Regards sur l'éveil
Café philosophique, littéraire et scientifique
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 6067 Localisation: Suisse
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Posté le: Di 25 Août 2019 20:50 Sujet du message: Heidegger et la technique |
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Heidegger dégage deux manières différentes d'appréhender la réalité : par le corps, et par la raison. Cela semble un peu simpliste, et je ne suis même pas sûr qu'il l'ait formulé ainsi, mais c'est ainsi que j'ai compris ce qu'il voulait dire. Et c'est loin d'être simpliste. Le rapport premier de l'homme à la nature, selon lui, n'est pas un rapport contemplatif ni spéculatif, mais le corps-à-corps. L'homme est d'emblée en prise sur les choses, et celles-ci se révèlent à lui par la finalité à laquelle il les soumet. Le monde est un monde d'outils — toutes les citations sont tirées du livre de Jean Vioulac : "L'époque de la technique":
« En tant qu’il est découvert dans et par l’usage, l’étant est donc toujours d’abord une chose-utile, et c’est pourquoi Heidegger nomme « ustensile » (Zeug) l’étant tel qu’il fait encontre dans la quotidienneté : « Ce que l’on trouve dans l’usage, ce sont des ustensiles pour écrire, pour coudre, pour effectuer un travail manuel, pour se déplacer, pour mesurer… » L’ustensilité ne concerne pas cependant uniquement de tels outils ― fabriqués par l’homme, et donc fatalement destinés à quelque usage ―, mais aussi les choses dites naturelles. Au quotidien, l’atmosphère n’est jamais pour moi un corps gazeux composé en majeure partie d’oxygène et d’azote, c’est simplement l’air que je respire, plus ou moins vif, plus ou moins odorant ; de même que le soleil n’est pas une sphère d’hydrogène en fusion, mais ce qui m’éclaire, me réchauffe, et m’indique le moment du jour, et Heidegger lui reconnaît ainsi le statut d’ustensile : « Le soleil dont la lumière et la chaleur sont quotidiennement en usage, a ses places privilégiées, découvertes de manière circonspecte, à partir de l’employabilité changeante de ce qu’il dispense : lever, midi, coucher, minuit. » C’est la totalité de l’étant qui est découverte dans et par l’usage quotidien, et l’ustensilité est le mode d’être de tout ce qui fait encontre dans le monde. »
L'objet en tant qu'outil, qu'il soit fabriqué ou naturel, est porteur d'un sens qu'il tire de la place qu'il occupe à l'intérieur de l'ensemble de tous les outils et des renvois de sens qu'ils établissent entre eux, et qui déterminent le monde tel qu'il se donne à l'homme ― à l'homme non pas contemplatif, mais à l'homme affairé, préoccupé, comme Heidegger définit le rapport primordial de l'homme au monde. La forêt est réserve de bois, refuge pour les animaux sauvages, le vent est vent dans les voiles, les nuages sont annonce de pluie sur les champs. Chaque chose prend des sens multiples dans un même monde de renvois utilitaires, et des sens différents dans les différents mondes des différents groupes humains. Le monde du sédentaire n'est pas le même que celui du nomade, celui du montagnard est différent de celui du marin. Mais chacun de ces mondes est caractérisé à la fois par son inépuisabilité ― il est impossible de faire un inventaire exhaustif de tous les sens possibles dans un monde donné : l'épaisseur même de la réalité est insondable ― et par sa parfaite identité avec l'esprit qui le conçoit : l'horizon du monde et l'horizon de celui qui l'arpente coïncident. L'homme est face au monde comme face à quelque chose qui le dépasse absolument dans son insondabilité, mais en même temps dont il est le maître par le sens qu'il y décèle.
« Il n’y a d’ustensile que par son inscription dans un tissu serré de renvois utilitaires qui seul peut lui conférer son utilité, et par suite lui procurer son statut d’ustensile. La structure de renvoi, qui définit l’étant par le fait qu’il est utile-à…, est donc ce qui tisse l’ensemble d’outils en un tout unitaire : « Un ustensile, en toute rigueur, cela n’existe pas. A l’être de l’ustensile appartient toujours une totalité d’ustensiles au sein de laquelle il peut être cet ustensile qu’il est […] Avant tel ou tel ustensile, une totalité d’ustensiles est à chaque fois déjà découverte. » »
« L’étant est donc découvert dans une « totalité de destinations », qui désigne chaque étant comme tel ou tel ustensile en lui assignant sa place dans le système ordonné des renvois utilitaires : « Quelle est la destination d’un étant à portée de main, cela est à chaque fois prétracé à partir de la totalité de destinations. » L’étant est donc toujours primairement découvert comme ustensile par l’usage utilisateur au sein d’un complexe instrumental, l’ustensile se voit défini par son être-destiné-à…, et la totalité des destinations constitue l’être du monde. »
Dans la mesure où le monde se révèle à travers son caractère d'ustensile, l'homme en maîtrise parfaitement la totalité des destinations, autrement dit le sens qui s'en dégage lui est totalement transparent, parce qu'il ne renvoie à rien d'autre qu'à ce que lui-même en a découvert. Bien sûr, l'homme sait qu'au-delà de ce qu'il en a découvert, le monde est insondable. C'est la part de Dieu. Mais pour sa part à lui, celle qui fait sens pour sa vie concrète, il en est le maître, puisque ce sens est la résultante de tous les renvois utilitaires se rapportant à sa propre activité.
« Ce savoir-faire est « la vue qui guide le maniement », qui déploie ainsi une totalité de destinations déterminée par laquelle chaque étant est décelé dans son usage propre. Le maniement propre au manoeuvre est en effet toujours déterminé : c’est à chaque fois un maniement particulier qui va déceler la chose en son usage propre et ainsi se la donner comme maniable. Si le sauvage de Kant ne saisit pas la maison comme telle, c’est-à-dire qu’il ne la voit pas comme habitable, et donc maniable, ce n’est pas qu’il n’est pas manoeuvre et qu’il ne sait pas manier : c’est que lui manque le maniement propre au monde européen du XVIIIème siècle. Le sauvage est manoeuvre de son propre monde, et il sait le manier : il constitue comme maniable ce qui l’entoure au quotidien, décèle l’usage propre de chaque plante, de chaque animal, détecte dans les vents et les nuages les signes annonciateurs du climat… A chaque fois le manoeuvre déploie le maniement selon un mode prédéterminé, dans un cadre pré-acquis, qui constitue alors sa prévoyance propre, son savoir-faire spécifique. Un tel savoir-faire ne saurait cependant précéder ni surplomber le maniement proprement dit, mais lui est immanent : il n’a pas d’existence séparée sous forme d’énoncés formels, mais caractérise le maniement lui-même, en son tact et son doigté. Il est alors possible de nommer « manière » la forme particulière que revêt la mise en forme du maniement. La manière désigne en effet couramment la façon de procéder, la méthode, elle est le savoir immanent à l’action ― avoir la manière, c’est savoir s’y prendre ; la manière est aussi le mode d’expression caractéristique d’un artisan, qui use de ses techniques d’une façon qui lui est propre, et donne à ses oeuvres leur singularité. Elle désigne un certain tour de main. Le mot « manière » dérive enfin du verbe manier, il permet de désigner cette configuration déterminée du maniement. »
L'homme du Moyen-Âge, par exemple, qu'il ait vécu à la campagne ou à la ville, vivait dans un monde qui lui était intégralement intelligible. Cela peut sembler surprenant, puisque nous en savons tellement plus que lui aujourd'hui, mais dans son rapport concret au monde, il était lui-même au centre de tous les renvois de sens possibles qui définissaient ce monde comme monde maniable.
Heidegger montre que la technique moderne n'est pas la fille de la technique ancienne, mais qu'elle est la fille de la métaphysique, entendue comme production d'un savoir sur la base des apriori de la raison. Elle est la fille du projet mathématique, de la mathématisation du monde.
« Dans le monde artisanal, les étants se donnent comme pragma, ce qui permet de découvrir la praxis comme comportement primaire. Dans l'univers contemporain, leur donation est numérisation, et ils se donnent ainsi comme nombre. Or le propre du nombre est de n'être pas issu des choses, mais ajouté à elles par la pensée qui les prend en vue : seule la visée noétique peut en effet rassembler dans l'unité du nombre des éléments éparpillés. Le nombre n'est ainsi qu'un cas particulier du mathèma, c'est-à-dire d'un déjà su. Un étant est saisi comme mathèma quand la pensée ne retient de lui que ce qu'elle sait déjà ; le mathématique en tant qu'attitude fondamentale est ainsi un "prendre dans lequel celui qui prend ne prend que ce qu'il a déjà" [Heidegger, Q'est-ce-qu'une chose ?]. La "prétention" qui constitue le mathématique réside dans cette "fixation d'une détermination de la chose qui n'est pas puisée dans la chose elle-même". Le projet mathématique est ainsi un quadrillage universel de l'étant qui a toujours déjà "tracé en esquisse la manière dont se construit toute chose". L'essance des Temps modernes est donc cette délimitation a priori de la phénoménalité : "L'événement décisif a été l'élaboration d'un projet délimitant de manière anticipative ce qui devait être compris désormais sous le nom de nature et de processus naturels en général : une connexion, déterminée spatio-temporellement, de mouvements de masses ponctuelles." La caractéristique première du rapport mathématique à l'étant est ainsi une prédéfinition et une restriction de la phénoménalité : "La manière dont [les étants] se montrent est prescrite par le projet ; celui-ci détermine aussi la manière d'accueillir et de reconnaître ce qui se montre, l'expérience. »
« Dans le projet mathématique de la nature, l'étant ne se donne qu'en tant que mathèma, c'est-à-dire qu'il ne donne de lui que ce que la pensée connaît déjà d'elle-même. Le projet mathématique se caractérise en cela par le refus de toute détermination de l'étant qui serait imposée à la raison de l'extérieur, autrement dit la volonté de se constituer en seule et unique instance de vérité par une refus de principe de toute forme d'hétéronomie et d'hétérogénéité : "Le principe purement mathématique ne peut rien laisser ni tolérer avant lui qui lui soit prédonné (vorgegeben)". La science moderne est ainsi l'autoconstitution de la raison fondée sur son autodonation. Ce refus principiel de l'hétéronomie qui caractérise le rapport mathématique au monde met en lumière l'essence des Temps modernes comme projet d'autonomisation et d'absolutisation de la Raison. La mathématisation est en son essence l'autofondation de la pensée : "Le mathématique veut se fonder lui-même dans le sens de sa propre exigence interne ; il veut se mettre lui-même expressément en évidence comme norme de toute pensée [...] Le poser n'a affaire qu'à lui-même en tant que ce qui peut être posé. C'est seulement là où la pensée se pense elle-même qu'elle est absolument mathématique, c'est-à-dire prise en connaissance de ce que nous connaissons déjà". Ce refus principiel de l'hétéronomie qui caractérise le rapport mathématique au donné montre dans le mathématique un projet d'autonomisation ou d'aboslutisation de la rationalité, dans laquelle le savoir est "un se-donner-à-soi-même" (ein Sichselbstgegeben). En cela, la raison ne se fonde plus que sur elle-même. Elle s'institue comme fondement premier. »
L'insondabilité du monde, la chose-en-soi, a été déclarée inconnaissable par Kant. Le siècle des Lumières a pu ainsi reléguer Dieu dans le domaine des affaires privées, et identifier le monde réel au monde gouverné par la Raison. Or la raison ne saurait découvrir autre chose que ce qu'elle contient déjà en germe en elle. Ce qu'on nomme aujourd'hui réalité, c'est cela : c'est la partie de la réalité qui est mesurable et calculable. Et pour ce qui concerne la partie non mesurable ni calculable, on considère qu'elle le deviendra probablement au fur et à mesure des progrès de la science, et cela même si ces progrès doivent ne jamais connaître de fin ; ou alors, s'il subsiste un résidu, celui-là relève de la seule subjectivité. L'insondabilité du monde, on ne la place plus dans son épaisseur vivante, qui serait celle de Dieu, mais dans l'incapacité actuelle de notre raison à en sonder toute l'épaisseur. Ce n'est plus Dieu qui est insondable, c'est le règne de la raison qui n'est pas encore pleinement advenu à son terme.
L'expérience se retrouve donc prédéfinie par les exigences que pose envers elle sa calculabilité mathématique. Ainsi, le ciel n'est plus l'inaccessible, mais l'espace, la terre n'est plus la contrée de mon habitation, mais une surface, le soleil n'est plus source de lumière et de chaleur, ordonnateur du jour et du temps, mais une centrale nucléaire, les arbres ne sont plus source de bois ou habitat pour les animaux sauvages, mais machines à photosynthèse. Tout ce qui, de la nature, déborderait du cadre prédéfini par le mathématisable, est relégué dans le registre du sentimental ou du poétique, autrement dit : de l'irréel.
Pour mathématiser le monde, il faut le réduire à la mesure du nombre, c'est-à-dire l'uniformiser. Pour pouvoir calculer, il faut réduire la valeur d'un objet à un chiffre. Or un chiffre n'a pas d'autre détermination que sa propre valeur. Il est égal à lui-même quel que soit le contexte dans lequel on l'utilise. Mathématiser le monde, c'est le réduire à un assemblage de pièces interchangeables.
« Bien loin d'être actif et producteur, travailleur qui s'y connaît et aménage son monde par son maniement, l'homme aujourd'hui est réactif, il répond à des signaux dont le flux annihile distance et proximité. Il est ainsi fondamentalement assisté par un dispositif technologique qui l'a dépossédé de tous ses savoir-faire, et en réalité qui l'a dépossédé de sa propre existance. »
« Le pain ou le charbon sont en effet des ustensiles dont l'utilité ne dépend que de l'usage qu'en a l'existant : à l'inverse, la radio, ou la plaque de cuisson ne sont que des fonctions, dont la fonctionnalité ne dépend que du fonctionnement du système auquel ils sont intégrés. Ce sont des pièces, qui ne valent que par leur intégration à un système, et n'ont aucune valeur ni aucun sens en dehors de ce système. Parce qu'elles ne sont rien en elles-mêmes, les pièces sont alors interchangeables. Contrairement à des parties (Teil), les pièces (Stück) sont toutes pareilles, c'est ce que soulignait Heidegger en 1949 dans sa première conférence sur la technique : "Les pièces disponibles sont, de pièce en pièce, toutes pareilles (Gleichen). Leur caractère de pièce requiert cette uniformité." La pièce n'a ainsi aucune propriété ― et c'est pourquoi son utilisation ne saurait en déceler l'être propre ― parce qu'elle n'a d'autre caractéristique que celle que lui assigne sa fonction. Ce statut de pièce interchangeable concerne également les humains, qui, n'ayant plus de savoir-faire spécifique à mettre en oeuvre dans une manière à chaque fois propre, n'ont plus qu'à occuper une fonction, et à la faire fonctionner : leur travail est en cela toujours défini par l'adéquation de leur comportement à cette fonction déterminée. Ils sont en cela, fondamentalement, fonctionnaires. »
Dans un monde conçu comme assemblage de pièces interchangeables, l'humain perd son statut de partie d'un tout organique, dont il décèlerait le sens par son activité propre, et devient pièce remplissant une fonction au sein d'un système. Il n'est plus, comme l'artisan, maître et détenteur du sens de son ouvrage, mais assigné à connaître les procédures qui lui permettront de remplir la fonction que le système attend de lui.
« De prime abord et la plupart du temps, l'urbain se confronte ainsi à des signaux. Se déplacer, que ce soit en voiture, dans les transports en commun, ou même à pied, c'est en effet toujours être guidé, aiguillé, orienté par une série ininterrompue de panneaux indicateurs et de messages informatifs : l'urbain en déplacement passe le plus clair de son temps à lire des messages et à leur obéir. Ainsi se confirme la prééminence du plan dans l'urbanisme contemporain : le plan de circulation routière d'une zone, l'organisation des flux de passagers dans les couloirs du métro, l'aménagement intérieur d'un aéroport, d'une gare, d'un supermarché ou d'un musée, n'ont d'autre fonction que de planifier et de rationaliser les déplacements individuels ; les forêts les plus profondes et les montagnes les plus élevées sont balisées par le réseau des sentiers de grande randonnée. Le comportement primaire de l'existant aujourd'hui est donc discipliné, au sens où l'entendait Foucault quand il disait que "toute l'activité de l'individu discipliné doit être scandée et soutenue par des injonctions dont l'efficace repose sur la brièveté et la clarté ; l'ordre n'a pas à être expliqué, ni même formulé ; il faut et il suffit qu'il déclenche le comportement voulu". Et en effet la formulation de l'ordre, son éventuelle explication, n'intervient que dans un second temps, par le surveillant, dans le cas, anormal, où le signal n'ait pas déclenché le bon comportement. La zone urbaine évidemment inclut la zone de randonnée, et dans son analyse du modèle de l'espace disciplinaire Foucault constatait l'extension universelle de ce modèle de spatialisation : à partir du XVIIème siècle, "on cesse de percevoir la ville comme un lieu privilégié, comme une exception dans un territoire constitué de champs, de forêts et de routes. Les villes ne sont plus désormais des îles qui échappent au droit commun. Dorénavant, les villes, avec les problèmes qu'elles soulèvent et les configurations qu'elles prennent, servent de modèles à une rationalité gouvernementale qui va s'appliquer à l'ensemble du territoire." C'est ainsi la totalité de l'étendue qui est saturée de signaux, et se constitue en espace disciplinaire qui déclenche en tous ses points les comportements prévus : "Du maître de discipline à celui qui lui est soumis", écrit Foucault dans Surveiller et punir, "le rapport est de signalisation : il s'agit non pas de comprendre l'injonction, mais de percevoir le signal, d'y réagir aussitôt, selon un code plus ou moins artificiel établi à l'avance". Toute la production contemporaine de l'espace urbain relève en cela de ce projet de "placer les corps dans un petit monde de signaux à chacun desquels est arrachée une réponse obligée et une seule". Si donc dans le monde qu'analyse Être et Temps le tout de l'étant se donne dans l'horizon de la significativité, dans la zone urbaine il apparaît dans celui de la signalétique. »
« Cette prééminence du signal ne saurait être réduite à une simple caractéristique de l'espace urbain : elle est en réalité le rapport primaire le plus courant aux objets qui nous entourent. L'événement majeur de l'histoire des techniques, dans la deuxième moitié du XXème siècle est sans nul doute l'avènement, d'une rapidité fulgurante, de l'informatique, c'est-à-dire de la programmation, qui a pénétré la vie quotidienne dans tous ses aspects, et la plupart des objets techniques qui nous entourent sont pilotés par des logiciels. Cet avènement de l'informatique a donné un nouveau sens au mot "convivial" : le terme désigne désormais "un système dont l'utilisation est aisée pour un non-professionnel". Les objets de la vie quotidienne sont "conviviaux" en ce sens précis, c'est-à-dire qu'ils sont conçus de telle sorte qu'un individu d'intelligence médiocre puisse les faire fonctionner, en ignorant tout de leur élaboration ou de leur logique interne, simplement en appuyant au bon endroit au bon moment ― plus exactement : en appuyant là où on lui dira d'appuyer au moment où on lui dira d'appuyer. L'informatique est en cela l'universalisation de la signalétique ; elle est la logique même de l'infrastructure du plan, un système d'échanges d'informations susceptibles d'être transmises par des signaux. De prime abord et la plupart du temps, j'ignore ainsi absolument tout de l'objet dont je me sers ; je me contente de répondre aux signaux qu'il m'envoie. Ainsi de l'ordinateur sur lequel je pianote : je n'ai aucune idée de la façon dont il a été conçu, de son mode de production, de son fonctionnement interne, je suis incapable de le programmer ou de le réparer : je suis tout juste capable de cliquer sur les petites fenêtres qu'il affiche à mon intention. et quand bien même serais-je un informaticien chevronné, je resterais profane et ignorant devant la totalité des autres objets de mon environnement quotidien : l'ignorance est la condition moyenne de l'homme aujourd'hui, le rapport à l'objet technique est de réaction à des stimuli programmés. Il y a donc une différence essentielle dans le rapport à l'objet technique : toute l'analytique de l'être-au-monde a mis en lumière que le rapport primaire à l'étant est l'usage préoccupé, fondé sur un savoir-faire (technè), et c'est ce comprendre primordial qui projette l'horizon de la significativité. Le propre du manoeuvre est de "s'y connaître", et c'est justement parce qu'il s'y connaît qu'il peut s'en sortir en toutes circonstances, et que la technique au sens ancien est toujours une forme de ruse. Tout au contraire, dans mon rapport quotidien à l'objet technique, "je n'y connais rien", je me contente de suivre docilement le réseau de signalétique, c'est-à-dire d'intégrer de nouvelles normes : l'installation d'un nouvel appareil est toujours précédé de l'étude appliquée d'un mode d'emploi où j'apprends de nouveaux signaux. Le rapport à l'étant n'est alors plus l'"usage" (Gebrauch), qui décèle l'ustensile en son être, mais "l'utilisation" (Verwenden), qui se contente de faire fonctionner l'objet technique en le laissant à son opacité : si le martèlement me donne le marteau "tel qu'il est, en soi", ce n'est certainement pas le cas de mon utilisation de l'ordinateur, et c'est bien là ce que manifeste la panne, qui referme l'objet sur lui-même et me révèle tout à la fois que son en-soi m'est inaccessible, et que je n'y connais rien. Sa panne met à nu mon ignorance et ma dépendance à son égard. (...) A l'opposé de l'homme préhistorique, grec ou médiéval, l'homme de l'époque technique est en effet fondamentalement assisté, et l'assistanat d'Etat n'est qu'un cas particulier de l'universel assistanat technologique : la domination massive de la technique aujourd'hui dissimule la perte de tous les savoir-faire, c'est-à-dire la disparition de la technique en son sens praxique. L'époque de la technique ne peut pas être comprise comme l'aboutissement plénier de la technè : elle en est l'éradication. »
« L'homme contemporain est lui-même appareillé. Il est toujours équipé d'appareils — voitures, téléphones portables, radios, téléviseurs... — et ces appareils ne sont pas des outils, il sont toujours connectés à une signalétique et permettent d'en suivre les instructions. Être équipé, c'est ainsi être intégré dans l'appareillage et devenir soi-même une pièce de l'équipement définie par ses interactions avec les autres pièces ; être connecté, c'est être exposé au flux continu des informations, et suivre en continu les instructions de la signalétique. Cette soumission sans réserve de l'homme au flux de l'information l'arrache à sa localisation primordiale. sa contrée, et détruit ainsi son monde ambiant : c'est pourquoi Être et temps mentionnait cette caractéristique du monde moderne qu'est la radiodiffusion. Son importance s'est considérablement accrue depuis, elle s'est surtout doublée de l'avènement de la télévision, dont Heidegger avait anticipé l'importance : "ce qui supprime de la façon la plus radicale toute possibilité de lointain" disait-il en 1949, "c'est la télévision, qui bientôt va parcourir dans tous les sens. pour y exercer son influence souveraine, tout l'enchevêtrement et toute la bousculade des relations humaines." La domination planétaire de la télévision est une structure fondamentale d'appareillement, et c'est pour ne pas la prendre en compte que la plupart des débats sur la politique ou l'éducation restent nuls et non avenus. Heidegger constatait dès 1935 le bouleversement subi par l'existance "en un temps où toute occurrence qu'on voudra, en tout lieu qu’on voudra, à tout moment qu’on voudra, est devenue accessible aussi vite qu'on voudra, et où l'on peut vivre simultanément un attentat contre un roi en France et un concert symphonique à Tôkyô. lorsque le temps n'est plus que vitesse, instantanéité et simultanéité" : et en effet l'horizon de ma préoccupation n'est plus la contrée de mon affairement quotidien, mais la succession ininterrompue de ces occurrences — qui en vérité ne saurait constituer un horizon, mais au contraire m’engloutit dans l'illimitation de son flux ―, et je suis en cela en réaction incessante aux stimuli visuels et auditifs produits en continu par ce dispositif. Et je le suis au même titre que quiconque : n'importe quel individu de la planète a le même environnement médiatique, réagit au même moment aux mêmes stimuli. Il n'y a donc plus de lieux, mais simplement des points du plan, ce qu'effectue de façon définitive l'avènement des appareils portables, qui permettent à tous les points du plan d’être connectés à tous les autres points du plan indépendamment de toute localisation. »
Je pense que Heidegger a raison : la technologie n'est la continuation de la technique que si on la considère d'un point de vue extérieur à l'homme. Mais si on considère que l'homme s'est constitué d'emblée en symbiose avec la technique, comme Heidegger le montre très bien, alors la technologie est un renversement total du rapport de l'homme à la technique : au lieu d'être l'outil qui rend l'homme à proprement parler humain, la technologie est une machine qui l'aliène et le réduit à l'état de chose, de pièce utile au fonctionnement du vaste système qu'elle constitue. |
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Ellebore
Inscrit le: 13 Juil 2019 Messages: 527 Localisation: La terre
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Posté le: Di 25 Août 2019 23:42 Sujet du message: |
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Bonsoir,
Merci beaucoup Joaquim pour cet excellent article.
Citation: | Je pense que Heidegger a raison : la technologie n'est la continuation de la technique que si on la considère d'un point de vue extérieur à l'homme. Mais si on considère que l'homme s'est constitué d'emblée en symbiose avec la technique, comme Heidegger le montre très bien, alors la technologie est un renversement total du rapport de l'homme à la technique : au lieu d'être l'outil qui rend l'homme à proprement parler humain, la technologie est une machine qui l'aliène et le réduit à l'état de chose, de pièce utile au fonctionnement du vaste système qu'elle constitue. |
Oui, tout à fait. Et dire que cela s'est fait sur une centaine d'années. Et simultanément la planète se meurt de l'homme, qui utilise ses ressources à tort et à travers pour son usage, sans se soucier ou sans vouloir se soucier des conséquences probables. En 20000 ans nous n'avons jamais fait autant de dégâts à la terre que ces 50 dernières années, et le dérèglement climatique n'en est que la conséquence la plus visible, mais elle est sans doute loin d'être la plus grave.
En parallèle, l'objetisation de l'homme est aussi la conséquence de l'accroissement démographique. Cela est très sensible pour un provincial se rendant à Paris. Il pourrait à juste titre parler de robotisation de l'homme, ne serait-ce qu'en faisant un tour dans le métro aux heures de pointe.
Combien de temps faudra-t-il encore pour que nous en arrivions à la vision pessimiste de 'Soleil vert' ?
Citation: | La technologie est une machine qui l'aliène (l'homme) et le réduit à l'état de chose, de pièce utile au fonctionnement du vaste système qu'elle constitue. |
L'idée toutefois n'est pas nouvelle, bien que transposée de la technologie à la République comme on peut le voir dans le 'Leviathan' de Thomas Hobbes (XVIème siècle) :
Citation: | La nature (l'art par lequel Dieu a fait le monde et le gouverne) est si bien imitée par l’art de l'homme, en ceci comme en de nombreuses autres choses, que cet art peut fabriquer un animal artificiel. Car, étant donné que la vie n'est rien d'autre qu'un mouvement de membres, dont le commencement est en quelque partie principale intérieure, pourquoi ne pourrions-nous pas dire que tous les automates (des engins qui se meuvent eux-mêmes, par des ressorts et des roues, comme une montre) ont une vie artificielle? Car qu'est-ce que le cœur, sinon un ressort, les nerfs, sinon de nombreux fils, et les jointures, sinon autant de nombreuses roues qui donnent du mouvement au corps entier, comme cela a été voulu par l'artisan. L'art va encore plus loin, imitant cet ouvrage raisonnable et le plus excellent de la Nature, l'homme. Car par l'art est créé ce grand LEVIATHAN appelé RÉPUBLIQUE , ou ÉTAT (en latin, CIVITAS), qui n'est rien d'autre qu'un homme artificiel, quoique d'une stature et d'une force supérieures à celles de l'homme naturel, pour la protection et la défense duquel il a été destiné, et en lequel la souveraineté est une âme artificielle, en tant qu'elle donne vie et mouvement au corps entier, où les magistrats et les autres officiers affectés au jugement et à l'exécution sont des jointures artificielles, la récompense et la punition (qui, attachées au siège de la souveraineté, meuvent donne vie et mouvement au corps entier, où les magistrats et les autres officiers affectés au jugement et à l'exécution sont des jointures artificielles, la récompense et la punition (qui, attachées au siège de la souveraineté, meuvent chaque jointure, chaque membre pour qu'il accomplisse son devoir) sont les nerfs, et [tout] cela s'accomplit comme dans le corps naturel : la prospérité et la richesse de tous les membres particuliers sont la force, le salus populi (la protection du peuple) est sa fonction, les conseillers, qui lui proposent toutes les choses qu'il doit connaître, sont la mémoire, l'équité et les lois sont une raison et une volonté artificielles, la concorde est la santé, la sédition est la maladie, et la guerre civile est la mort. En dernier, les pactes et les conventions, par lesquels les parties de ce corps politique ont en premier lieu étaient faites, réunies et unifiées, ressemblent à ce Fiat ou au Faisons l'homme prononcé par Dieu lors de la création. |
Citation: | Pour instituer cette force politique transcendante, les hommes doivent renoncer à leur liberté naturelle et ainsi transférer au Léviathan le pouvoir de contrainte et la force. Pour quel bénéfice ? En échange de leur liberté naturelle, le Léviathan assure la protection de ses sujets et de leurs biens. |
Il a d'ailleurs repris à son compte dans son 'De Cive' la citation de Plaute - Asinaria, la comédie des Ânes 195 av J.C : « Lupus est homo homini, non homo, quom qualis sit non novit » (Quand on ne le connaît pas, l'homme est un loup pour l'homme) :
Citation: | Et certainement il est également vrai, et qu'un homme est un dieu à un autre homme, et qu'un homme est aussi un loup à un autre homme. |
Et pour clore ce post sur une note positive - deux citations d'Arcand Bernard - Anthropologue :
Sur le loup :
Citation: | « L'homme est un loup pour l'homme, ce qui, vous en conviendrez, n'est pas très gentil pour le loup. » - Les loups, en effet, s'il faut en croire le proverbe – et contrairement peut-être aux hommes – « ne se mangent pas entre eux ». |
Sur la technologie :
Citation: | Une société qui invente le jardin zoologique est une société prête pour la télévision. Dès qu'on pense qu'il est intéressant de regarder des animaux hors de leur contexte naturel, il devient pensable de contempler le monde entier depuis son salon. |
Ellebore. _________________ Ellebore
Psychonaute
Par amour. |
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 6067 Localisation: Suisse
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Posté le: Ma 27 Août 2019 19:36 Sujet du message: |
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Merci Ellebore pour tes remarques et tes rebondissements.
L’arraisonnement de l’homme par la technique, ce n’est pas tant que l'homme imiterait la nature, au point de s’arroger son pouvoir créateur, mais qu’il se retrouve lui-même comme une simple pièce interchangeable au sein de sa propre création. C’est passer de l’état de sujet de la nature, à l’état de sujet de la technique — et non pas de maître de la technique. Ce que l’homme a créé, bien plus que simplement des machines, c’est un monde de machines dans lequel lui-même devient une pièce, ou une machine. Et la question est celle-ci : quel est l’Esprit qui préside à ce monde technique ? Est-ce le même que celui qui agit dans la Nature ?
Bien sûr, comme le dit Heidegger — et comme en témoigne Hobbes — avant d’avoir pu créer un monde technique, l’homme a commencé par techniciser la nature : c’est ce que Heidegger entend par la mathématisation de la nature, sa réduction au nombre. Hobbes, dans la citation que tu donnes, est déjà bien avancé dans cette voie : l’organisme humain n’est pour lui qu’une machine. On est assez loin de la notion de microcosme et macrocosme, chère aux penseurs des siècles qui le précédaient, et qui plaçaient l’être humain dans un tout autre rapport avec la nature.
Heidegger fait remonter le projet technique à la constitution de la philosophie grecque en métaphysique — et non pas au développement d’outils, d’instruments et de machines. Et je pense que c’est là qu’il pointe vers le vrai coeur du problème. Toutes les cultures ont développé des outils et des machines. Mais seule la culture européenne, c’est-à-dire celle qui est née de la pensée grecque, a créé un monde technique. Elle a pu le faire parce qu’auparavant, elle avait soumis la nature à la raison : elle avait transformé la nature — la représentation qu’elle se faisait de la nature — en un grand projet entièrement mathématisable. Hobbes se situe à cette charnière de la pensée européenne, lorsqu’elle a basculé d’une conception centrée sur Dieu, à une conception centrée sur l’homme, sur l'individu. |
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Ellebore
Inscrit le: 13 Juil 2019 Messages: 527 Localisation: La terre
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Posté le: Me 28 Août 2019 7:32 Sujet du message: |
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Bonjour Joaquim,
Tu poses ces questions :
Citation: | Quel est l’Esprit qui préside à ce monde technique ? Est-ce le même que celui qui agit dans la Nature ? |
Certes, ces questions méritent d'être posées. Merci de l'avoir fait.
Pour tenter d'y répondre, avec mes petits moyens intellectuels, je dirais, à mon sens que c'est l'esprit de l'homme guidé par la paresse qui préside à ce monde technologique.
La paresse de la nature n'est que d'aller toujours au plus simple.
La nature humaine n'est pas fondamentalement différente.
Allez, un peu d'humour noir :
Comme Dieu lors de la création du monde; et l'homme créa la technologie :
- L'homme trouva le charbon et il le mina, et ainsi la machine à vapeur prit tout son sens pour l'homme. Mais le travail de la mine était dur et dangereux. L'homme vit quand même que cela était bon, car il put se chauffer, et se déplacer plus rapidement avec moins de fatigue.
Premier jour de l'évolution technologique.
- Le second jour, l'homme créa l’électricité, et la fée électricité lui apporta la lumière et chaleur, et l'homme vit que cela était bon, en effet, cela lui permit de ne plus aller couper du bois ou miner du charbon, et de s'éclairer la nuit.
Second jour de l'évolution technologique.
- Le troisième jour, l'homme trouva le pétrole et en fit de l'essence, qui lui permit de se déplacer encore plus rapidement. Ce même jour, il trouva le radium, qui lui permit de réaliser des radiographies pour mieux se soigner. Il vit que cela était bon.
Troisième jour de l'évolution technologique.
- Le quatrième jour, l'homme créa les centrales thermiques, améliora les véhicules afin d'aller encore plus vite, créa les avions, la première fusée et le premier ordinateur. En parallèle, il créa également des machine outils qui le soulagèrent dans ses taches. Il vit que cela était bon.
Quatrième jour de l'évolution technologique.
- Le cinquième jour, l'homme améliora ses précédentes créations, créa des centrales nucléaires, put aller sur la lune, dans l'espace, envoya des satellites artificiels tourner autour de la planète pour diverses raisons, alla encore plus vite, créa le téléphone portable, et des ordinateurs encore plus puissant, et inventa quantité d'objet qui finalement ne lui était pas trop utile, mais qui le soulageait dans ses taches quotidiennes. Il vit que cela n'était peut-être pas si mal.
Cinquième jour de l'évolution technologique.
- Le sixième jour, l'homme se rendit compte que sa planète était en danger à cause du profit que sa paresse avait engendrée, il vit que les saisons se déréglaient, que nombre de perturbations dues à la planète souffrante le touchait, mais que la machine à argent lancée ne pouvait plus s'arrêter, et que malheureusement il ne pouvait plus rien faire d'autre que regretter cet état de fait. La pollution environnante, ne lui permettait presque plus de respirer, les eaux devaient êtres saturées de chlore, pour lui permettre de la boire. Il pensa alors qu'il aurait été bon de se passer de la technologie, et regretta de n'être pas resté tranquillement à vivre dans des maisons de pierres, se chauffer au bois, et vivre de culture et d'élevage. Et l'homme vit qu'après tout cela n'était peut-être pas si bon qu'il le pensait...
Sixième jour de l'évolution technologique.
- Le septième jour, Dieu accablé de prières, en eut ras le bol de sa création, Il fit pivoter la planète sur ses pôles, les eaux se rependirent sur tous les continents, Il enflamma le soleil pour brûler et sécher la terre, et une fois que cela fut fait, il put enfin se reposer... Tranquillement.
Dernier jour de l'homme.
Bon ok, c'est un délire, il n’empêche que ce n'est que paresse et profit à moindre coût qui justifient la technologie. L'homme n'aspire maintenant plus qu'a trouver des solutions de secours. Et si par malheur il lui était possible de rejoindre une autre planète pour l'exploiter et la pourrir, il n’hésiterait pas un instant, au nom du sacro-saint argent...
D'où l'importance de l’Éveil, maintenant et tout de suite, non pour se préserver, mais pour limiter la casse au maximum. Et qui sait, peut-être que l'homme pourra éviter la catastrophe... Ou, s'il reste quelques personnes telles que Noé et sa famille, repartir sur une base plus saine.
Je ne suis pas findumondiste, mais je ne vois pas comment s'en sortir avec l'inertie liée au profits industriels et pétroliers. Grenelle I et Grenelle II à quoi ça sert ? A part a relancer un peu l'économie du bâtiment ? A nous planter des éoliennes qui défigurent le paysage, et ne servent à rien (la plupart ne fonctionnent jamais), a freiner des quatre fers lorsqu'il s'agit de propulser des véhicules avec des moteurs à hydrogène, à nous faire croire que des panneaux photovoltaïques (durée de vie 15-20 ans sans aucun plan de recyclage) pourront remplacer une centrale nucléaire qui produit à elle seule plus d'électricité que tout les panneaux et éoliennes installés sur le territoire ? En France, dans les années 70, nous n'avions pas de pétrole, mais nous avions des idées... Aujourd'hui, nous n'avons même plus d'idées.
Après ce petit coup de gueule un peu écœuré, voici un article bien fait trouvé sur le net :
Citation: | Les inventions de l’Homme ont toujours eu pour cause un besoin – ou une envie – de faciliter le travail. La roue, qui aurait été inventée en Mésopotamie près de quatre millénaires avant J.C, est l’exemple historique de ce besoin de facilité. La roue permit, par exemple, de transporter des poids difficilement transportables à mains nues. Vinrent aussi s’ajouter les premiers couteaux pour mieux couper la viande, les bases de la couture pour de meilleurs lits, les moulins pour moudre les grains automatiquement, les voitures pour aller plus vite, les avions pour aller plus loin et – sans transition – Internet pour diffuser et accéder à l’information en quelques clics. Et c’est ainsi que la paresse, pêché capital pour les catholiques, devint le pain-béni des nouvelles start-up du numérique.
La paresse, qu’est-ce que c’est ?
Chez les catholiques, en effet, la paresse est un pêché capital. Bien que le terme initial, appelé « acédie », désigne avant tout un état de paresse spirituel, la paresse reste encore aujourd’hui religieusement condamnable. Pour Jean-Jacques Rousseau – « J.J » pour les intimes – la paresse est naturelle chez l’homme « sauvage ». Alors posons-nous la question : sommes-nous des sauvages ou des pêcheurs ? Internet et maintenant, et surtout, nos smartphones, pourront répondre à notre place si nous sommes trop fainéants…
Le mot paresse nous vient du latin « peresce », qui signifie « répugné à ». Le paresseux a donc horreur du travail, de l’effort, tant physique que mental. Il ne faut pas le confondre avec l’ « oisif », qui, lui, profite de son temps de repos. Ce qui suppose qu’il travaille alors que le paresseux s’apparente soit à un clochard, soit à un pêcheur. Garfield, le chat des bandes-dessinées, est paresseux. En même temps, c’est un chat. Le singe « paresseux » est on ne peut plus paresseux : ne descendant qu’une fois par semaine de son arbre pour faire ses besoins, il peut dormir jusqu’à 12h par jour et se déplacer, en moyenne, à moins de 0,6 km par heure. Un record !
Mais quittons les singes pour parler des hommes.
La technologie nous rendrait de plus en plus fainéants
Selon une étude de l’université de Waterloo, les smartphones rendraient, en effet, intellectuellement paresseux ! Dans un communiqué de presse de l’université, les chercheurs déclarèrent que « nos smartphones nous aident à trouver un numéro de téléphone rapidement, nous indiquent instantanément le chemin à suivre et recommandent des restaurants. » Et une des chercheuses d’ajouter que « notre dépendance aux smartphones ne fera sûrement qu’augmenter. » L’étude, réalisée en 2015 avec 660 participants, pointe du doigt un fait très inquiétant : nous réfléchirions de moins en moins par nous-mêmes ! Les chercheurs auraient donc observé, parmi les participants, un nombre supérieur de « penseurs intuitifs » par rapport aux « penseurs analytiques », c’est-à-dire ceux qui ont d’abord recours à la logique. Les « penseurs intuitifs » se fiant davantage à leur instincts, ils seraient les plus nombreux à faire appel aux moteurs de rechercher plutôt que de réfléchir par eux-mêmes. Les chercheurs concluent ainsi que ceux ayant plus de mal à faire appel à leur réflexion entretiendraient une dépendance accrue avec leurs smartphones et Internet !
Mais les smartphones ne sont pas les seuls à nous rendre plus fainéants, les objets connectés et les gadgets en tout genre sont aussi les premiers à alimenter notre paresse…. |
Ellebore. _________________ Ellebore
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Par amour. |
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Ellebore
Inscrit le: 13 Juil 2019 Messages: 527 Localisation: La terre
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Posté le: Di 01 Sep 2019 8:24 Sujet du message: |
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Bonjour à tous,
En complément du post précédent :
La roue, qui aurait été inventée en Mésopotamie près de quatre millénaires avant J.C, est l’exemple historique de ce besoin de facilité.
La roue, n'est-elle pas le commencement des mathématiques ?
On attribue généralement le début de l'écriture à Sumer, dans le bassin du Tigre et de l'Euphrate ou Mésopotamie. Cette écriture, dite cunéiforme, naît du besoin d'organiser l'irrigation et le commerce. Conjointement à la naissance de l'écriture naissent les premières mathématiques utilitaires (économie, calculs de surface).
Nous avons conservé de l'époque sumérienne de nombreux cylindres-sceaux, des milliers de tablettes d'argile recouvertes de caractères cunéiformes et bien sûr d'innombrables œuvres d'art : représentations de dieux et de rois. Elles témoignent des avancées exceptionnelles de cette première civilisation en matière intellectuelle et technologique.
Ainsi la production textile prend-elle son essor jusqu'à atteindre des dimensions industrielles. En agriculture, vers 3 000 av. J.-C., les paysans inventent l'irrigation et aussi l'araire à semoir. À la même époque apparaissent les premières roues dévolues au transport (jusque-là, le principe de la roue était seulement appliqué aux tours de potier !).
Les apports de Sumer s'étendent à l'astronomie et au calcul. Bénéficiant d'un ciel très pur, les habitants de la région ont pris le temps d'observer les astres. Ils sont devenus très férus d'astronomie et nous leur devons la division sexagésimale du temps et du cercle : 60 minutes dans une heure, 24 heures dans une journée, 360 degrés dans un cercle.
A noter également que :
L'os d'Ishango datant de plus de 20 000 ans est généralement cité pour être la première preuve de la connaissance des premiers nombres premiers et de la multiplication, mais cette interprétation reste sujette à discussions. Il est dit que les mégalithes en Égypte au Ve millénaire avant notre ère ou en Angleterre au IIIe millénaire incorporeraient des idées géométriques comme les cercles, les ellipses et les triplets pythagoriciens. En 2 600 avant notre ère, les constructions égyptiennes attestent d'une connaissance empirique et technique de la géométrie, sans qu'il soit toutefois possible de certifier que ces constructions aient été pensées par l'emploi méthodique des mathématiques.
Le rapport de l'os d'Ishango avec les mathématiques reste toutefois controversé.
Du reste, selon une étude réalisée par une équipe de chercheurs :
Citation: | Contrairement à ce qu'affirme l'adage, l'homme ne descend pas du singe. Ils sont cousins. Les grands primates sont d'ailleurs des animaux capables de réaliser de nombreuses actions semblables à celles des humains, les homo sapiens. Ils sont capables selon cette étude de compter, apprendre un nouveau langage, mentir, plaisanter, cuisiner et ressentir l’injustice.
Une équipe de chercheurs de Harvard a appris à trois macaques en captivité à faire des additions en manipulant des symboles. Ils ont publié leurs travaux dans la revue Comptes-rendus de l'Académie américaine des sciences , le 17 avril. |
L’étude se trouve ici (en anglais) :
https://www.pnas.org/content/pnas/early/2014/04/17/1404208111.full.pdf
Aussi, si des singes en sont capables, le simple comptage doit être bien plus ancien encore que les 20000 ans de l'os d'Ishango. Mais peut-on alors parler de mathématiques ?
Ellebore. _________________ Ellebore
Psychonaute
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 6067 Localisation: Suisse
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Posté le: Di 01 Sep 2019 14:19 Sujet du message: |
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Ellebore a écrit: | Aussi, si des singes en sont capables, le simple comptage doit être bien plus ancien encore que les 20000 ans de l'os d'Ishango. Mais peut-on alors parler de mathématiques ? |
En effet, je ne pense pas que le simple comptage puisse être considéré comme des mathématiques — en tous cas pas au sens où Heidegger entendait la mathématisation du monde. Il y a mathématisation à partir du moment où un chiffre remplace une réalité concrète. On n’a plus alors à s’occuper de la réalité concrète, on peut simplement jouer avec les chiffres, comme s’ils étaient eux-mêmes la réalité — puis appliquer le résultat de ce jeu à la réalité, et constater qu’il correspond. Lorsque les singes ou les merles comptent, je ne pense pas qu’ils abstraient les chiffres de la réalité concrète. Le fait que leur capacité à appréhender les nombres bute sur des chiffres assez petits — 8 par exemple, pour les merles — montre que ce qu’ils appréhendent, c’est l’ensemble, de manière synthétique et non pas analytique. Nous-mêmes, de manière synthétique, butons aussi rapidement sur des limites pour évaluer les nombres, et probablement pas plus élevées que celles des merles ; je veux dire si nous estimons un ensemble au jugé, sans le dénombrer. |
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