvoir de l’argent (cf. Etienne Chouard : http://www.youtube.com/watch?v=u-9aUejdKy4). Parce qu’on le sait aujourd’hui : celui qui a l’argent, celui-là façonne à sa guise l’opinion des masses. Il n’a pas fallu plus de 6 mois, en 1917, pour qu’une campagne orchestrée par les banquiers de Wall Street retourne l’opinion américaine en faveur de la guerre contre l’Allemagne (cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Committee_on_Public_Information ), alors que le président Wilson avait été réélu en 1916 sur le slogan : «Nous ne sommes pas en guerre, grâce à moi» (cf. http://www.speedylook.com/Woodrow_Wilson.html). Bref, il me semble qu’on est proche de l’heure de vérité. Soit nous établissons un nouveau contrat social basé sur le bien commun, pas seulement dans les buts, mais dans les moyens — redéfinition de la nature de l’argent et du sens de la communauté —, soit nous assistons au verrouillage d’un pouvoir oligarchique par l’abrutissement définitif des masses (hard sur le mode soviétique, ou soft sur le mode capitaliste). Ou alors, Deus ex machina, nous sommes réellement arrivés à la fin des temps, et le jour du Jugement Dernier est proche.
Il y a d’un côté la nature, la vie, de l’autre l’individu, l’humain. On pourrait dire la Nature et la Culture, mais ce n’est pas si simple, parce que le côté nature, vie, n’est nullement exempt de culture — bien au contraire, dirais-je : toute la production culturelle est à mettre de son côté, la dimension individuelle, humano-centrée, ayant simplement un effet dissolvant sur cette culture enracinée dans la chair et dans la tradition, et ce n’est que par cet effet dissolvant qu’elle la colore, et à la fait vibrer. Mais l’effet dissolvant s’épuise, au fur et à mesure que la matière dissoute est perdue. Il me semble qu’il y a une culture qui naît de la reconnaissance de la prééminence de la nature sur l’individu (c’est la culture traditionnelle), et une culture qui naît de l’émancipation de l’homme face à la nature (c’est la culture moderne). La position individuelle, humano-centrée, procède d’une révolte contre l’ordre de la nature, et porte ainsi sa propre fin en elle, puisque sa victoire détruit le substrat dont elle se nourrit. C’est ce qu’on observe aujourd'hui tant au niveau collectif qu’individuel. On pourrait se dire alors : très bien, l’humanité (occidentale), dans son hubris démesurée, touche à présent à ses limites, et va devoir faire face au retour de la réalité. Cela provoquera un rééquilibrage nécessaire. Mais ce n’est pas si simple, encore une fois. Parce que la nature n’est pas une mère. Pas pour l’individu en tous cas. Ou plutôt pas pour l’individu tant qu’il se met, lui, au centre. Elle ne l’est que pour celui qui se met au service de quelque chose qui le dépasse, et qui accepte de se sacrifier pour cette réalité-là. Alors elle produit du fruit à partir de son sacrifice. La nature pour sa part n’a que faire de l’individu en tant que tel. La nature exerce, «par nature», une violence sur l’individu, car celui-ci est la pâte à partir de laquelle elle construit une réalité qui le dépasse. Elle garde le fort, et élimine le faible. Or, cela, le christianisme nous a appris à ne plus le tolérer. Le christianisme a fait naître dans l’humanité le souci et le respect de la victime. Il refuse cette violence inhérente à la nature : la violence faite aux faibles ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Ren%C3%A9_Girard#L.E2.80.99.C3.89criture_jud.C3.A9o-chr.C3.A9tienne ). Il a placé ce qui gît au coeur de chaque être humain, quel qu’il soit, au-dessus de toutes les déterminations que peut lui apporter la nature. Il dit avec St-Paul : «Il n’ y a ni homme ni femme, ni Juifs ni Grecs, ni hommes libres ni esclaves, car tous vous ne faites qu’un dans le Christ.» Il a sorti l’homme de la nature, l’a soustrait à ses lois, et l’a placé par avance dans un monde dont il est citoyen de plein droit à l’égal de tous les hommes. Il a créé par là une frontière étanche entre le monde humain et le monde naturel, qui fait que rien de ce que ne produit la nature ne peut avoir la valeur d'un humain. Alors voilà ce qui me trouble : le message chrétien a maille à partir avec la faillite actuelle du monde occidental. Parce que c'est lui qui a placé l’être humain hors de la nature. Il l’a d’ailleurs annoncé d’emblée : «mon Royaume n’est pas de ce monde». Cette tendance au retrait hors du monde a été contrecarré au plan historique lorsque le christianisme, devenu religion d’empire, a absorbé en lui le paganisme qui lui préexistait. C’est l’élément païen qui a structuré le christianisme par les rites, les fêtes saisonnières, les anges et les saints, etc. Les Réformés ne s’y sont pas trompés, lorsqu’ils ont voulu revenir au message originel de l’Evangile, puisqu'ils ont rejeté tous ces rites qui faisaient la substance de la religion populaire. L’arrivée du protestantisme a été contemporaine du mouvement humaniste. Il est consubstantiel à la Renaissance, il a donné naissance à la révolution bourgeoise et à l’abandon des éléments structurants de la communauté humaine au profit de la reconnaissance des seuls droits individuels — et de la puissance économique. Ce n’est pas par hasard si l’économie est devenue le moteur prépondérant d’une telle société : c’est elle seule qui incarne une forme de nivellement des différences naturelles par la réduction à l’unité monétaire — quand bien même cette réduction à l’étalon-argent crée une nouvelle inégalité, mais, dira-t-on, les chances sont intactes. La manière dont on calcule aujourd’hui la richesse d’un pays, à l’aide du PIB, est révélatrice de cet anthropocentrisme : la seule richesse dont on tienne compte est le salaire cumulé de tous les individus. Pas leur travail, mais leur production économique monétisée. C’est-à-dire que la nature n’est plus une richesse, ni ce qu’ont construit les générations passées, ni le travail bénévole, ni le travail des mères au foyer, ni rien d’autre, que l’argent gagné par un individu durant une année. Cela ressemble à une caricature du message chrétien, mais cela me semble aussi en être une conséquence presque nécessaire : du moment que seul l’humain compte, on ne compte plus aussi que ce qu’il produit, et de ce qu’il produit plus que ce qui est comptable.
Le christianisme a pourtant raison. Il y a au fond de chaque être humain une étincelle qui fait de lui le centre d’un monde qui contient la Terre et les étoiles. Cette étincelle est ce qu’il y a de plus précieux dans l’univers, et pourtant, on se trompe en l’honorant comme si elle valait plus que tout. Elle ne vaut rien, elle n’est la mesure de rien, elle n’est pas susceptible de plus ou de moins, et à ce titre-là, il faut bien reconnaître qu’elle ne fait pas partie de ce monde. Elle l’illumine, mais elle n’est pas en lui, elle n’en est pas une partie. Au contraire, elle brille avec d’autant plus de pureté qu’elle n’est alourdie par rien de matériel dont elle se chargerait pour se donner de la consistance. Construire une société sur les Droits de l’Homme, c’est opérer une terrible méprise, c’est vouloir donner une consistance — pire, c’est vouloir faire dériver toute consistance, de ce qui ne peut demeurer pur que dégagé de toute forme de chosification.
Dernière édition par joaquim le Di 23 Mars 2014 0:03; édité 2 fois |
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 6058 Localisation: Suisse
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Posté le: Sa 22 Mars 2014 23:43 Sujet du message: |
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Descartes a le premier, posé le doute systématique comme chemin de connaissance. Ou plutôt, il a utilisé le doute systématique pour déblayer l’espace encombré par toutes les certitudes acquises, afin de faire place nette pour la certitude originelle, celle qui brille lorsqu’on a tout retiré : l’existence de Dieu. Il n’a pas imaginé, je pense, que ses suiveurs ne garderaient de lui que le doute, et qu’ils l’appliqueraient en premier à Dieu lui-même. Descartes meurt en 1650. Louis XIV est au faîte de son pouvoir. Le monde semble déterminé à tourner pour toujours autour de son soleil, dont le Roi est le représentant sur terre. L’Edit de Nantes est révoqué en 1685, dans la certitude que la tempête que déclencha Luther en est à ses derniers soubresauts, et que tout allait rentrer dans l’ordre. Non seulement tout ne rentra pas dans l’ordre, mais une nouvelle vague, plus puissante que celle de Luther, allait balayer l’autorité de l’Eglise, puis celle de Dieu lui-même. Et cette vague, ce qui lui donna sa force irrésistible, ce fut le doute, ce doute même que Descartes avait instillé, et qu’il nourrissait pour la plus grand gloire de Dieu. Le tournant du XVIIème au XVIIIème siècle fut le théâtre de ce que Paul Hazard appela la crise de la conscience européenne. La machine à douter s’était mise en branle, et plus rien ne l’arrêterait. Toutes les vérités les plus assurées qui étaient jusque là comme le soleil et les étoiles au firmament de la conscience européenne, basculèrent, et on se mit à chercher la réalité sous la poussière des choses, on se mit à interroger les faits les plus prosaïques, comme si ceux-ci allaient apporter une vérité plus assurée que les astres de la pensée et de la foi ne l’avaient fait jusqu’alors. Tous furent pris de cette fièvre, et les moines ne furent certainement pas en reste dans la quête de la vérité tapie dans la réalité matérielle des choses. Comme Descartes, il le firent avec l’espoir de servir la plus grande gloire de Dieu, et passèrent les vérités révélées des Écritures au crible de la raison et du doute. Les recherches sur la chronologie en sont l’exemple le plus révélateur. On vit des moines tenter avec acharnement de faire coïncider les dates mentionnées dans la Bible, avec les connaissances mises à jour par des recherches empiriques. Le basculement qu’on observe là, c’est que même pour ces moines, qui avaient consacré leur vie à l’Église et à la vérité révélée des Écritures, le centre de gravité qui ordonne désormais la recherche se déplace de la foi vers le doute. Interroger les faits, c’est par définition douter. C’est faire l’aveu de son ignorance. C’est chercher la vérité à travers la bonne ordonnance des faits. Et l’instance qui les ordonne, ce n’est pas la foi, mais la raison. Un mouvement irrésistible était en marche, recrutant aussi bien les hommes de foi que ceux qui la contestaient, et faisant de chacun un serviteur de la raison. C’est désormais la raison qui allait ouvrir les portes de la réalité objective, et confiner du même coup la foi dans le domaine de la pure subjectivité.
Le triomphe de la raison a eu un effet dissolvant sur toutes les structures qui constituaient l’armature de la société humaine. Elle a eu sur celle-ci des effets remarquablement paradoxaux, elle qui prétendait à l’universalité et à l’objectivité, puisqu’elle conduisit à la réification de la subjectivité, seule norme désormais appelée à structurer le corps social. La raison a libéré l’individu de toute tutelle qui lui serait extérieure, puisque c’est en lui qu'elle réside, et que seul son assentiment valide la justesse de ses assertions. Avant l’ère du doute, ce qui était objectif, c’était ce qui rassemblait toutes les subjectivités dans une certitude commune. Depuis que le doute a triomphé, ce qui est objectif, c’est ce dont chacun peut se convaincre après qu’il l'ait fait passer au crible de sa raison. Avant, le pivot, c’était la communauté. Après, c’est l’individu. Et puisque nous sommes, aujourd’hui, dans l’ère du doute et de la raison, nous ne pouvons faire autrement que de valider cette suprématie de la raison sur la foi. Il y a là des enjeux qui nous dépassent, puisque c’est à partir d’eux que nous pensons. Déplacer la vérité d’un espace où elle était commune à tous, extérieure en quelque sorte, objective, vers un espace où elle ne se révèle qu’après le passage à l’examen du doute individuel, où elle est donc, à ce titre, subjective, et assurer dans le même temps que l’humanité, au cours de ce processus, serait passée des brumes de la croyance arbitraire à la connaissance objective, il y a là, pour le moins, quelque chose de paradoxal.
Il est difficile de s’extraire du terreau à partir duquel on pense. Si on pense à partir de la raison — et nous ne saurions faire autrement aujourd’hui —, on regarde nécessairement les choses sous l’angle de la raison, autrement dit en supposant implicitement que l’individu est seul maître de son jugement. On est tous des libres-penseurs. Une telle société fonde sa légitimité non pas sur des valeurs transcendant l’individu, mais sur les Droits de l’Homme. L’homme n’est plus, comme dans les sociétés antérieures, un être imparfait appelé à se dépasser lui-même par son adhésion à des valeurs qui transcendent cette imperfection, il est la mesure de toute valeur, son point d’origine et son but tout à la fois. S’il subsiste bien un champ dévolu à l’évolution — individuelle et commune —, c’est un champ ouvert sur l’infini, orienté par rien sinon par le cours que prendra l’homme dans sa marche vers le futur. Il y a évolution, mais non pas dépassement. Ce qu'il s'agit de constater, indépendamment de la légitimité du processus qui a conduit à la toute-puissance de la raison, c'est que ce processus n'est pas innocent. J'entends par là qu'il n'est pas sans conséquences sur le matériau humain lui-même. Et ses conséquences, sociales, politiques, économiques, individuelles, on les observe aujourd'hui, sans qu'on puisse vraiment les comprendre, parce que pour les comprendre, il faudrait pouvoir s'extraire du processus qui nous y a conduit.
Ce que je veux dire, c'est qu'aujourd'hui, on vit dans un système où même avec la meilleure volonté du monde, aucun gouvernant (à moins qu'il ne se mette à dos le système, comme l’a fait par exemple Hugo Chavez) ne pourra prendre les décisions qui s'impose pour protéger le bien commun. Je pense à des choses toutes simples comme par exemple empêcher l'importation de produits agricoles hors saison cultivés à l'autre bout du monde. Il y a mille exemples de ce type, où on se dit que le bien commun, aujourd'hui, ce serait avant tout de préserver les ressources et la santé de notre planète, mais aucun gouvernement n'a le pouvoir de décider quoi que ce soit dans ce sens qui irait contre les intérêts de l'économie. A contrario, je reprendrai cet exemple du roi Louis XV détruisant les papiers de l'inventeur du feu grégeois, par souci du bien commun. Je ne dis pas que tous les monarques étaient de la même manière préoccupés du bien commun, mais il allait de soi qu'il devait en être ainsi, même si ce n'était pas toujours le cas, et que ce n'était pas seulement au peuple que le roi avait des comptes à rendre sur sa gestion du bien commun, mais à Dieu. Aujourd'hui, le système économique fonctionne comme s'il était la loi naturelle suprême, à laquelle on ne saurait attenter sans mettre en péril l'équilibre de la société toute entière, alors qu'il n'est en réalité qu'un système de règles du jeu fait pour enrichir un petit nombre. Dans l'Ancien Régime, la police, c'était la police du grain. Et son rôle consistait à protéger le peuple contre ceux qui cherchaient à spéculer sur le prix du grain. Il s'agissait là d'un crime passible de lourdes peines. Le prix du grain était fixe, et le rôle premier du roi de France était d'assurer que chacun de ses sujets ait à manger. Aujourd'hui, on assiste à des spéculations sur les matières premières dans le monde qui créent chaque année des famines qui déciment des populations entières. Et ceux qui s'enrichissent par ces manoeuvres sont ceux qui détiennent le véritable pouvoir. Et la police est là pour protéger les prérogatives de ceux-ci contre ceux qui ont faim. On est vraiment loin, très loin, du souci du bien commun. |
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daniel
Inscrit le: 15 Fév 2006 Messages: 9284 Localisation: belgique
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Posté le: Di 23 Mars 2014 15:11 Sujet du message: |
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Bonjour Joaquim !
Quel développement ... Bravo !
Tu dis :
Citation: | Descartes a le premier, posé le doute systématique comme chemin de connaissance. Ou plutôt, il a utilisé le doute systématique pour déblayer l’espace encombré par toutes les certitudes acquises, afin de faire place nette pour la certitude originelle, celle qui brille lorsqu’on a tout retiré : l’existence de Dieu. |
Quand tout a été passé au crible ... Que reste-t-il ... Dieu ...
Que reste-t-il de Dieu ... La majuscule ...
Descartes à découvert que puisse qu'il pensait ... Il était ... " je pense donc je suis" ... "Je suis" ... Mais pour combien de temps !
Personnellement ... Je n'ai pas de raison de me penser éternel ... Tout m'apparaît comme impermanent ... Et moi ...aussi ...
Ça m'attriste ... Parce que la seule perspective que j'ai ... C'est d'attendre la mort ... Et vieillir d'ici-là ... Je n'en vois pas d'autre ... Mais c'est la réalité ...
Tout est voué à la décrépitude ... Les humains ... Les animaux ... Les sociétés ...
L'individu existe-t-il vraiment ... N'a-t-il jamais existé ... Oû n'y-a-t-il que des personnes menés par le bout du nez et que l'on dirige en "troupeau" ...
Aujourd'hui ... On en fait ... Essentiellement ... Des bêtes de somme ... Toujours propres sur elles ... Et des consommateurs ...
Ne sommes-nous pas que conditionnéEs ... |
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KIYA
Inscrit le: 20 Fév 2014 Messages: 2270
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Posté le: Di 23 Mars 2014 16:05 Sujet du message: |
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Bonjour Daniel,
Se SAVOIR immortel...
Nous ne pouvons pas avoir cette connaissance intellectuellement. L'homme n'a pas les outils pour atteindre ce savoir. Il peut en avoir l'intuition très forte, le croire, mais seule une expérience qu'on ne peut qualifier que de mystique,de connaissance directe ou prise de conscience absolue, peut nous le faire SAVOIR. Mais nous ne pouvons pas la provoquer, elle ne peut venir que de Dieu en Soi. De l'au delà du tangible. C'est cela dont Joaquim parle quand il mentionne la main tendue de Dieu, je pense.
En tant qu'humain, nous ne pouvons rien faire d'autre que d'accepter cette possibilité pour qu'elle puisse se manifester, accepter cette main tendue. Accepter cet au delà de la raison.
Je comprend d'autant mieux ta position, que je l'ai tenue moi-même il y a un certain nombre d'années. Je comprend parfaitement que comme St Thomas, on ne puisse croire avant d'avoir vu. Et pourtant... C'est exactement dans la position contraire qu'il faudrait se tenir...Car si tu ne peux pas croire, tu ne peux pas voir.
C'est pourquoi souvent cette "connaissance absolue" émerge au milieu d'une crise existentielle majeure, ou dans une situation qui nous dépasse tant, qu'on en appelle Dieu à l'aide... et qu'on s'ouvre enfin à Lui... Et qu'on découvre cet au delà en soi.
Quand cela se produit, alors, on peut commencer à se dé-conditionner.
Amicalement
Kiya |
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Invité
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Posté le: Di 23 Mars 2014 19:36 Sujet du message: |
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Il est plus de courage qu' on ne pourrait le penser et le croire ... |
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riseohms
Inscrit le: 30 Nov 2009 Messages: 4335 Localisation: paris
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Posté le: Di 23 Mars 2014 19:51 Sujet du message: |
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daniel a écrit: |
Personnellement ... Je n'ai pas de raison de me penser éternel ... Tout m'apparaît comme impermanent ... Et moi ...aussi ...
Ça m'attriste ... Parce que la seule perspective que j'ai ... C'est d'attendre la mort ... Et vieillir d'ici-là ... Je n'en vois pas d'autre ... Mais c'est la réalité ...
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daniel
je ne comprends pas comment tu peux dire cela
et dire en même temps ailleurs
Daniel a écrit: | je peux ... Aussi ... Dire ... Que je suis sorti du "rêve individuel" ... Finalement ... Vu que je m'identifie plus à mes émotions ... Mes sensations ... Ou encore .... Mes pensées .... Laughing
Je les vois pour ce qu'elles sont ... Sans existence propre
Je ne m'identifie plus à l'histoire de Daniel ! |
dans ce cas il ne reste plus rien de toi sauf ta propre conscience, ton Soi
celui-ci n’étant pas une forme ne peut être concerné par la mort
seul ce qui est composé peut se décomposer
la conscience n’étant pas composé mais ce qui est simple,un et indivisible ne peut ni naitre ni mourir, ni apparaitre ni disparaitre
comme dit Joaquim dans son texte
joaquim a écrit: | L’individu, en accédant à la conscience de lui-même, ouvre une brèche qui le propulse hors de la nature. Il sait son corps issu de la nature, mais lui, en tant que soi-conscience, ne provient pas de la nature. Il ne provient de nulle part. Il est, c’est tout. Il se découvre être, sans jamais être apparu
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la mort ne concerne que les organes, pas la vie et tu es la vie .
conscience et vie c'est la même chose _________________ l’éveil c'est l'esprit qui, libre de tout objet ,reposant en soi et accueillant tout, se révèle à lui-même |
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Ping Pong Invité
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Posté le: Di 23 Mars 2014 20:08 Sujet du message: |
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riseohms a écrit: | daniel a écrit: |
Personnellement ... Je n'ai pas de raison de me penser éternel ... Tout m'apparaît comme impermanent ... Et moi ...aussi ...
Ça m'attriste ... Parce que la seule perspective que j'ai ... C'est d'attendre la mort ... Et vieillir d'ici-là ... Je n'en vois pas d'autre ... Mais c'est la réalité ...
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la mort ne concerne que les organes, pas la vie et tu es la vie .
conscience et vie c'est la même chose |
VIouiE !
Mais tu sais , riseohms , il y a de ces hivers qui semblent s'éterniser...
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daniel
Inscrit le: 15 Fév 2006 Messages: 9284 Localisation: belgique
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Posté le: Di 23 Mars 2014 20:09 Sujet du message: |
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Bonsoir Kiya ! Bonsoir Joel !
Qu'est-c-qui peut faire penser que l'action de la conscience ... Sans ses objets (émotions ... Sensations ... Pensées ...) ... Ne soit pas ... Aussi ... Produite par le cerveau !? |
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KIYA
Inscrit le: 20 Fév 2014 Messages: 2270
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Posté le: Di 23 Mars 2014 20:29 Sujet du message: |
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Bonsoir Daniel,
Scientifiquement, lorsque un individu est en état de mort clinique, son cerveau ne fonctionne plus et cela est confirmé par des moniteurs. Hors, il y a un nombre incalculable de témoignages (NDE) qui confirment que la conscience continue à fonctionner après cet arrêt. Et qui sont pris très au sérieux par des scientifiques respectés.
Autrement, je ne crois pas qu'il puisse y avoir d'argumentation intellectuelle possible, car cette connaissance est au delà de la pensée. C'est ce qui la rend impossible à concevoir. C'est parce qu’elle est aussi au delà de tout concept. Cela ne peut être que vécu.
Kiya |
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riseohms
Inscrit le: 30 Nov 2009 Messages: 4335 Localisation: paris
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Posté le: Di 23 Mars 2014 21:35 Sujet du message: |
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bonsoir Joaquim et à tous
joaquim a écrit: |
marie a écrit: | Quelle différence et quel lien fais-tu entre « la nature » et Dieu?
Je ne suis pas sûre de comprendre ta phrase. Est-ce l’individu qui attend depuis le commencement du monde ? ou bien Dieu qui est la main tendue ? Te réfères-tu à un concept de Dieu extérieur ?
De mon point de vue, la nature est divine, l’intelligence à l’œuvre dans la nature est l’intelligence divine. Cette intelligence, cette vie en mouvement n’est pas autre que la conscience…
Qu’est-ce que l’individu ? |
Bien sûr, le Dieu éternel qu’on (se) découvre être dans l’éveil est le même que celui qui donne son être à la nature et qui fait qu’elle est. J’ai distingué Dieu et la Nature, parce qu’il y a entre eux la distinction qu'il y a entre l’éternité et le devenir, entre l’être et l’étant. Et puis, surtout peut-être, parce que Dieu et la nature n’établissent pas la même relation avec l’individu. Pour Dieu, l’individu compte infiniment, il est cet infime morceau de nature qui échappe à la nature pour créer un monde nouveau, un monde de pur être au sein de l’étant. Pour la nature au contraire, l’individu ne compte pas. Il n’est qu’un peu de mortier qu’elle malaxe sans aucun égard pour lui, afin de construire ses édifices, qui ont pour échelle des centaines de milliers d’années.
L’individu, en accédant à la conscience de lui-même, ouvre une brèche qui le propulse hors de la nature. Il sait son corps issu de la nature, mais lui, en tant que soi-conscience, ne provient pas de la nature. Il ne provient de nulle part. Il est, c’est tout. Il se découvre être, sans jamais être apparu. L’humain surgit hors d’une biologie qui craque, qui ne le protège plus comme elle le fait pour l’animal, mais qui l’abandonne à lui-même. L’être humain est seul en lui-même. Abandonné par la nature. Il lui faut construire un lien avec elle, pour s’y relier — religare. Construire ce lien, c’est entrer dans le monde de la culture.. |
Merci joaquim pour ce texte
Personnellement il m’ouvre de nouvelles perspectives pour penser la réalité
Je voudrais te dire comment je comprends la distinction que tu fais entre Dieu et la nature à travers Spinoza
On l’a accusé à son époque de panthéisme parce qu’il affirmait que Dieu est la nature, le panthéisme affirme en effet la non différenciation totale entre Dieu et la nature.
Pourtant Spinoza n’est pas complètement panthéiste par la différenciation qu’il fait au sein de la nature et donc de Dieu entre la nature ‘’naturante ‘’et la nature ‘’naturée’’
La nature ‘’naturante’’ est identique à la substance et donc à Dieu lui-même et produit le monde qui nous apparait cad la nature naturée avec ses corps, ses étants que Spinoza appelle modes ou modalités de la substance, avec ses lois implacables et son déterminisme
C’est la nature dont tu parles, une nature qui n'est pas Dieu mais qui n'en n'est pas séparé non plus puisque c'est Dieu qui lui donne sa substance ou réalité.
Il y a donc chez Spinoza une immanence totale et en même temps une transcendance.
Tu as raison de distinguer éternité et devenir, être et étant, Dieu et la nature
mais il nous faut préciser aussitôt qu'ils ne sont pas séparés et que l’éternité et l’être ne sont pas ailleurs que dans le devenir et les étants, ils occupent le même espace, le même plan ( il n' y a qu'un plan )
cependant la disparition de l’étant et du devenir n'implique pas la disparition de l’éternité et de l’être puisque c’est l’être qui fait tout apparaître ou disparaitre
il nous faut donc bien distinguer Dieu et la nature (naturée ) tout en affirmant leur unité puisque la nature est la manifestation de Dieu .
Par la conscience cad la présence de Dieu ''naturant '' en lui ,l'homme n'est pas qu'un mode ou un étant , il est cette dimension '' libre et indeterminée '' qui peut agir et transformer les choses
La conscience n'est donc pas naturelle mais sur-naturelle
C’est par la conscience que nous sommes responsables
Et que nous devons nous sentir concerné par le devenir du monde tel que tu nous le décris.
S’il n' y avait que la nature naturée, il n' y aurait aucune morale possible
Dans une vision de pure immanence où il n' y a que ‘’ce qui est ‘’la question du mal ne se pose pas
le mal fait partie de ce qui est , autrement dit la nature puisque de ce qui est nous ne percevons que la nature apparente .
Introduire le mal comme réalité au sein de la nature c’est en rompre l’unité, dans la nature, il n’ y a pas de mal absolu ni de bien absolu
Et il n’ y a pas de liberté non plus
De même si on conçoit ce qui est comme uniquement Un .
La non dualité pure et dure fait l’impasse sur la question du mal, de même sur la question de la liberté, de la responsabilité
La non dualité justifie le mal puisqu’elle le rend relatif cad le rationalise et égalise le bien et le mal ( le ramène à l’un )
Pourtant le mal doit rester injustifiable et c’est notre cœur qui le réclame.
Face à la souffrance d’un enfant, face à la torture, face à Auschwitz aucune tentative d’explication ou de justification du mal ne résiste .
La seule façon de poser de nouveau la question du mal et de la liberté, c’est de réintroduire la dualité dans la non dualité, la transcendance au cœur de l’immanence qu’est la nature, l’indéterminé dans le déterminé
C’est ce que tu fais dans ton texte en différenciant Dieu et la nature et repensant l’homme à partir de cette différenciation
Dans l’immanence pure, l’un sans second, la justice humaine n’a plus aucun sens,
La société n’est plus qu’un corps qui se défend contre des virus ou bactéries et la justice et sa police n’est qu’une réaction immunitaire.
La culture n’est plus qu’une forme de la nature.
Bref rien ne différencie l’homme de l’animal
l’homme qui se prenait pour un empire dans un empire réintègre la nature et n’est plus qu’un mode de cette nature .
Il est bien cela mais pas seulement
J’aime ton idée de considérer l'homme comme une ‘’brèche ‘’dans la nature
et par cette brèche différencier la culture de la nature et réintroduire la possibilité de la liberté et la question du bien et du mal
Car l’homme n’est pas qu’un mode cad un automate spirituel entièrement soumis au déterminisme comme on pourrait le penser dans une lecture superficielle de Spinoza car l’homme a la possibilité de se connaître et de connaître Dieu
Et pour Spinoza, c’est Dieu qui se connaît à travers l’homme , c'est lui aussi qui pense et perçoit à travers lui .
Dieu, la conscience est présente en l’homme
Et Dieu et donc la conscience est cette nature naturante dont je parlais au début,
Déterminant tout, elle ne peut être déterminée
La liberté et donc la responsabilité est bien présente en l’homme
Par cette conscience ‘’indéterminée ‘’ l’homme a la possibilité de transformer les choses
Ma vision au départ était essentiellement moniste, immanentiste
Mais une telle vision ne répond pas à toutes les questions car elle annule toutes les valeurs humaines en les relativisant
Puisque pour elle seul l‘un est réel, et le reste est illusion.
Il faut réintroduire le dualisme, le pluralisme, la transcendance au cœur de l’immanence et de l’un.
Etre à la fois moniste et dualiste en quelque sorte
‘’Ce qui est ‘’n’est pas qu’Un mais aussi Deux ( Trois)
La pensée orientale qui ne pense que l’Un, c’est bien mais le christianisme qui pense le trois, c’est bien aussi
Et à partir d’une vision où l’homme retrouve son importance et son rôle comme brèche par laquelle le surnaturel ou l’indéterminé pénètre la nature pour agir et la transformer.
On peut de nouveau s’intéresser à l’histoire et se sentir concerné par l’avenir de l’humanité comme tu le fais dans ton texte.
Parce que si l’humanité, la société, l’histoire n’est qu’une illusion ou le rêve de l’un et bien on s’en fout.
Seul l’éternité compte et le devenir est moins que rien
On ne voit plus alors que cette éternité est au coeur du devenir
On ne voit plus que le devenir est le devenir de l’être
Et que c’est l’être qui anime le monde et lui donne son sens.
enfin en différenciant Dieu et la nature et puisque ''ce qui est '' pour nous est la nature, on peut considérer comme Levinas que Dieu est au delà de l’être
au dessus de l’être.
Citation: | Dans ce livre je parle de la responsabilité comme de la structure essentielle, première, fondamentale de la subjectivité. Car c’est en termes éthiques que je décris la subjectivité. L’éthique, ici, ne vient pas en supplément à une base existentielle préalable ; c’est dans l’éthique entendue comme responsabilité que se noue le nœud même du subjectif. [...] L’humanité dans l’être historique et objectif, la percée même du subjectif, du psychisme humain, dans son originelle vigilance ou dégrisement, c’est l’être qui se défait de sa condition d’être : le dés-intéressement. C’est ce que veut dire le titre du livre : Autrement qu’être. […] Etre humain, cela signifie : vivre comme si l’on n’était pas un être parmi les êtres. » | cf levinas ''autrement qu’être ou au delà de l'essence '
amities
joel _________________ l’éveil c'est l'esprit qui, libre de tout objet ,reposant en soi et accueillant tout, se révèle à lui-même |
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riseohms
Inscrit le: 30 Nov 2009 Messages: 4335 Localisation: paris
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Posté le: Di 23 Mars 2014 22:28 Sujet du message: |
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daniel a écrit: | Bonsoir Kiya ! Bonsoir Joel !
Qu'est-c-qui peut faire penser que l'action de la conscience ... Sans ses objets (émotions ... Sensations ... Pensées ...) ... Ne soit pas ... Aussi ... Produite par le cerveau !? |
oui je sais, c'est ton point de vue matérialiste
le fait que l'on puisse localiser dans le cerveau tout le vécu et les mouvements psychiques ne prouvent pas que le cerveau en soit la cause, cela montre simplement qu'il y a unité de l'esprit et du cerveau et donc correspondance dans le cerveau de ce qui se passe dans l'esprit
c’était le point de vue Spinoza qu'on a appelé ''parallélisme ''
qui implique aucun rapport de cause à effet entre l'esprit et le cerveau mais juste une correspondance .
en plus la conscience n'est pas une activité , n'est pas un mouvement, ce qu'on observe dans le cerveau ce sont les mouvements de la pensée et des émotions
mais certainement pas la conscience , son action est immobile et immédiate et ne réclame aucune dépense d’énergie cad aucun effort ou tension
mais bon on ne va pas reprendre ici ce débat . _________________ l’éveil c'est l'esprit qui, libre de tout objet ,reposant en soi et accueillant tout, se révèle à lui-même |
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daniel
Inscrit le: 15 Fév 2006 Messages: 9284 Localisation: belgique
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Posté le: Di 23 Mars 2014 22:47 Sujet du message: |
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Merci Kiya et Joel !
Joel dit :
Citation: | mais certainement pas la conscience , son action est immobile et immédiate et ne réclame aucune dépense d’énergie cad aucun effort ou tension |
P´tête que ça m'viendra ... Un jour ... Comme une évidence ! |
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 6058 Localisation: Suisse
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Posté le: Lu 24 Mars 2014 1:56 Sujet du message: |
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Bonjour Joël, et à tous,
J’ai fait cette distinction entre Dieu et la nature parce que c’est ainsi qu’ils me sont donnés, l’un et l’autre, à l'intérieur de ma conscience : la nature, quand bien même elle m’aurait produit, m’apparaît comme extérieure à moi, alors que Dieu est intérieur à moi. L’accession à la soi-conscience — moi — crée entre moi et la nature une distance qui est celle qui sépare le sujet de l’objet. Alors que Dieu m’est immédiatement accessible, puisqu’il est ce que je suis (immédiatement accessible ne veut pas dire facilement accessible : y accéder, c’est s’éveiller).
Est-ce que Spinoza assimile la nature naturante à Dieu ? Pour ma part, cela me semble un raccourci un peu rapide. Je ne connais pas grand chose à Spinoza, mais je me représente spontanément, parce que le terme est parlant, la nature naturante comme cette partie de la nature qui génère les formes. La Volonté au sens de Schopenhauer — quoique celle-ci recouvre peut-être les deux notions de natura naturans et de conatus. Dans ce sens, la natura naturans n’est pas assimilable à Dieu, à mon avis, mais elle est une des faces de la nature, sa face créatrice. Dieu donne son être à la nature, il est répandu dans chacune de ses parcelles, dans chacun de ses atomes, leur conférant leur réalité, mais il n’est jamais défini, ni par son action, au contraire de la natura naturans, ni par ses effets, au contraire de la natura naturata. Il est, tout simplement. Lorsqu’un être humain s’étonne qu’il y ait quelque chose plutôt que rien, autrement dit qu’il y ait de l’être, il touche Dieu, sans le voir. Mais il sait qu’il touche, par cette question, le coeur de l’existence.
Je suis d’accord avec tes réflexions sur le mal, et avec celles de Lévinas sur l’éthique. La possibilité du mal, de la faute, apparaît avec un être qui se représente le monde, c’est-à-dire un être qui se fait du monde une représentation sienne : cette représentation peut être fidèle, ou infidèle. Se faire une représentation infidèle, c’est accorder à sa représentation plus d’importance que le monde qu’elle est censée représenter ; c’est même, in fine, nier le monde, pour lui substituer sa propre réalité. C’est la définition même du mal. Se faire une représentation fidèle, c’est réduire au silence notre désir de voir la réalité conforme à nos attentes, et s’efforcer de la voir telle qu’elle est. Si on parvient à se faire totalement transparent à la réalité qui se donne, parce qu'on s'y donne soi-même, alors on retourne à l'Unité. Cela n'exclut en rien la pensée, puisqu'il est dans la nature de la pensée de tendre à cette transparence. Merci pour cette citation très éclairante de Lévinas. J'avais déjà parlé du lien entre conscience et éthique ici : http://www.cafe-eveil.org/forum/viewtopic.php?t=1146 :
joaquim a écrit: | La conscience, j’entends la conscience de veille, c’est le fait de «se regarder». Qu’un regard puisse se dégager de l’adhésion à soi pour prendre le recul nécessaire afin de devenir regard sur soi, ouvre un espace qui est celui de la liberté du sujet. Cette liberté ne consiste pas en la capacité à produire des choix libres, mais dans l’aptitude à juger de la fidélité, ou de l’infidélité à soi, ou à la réalité. Tout acte de conscience repose sur le fait qu’en exécutant cet acte, on tâte intérieurement la réalité qui se présente à soi pour sentir si elle correspond bien à ce qu’elle prétend être. On perçoit bien la spécificité de cette conscience si on porte son attention sur la conscience de rêve. En effet, on se convainc sans peine que cette dernière est incapable d’un tel examen, parce qu’elle n’est pas capable d’un recul suffisant par rapport au matériel qui lui est présenté pour en évaluer la réalité.
La conscience est la garante de la réalité. Il y a en français une ambiguité autour du terme «conscience» qui trouve là une profonde légitimité. La conscience, c’est à la fois le fait d’effectuer cet examen de la réalité afin d’en établir la validité, et en même temps la voix intérieure qui juge de la moralité de nos actes. |
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riseohms
Inscrit le: 30 Nov 2009 Messages: 4335 Localisation: paris
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Posté le: Lu 24 Mars 2014 12:07 Sujet du message: |
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Bonjour joaquim
Joaquim a écrit: | Est-ce que Spinoza assimile la nature naturante à Dieu ? Pour ma part, cela me semble un raccourci un peu rapide. Je ne connais pas grand chose à Spinoza, mais je me représente spontanément, parce que le terme est parlant, la nature naturante comme cette partie de la nature qui génère les formes. La Volonté au sens de Schopenhauer — quoique celle-ci recouvre peut-être les deux notions de natura naturans et de conatus. Dans ce sens, la natura naturans n’est pas assimilable à Dieu, à mon avis, mais elle est une des faces de la nature, sa face créatrice. Dieu donne son être à la nature, il est répandu dans chacune de ses parcelles, dans chacun de ses atomes, leur conférant leur réalité, mais il n’est jamais défini, ni par son action, au contraire de la natura naturans, ni par ses effets, au contraire de la natura naturata. Il est, tout simplement. Lorsqu’un être humain s’étonne qu’il y ait quelque chose plutôt que rien, autrement dit qu’il y ait de l’être, il touche Dieu, sans le voir. Mais il sait qu’il touche, par cette question, le coeur de l’existence.
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Dans ma compréhension de Spinoza, la nature naturante ce sont les attributs de la substance qui est Dieu
Et un attribut cad ''Ce que l’entendement perçoit de la substance comme constituant son essence » (Ethique, I, déf. 4) n’est pas autre chose que la substance
Lorsque nous percevons Dieu ou la conscience à l’extérieur de nous, nous le percevons sous l’aspect de l’attribut ‘’étendue’’
Et lorsque nous le percevons à l’intérieur de nous, nous le percevons sous l’aspect de l’attribut pensée ( pensée absolue ).
Par nature naturante il faut entendre l’action de Dieu en tant que cause première ou immanente de tout ce que nous percevons du monde :
Citation: |
On doit entendre par nature naturante, ce qui est en soi et est conçu par soi, autrement dit ces attributs de la substance qui expriment une essence éternelle et infinie ou encore Dieu en tant qu’il est considéré comme cause libre
Par nature naturée, j’entends tout ce qui suit de la nécessité de la nature de Dieu, autrement dit de celle de chacun de ses attribut, ou encore tous les modes des attribut de Dieu, en tant qu’on les considère comme des choses qui sont en Dieu et ne peuvent sans Dieu ni être ni être conçues | - (spinoza l’ethique , scolies de la proposition 29)
Par nature il faut entendre chez Spinoza la nature de Dieu
et ce que nous appelons couramment la nature cad le monde est ‘’en Dieu ‘’ et est la nature naturée.
L’action de Dieu en tant que nature naturante n’est pas un mouvement créateur au sens relatif cad une cause directe et effective de telle ou telle chose car ce qui produit une chose, c’est toujours une autre chose.
Dieu en tant nature naturante est cause première ou immanente cad condition de la production relative des choses
On peut en parler aussi comme d’un moteur immobile ou le moyeu de la roue
En ce sens la nature naturante est l’être même, le centre et le cœur de tout en tant qu’acte pur (Dieu verbe), c’est une immobilité active.
Cette nature naturante peut-elle être assimilée à la volonté ou au désir (conatu) ?
Spinoza écrit : Citation: | l’entendement en acte, qu’il soit fini ou infini, comme aussi la volonté, le désir, l’amour etc doivent être rapportés à la nature naturée et non à la naturante | ( éthique, proposition 31°)
Dieu selon Spinoza produit le monde non par volonté ou par un acte libre mais par la nécessité de sa propre nature, autrement dit il ne peut faire autrement que de produire le monde tel qu’il est.
Dieu est et aussitôt qu’il est le monde est ou est engendré de par sa nature naturante .
Dieu en lui-même cad dans son essence n’a aucune volonté ni désir car volonté et désir sont des modalités de sa nature dans le cadre de sa pensée absolue.
Enfin je citerais Deleuze à propos de Spinoza : Citation: | la nature dite naturante (comme substance et cause) et la nature dite naturée (comme effet et mode ) sont prises dans les liens d’une mutuelle immanence : d’une part , la cause reste en soi pour produire ; d’autre part, l’effet ou le produit reste dans la cause. Cette double condition permet de parler de la nature en général , sans autre spécification. |
Ce qui permet à Spinoza d’affirmer que Dieu est la nature et non au dessus de la nature, contrairement à la conception d’un Dieu purement transcendant et extérieur à la nature, ce qui a scandalisé à l’époque.
Le Dieu spinoziste n’est pas créateur, une création est toujours extérieure à son créateur, elle est ce qui sort de lui
là tout se passe en lui comme une expression necessaire de sa propre nature .
on comprend donc que la nature n’est pas seulement ce qui nous apparaît mais aussi ce qui fait apparaître et la condition de tout apparaître ; autrement dit la nature ou la réalité c’est nous-même et le monde est en nous .
pour terminer je citerais un autre passage de ton texte dans le sujet '' conscience et conscience morale:
http://www.cafe-eveil.org/forum/viewtopic.php?t=1146
Joaquim a écrit: | Ces réflexions nous montrent que la conscience introduit une forme de dualité, puisque par son entremise on se met soi face à soi. Pourtant, ce n’est qu’à travers ce face à face avec soi-même qu’on devient une personne unifiée. Sans cela, on resterait le jouet de ses passions et de ses craintes. On voit là à quel point il faut se méfier des idées toutes faites, comme celle qui voudrait que ce soit la pensée qui crée la dualité. C’est vrai, bien sûr. Pourtant, il n’y a pas d’unité non plus sans la pensée. Ce n’est pas en supprimant la pensée qu’on accède à l’unité. C’est en devenant soi-même cette transparence qui est la nature même de la pensée. Comme le dit Alain, refuser de se penser, c’est le propre des inconscients. Mais se penser, se mettre en face de soi, sans qu’il ne demeure plus rien qui chercherait à se dérober à cette lumière, c’est cela, accéder à l’unité de soi.
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cela me fait penser à ce que disait hannah arendt à propos de la banalisation du mal, suite au proces d'eichmann qu'elle avait relaté
cette banalisation est le fait de gens qui refusent de penser
Citation: | Elle estime qu'Eichmann, loin d'être le monstre sanguinaire qu'on a décrit, est un homme tristement banal, un petit fonctionnaire ambitieux et zélé, entièrement soumis à l'autorité, incapable de distinguer le bien du mal. Eichmann croit accomplir un devoir, il suit les consignes et cesse de penser. C'est ce phénomène qu'Arendt décrit comme la banalité du mal. Il ne s'agit pas de le disculper : pour Arendt, cette attitude est impardonnable, et Eichmann est coupable.
Ce concept pose des questions essentielles sur la nature humaine : l'inhumain se loge en chacun de nous. Dans un régime totalitaire, ceux qui choisissent d'accomplir les activités les plus monstrueuses ne sont pas si différents de ceux qui pensent en être incapables. Continuer à « penser » (c'est-à-dire s'interroger sur soi, sur ses actes, sur la norme) est la condition pour ne pas sombrer dans cette banalité du mal ou encore dans la « crise de la culture ». Dans un régime totalitaire, cela est rendu plus difficile par l'idéologie, la propagande et la répression. | wikipedia
amities
joel _________________ l’éveil c'est l'esprit qui, libre de tout objet ,reposant en soi et accueillant tout, se révèle à lui-même |
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daniel
Inscrit le: 15 Fév 2006 Messages: 9284 Localisation: belgique
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Posté le: Lu 24 Mars 2014 14:14 Sujet du message: |
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Bonjour Joaquim !
Tu dis :
Citation: | J’ai fait cette distinction entre Dieu et la nature parce que c’est ainsi qu’ils me sont donnés, l’un et l’autre, à l'intérieur de ma conscience : la nature, quand bien même elle m’aurait produit, m’apparaît comme extérieure à moi, alors que Dieu est intérieur à moi. L’accession à la soi-conscience — moi — crée entre moi et la nature une distance qui est celle qui sépare le sujet de l’objet. Alors que Dieu m’est immédiatement accessible, puisqu’il est ce que je suis (immédiatement accessible ne veut pas dire facilement accessible : y accéder, c’est s’éveiller).
Est-ce que Spinoza assimile la nature naturante à Dieu ? Pour ma part, cela me semble un raccourci un peu rapide. Je ne connais pas grand chose à Spinoza, mais je me représente spontanément, parce que le terme est parlant, la nature naturante comme cette partie de la nature qui génère les formes. La Volonté au sens de Schopenhauer — quoique celle-ci recouvre peut-être les deux notions de natura naturans et de conatus. Dans ce sens, la natura naturans n’est pas assimilable à Dieu, à mon avis, mais elle est une des faces de la nature, sa face créatrice. Dieu donne son être à la nature, il est répandu dans chacune de ses parcelles, dans chacun de ses atomes, leur conférant leur réalité, mais il n’est jamais défini, ni par son action, au contraire de la natura naturans, ni par ses effets, au contraire de la natura naturata. Il est, tout simplement. Lorsqu’un être humain s’étonne qu’il y ait quelque chose plutôt que rien, autrement dit qu’il y ait de l’être, il touche Dieu, sans le voir. Mais il sait qu’il touche, par cette question, le coeur de l’existence. |
Voir ... Ainsi ... La nature ... N'est-c'pas une façon de dire que la nature est une illusion ... Sinon ... On est en pleine dualité ... Non !? |
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