Regards sur l'éveil
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Pierre
Inscrit le: 22 Nov 2005 Messages: 68 Localisation: Toulouse
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Posté le: Sa 28 Sep 2019 18:10 Sujet du message: Les organisations Opales |
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Bonjour à tous,
J'ai découvert il y a quelques temps le concept d'entreprises libérées, aussi appelé organisations Opales. Pour le résumer, il s'agit d'organisations humaines (pas nécessairement des entreprises) qui ont fait le choix de passer d'une structure pyramidale - direction / management intermédiaire / petites mains - à une organisation en totale rupture avec ce modèle : plus d'autorité centralisée mais de l'autogouvernance, un accent mis sur l'autonomisation des personnes, la confiance, l'intelligence collective, etc...
Bon alors présenté comme ça, il est légitime de subodorer une énième tarte à la crème concoctée par des DRH toujours désireuses de faire passer des pratiques intégralement dédiées à la recherche de toujours plus debénéfice/croissance/performance/compétitivité pour la plus exquise des philantropies, quitte à user d'une mauvaise fois toute orwellienne : "la liberté c'est l'esclavage".
Eh bien faites vous votre idée : voici une conférence de Frédéric Laloux, qui a travaillé sur ces organisations d'un nouveau genre. Le terme d'organisation opale provient d'une classification qu'il a établie entre différents types d'organisations humaines, en y associant une couleur et une origine dans l'histoire de l'humanité (il l'explique à partir de 12'45). Pour ceux qui n'ont pas envie de se taper 1h43 de conférence mais qui aimeraient se faire rapidement une idée, je propose de regarder directement à partir de 18'30, l'histoire de Buurtzorg, une entreprise de soins infirmiers à domicile. Si ça vous touche, alors regardez l'ensemble de la vidéo, c'est très concret et très étonnant.
https://www.youtube.com/watch?v=NZKqPoQiaDE
Quel rapport avec le thème du forum ? allez vous me dire. Et bien je trouve (je m'adresse là à ceux qui ont pris le temps de voir de quoi il en retournait : si vous n'avez lu que les quelques lignes qui précèdent, vous n'allez pas forcément saisir ce qui suit) de nombreuses similitudes entre un "processus de libération" individuel et un processus de libération collectif :
C'est la tête qui l'initie (le "mental" chez l'individu, le management dans le collectif), non pas en donnant de nouvelles directives mais au contraire en s'effaçant délibérément.
Cet effacement, s'il est trop rapide, mal accompagné, peut donner lieu à d'énormes turbulences : on réalise - parfois trop tard - que la tête, même si on peut lui reprocher d'être étouffante, inhibitrice, sclérosante pour l'affect pour la créativité, assurait un rôle nécessaire de régulation, de retenue. Si le reste de l'organisme (des employés dans un organisme collectif, des fonctionnements psycho affectifs chez l'individu) n'est pas bien préparé, c'est le bordel.
Un bordel auquel on met parfois un terme par une retour arrière : réaffirmation et reprise en main musclée par la tête et abandon de l'expérience désormais rangée sur l'étagère des utopies inaccessibles (mais ô combien désirable !)
Un bordel que l'on peut s'épargner si en même temps qu'on se libère on s'éduque : apprentissage de l'éthique, de la responsabilité, de l'acceptation de son environnement. (une entreprise "libérée" peut prendre ses distances avec le dogme de la croissance mais elle doit rester économiquement autonome et viable. Et un individu "éveillé" reste aussi un contribuable et c'est pas le bon Dieu qui va lui payer ses impôts !)
L'obstacle principal rencontré sur ce chemin de libération, c'est la peur : tout ce management que le conférencier appelle "orange" (cet affreux management qui pousse le rationalisme jusqu'à l'absurde) n'a d'autre raison d'être que de contenir continuellement une situation qu'il s'imagine avoir toutes les raisons de lui échapper. Un management qui tire sa légitimité des de la lutte contre des dérives qu'il a lui-même provoqué par son action. Identifier ces peurs, reconnaître leur origine, accepter le risque, apprendre la confiance, c'est le même chemin pour l'individu que pour l'organisation collective.
Au final, l'organisme libéré devient beaucoup plus vivant : d'entravé, de mécanique, d'épuisé par un gaspillage insensé d'énergie s'originant quasi exclusivement dans une auto-complication de sa propre existence, il devient souple, adaptable, autonome, il n'a de légitimité que celle qu'il se donne : il vit.
J'aurais bien d'autres similitudes à rajouter. Mais en conclusion je préfère faire le lien avec ce que nous disons parfois sur ce forum à propos de l'état du monde actuel (bien qu'il y ait fort longtemps que je n'y ai contribué). Je reste un indécrottable optimiste : je vois s'élaborer, dans cette époque folle où nous vivons, les conditions de l’avènement d'une humanité plus mature. L'épuisement généralisé de tout et de tous, le désespoir et la souffrance sont les symptômes d'une crise de croissance : les modèles anciens sont périmés et les imbéciles qui s'y cramponnent - soit qu'ils y trouvent toujours un intérêt, soient qu'ils ont si peur de les lâcher qu'ils préfèrent continuer à en souffrir - les rendent chaque jour un peu plus odieux. C'est précisément parce que les conditions deviennent intenables que la nécessité de trouver autre chose se fait de plus en plus pressante. Ces organisations d'un nouveau type, libres, autonomes, légères, préfigurent selon moi la manière dont l'humanité se structurera dans l'avenir : ni hiérarchie, ni anarchie, mais une grande liberté, coordonnée par une responsabilité consentie - le joug léger des Evangiles - et cette structuration viendra d'en bas, de l'émergence spontanée d'une intelligence collective qui aura su trouver une nouvelle manière, élégante, satisfaisante, de vivre durablement dans ce monde. |
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daniel
Inscrit le: 15 Fév 2006 Messages: 9284 Localisation: belgique
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Posté le: Sa 28 Sep 2019 20:33 Sujet du message: |
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Bonsoir Pierre !
Ça fait, toujours, plaisir d'avoir de tes nouvelles !
Je ne sais pas si ces organisations opal se sont, un minimum, inspirés des idées libertaires, mais leur secret (aux idées libertaires), c'est qu'il faut arrêter de produire pour faire des bénéfices, mais pour satisfaire les besoins de touTEs décidés par touTEs, individuellement et collectivement, sinon des objectifs prioritaires qui iront à l'encontre de la satisfaction de la base prendront le pas et la réalité démocratique sera faussée ... le créneau des libéraux, c'est que là société doit fonctionner comme une entreprise, si les entreprises deviennent non-hiérarchiques, il est logique que la société le devienne, aussi ! |
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 6058 Localisation: Suisse
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Posté le: Di 29 Sep 2019 20:36 Sujet du message: |
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Bonjour Pierre,
Merci pour ton texte, rafraîchissant et stimulant, comme toujours.
Je ne sais pas si ton optimisme se trouvera vérifié dans ce siècle, ou dans quelques millénaires. Mais je pense qu’il le sera un jour. Ces structures nous indiquent l’avenir. Mais pour que cet avenir advienne, je ne pense pas qu’il suffira que ces structures éclosent et se développent : je pense qu’il faudra changer quelque chose de fondamental dans le terreau sur lequel elles poussent. Laloux fait pousser ces structures sur l’économie de marché. Tant qu’elles sont petites, et isolées, c’est possible : elles se développent parce qu’elles ont un avantage compétitif sur les autres structures qui sucent un filon qui s’épuise. Mais pour qu’un véritable changement puisse survenir, il va falloir revoir le statut de l’argent. Heureusement, cela devrait se faire de toutes manières dans pas très longtemps. L’amoncellement de dettes et d’argent factice créé par les banques centrales va bientôt s’effondrer sur lui-même : on verra alors si la force des peuples permettra à l'économie de redevenir humaine, ou si les ploutocrates parviendront à l'économie totalement dématérialisée dont ils rêvent — une oppression totale exercée par la seule maîtrise des chiffres. |
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 6058 Localisation: Suisse
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Posté le: Di 29 Sep 2019 20:52 Sujet du message: |
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D'ailleurs, c'est au fond le principe de fonctionnement de Wikipedia. Aujourd'hui, après un certain nombre d'années de fonctionnement, on voit la richesse que cela produit dans les sujets neutres, mais dans les sujets sensibles, l'alignement sur le discours du pouvoir demeure total. |
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 6058 Localisation: Suisse
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Posté le: Lu 30 Sep 2019 10:25 Sujet du message: |
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Pierre a écrit: | L'obstacle principal rencontré sur ce chemin de libération, c'est la peur : tout ce management que le conférencier appelle "orange" (cet affreux management qui pousse le rationalisme jusqu'à l'absurde) n'a d'autre raison d'être que de contenir continuellement une situation qu'il s'imagine avoir toutes les raisons de lui échapper. Un management qui tire sa légitimité des de la lutte contre des dérives qu'il a lui-même provoqué par son action. Identifier ces peurs, reconnaître leur origine, accepter le risque, apprendre la confiance, c'est le même chemin pour l'individu que pour l'organisation collective.
Au final, l'organisme libéré devient beaucoup plus vivant : d'entravé, de mécanique, d'épuisé par un gaspillage insensé d'énergie s'originant quasi exclusivement dans une auto-complication de sa propre existence, il devient souple, adaptable, autonome, il n'a de légitimité que celle qu'il se donne : il vit. |
Oui, le parallèle est tout-à-fait éclairant. Pour devenir libre, il faut prendre le risque. Se risquer à faire confiance. Lâcher le carcan des certitudes qui sont notre prison aussi bien que notre bouée. Le coeur de la démarche est bien le même, que ce soit sur le chemin intérieur, que dans la mise en route d’une entreprise libérée. Faire confiance permet de faire émerger du solide, parce que la confiance que l’on donne est comme de l’eau qu’on apporte à une plante. Et la confiance que l’on reçoit libère en soi des forces qui sommeillent. « Identifier ces peurs, reconnaître leur origine, accepter le risque, apprendre la confiance, c'est le même chemin pour l'individu que pour l'organisation collective » : oui, c’est exactement cela. La confiance et la peur sont les deux moteurs de la vie. Ou plutôt la confiance est l’énergie, et la peur le frein. Un bon moteur doit faire en sorte que ces deux forces s’articulent harmonieusement pour le faire tourner. La confiance vise à la croissance, la peur à la préservation. La peur est automatique, elle surgit spontanément, sans qu’on la convoque ; alors que la confiance réclame tous nos soins pour la faire apparaître et grandir. |
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