Regards sur l'éveil
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riseohms
Inscrit le: 30 Nov 2009 Messages: 4335 Localisation: paris
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Posté le: Ve 18 Août 2017 10:50 Sujet du message: Heidegger, la question de l'être |
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bonjour à tous
il y a cette réponse du dalaï-lama à une question sur le nirvana:
le nirvana , c'est voir les choses telle qu'elles sont
non pas voir comment elles sont ni pourquoi mais s’étonner du fait que les choses soient ou existent
la phrase célèbre de Leibniz: pourquoi y a t il quelque chose plutôt que rien ? provoque aussi un tel étonnement , à condition qu'on n' y réponde pas intellectuellement car alors on passe à coté de la réponse vivante qui est contenue dans la question même ;
le réel visible est comme transfiguré quand il est vu sur fond de néant ou de rien , les formes se détachent plus lorsque elles sont perçues depuis leur fond, elles paraissent alors vraiment vivantes,, présentes , réelles ; impossible de se lasser d'une telle vision, c'est comme si le monde venait de naitre,
il y a alors joie, bonheur ou nirvana , toute perception devient jouissance
il y a participation de notre être à l’être du monde
Heidegger est célèbre pour sa distinction entre l’être et l’étant ,
la table est , il y a une table : l’étant c'est la table et l’être c'est le ''est '' ou ''il y a ""
autant il est possible de décrire la table, autant il est impossible de décrire le ''est '' et le'' il y a '' , (on ne peut que le ressentir car c'est une présence )
mais s'il n' y avait pas de est ou de il y a , il n' y aurait pas de table
cette distinction a été complétement négligée et oubliée dans la métaphysique traditionnelle.
résultat: on a fait de Dieu un super-étant au dessus de ce qui est alors qu 'il est l’être, on en a fait un existant alors qu'il est l'existence
on se pose alors la question s'il existe ou pas,
alors que la question ne se pose pas avec l'existence, impossible de douter d'elle puisqu'on sait bien qu'on existe , à nous comprendre que l'existence est Dieu même, c'est juste une question d'attention.
pour Heidegger l’être est ce qui n'est pas un étant et par rapport à l’étant , l’être n'est rien , il y a chez Heidegger équivalence entre l’être et le rien
l’éveil est bien cette ouverture à l’être , à l'invisible du visible , invisible qui en est la lumière , lumière qui est notre propre regard
Citation: | Seul de tout l’étant, l’homme éprouve, appelé par la voix de l’être, la merveille des merveilles : que l’étant est. |
j'ai trouvé cette phrase de Heidegger lumineuse dans une fiche scolaire que je trouve particulièrement limpide, c'est pourquoi je vous la cite intégralement
http://keepschool.com/fiches-de-cours/lycee/philosophie/heidegger-question-etre.html
Citation: | Heidegger : La question de l'être
«Seul de tout l’étant, l’homme éprouve, appelé par la voix de l’être, la merveille des merveilles : que l’étant est.» (Qu’est-ce que la métaphysique?)
1. Approche de la question de l’être
A. La différence ontologique
Voici une pierre, un papillon, un homme. Tous les trois sont des êtres. Pourquoi? Parce que tous, en deçà de leurs définitions respectives, exercent une activité identique: exister. Heidegger les appelle des «étants», car ils participent à l’acte d’être (ou d’exister), comme on dit que les vivants participent à l’acte de vivre. Mais de même que chaque vivant n’est pas la vie, de même chaque étant n’est pas l’être.
L’être n’est pas quelque chose qui existe, mais l’existence elle-même, par quoi tout ce qui existe – tout comme la lumière, par exemple, n’est pas un objet éclairé, mais ce qui éclaire toutes choses et nous les rend visibles. Être un étant, c’est participer d’une manière à chaque fois singulière à cette activité.
Le plus souvent, l’être demeure inaperçu: absorbés par les choses elles-mêmes, nous nous intéressons à ce qu’elles sont, mais nous ne prêtons pas attention au fait que les choses sont. L’être, nous l’avons vu, est analogue à la lumière: attentifs seulement aux formes et aux couleurs, nous ne voyons pas, ou plutôt nous ne remarquons pas la lumière qui les rend visibles. De même, captivés par les étants, nous oublions l’être qui leur donne à tous d’être présents.
Notons que l’être ainsi entendu (comme présence) n’est pas un simple mot qui cacherait une abstraction: tous les étants partagent bel et bien un acte de même nature qu’ils ne se sont pas donné à eux-mêmes; aucun étant ne s’est lui-même amené à l’existence (cf. fiche 77, dans «Quelques définitions»). Gratuit, indéductible, «sans pourquoi», l’être est un don.
B. La métaphysique
Celui qui, un jour, se tourne vers l’être et s’étonne que les choses soient, celui-là entre en métaphysique*. Il pose la question: «Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien?» Non pas «pourquoi ceci plutôt que cela», mais «pourquoi quelque chose?»
La métaphysique se lance ainsi dans la quête du fondement ultime de tout ce qui est. Mais dans cette recherche elle est, selon Heidegger, oublieuse de la distinction entre l’être et l’étant, car elle se rabat sur un étant suprême, qui serait la cause de l’être (l’idée chez Platon, la substance chez Aristote, Dieu conçu comme un étant nécessaire, etc.). C’est contradictoire – un peu comme si, pour expliquer la visibilité des choses, on se bornait à chercher un objet super-éclairé qui refléterait beaucoup de lumière sur les autres, alors qu’il faut se tourner vers la lumière elle-même. Tout comme la source première de lumière ne peut pas être un objet qui la reflète, la source première de l’être ne peut pas être un étant qui participe à l’être.
2. L’être et le temps
L’être, nous l’avons déjà suggéré, est interprété à partir de l’idée de présence. Être, c’est être présent, c’est-à-dire coïncider avec notre présent vécu. Ce qui est, c’est ce qui se donne à sentir, à percevoir, à comprendre dans le temps* présent.
De l’équivalence entre l’être et la présence, la métaphysique déduit que ce qui est suprêmement doit aussi être suprêmement présent, c’est-à-dire éternel: l’éternité est en effet un présent parfait, sans passage ni changement, un maintenant stable, bref une pure présence, caractéristique d’un pur être. Ainsi la métaphysique tente-t-elle de s’affranchir du temps.
Heidegger détruit cet édifice métaphysique en faisant remarquer que l’idée d’éternité est élaborée à partir d’une conception fausse du présent: celle qui consiste à dire que le présent est un instant ponctuel, isolé du flux temporel. Le présent réel n’est pas un point, toute présence vécue occupe une certaine durée, donc unit en elle les trois dimensions du temps (passé, présent, futur). Il est illusoire de concevoir comme présent suprême ce qui ne comporte aucun changement, puisqu’il est essentiel à toute présence réelle de comporter les trois dimensions temporelles.
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c'est vrai que nous avons du temps un conception plutôt linéaire
il serait une succession d'instants.
le réel , ce qui est ,serait uniquement l'instant présent, et donc le passé , ce qui n'est plus et le futur, ce qui n'est pas encore sont entachés de non être
cette approche de l'instant présent est pratique si on considère le passé uniquement comme souvenir, cad si on limite le passé à la pensée , alors effectivement penser au passé nous empêche de jouir du présent, cad de le vivre
voir le succès du livre de Tolle le pouvoir du moment présent )
mais une telle compréhension du temps ne correspond pas tout à fait à la realité,
dans la realité, il n' y a pas de séparation entre le présent, le passé et le futur, le présent inclut le passé et le futur, le futur du moins en tant que tendances
le passé n'est pas que pensée ou souvenirs , il est vécu ,mémoire vivante , il est toujours présent ; le passé est complétement contenu dans le présent.
il est impossible d'imaginer nos proches disparus comme n'existant plus, on ne peut que les penser comme existant ailleurs
je dirais plutôt qu'ils existent toujours là où nous sommes, pas seulement comme souvenirs mais comme présence
il y a une éternité du passé
et Heidegger a raison de penser le temps comme flux et non pas comme succession d'instants
c'est ce que faisait aussi Bergson avec sa notion de durée
et Proust avec sa Madeleine
tout cela revient à faire cesser l'opposition entre le temps et l’éternité , ou entre l’être et le devenir
Joël _________________ l’éveil c'est l'esprit qui, libre de tout objet ,reposant en soi et accueillant tout, se révèle à lui-même |
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 6067 Localisation: Suisse
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Posté le: Ve 18 Août 2017 22:50 Sujet du message: |
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Merci Joël pour ces magnifiques réflexions sur Heidegger.
riseohms a écrit: | Heidegger est célèbre pour sa distinction entre l’être et l’étant ,
la table est , il y a une table : l’étant c'est la table et l’être c'est le ''est '' ou ''il y a ""
autant il est possible de décrire la table, autant il est impossible de décrire le ''est '' et le'' il y a '' , (on ne peut que le ressentir car c'est une présence )
mais s'il n' y avait pas de est ou de il y a , il n' y aurait pas de table
cette distinction a été complétement négligée et oubliée dans la métaphysique traditionnelle.
résultat: on a fait de Dieu un super-étant au dessus de ce qui est alors qu 'il est l’être, on en a fait un existant alors qu'il est l'existence
on se pose alors la question s'il existe ou pas, |
Cette distinction a été complètement négligée, à mon avis, parce que le christianisme a fait d’un dieu local, le dieu du peuple d’Israël, l’Être suprême. Du coup, les philosophes chrétiens, à moins de risquer l’anathème, ne pouvaient sortir de l’ambiguité entre un dieu parfait et éternel, et un dieu soucieux de maintenir son peuple à l’écart des nations. Que les Anciens fussent restés stupéfaits face à une telle méprise (comme par exemple Celse dans son Discours vrai), n’a pas empêché le christianisme de triompher sur le plan politique, pour imposer à tout l’Empire romain le culte du dieu jaloux. C’est d’ailleurs parce qu’il était jaloux et intolérant, que Constantin l’a peut-être choisi pour devenir le ciment identitaire de son empire en train de se défaire. Lorsqu’il n’y a plus de but fédérateur pour unir les hommes, l’intolérance peut les souder autour d’une identité d'emprunt. Hors l’Eglise, point de salut, était une devise qui arrangeait certainement l’Empereur, afin d'unir ses sujets.
riseohms a écrit: | dans la realité, il n' y a pas de séparation entre le présent, le passé et le futur, le présent inclut le passé et le futur, le futur du moins en tant que tendances |
En effet, la réalité concrète telle qu’elle nous est donnée ne contient ni présent, ni passé, ni futur. Elle est simplement présence. C’est la pensée qui distingue en elle le passé et le futur. Elle y rajoute secondairement le présent, mais un présent dés lors purement abstrait, qui n’a plus rien à voir avec la présence, mais qui s’avère nécessaire pour assurer l’articulation entre le passé et le futur. Le présent, dans cette conception abstraite, c’est le point où le futur devient du passé. Heidegger refuse cette conception, pour revenir à une présence « vécue » : "Être, c’est être présent, c’est-à-dire coïncider avec notre présent vécu. Ce qui est, c’est ce qui se donne à sentir, à percevoir, à comprendre dans le temps présent". Et cette présence vécue inclut nécessairement, comme tu le dis, l’intégralité du passé et du futur. Tu rajoutes : « le futur du moins en tant que tendances ». Je crois que cette réserve provient du fait qu’en la formulant, tu retombes dans la confusion entre présent ponctuel et présence, autrement dit entre l’Etant et l’Être ― et cela montre en retour aussi combien il est difficile de « penser » la présence, puisque par nature, la pensée nous en extrait. Dans la perspective du présent ponctuel, le futur n’est pas encore écrit, puisque le présent ponctuel représente un point sur la ligne du temps, séparant à sa gauche le passé, et à sa droite le futur. Mais la présence, elle, ne sépare nullement le passé du futur, mais les contient tous deux. Pas un futur au sens d’une histoire qu’on pourrait écrire si on se trouvait tout-à-coup propulsé dans le futur ― une histoire, c’est toujours du passé, même dans le futur ―, mais un futur résolument non pensable, et pourtant réel. Au fond, en écrivant cela, je me rends compte que la pensée n’a finalement accès qu’au passé. Ce qu’elle appelle futur, c’est ce qui se sera passé ― autrement dit ce qui sera devenu du passé ― lorsque le présent ponctuel se sera déplacé sur la ligne du temps.
J’aime beaucoup ce passage du texte que tu as cité :
« tous les étants partagent bel et bien un acte de même nature qu’ils ne se sont pas donné à eux-mêmes; aucun étant ne s’est lui-même amené à l’existence. Gratuit, indéductible, «sans pourquoi», l’être est un don. » |
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Invité
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Posté le: Sa 19 Août 2017 9:33 Sujet du message: |
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Citation: | « tous les étants partagent bel et bien un acte de même nature qu’ils ne se sont pas donné à eux-mêmes; aucun étant ne s’est lui-même amené à l’existence. Gratuit, indéductible, «sans pourquoi», l’être est un don. » |
Effectivement, merci Joel et Joachim pour souligner ce passage. En plus, il donne sens à notre vie ordinaire. Nous ne pouvons au final qu'aimer vivre et se donner sans retenue. C'est d'ailleurs un risque, un grand risque dans une société où tout doit être calculé, contrôlé, mais ce don bien que domesticable (en apparence) est toujours sauvage (pas barbare), innocent, spontané... aimant ! |
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riseohms
Inscrit le: 30 Nov 2009 Messages: 4335 Localisation: paris
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Posté le: Sa 19 Août 2017 18:14 Sujet du message: |
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bonjour Joaquim et à tous(tes)
joaquim a écrit: | Merci Joël pour ces magnifiques réflexions sur Heidegger.
riseohms a écrit: | Heidegger est célèbre pour sa distinction entre l’être et l’étant ,
la table est , il y a une table : l’étant c'est la table et l’être c'est le ''est '' ou ''il y a ""
autant il est possible de décrire la table, autant il est impossible de décrire le ''est '' et le'' il y a '' , (on ne peut que le ressentir car c'est une présence )
mais s'il n' y avait pas de est ou de il y a , il n' y aurait pas de table
cette distinction a été complétement négligée et oubliée dans la métaphysique traditionnelle.
résultat: on a fait de Dieu un super-étant au dessus de ce qui est alors qu 'il est l’être, on en a fait un existant alors qu'il est l'existence
on se pose alors la question s'il existe ou pas, |
Cette distinction a été complètement négligée, à mon avis, parce que le christianisme a fait d’un dieu local, le dieu du peuple d’Israël, l’Être suprême. Du coup, les philosophes chrétiens, à moins de risquer l’anathème, ne pouvaient sortir de l’ambiguité entre un dieu parfait et éternel, et un dieu soucieux de maintenir son peuple à l’écart des nations. Que les Anciens fussent restés stupéfaits face à une telle méprise (comme par exemple Celse dans son Discours vrai), n’a pas empêché le christianisme de triompher sur le plan politique, pour imposer à tout l’Empire romain le culte du dieu jaloux. C’est d’ailleurs parce qu’il était jaloux et intolérant, que Constantin l’a peut-être choisi pour devenir le ciment identitaire de son empire en train de se défaire. Lorsqu’il n’y a plus de but fédérateur pour unir les hommes, l’intolérance peut les souder autour d’une identité d'emprunt. Hors l’Eglise, point de salut, était une devise qui arrangeait certainement l’Empereur, afin d'unir ses sujets. |
oui cette ambiguïté , je l'ai trouvé dans mes lectures récentes chez des philosophes comme Nicolas de Cues, Berkeley,Leibniz , d'où une impression d’incohérence dans leur philosophie.
Dieu y est pensé à la fois en tant qu’Etre, c'est pour cela qu'ils m'attirent , et parfois en tant qu’Etant dans leurs écrits de pure théologie chrétienne , et là je décroche avec le sentiment d’être dans l'arbitraire ,l'artifice bref les croyances et non plus dans la pensée .
pas étonnant pour de Cues et Berkeley qui étaient l'un cardinal et l'autre évêque
étonnant pour Leibniz qui a été tenté par le spinozisme mais a lutté toute sa vie contre Spinoza, jusqu'à nier l'avoir rencontré personnellement.
faut dire qu'à l’époque Spinoza était la bête noire, considéré comme athée et donc infréquentable.
Spinoza fut le plus cohérent et courageux des philosophes ,
son Dieu était équivalent à la nature et donc à l’être , aucune confusion avec l’étant .
je rappelle aussi que l’église a toujours eu des relations problématiques avec les mystiques ( maitre Eckhart et d'autres).
elle a fait bruler Giordano Bruno qui a tant inspiré leibniz et surement Spinoza
sans parler de la persécution des soufistes par les autorités de l'islam .
- kant a écrit la critique de la raison pure pour montrer les limites de la raison et donc de la métaphysique face des questions sur l’âme, la liberté et Dieu et considérait qu'elle devait céder la place à la religion. pas question pour lui non plus de heurter l’église.
Heidegger a essayé de penser un kantisme possible devant lequel Kant lui- même aurait reculé. un kantisme qui aurait été jusqu"à la pensée de l’être
un être qui n'a pas besoin du Dieu transcendant des religions
joaquim a écrit: | riseohms a écrit: | dans la realité, il n' y a pas de séparation entre le présent, le passé et le futur, le présent inclut le passé et le futur, le futur du moins en tant que tendances |
En effet, la réalité concrète telle qu’elle nous est donnée ne contient ni présent, ni passé, ni futur. Elle est simplement présence. C’est la pensée qui distingue en elle le passé et le futur. Elle y rajoute secondairement le présent, mais un présent dés lors purement abstrait, qui n’a plus rien à voir avec la présence, mais qui s’avère nécessaire pour assurer l’articulation entre le passé et le futur. Le présent, dans cette conception abstraite, c’est le point où le futur devient du passé. Heidegger refuse cette conception, pour revenir à une présence « vécue » : "Être, c’est être présent, c’est-à-dire coïncider avec notre présent vécu. Ce qui est, c’est ce qui se donne à sentir, à percevoir, à comprendre dans le temps présent". Et cette présence vécue inclut nécessairement, comme tu le dis, l’intégralité du passé et du futur. Tu rajoutes : « le futur du moins en tant que tendances ». Je crois que cette réserve provient du fait qu’en la formulant, tu retombes dans la confusion entre présent ponctuel et présence, autrement dit entre l’Etant et l’Être ― et cela montre en retour aussi combien il est difficile de « penser » la présence, puisque par nature, la pensée nous en extrait. Dans la perspective du présent ponctuel, le futur n’est pas encore écrit, puisque le présent ponctuel représente un point sur la ligne du temps, séparant à sa gauche le passé, et à sa droite le futur. Mais la présence, elle, ne sépare nullement le passé du futur, mais les contient tous deux. Pas un futur au sens d’une histoire qu’on pourrait écrire si on se trouvait tout-à-coup propulsé dans le futur ― une histoire, c’est toujours du passé, même dans le futur ―, mais un futur résolument non pensable, et pourtant réel. Au fond, en écrivant cela, je me rends compte que la pensée n’a finalement accès qu’au passé. Ce qu’elle appelle futur, c’est ce qui se sera passé ― autrement dit ce qui sera devenu du passé ― lorsque le présent ponctuel se sera déplacé sur la ligne du temps.
J’aime beaucoup ce passage du texte que tu as cité :
« tous les étants partagent bel et bien un acte de même nature qu’ils ne se sont pas donné à eux-mêmes; aucun étant ne s’est lui-même amené à l’existence. Gratuit, indéductible, «sans pourquoi», l’être est un don. » |
oui c'est tres difficile de penser sur le temps
comme disait Saint Augustin
« Citation: | Qu'est-ce que en effet que le temps ? Qui saurait en donner
avec aisance et brièveté une explication ? ... Si personne
ne me pose la question, je le sais ; si quelqu'un pose
la question et que je veuille expliquer, je ne sais plus. »
Saint Augustin, Confessions, XI, 14, 17 |
c'est sur du point de vue de la présence et donc de l’être il n' y a pas de séparation entre le passé, le présent et le futur, l’être contient tout le temps
je ne sais plus qui disait que l’éternité est la forme abstraite du temps
et pour Platon : le temps est l'image mobile de l’éternité.
mais du point de vue de l’étant, notre tendance est de penser le présent comme ponctuel, précédée du passé et suivi du futur
Heidegger et avant, Husserl et Bergson ont essayé de penser autrement ce temps non comme un point mais comme un flux, une ligne
c'est ce que j'ai voulu dire en parlant du futur comme tendance contenue dans le présent
c'est ce que Bergson appelle durée
l'exemple que donne Bergson pour illustrer ce présent non ponctuel, c'est la mélodie musicale:
en écoutant de la musique on entend pas une note à un instant T, on entend encore les notes précédentes et on devine les notes futures, on entend un flux , une idée musicale , une mélodie, c'est ce qui fait qu'il y a musique et non une simple succession de notes
devant une partition de musique,la pensée lit une succession de notes mais la sensibilité entend une mélodie
on voit ici que le présent contient encore le passé immédiat et aussi le futur proche
il faudrait généraliser cet exemple à la vie quotidienne
j'ai rencontré quelqu'un qui me disait percevoir les choses à venir quelques secondes avant qu'elles se produisent , par exemple l’arrivée d'un bus
c'est uniquement la pensée qui pense le présent comme ponctuel, la sensibilité le perçoit comme ligne , un flux incluant passé et futur
contrairement à la sensibilité ,la pensée est toujours en retard sur le temps vécu, elle le divise après coup en passé, présent et futur
la pensée et la sensibilité ne vivent pas le même temps .
j'ai trouvé le texte suivant à propos de Husserl qui appelle rétention le passé immédiat retenu dans le présent et protention, l'anticipation du futur dans le présent ( voir ses leçons pour une phénoménologie de la
conscience intime du temps
Citation: | Pour Husserl, le fil du temps est une continuité d'instants qui s'excluent les uns les autres. Mais une intentionalité immanente et spécifique retient ou anticipe (pro-tient) à chaque instant, en raccourci, l'ensemble de la sensation. C'est la conscience même du temps, le sentir de la sensation. Chaque impression (perception) est originelle, absolument neuve, est à chaque fois présente, ou retenue, ou pressentie, et pressent l'imminence de sa propre retraite. Par ces écarts, le flux du vécu devient conscience du temps.
Le temps ne surgit ni d'un point intemporel, ni d'un temps préexistant, il effectue un retour sur lui-même, une itération fondamentale. Visée, événement, pensée et conscience coïncident. La conscience du temps est la temporalisation même. La rétention et la protention ne sont pas constatées après-coup; elles sont la façon même du flux. Husserl appelle ce flux subjectivité absolue, plus profonde que l'intentionalité objectivante et antérieure au langage. Cette intentionalité première coïncide avec l'oeuvre même du temps. |
joel _________________ l’éveil c'est l'esprit qui, libre de tout objet ,reposant en soi et accueillant tout, se révèle à lui-même
Dernière édition par riseohms le Di 20 Août 2017 8:30; édité 3 fois |
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daniel
Inscrit le: 15 Fév 2006 Messages: 9284 Localisation: belgique
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Posté le: Sa 19 Août 2017 18:44 Sujet du message: |
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Bonsoir Joel ! Bonsoir Joaquim ! Bonsoir invité !
Tout à fait d'accord avec ces deux perspectives, Joel :
Citation: | c'est sur du point de vue de la présence et donc de l’être il n' y a pas de séparation entre le passé, le présent et le futur, l’être contient tout le temps
je ne sais plus qui disait que l’éternité est la forme abstraite du temps
et pour Platon : le temps est l'image mobile de l’éternité.
mais du point de vue de l’étant, notre tendance est de penser le présent comme ponctuel, précédée du passé et suivi du futur |
Dans la perspective de l'étant, la réalité possède les stigmates du passé et ce qui, déjà, évoluera, d'une certaine manière, dans le futur ! |
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 6067 Localisation: Suisse
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Posté le: Di 20 Août 2017 8:19 Sujet du message: |
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Merci Joël pour tes explications. Je vais y réfléchir durant les vacances. |
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Invité
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Posté le: Di 20 Août 2017 10:31 Sujet du message: |
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Citation: | Spinoza fut le plus cohérent et courageux des philosophes ,
son Dieu était équivalent à la nature et donc à l’être , aucune confusion avec l’étant .
je rappelle aussi que l’église a toujours eu des relations problématiques avec les mystiques ( maitre Eckhart et d'autres). |
Spinoza est comme tu nous le rappelles un philosophe totalement novateur pour l'époque, un rebelle dans le sens noble du terme. OG |
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daniel
Inscrit le: 15 Fév 2006 Messages: 9284 Localisation: belgique
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Posté le: Di 20 Août 2017 13:49 Sujet du message: |
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joaquim a écrit: | Merci Joël pour tes explications. Je vais y réfléchir durant les vacances. |
Bonnes vacances Joaquim !
Des vacances pour combien de temps !? |
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 6067 Localisation: Suisse
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Posté le: Sa 02 Sep 2017 20:27 Sujet du message: |
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riseohms a écrit: | l'exemple que donne Bergson pour illustrer ce présent non ponctuel, c'est la mélodie musicale:
en écoutant de la musique on entend pas une note à un instant T, on entend encore les notes précédentes et on devine les notes futures, on entend un flux , une idée musicale , une mélodie, c'est ce qui fait qu'il y a musique et non une simple succession de notes
devant une partition de musique,la pensée lit une succession de notes mais la sensibilité entend une mélodie
on voit ici que le présent contient encore le passé immédiat et aussi le futur proche |
Bonjour Joël,
Je pense que la musique a ceci de particulier qu’elle abolit la durée, et transforme l’écoulement temporel en un immense tableau qui ne dure qu’un instant. Lorsqu’on est pris par la musique, de la première note à la dernière, il ne s’est écoulé qu’un instant. J’ai toujours été fasciné par les rapports complexes entre le temps et la grâce de l’éveil. Celle-ci survient à un certain moment sur la ligne temporelle, mais elle donne accès à quelque chose qui n’est pas inscrit sur cette ligne, qui est hors du temps. Et d’un autre côté, pour y accéder, pour permettre à cette grâce d’opérer, il faut se donner le temps. Tout le temps. Ce n’est que lorsqu’on s’est donné tout le temps, c’est-à-dire lorsqu’on a cessé de le remplir de nos attentes de réalisation, que la grâce peut se manifester. Autrement dit : lorsqu’on a transformé le temps en un instant. Car ce qui fait que le temps dure, c’est tout ce qu’on y met. Lorsqu’on n’y met plus rien, il ne dure pas plus qu’un instant. Comme lorsqu’on est pris dans la musique. Mais quand même, lorsqu’on est pris dans la musique, le temps en rempli de musique. Pour découvrir le temps tout nu, sans rien qui l’habite, il faut se mettre soi-même tout nu. Laisser s’écouler chaque pensée, chaque perception, comme un note de musique d’une partition dont nous ne savons rien à l’avance. Se dégager de l’anticipation. La musique le fait pour nous : l’anticipation de la note suivante d’un morceau qu'on connaît nous protège contre notre maladie anticipatoire, en anticipant à notre place. Lorsqu’on anticipe la note suivante, on n’est pas dans l’anticipation, on est dans le flux de l’instant. Mais lorsqu’il n’y a pas de musique, on anticipe toujours. On colle toujours sur ce qui arrive des attentes, des idées préconçues. Se retenir de le faire, c’est se préparer pour la grâce. C’est ne rien précipiter, c’est ne pas présumer du temps, ne pas le remplir de quelque chose qui nous priverait du fruit qu’il nous prépare, dans le silence. Ecouter ce silence, se taire pour lui faire de la place, c’est découvrir sa vraie nature. Qui du coup est, à la fois, hors du temps, éternelle ― et aussi le temps lui-même, comme le dit Heidegger dans cette autre note de cette école que tu as dénichée, et qui fait décidément des notes remarquables :
http://keepschool.com/fiches-de-cours/lycee/philosophie/heidegger-dasein-temps.html
Ce que j’ai dit de la musique, on peut le dire mieux encore de la lumière. La lumière a une vitesse, et donc une durée ― dans le monde matériel. Lorsqu’on se place dans un référent matériel, la lumière est soumise au temps. Mais lorsqu’on se place du point de vue de la lumière elle-même ― et le faire, c'est opérer le même déplacement du centre de gravité qui nous fait passer du regard sur nous en tant que produit, à nous en tant que source ― elle n’a pas d’âge. Les équations de la relativité nous apprennent qu’à l’intérieur d’un mobile se déplaçant à la vitesse de la lumière, le temps ne s’écoule pas. La lumière n’a pas vieilli d’une seconde depuis l’origine de l’univers. Pour ceux qui veulent voir l'équation, j''en avais déjà parlé ici :
http://www.cafe-eveil.org/forum/viewtopic.php?p=36010#36010 |
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Invité
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Posté le: Di 03 Sep 2017 9:32 Sujet du message: |
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Très juste ce parallèle entre la musique et comme la suspension du temps qui précède ce basculement dont tu parles.
ça me rappelle cette attention et ce hors-soi que l'on a, ou "est", face à un interlocuteur dont on découvre la pensée, cela me rappelle une conférence où j'étais et, donc, sans a-priori, étais entièrement écoute et disponibilité.
D'où peut-être la force de la transmission orale (réunion autour du conteur, agora, rencontre de toute sorte, etc) qui permet une présence physique et mentale qui peut permettre cette attention.
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riseohms
Inscrit le: 30 Nov 2009 Messages: 4335 Localisation: paris
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Posté le: Di 03 Sep 2017 14:36 Sujet du message: |
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joaquim a écrit: | riseohms a écrit: | l'exemple que donne Bergson pour illustrer ce présent non ponctuel, c'est la mélodie musicale:
en écoutant de la musique on entend pas une note à un instant T, on entend encore les notes précédentes et on devine les notes futures, on entend un flux , une idée musicale , une mélodie, c'est ce qui fait qu'il y a musique et non une simple succession de notes
devant une partition de musique,la pensée lit une succession de notes mais la sensibilité entend une mélodie
on voit ici que le présent contient encore le passé immédiat et aussi le futur proche |
Bonjour Joël,
Je pense que la musique a ceci de particulier qu’elle abolit la durée, et transforme l’écoulement temporel en un immense tableau qui ne dure qu’un instant. Lorsqu’on est pris par la musique, de la première note à la dernière, il ne s’est écoulé qu’un instant. J’ai toujours été fasciné par les rapports complexes entre le temps et la grâce de l’éveil. Celle-ci survient à un certain moment sur la ligne temporelle, mais elle donne accès à quelque chose qui n’est pas inscrit sur cette ligne, qui est hors du temps. Et d’un autre côté, pour y accéder, pour permettre à cette grâce d’opérer, il faut se donner le temps. Tout le temps. Ce n’est que lorsqu’on s’est donné tout le temps, c’est-à-dire lorsqu’on a cessé de le remplir de nos attentes de réalisation, que la grâce peut se manifester. Autrement dit : lorsqu’on a transformé le temps en un instant. Car ce qui fait que le temps dure, c’est tout ce qu’on y met. Lorsqu’on n’y met plus rien, il ne dure pas plus qu’un instant. Comme lorsqu’on est pris dans la musique. Mais quand même, lorsqu’on est pris dans la musique, le temps en rempli de musique. Pour découvrir le temps tout nu, sans rien qui l’habite, il faut se mettre soi-même tout nu. Laisser s’écouler chaque pensée, chaque perception, comme un note de musique d’une partition dont nous ne savons rien à l’avance. Se dégager de l’anticipation. La musique le fait pour nous : l’anticipation de la note suivante d’un morceau qu'on connaît nous protège contre notre maladie anticipatoire, en anticipant à notre place. Lorsqu’on anticipe la note suivante, on n’est pas dans l’anticipation, on est dans le flux de l’instant. Mais lorsqu’il n’y a pas de musique, on anticipe toujours. On colle toujours sur ce qui arrive des attentes, des idées préconçues. Se retenir de le faire, c’est se préparer pour la grâce. C’est ne rien précipiter, c’est ne pas présumer du temps, ne pas le remplir de quelque chose qui nous priverait du fruit qu’il nous prépare, dans le silence. Ecouter ce silence, se taire pour lui faire de la place, c’est découvrir sa vraie nature. Qui du coup est, à la fois, hors du temps, éternelle ― et aussi le temps lui-même, comme le dit Heidegger dans cette autre note de cette école que tu as dénichée, et qui fait décidément des notes remarquables :
http://keepschool.com/fiches-de-cours/lycee/philosophie/heidegger-dasein-temps.html
Ce que j’ai dit de la musique, on peut le dire mieux encore de la lumière. La lumière a une vitesse, et donc une durée ― dans le monde matériel. Lorsqu’on se place dans un référent matériel, la lumière est soumise au temps. Mais lorsqu’on se place du point de vue de la lumière elle-même ― et le faire, c'est opérer le même déplacement du centre de gravité qui nous fait passer du regard sur nous en tant que produit, à nous en tant que source ― elle n’a pas d’âge. Les équations de la relativité nous apprennent qu’à l’intérieur d’un mobile se déplaçant à la vitesse de la lumière, le temps ne s’écoule pas. La lumière n’a pas vieilli d’une seconde depuis l’origine de l’univers. Pour ceux qui veulent voir l'équation, j''en avais déjà parlé ici :
http://www.cafe-eveil.org/forum/viewtopic.php?p=36010#36010 |
oui les dossiers philosophiques de cette école sont particulièrement bien faits, clairs, et limpides ;en particulier ceux sur Heidegger dont les livres ne sont pas d'une lecture facile.
voici la liste :
http://keepschool.com/fiches-de-cours/lycee/philosophie/index.html _________________ l’éveil c'est l'esprit qui, libre de tout objet ,reposant en soi et accueillant tout, se révèle à lui-même |
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