Regards sur l'éveil
Café philosophique, littéraire et scientifique
|
Archives ·
Devenir membre ·
Log in · Contact
· Blog
|
Voir le sujet précédent :: Voir le sujet suivant |
Auteur |
Message |
daniel
Inscrit le: 15 Fév 2006 Messages: 9284 Localisation: belgique
|
Posté le: Ma 22 Fév 2022 19:11 Sujet du message: |
|
|
Bonsoir tout le monde !
Le point de vue de Stanislas Dehaene (neuroscientifique) sur le libre-arbitre :
Liberté et libre arbitre
Q : Quand on s’intéresse au champ des neurosciences, la question du libre
arbitre vient vite à l’esprit. Si l’on parle de machinerie cérébrale, dans
quelle mesure peut-on parler d’une libre décision qui n’est pas simple-
ment le résultat d’un calcul?
■ S. D.: Il me semble que c’est exactement là qu’il y a confusion. Le
libre arbitre existe, mais il est le résultat d’un calcul. La confusion
vient du mélange entre deux notions différentes: celle d’une décision
réfléchie, et celle d’une décision non causée, où l’« esprit » échapperait
au déterminisme de la matière. Il faut absolument séparer ces deux
notions. Il n’y a pas de décision non causée car nous n’échappons pas à
la causalité physique, y compris d’ailleurs celle du bruit quantique. Si
notre libre arbitre dépendait d’un indéterminisme quantique, nous ne
pourrions jamais agir: nous serions agis à notre insu par ce bruit. En
revanche, nous disposons d’architectures neuronales de la décision
réfléchie. Nos actes peuvent être réfléchis ou pas: il existe des réflexes
ou des actions que nous réalisons sous l’impulsion de nos émotions
inconscientes, et d’autres que nous choisissons après une authentique
délibération consciente – ce sont ces dernières qui me paraissent jus-
tifier le terme de « libre » arbitre.
Ce que nous appelons une action délibérée, ce n’est pas une action
qui échappe à la causalité du cerveau, mais c’est une action qui est
choisie à un niveau d’organisation cérébrale où nous pouvons réfléchir
posément. Nous disposons de circuits dans le cerveau qui nous per-
mettent de prendre de la distance, de prendre du temps, autant de temps
que nous le souhaitons, jusqu’à ce que la démarche ait convergé. Si j’ai
une décision difficile à prendre, je peux considérer toutes les alterna-
tives pendant le temps qu’il faut. Chacune des alternatives est pondérée
par mes connaissances passées, mes préférences, les conséquences anti-
cipées sur les autres, le poids que je leur attribue, etc. Tout cela est pon-
déré dans cet espace de travail conscient. Dans ce cas-là, je pense qu’on
a raison de parler de libre arbitre, même si quelqu’un, ayant eu accès à
chacune de mes synapses à l’avance, aurait pu prédire cette décision.
Il n’y a pas de relation simple entre le caractère volontaire d’une
décision et sa prévisibilité. Lorsque je vais voter, les personnes qui me
connaissent savent pour qui je vais voter. Le résultat est prévisible, et
pourtant j’exerce mon libre arbitre. Ma manière d’être vis-à-vis des
objets et des personnes résulte de la configuration de mon cerveau; ma
génétique, mon éducation et mon histoire personnelle se combinent
pour y inscrire des poids synaptiques qui y codent mes systèmes de
valeur. Lorsque je prends une décision volontaire, je fais appel à toutes
ces connaissances et je les pondère. Je pense que l’on saura prochai-
nement concevoir des machines reproduisant cette démarche et qu’il
serait tout à fait légitime de dire, comme l’aurait dit Turing, que ces machines disposent d’un libre arbitre. Toute machine capable de pon-
dérer les informations dispose d’une sorte de libre arbitre.
Nous parlons ici de décisions qui ont du sens, pour lesquelles on
peut considérer que mes systèmes de valeurs privilégient un choix au
détriment des autres. Mais qu’en est-il lorsque le choix paraît arbi-
traire, quand, par exemple, on demande à une personne de cliquer
sur un bouton « à volonté », quand elle le souhaite ? Les recherches de
mon laboratoire ont montré que le même circuit de la décision pon-
dérée entre en jeu, mais au lieu d’être nourri par des données qui l’in-
clinent plutôt dans une certaine direction, il est nourri par des fluc-
tuations aléatoires. Ce « bruit » provient de l’activité spontanée des
neurones qui, du point de vue du reste du cerveau, se comporte d’une
façon aléatoire. Dans ce cas, la décision est prise par accumulation
de petites fluctuations dans l’activité neuronale. Cette accumulation
peut être objectivée. Lorsqu’on demande à une personne de cliquer
sur un bouton « quand elle veut », deux secondes avant le clic, on peut
déjà détecter un signal prédictif. Cela correspond exactement à ce que
nous décrivions tout à l’heure : l’accumulateur qui conduit à la déci-
sion est nourri par du bruit et non par du signal. Du point de vue de la
personne, cela ressemble à une décision arbitraire, et nous ressentons
un sentiment de liberté associé au fait que nous pensions pouvoir faire
autrement. Ce sentiment de libre arbitre est à la fois vrai et faux : à
chaque instant, la décision est déterminée, le déterminisme physique
est bien réel, mais si l’essai était recommencé, le résultat pourrait être
différent car les fluctuations aléatoires seraient différentes.
Q : Cela permet de démarquer la liberté de ce qui est simplement l’arbitraire.
La liberté ne consiste pas à faire ce qu’on veut, comme ça, sans raison. Ce
qui est proprement humanisant, c’est d’avoir des raisons d’agir.
■ S. D.: C’est pour cela que les neurosciences n’interfèrent pas avec la
notion de valeur. La seule chose que les neurosciences peuvent faire,
c’est de comprendre comment les valeurs sont inscrites dans le cerveau.
On en vient naturellement à la question du « cerveau social ». Dans
le cerveau de l’homme, outre les valeurs de sexe, de nourriture, de
survie, etc., qui y sont inscrites depuis des millions d’années, il y en a
de nouvelles. Le cerveau social prend en compte la représentation des
autres à l’intérieur de nous-mêmes. Certaines aires cérébrales, spéciali-
sées dans la représentation des pensées d’autrui, sont assez récentes dans l’évolution. Elles ont subi une expansion corticale considérable dans
la lignée des primates, et certaines d’entre elles sont peut-être propres
au cerveau humain. Elles nous servent à nous représenter les autres
et à anticiper leurs réactions à nos actions. Et inversement: ce que font les autres nous permet d’inférer ce qu’ils pensent. Ce genre de raisonnement – qu’on appelle la « théorie de l’esprit » – est l’apanage de l’espèce humaine.
Certes, des animaux tels que les grands singes sont capables
de représenter en partie ce que pensent leurs congénères, mais ils ne
parviennent pas, aussi bien que nous, à découpler totalement ce que
les autres pensent de ce que eux pensent. C’est quelque chose de très
particulier à l’homo sapiens: je sais que vous pouvez penser quelque
chose de complètement différent de ce que je pense, et je peux en ti-
rer des conclusions. Si je vous montre un étui à cigares, par exemple,
je sais que vous allez croire qu’il contient sans doute un cigare, alors
que moi je sais que j’y ai mis un crayon. C’est typiquement une pen-
sée qu’un animal n’a pas les moyens d’avoir. Les grands singes sont
néanmoins capables de pensées élémentaires d’ordre supérieur, par
exemple ils parviennent à suivre le regard ou le mouvement de la tête
d’un autre animal et à s’en servir pour deviner ce qu’il voit. S’ensuit là
tout un monde de raisonnements sociaux, et probablement d’émotions
sociales. La culpabilité, la jalousie, par exemple, sont des émotions qui
demandent de se représenter les pensées des autres et pas seulement les
siennes. Nos décisions sont immensément enrichies par ces émotions
sociales d’ordre supérieur. Ce n’est pas parce qu’on croit au détermi-
nisme dans le cerveau qu’on échappe sur soi-même à ce genre de ré-
flexion, car cela fait partie intrinsèque de ce que c’est qu’être humain.
Les neurosciences peuvent nous aider à nous comprendre, car elles
nous aident à avoir une meilleure représentation de nous-mêmes.
|
|
Revenir en haut |
|
|
joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 6058 Localisation: Suisse
|
Posté le: Ma 22 Fév 2022 21:28 Sujet du message: |
|
|
Article très intéressant, merci daniel.
Je partage le point de vue de Stanislas Dehaene, mis à part son raccourci sur les machines :
«Ma manière d’être vis-à-vis des objets et des personnes résulte de la configuration de mon cerveau; ma génétique, mon éducation et mon histoire personnelle se combinent pour y inscrire des poids synaptiques qui y codent mes systèmes de valeur. Lorsque je prends une décision volontaire, je fais appel à toutes ces connaissances et je les pondère. Je pense que l’on saura prochainement concevoir des machines reproduisant cette démarche et qu’il serait tout à fait légitime de dire, comme l’aurait dit Turing, que ces machines disposent d’un libre arbitre. Toute machine capable de pondérer les informations dispose d’une sorte de libre arbitre.»
Pour faire ce parallèle entre une machine et le cerveau, SD fait l’impasse sur la question de la conscience. Le libre-arbitre dont il parle à propos du cerveau, ne dépend pas seulement du fait que les opérations neuronales s’y déroulent comme il les décrit, mais que ces opérations soient conscientes. Pour lui, me semble-t-il, le fait qu’elles se déroulent comme elles le font, va nécessairement de par avec le fait qu’elles soient conscientes. Pour lui, la conscience naît à partir d’un certain degré d’élaboration des processus neuronaux. Il ne le dit pas, mais c’est patent. Il est théoriquement possible qu’un degré d’organisation aussi complexe puisse être atteint par une machine — et même plus complexe encore — de sorte que pour lui, la machine disposerait du libre-arbitre. C’est-à-dire qu’elle passerait avec succès le test de Turing : parvenir à faire croire à un interlocuteur avec lequel elle interagit sans qu’il la voit, qu’elle est consciente. Mais faire croire à une personne consciente qu’on est un organisme conscient, cela ne signifie pas nécessairement qu’on le soit. Il n’y a que soi-même qui sait si on est conscient ou pas.
Je pense pour ma part que ce qui caractérise la conscience, c’est la perception du moment présent. Or il ne suffit pas de le dire, pour le vivre. Une machine pourrait certes le dire, et le dire de manière convaincante, mais pourrait-elle le vivre ? Le moment présent, ce n’est pas juste un point sur la ligne du temps ; c’est la réalité totale, présente, passée et future. C’est cela qu’implique la conscience. Même s’il ne le sait pas, un être conscient englobe la totalité de la réalité dans sa conscience. Or, mon idée — mais ce n’est qu’une idée — c’est que pour qu’un organisme soit conscient, il faut que son histoire remonte jusqu’à l’origine de l’univers. Pas simplement l’histoire de ses composants, mais l’histoire de son organisation, ce qui fait de lui un organisme. Notre histoire à nous, humains, et aussi celle de tous les êtres vivants, et même des montagnes, et des galaxies, remonte à l’origine de l’univers. Mais l’histoire des machines remonte à une idée qui a germé dans le cerveau d’un être humain. Elle est le fruit d’un projet. De sorte qu’à mon avis, les machines pourraient parfaitement mimer un être humain, se faire passer pour un être humain, être tout ce qu’un être humain est dans ce qu’il donne à voir — mais pas dans ce qu’il est vraiment, dans cette épaisseur qui plonge ses racines dans un passé qui remonte à l’origine du monde.
Je relève encore ceci. SD dit : «C’est pour cela que les neurosciences n’interfèrent pas avec la notion de valeur. La seule chose que les neurosciences peuvent faire, c’est de comprendre comment les valeurs sont inscrites dans le cerveau.» Les qualia ne sont pas accessibles à la science. |
|
Revenir en haut |
|
|
Alain V
Inscrit le: 24 Fév 2007 Messages: 6318
|
Posté le: Ma 22 Fév 2022 21:54 Sujet du message: |
|
|
joaquim a écrit: | Article très intéressant, merci daniel.
Je partage le point de vue de Stanislas Dehaene, mis à part son raccourci sur les machines :
«Ma manière d’être vis-à-vis des objets et des personnes résulte de la configuration de mon cerveau; ma génétique, mon éducation et mon histoire personnelle se combinent pour y inscrire des poids synaptiques qui y codent mes systèmes de valeur. Lorsque je prends une décision volontaire, je fais appel à toutes ces connaissances et je les pondère. Je pense que l’on saura prochainement concevoir des machines reproduisant cette démarche et qu’il serait tout à fait légitime de dire, comme l’aurait dit Turing, que ces machines disposent d’un libre arbitre. Toute machine capable de pondérer les informations dispose d’une sorte de libre arbitre.»
Pour faire ce parallèle entre une machine et le cerveau, SD fait l’impasse sur la question de la conscience. Le libre-arbitre dont il parle à propos du cerveau, ne dépend pas seulement du fait que les opérations neuronales s’y déroulent comme il les décrit, mais que ces opérations soient conscientes. Pour lui, me semble-t-il, le fait qu’elles se déroulent comme elles le font, va nécessairement de par avec le fait qu’elles soient conscientes. Pour lui, la conscience naît à partir d’un certain degré d’élaboration des processus neuronaux. Il ne le dit pas, mais c’est patent. Il est théoriquement possible qu’un degré d’organisation aussi complexe puisse être atteint par une machine — et même plus complexe encore — de sorte que pour lui, la machine disposerait du libre-arbitre. C’est-à-dire qu’elle passerait avec succès le test de Turing : parvenir à faire croire à un interlocuteur avec lequel elle interagit sans qu’il la voit, qu’elle est consciente. Mais faire croire à une personne consciente qu’on est un organisme conscient, cela ne signifie pas nécessairement qu’on le soit. Il n’y a que soi-même qui sait si on est conscient ou pas.
Je pense pour ma part que ce qui caractérise la conscience, c’est la perception du moment présent. Or il ne suffit pas de le dire, pour le vivre. Une machine pourrait certes le dire, et le dire de manière convaincante, mais pourrait-elle le vivre ? Le moment présent, ce n’est pas juste un point sur la ligne du temps ; c’est la réalité totale, présente, passée et future. C’est cela qu’implique la conscience. Même s’il ne le sait pas, un être conscient englobe la totalité de la réalité dans sa conscience. Or, mon idée — mais ce n’est qu’une idée — c’est que pour qu’un organisme soit conscient, il faut que son histoire remonte jusqu’à l’origine de l’univers. Pas simplement l’histoire de ses composants, mais l’histoire de son organisation, ce qui fait de lui un organisme. Notre histoire à nous, humains, et aussi celle de tous les êtres vivants, et même des montagnes, et des galaxies, remonte à l’origine de l’univers. Mais l’histoire des machines remonte à une idée qui a germé dans le cerveau d’un être humain. Elle est le fruit d’un projet. De sorte qu’à mon avis, les machines pourraient parfaitement mimer un être humain, se faire passer pour un être humain, être tout ce qu’un être humain est dans ce qu’il donne à voir — mais pas dans ce qu’il est vraiment, dans cette épaisseur qui plonge ses racines dans un passé qui remonte à l’origine du monde.
Je relève encore ceci. SD dit : «C’est pour cela que les neurosciences n’interfèrent pas avec la notion de valeur. La seule chose que les neurosciences peuvent faire, c’est de comprendre comment les valeurs sont inscrites dans le cerveau.» Les qualia ne sont pas accessibles à la science. |
👍
Oui je suis d'accord là dessus.
De toutes façons, la conscience étant effectivement la perception de " je suis " ...
On peut imaginer tout de même dans le futur un problème éthique possible avec la conscience ....concernant le rapport homme / machine.
Si la machine acquiert une infinie richesse d' expressions , si, du point de vue de la complexité elle réussit à rivaliser avec la conscience humaine ...le rapport homme / machine deviendra une question éthique.
Car alors la machine sera peut être en mesure de contester sa condition.
Ce sera, à priori , un problème insoluble, puisque jamais aucun de nous ne pourra vérifier l' éventuel " je suis " d' une machine. _________________ " Le réel c' est quand on se cogne " Lacan
" la guerre, ce sont des hommes qui ne se connaissent pas et qui se massacrent au profit d'hommes qui se connaissent et ne se massacrent pas ".
Paul Valery |
|
Revenir en haut |
|
|
daniel
Inscrit le: 15 Fév 2006 Messages: 9284 Localisation: belgique
|
Posté le: Me 23 Fév 2022 0:40 Sujet du message: |
|
|
joaquim a écrit: | Article très intéressant, merci daniel.
Je partage le point de vue de Stanislas Dehaene, mis à part son raccourci sur les machines :
«Ma manière d’être vis-à-vis des objets et des personnes résulte de la configuration de mon cerveau; ma génétique, mon éducation et mon histoire personnelle se combinent pour y inscrire des poids synaptiques qui y codent mes systèmes de valeur. Lorsque je prends une décision volontaire, je fais appel à toutes ces connaissances et je les pondère. Je pense que l’on saura prochainement concevoir des machines reproduisant cette démarche et qu’il serait tout à fait légitime de dire, comme l’aurait dit Turing, que ces machines disposent d’un libre arbitre. Toute machine capable de pondérer les informations dispose d’une sorte de libre arbitre.»
Pour faire ce parallèle entre une machine et le cerveau, SD fait l’impasse sur la question de la conscience. Le libre-arbitre dont il parle à propos du cerveau, ne dépend pas seulement du fait que les opérations neuronales s’y déroulent comme il les décrit, mais que ces opérations soient conscientes. Pour lui, me semble-t-il, le fait qu’elles se déroulent comme elles le font, va nécessairement de par avec le fait qu’elles soient conscientes. Pour lui, la conscience naît à partir d’un certain degré d’élaboration des processus neuronaux. Il ne le dit pas, mais c’est patent. Il est théoriquement possible qu’un degré d’organisation aussi complexe puisse être atteint par une machine — et même plus complexe encore — de sorte que pour lui, la machine disposerait du libre-arbitre. C’est-à-dire qu’elle passerait avec succès le test de Turing : parvenir à faire croire à un interlocuteur avec lequel elle interagit sans qu’il la voit, qu’elle est consciente. Mais faire croire à une personne consciente qu’on est un organisme conscient, cela ne signifie pas nécessairement qu’on le soit. Il n’y a que soi-même qui sait si on est conscient ou pas.
Je pense pour ma part que ce qui caractérise la conscience, c’est la perception du moment présent. Or il ne suffit pas de le dire, pour le vivre. Une machine pourrait certes le dire, et le dire de manière convaincante, mais pourrait-elle le vivre ? Le moment présent, ce n’est pas juste un point sur la ligne du temps ; c’est la réalité totale, présente, passée et future. C’est cela qu’implique la conscience. Même s’il ne le sait pas, un être conscient englobe la totalité de la réalité dans sa conscience. Or, mon idée — mais ce n’est qu’une idée — c’est que pour qu’un organisme soit conscient, il faut que son histoire remonte jusqu’à l’origine de l’univers. Pas simplement l’histoire de ses composants, mais l’histoire de son organisation, ce qui fait de lui un organisme. Notre histoire à nous, humains, et aussi celle de tous les êtres vivants, et même des montagnes, et des galaxies, remonte à l’origine de l’univers. Mais l’histoire des machines remonte à une idée qui a germé dans le cerveau d’un être humain. Elle est le fruit d’un projet. De sorte qu’à mon avis, les machines pourraient parfaitement mimer un être humain, se faire passer pour un être humain, être tout ce qu’un être humain est dans ce qu’il donne à voir — mais pas dans ce qu’il est vraiment, dans cette épaisseur qui plonge ses racines dans un passé qui remonte à l’origine du monde.
Je relève encore ceci. SD dit : «C’est pour cela que les neurosciences n’interfèrent pas avec la notion de valeur. La seule chose que les neurosciences peuvent faire, c’est de comprendre comment les valeurs sont inscrites dans le cerveau.» Les qualia ne sont pas accessibles à la science. |
Bonjour Joaquim !
Ce que je me demande, c'est la tête que fera la machine, en découvrant, qu'elle n'est qu'un montage, un amas de matériaux rares et d'algorithmes !?
Pour le reste, c'est toute ma réflexion depuis des années, pour l'instant, je te rejoins, le je suis fait la différence, mais, je peux encore partir dans l'autre sens, c'est ma dualité, mon jeu de balance ...
PS : j'ai toujours pas compris ce que tu entends par "qualia", où ils se situent dans la conscience par rapport à son biais par lequel j'existe !? |
|
Revenir en haut |
|
|
joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 6058 Localisation: Suisse
|
Posté le: Me 23 Fév 2022 11:47 Sujet du message: |
|
|
daniel a écrit: | PS : j'ai toujours pas compris ce que tu entends par "qualia", où ils se situent dans la conscience par rapport à son biais par lequel j'existe !? |
Bonjour daniel,
C'est comme si tu disais : je n'ai toujours pas compris ce que c'est que l'être. Les qualia, comme l'être, sont précisément des choses qu'on ne peut connaître autrement que par leur contact direct. Soit tu sais ce qu'est la couleur orange, soit tu ne sais pas, et si tu ne sais pas, rien ne pourra t'en faire découvrir la nature, à moins qu'une fois tu la vois vraiment. Soit tu es, et tu sais ce que c'est qu'être, et toute explication ne pourra rien ajouter ni retrancher à cette expérience d'être, soit tu n'es pas, et rien ne pourra te faire savoir ce que c'est qu'être. De sorte que si une machine, comme dans ton exemple, s'étonnait un jour de n'être faite que d'assemblages de pièces, et bien son étonnement serait la signature du fait qu'elle est bel et bien, en tant que sujet. |
|
Revenir en haut |
|
|
Alain V
Inscrit le: 24 Fév 2007 Messages: 6318
|
Posté le: Me 23 Fév 2022 12:08 Sujet du message: |
|
|
joaquim a écrit: | daniel a écrit: | PS : j'ai toujours pas compris ce que tu entends par "qualia", où ils se situent dans la conscience par rapport à son biais par lequel j'existe !? |
Bonjour daniel,
C'est comme si tu disais : je n'ai toujours pas compris ce que c'est que l'être. Les qualia, comme l'être, sont précisément des choses qu'on ne peut connaître autrement que par leur contact direct. Soit tu sais ce qu'est la couleur orange, soit tu ne sais pas, et si tu ne sais pas, rien ne pourra t'en faire découvrir la nature, à moins qu'une fois tu la vois vraiment. Soit tu es, et tu sais ce que c'est qu'être, et toute explication ne pourra rien ajouter ni retrancher à cette expérience d'être, soit tu n'es pas, et rien ne pourra te faire savoir ce que c'est qu'être. De sorte que si une machine, comme dans ton exemple, s'étonnait un jour de n'être faite que d'assemblages de pièces, et bien son étonnement serait la signature du fait qu'elle est bel et bien, en tant que sujet. |
Oui mais ça ne change rien à l éventuel problème éthique du futur.
Il ne sera possible de percevoir cet étonnement de la machine que de l extérieur.
Et donc impossible de savoir si cet étonnement est feint ou réel pour la machine.
C' est toujours le cas d'ailleurs puisqu' il y a deux formes de la perception
. L une intérieure et directe et l'autre extérieure et rapportée. _________________ " Le réel c' est quand on se cogne " Lacan
" la guerre, ce sont des hommes qui ne se connaissent pas et qui se massacrent au profit d'hommes qui se connaissent et ne se massacrent pas ".
Paul Valery |
|
Revenir en haut |
|
|
joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 6058 Localisation: Suisse
|
Posté le: Me 23 Fév 2022 12:32 Sujet du message: |
|
|
Alain V a écrit: | Oui mais ça ne change rien à l éventuel problème éthique du futur.
Il ne sera possible de percevoir cet étonnement de la machine que de l extérieur.
Et donc impossible de savoir si cet étonnement est feint ou réel pour la machine.
C' est toujours le cas d'ailleurs puisqu' il y a deux formes de la perception
. L une intérieure et directe et l'autre extérieure et rapportée. |
Bien sûr. Le problème se pose d'ailleurs déjà aujourd'hui avec des animaux dont on n'arrive pas à évaluer le degré de conscience. Est-il éthique de faire des expériences scientifiques sur des singes ? Et sur des chiens ? Et sur des rats ? Et sur des grenouilles ? Et sur des vers de terre ? Et qu'en est-il des plantes ? Quelle éthique devrait-on adopter vis-à-vis des plantes ? |
|
Revenir en haut |
|
|
daniel
Inscrit le: 15 Fév 2006 Messages: 9284 Localisation: belgique
|
Posté le: Me 23 Fév 2022 12:44 Sujet du message: |
|
|
joaquim a écrit: | daniel a écrit: | PS : j'ai toujours pas compris ce que tu entends par "qualia", où ils se situent dans la conscience par rapport à son biais par lequel j'existe !? |
Bonjour daniel,
C'est comme si tu disais : je n'ai toujours pas compris ce que c'est que l'être. Les qualia, comme l'être, sont précisément des choses qu'on ne peut connaître autrement que par leur contact direct. Soit tu sais ce qu'est la couleur orange, soit tu ne sais pas, et si tu ne sais pas, rien ne pourra t'en faire découvrir la nature, à moins qu'une fois tu la vois vraiment. Soit tu es, et tu sais ce que c'est qu'être, et toute explication ne pourra rien ajouter ni retrancher à cette expérience d'être, soit tu n'es pas, et rien ne pourra te faire savoir ce que c'est qu'être. De sorte que si une machine, comme dans ton exemple, s'étonnait un jour de n'être faite que d'assemblages de pièces, et bien son étonnement serait la signature du fait qu'elle est bel et bien, en tant que sujet. |
Justement, je mange une orange ! |
|
Revenir en haut |
|
|
Alain V
Inscrit le: 24 Fév 2007 Messages: 6318
|
Posté le: Me 23 Fév 2022 22:59 Sujet du message: |
|
|
joaquim a écrit: | Alain V a écrit: | Oui mais ça ne change rien à l éventuel problème éthique du futur.
Il ne sera possible de percevoir cet étonnement de la machine que de l extérieur.
Et donc impossible de savoir si cet étonnement est feint ou réel pour la machine.
C' est toujours le cas d'ailleurs puisqu' il y a deux formes de la perception
. L une intérieure et directe et l'autre extérieure et rapportée. |
Bien sûr. Le problème se pose d'ailleurs déjà aujourd'hui avec des animaux dont on n'arrive pas à évaluer le degré de conscience. Est-il éthique de faire des expériences scientifiques sur des singes ? Et sur des chiens ? Et sur des rats ? Et sur des grenouilles ? Et sur des vers de terre ? Et qu'en est-il des plantes ? Quelle éthique devrait-on adopter vis-à-vis des plantes ? |
C'est ça.
En fait le réel nous pose des questions insolubles et nous oblige à y répondre.
Car si nous ne répondons pas aux questions que tu poses ( celles ci , parmi tant d'autres ) - et toutes nos réponses ne pourront qu'être relatives, sans aucune certitude absolue - il n'y a plus d'humanité. Notre humanité, tout simplement , se volatilise et disparaît. _________________ " Le réel c' est quand on se cogne " Lacan
" la guerre, ce sont des hommes qui ne se connaissent pas et qui se massacrent au profit d'hommes qui se connaissent et ne se massacrent pas ".
Paul Valery |
|
Revenir en haut |
|
|
Fleur de Soi
Inscrit le: 02 Jan 2021 Messages: 1554 Localisation: Braives - Belgique
|
Posté le: Je 24 Fév 2022 10:46 Sujet du message: |
|
|
La conscience cérébrale, relative, est résultat d'un processus très simple.
En quelque sorte l'on pourrait dire qu'il y a déjà une forme de conscience dans la machine. Elle "compare".
Elle reçoit une information, la compare et traite sur base du résultat de cette comparaison.
La machine est conçue sur base ce ce que "nous" sommes : un relatif.
Une machine qui façonne place un outil à un endroit précis. Elle compare, ajuste, compare, ajuste jusqu'au moment où l'outil occupe une position qui en comparaison avec la position attendue ne présente plus de différence. C'est l'absolu, plus rien à comparer.
En donnant à cette machine une référence "type", et en y injectant un "comparable", elle "se" saurait.
Mais sans "mémoire", la machine s'ignore. Si elle n'a "rien" à comparer, elle "Est" mais sans pouvoir "se savoir".
La conscience relative est stimulée par tout phénomène comparable.
"je" est le résultat d'un comparatif, d'un relatif à soi-même.
"je" reçois des informations continuellement, d'un "instant" à "l'autre", la mémoire sert de référence de l'instant qui précède à l'instant présent.
... j'existe. je pense, donc, je suis. Penser est aussi un "phénomène" qui fait exister.
Le vécu dans l'instant présent Unique, sans mnésique, amène à Être sans "je suis".
Le langage est composé de mots qui remplacent les choses. Si je dis "orange", chacun fait ressurgir d'une mémoire cette longueur d'onde qui correspond à "orange".
La difficulté réside dans le fait que chacun diffère de l'autre. Moi qui suis daltonien, si vous dites rouge écarlate, je fais ressurgir "vert pomme" (je ne suis pas atteint à ce point), et nous croyons parler de la même chose.
La solitude finit par émerger par le constat : "je me comprends".
Peu importe si le mot que j'utilise pour "extravagant" serait "puéril", ce mot est "mon mot" qui pour moi représente ce que j'exprime pour moi-même.
La conscience phénoménologique comparative, relative, ne révèle que la différence.
Il aura suffit d'un instant où cette conscience révèle l'absolu, l'inconscient, pour voir "ce qui ne diffère pas et qui nous unis par-delà bien et mal".
Ce qui nous unit ne nous unit pas seulement dans l'instant, mais aussi de manière transcendante au travers des âges jusqu'à l'infinie précédence dont parle Joaquim... la naissance du Tout. _________________ Je vis une grande expérience, sans science, car l'expérience... c'est Moi.
Cet homme est un étranger... |
|
Revenir en haut |
|
|
|
|
Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets Vous pouvez répondre aux sujets Vous ne pouvez pas éditer vos messages Vous ne pouvez pas supprimer vos messages Vous ne pouvez pas voter dans les sondages
|
Powered by php B.B.
© 2001, 2005 php B.B. Group · Theme and Graphics
by Tim Blackman
Traduction par : php.B.B-fr.com
|
|