Regards sur l'éveil
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sahaja
Inscrit le: 28 Fév 2006 Messages: 408
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Posté le: Ma 26 Nov 2024 10:16 Sujet du message: Dépouillement |
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Bonjour,
J’aimerais exprimer ici quelque chose qui me tient à cœur au sujet de l’expérience d’éveil ou de réalisation du Soi, peu importe comment nous choisissons de nommer cette expérience.
Je ressens le besoin de mettre en lumière un aspect que je retrouve peu ou pas dans ce qui est souvent dit à ce sujet, et qui me semble important. Cela teinte inévitablement mes échanges, ici ou ailleurs, sur le sujet.
Il est clair pour moi que cette expérience d’éveil, dont je peux précisément identifier le moment et le lieu où elle s’est produite, n’est aujourd’hui plus une référence pour moi, si ce n’est à titre informatif ou explicatif. Elle s’inscrit dans une perspective qui semble suivre une certaine logique dans le déroulement des événements de ma vie. Cela peut être pratique dans une conversation, bien que pas toujours nécessaire. Et si je l’évoque, ce n’est pas sans regretter l’implication implicite qui en découle : l’idée que vivre une telle expérience serait un passage obligé, une nécessité pour être pleinement soi.
Je veux dire par là que je doute qu’elle soit indispensable pour tous, sous la forme qu’elle a prise pour moi. Je n’ai aucun attachement particulier à cette expérience, et je pense que le fait de vivre une telle expérience n’est en soi garant de rien. Nombreux sont ceux qui témoignent d’avoir vécu quelque chose de similaire, mais qui relatent par la suite le retour du mental, avec la souffrance qui l’accompagne, les replongeant dans la quête.
Certes, en ce qui me concerne, cette expérience a marqué la fin de ma recherche : la fin de mon attachement au silence mental, à des pratiques que je croyais nécessaires, à l’attente que j’avais envers une certaine image de l’éveil. Elle a mis un terme au désir et à la souffrance que cela engendrait, ainsi qu’à la sensation de me sentir coupé du réel, incomplet, prisonnier de croyances que j’avais sur moi-même.
C’était il y a longtemps maintenant. Aujourd’hui, je peux dire que cette expérience n’est pas une "fin" en soi, mais plutôt le début d’une vie de dépouillement. Je réalise que des références qui avaient un sens hier n’en ont plus aujourd’hui. Je suis toujours le même, mais leur traduction dans mon esprit se désagrège progressivement, au point que je ne peux même plus considérer l’expérience de l’éveil comme une référence. Peut-être que cette réalité que nous sommes se dépouille d’elle-même, jusqu’à ce que toute référence, même à un "soi", finisse par s’éteindre.
Il ne reste que le quotidien, dans toute sa simplicité, avec tout ce qu’il a d’humain. Je peux encore en parler et éprouver du plaisir à le faire, mais cela se produit rarement désormais. Ce n’est pas un choix, juste le mouvement naturel de mon existence auquel j’adhère sans résistance. Je ne partage pas ces réflexions avec mes enfants, alors qu’en toute logique, je devrais peut-être le faire. Mais cela ne se pose pas. Et les "sauver", sauver de quoi, au juste ?
J’ai presque l’impression que cette expérience d’éveil, avec le profond bouleversement qu’elle a provoqué en moi, n’était que la libération d’une énorme quantité d’énergie investie dans ma quête désespérée de me libérer de ma souffrance. Était-ce nécessaire ? Je ne le crois pas.
Ce n’est ni une grâce divine, ni une révélation transcendante, ni le nirvana, ni le "grand Soi". C’est ce que c’est. Et en vérité, je l’ignore totalement. J’aime à penser que c’est naturel, aussi simple et ordinaire que le fait de respirer.
Voilà. Cela explique peut-être ce que je peux dire ou ne pas dire sur le sujet, ce que j’accepte ou non comme base de conversation. Et je comprends que cette perception puisse différer pour chacun.
À la lumière de tout cela, je crois qu’il me sera de plus en plus difficile d’échanger sur ce sujet. Non pas que je considère comme erronée une manière différente de le présenter, mais simplement parce que je ne peux plus réellement intégrer certains éléments de langage, compte tenu de ma situation – ou du moins de mon état d’esprit actuel.
Merci d’avoir lu |
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didier
Inscrit le: 18 Fév 2018 Messages: 3263 Localisation: Région Parisienne
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Posté le: Ma 26 Nov 2024 11:49 Sujet du message: Re: Dépouillement |
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sahaja a écrit: | Aujourd’hui, je peux dire que cette expérience n’est pas une "fin" en soi, mais plutôt le début d’une vie de dépouillement. Je réalise que des références qui avaient un sens hier n’en ont plus aujourd’hui. Je suis toujours le même, mais leur traduction dans mon esprit se désagrège progressivement, au point que je ne peux même plus considérer l’expérience de l’éveil comme une référence. Peut-être que cette réalité que nous sommes se dépouille d’elle-même, jusqu’à ce que toute référence, même à un "soi", finisse par s’éteindre. |
Bonjour Sahaja et à tous.
Je ne peux que totalement souscrire à de tels propos. Tout ce que tu as écrit plus haut me parle, mais particulièrement cet extrait, car il me parait exprimer un aspect essentiel de notre réalité dans la manifestation.
Il m'est difficile d'en parler avec détails, car j'ai l'impression d'en être aux balbutiements d'un processus bien plus vaste que je ne fais que découvrir et dois, pour plusieurs raisons, me montrer prudent dans ce que je pourrais en dire.
Cela cependant, me parait, à tort ou à raison, important, au moins pour moi. C'est la raison de mon intervention. Ce "dépouillement" que tu mentionnes me parait être en effet un passage incontournable de ce cheminement. |
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Alain V
Inscrit le: 24 Fév 2007 Messages: 6361
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Posté le: Ma 26 Nov 2024 13:10 Sujet du message: Re: Dépouillement |
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sahaja a écrit: | Bonjour,
J’aimerais exprimer ici quelque chose qui me tient à cœur au sujet de l’expérience d’éveil ou de réalisation du Soi, peu importe comment nous choisissons de nommer cette expérience.
Je ressens le besoin de mettre en lumière un aspect que je retrouve peu ou pas dans ce qui est souvent dit à ce sujet, et qui me semble important. Cela teinte inévitablement mes échanges, ici ou ailleurs, sur le sujet.
Il est clair pour moi que cette expérience d’éveil, dont je peux précisément identifier le moment et le lieu où elle s’est produite, n’est aujourd’hui plus une référence pour moi, si ce n’est à titre informatif ou explicatif. Elle s’inscrit dans une perspective qui semble suivre une certaine logique dans le déroulement des événements de ma vie. Cela peut être pratique dans une conversation, bien que pas toujours nécessaire. Et si je l’évoque, ce n’est pas sans regretter l’implication implicite qui en découle : l’idée que vivre une telle expérience serait un passage obligé, une nécessité pour être pleinement soi.
Je veux dire par là que je doute qu’elle soit indispensable pour tous, sous la forme qu’elle a prise pour moi. Je n’ai aucun attachement particulier à cette expérience, et je pense que le fait de vivre une telle expérience n’est en soi garant de rien. Nombreux sont ceux qui témoignent d’avoir vécu quelque chose de similaire, mais qui relatent par la suite le retour du mental, avec la souffrance qui l’accompagne, les replongeant dans la quête.
Certes, en ce qui me concerne, cette expérience a marqué la fin de ma recherche : la fin de mon attachement au silence mental, à des pratiques que je croyais nécessaires, à l’attente que j’avais envers une certaine image de l’éveil. Elle a mis un terme au désir et à la souffrance que cela engendrait, ainsi qu’à la sensation de me sentir coupé du réel, incomplet, prisonnier de croyances que j’avais sur moi-même.
C’était il y a longtemps maintenant. Aujourd’hui, je peux dire que cette expérience n’est pas une "fin" en soi, mais plutôt le début d’une vie de dépouillement. Je réalise que des références qui avaient un sens hier n’en ont plus aujourd’hui. Je suis toujours le même, mais leur traduction dans mon esprit se désagrège progressivement, au point que je ne peux même plus considérer l’expérience de l’éveil comme une référence. Peut-être que cette réalité que nous sommes se dépouille d’elle-même, jusqu’à ce que toute référence, même à un "soi", finisse par s’éteindre.
Il ne reste que le quotidien, dans toute sa simplicité, avec tout ce qu’il a d’humain. Je peux encore en parler et éprouver du plaisir à le faire, mais cela se produit rarement désormais. Ce n’est pas un choix, juste le mouvement naturel de mon existence auquel j’adhère sans résistance. Je ne partage pas ces réflexions avec mes enfants, alors qu’en toute logique, je devrais peut-être le faire. Mais cela ne se pose pas. Et les "sauver", sauver de quoi, au juste ?
J’ai presque l’impression que cette expérience d’éveil, avec le profond bouleversement qu’elle a provoqué en moi, n’était que la libération d’une énorme quantité d’énergie investie dans ma quête désespérée de me libérer de ma souffrance. Était-ce nécessaire ? Je ne le crois pas.
Ce n’est ni une grâce divine, ni une révélation transcendante, ni le nirvana, ni le "grand Soi". C’est ce que c’est. Et en vérité, je l’ignore totalement. J’aime à penser que c’est naturel, aussi simple et ordinaire que le fait de respirer.
Voilà. Cela explique peut-être ce que je peux dire ou ne pas dire sur le sujet, ce que j’accepte ou non comme base de conversation. Et je comprends que cette perception puisse différer pour chacun.
À la lumière de tout cela, je crois qu’il me sera de plus en plus difficile d’échanger sur ce sujet. Non pas que je considère comme erronée une manière différente de le présenter, mais simplement parce que je ne peux plus réellement intégrer certains éléments de langage, compte tenu de ma situation – ou du moins de mon état d’esprit actuel.
Merci d’avoir lu |
De même pour moi.
J' ai vécu des " périodes " qui sont en moi mais ne m' affectent plus vraiment.
Comme toi, les petites choses de la vie ont pris une importance capitale.
La seule chose qui reste toujours en moi c' est cet existentialisme qui me pousse à tenter de comprendre tout et rien.
Une interrogation permanente qui me poursuivra probablement toute ma vie, mais beaucoup moins douloureuse qu' elle ne l' était.
Je pense que la vie est une question d' énergie, avant tout.
Il y a des énergies positives et des énergies négatives.
Apprendre est la meilleure façon de savoir comment et où se diriger.
Et aussi de comprendre où est son chemin. _________________ " Le réel c' est quand on se cogne " Lacan
" la guerre, ce sont des hommes qui ne se connaissent pas et qui se massacrent au profit d'hommes qui se connaissent et ne se massacrent pas ".
Paul Valery |
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manira
Inscrit le: 05 Août 2012 Messages: 2469
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Posté le: Ma 26 Nov 2024 15:53 Sujet du message: |
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Sahaja :
« Je ne partage pas ces réflexions avec mes enfants, alors qu’en toute logique, je devrais peut-être le faire. Mais cela ne se pose pas. Et les "sauver", sauver de quoi, au juste ?’ »
Faire dans la logique des choses ?
Dans un autre message tu trouvais intéressant de pouvoir philosopher avec les enfants .
La philosophie c’est de se questionner par rapport à son existence , mais si tes enfants n’ont pas de questions à te poser quand à la leur , pe faut pas
forcer « ? , sinon à la hauteur qu’ils sont ? _________________ Une envolée d'oiseaux, que c'est beau.... |
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sahaja
Inscrit le: 28 Fév 2006 Messages: 408
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Posté le: Ma 26 Nov 2024 18:43 Sujet du message: |
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manira a écrit: | Sahaja :
« Je ne partage pas ces réflexions avec mes enfants, alors qu’en toute logique, je devrais peut-être le faire. Mais cela ne se pose pas. Et les "sauver", sauver de quoi, au juste ?’ »
Faire dans la logique des choses ?
Dans un autre message tu trouvais intéressant de pouvoir philosopher avec les enfants .
La philosophie c’est de se questionner par rapport à son existence , mais si tes enfants n’ont pas de questions à te poser quand à la leur , pe faut pas
forcer « ? , sinon à la hauteur qu’ils sont ? |
Bonsoir,
Ma fille a 30 ans et mon fils 37. Ils sont bien au courant de ma situation, puisqu'ils ont grandi avec moi, et je ne vais pas entrer dans un débat sur ce qu'est la philosophie, même si, oui, je suis favorable à ce qu'elle soit introduite à l'école le plus tôt possible. Je voulais simplement exprimer que je n'ai pas à créer une demande chez eux qui n'existe pas, et je n'ai pas l'impression de les priver de quoi que ce soit. Il n'y a aucune obligation de ma part ou de la leur à ce sujet. Tout cela leur appartient.
Certaines personnes s'interrogent parfois, étant donné notre proximité (nous vivons tous ensemble dans la même maison). C'est pour cela que je l'ai exprimé plus haut. |
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konrad
Inscrit le: 25 Mars 2018 Messages: 1735 Localisation: En van...dredi.
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Posté le: Ma 26 Nov 2024 18:52 Sujet du message: |
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Bonsoir Sahaja,
Je suis perplexe à la lecture de votre message.
D'une part je comprends le sens de votre propos et d'autre part je ne saisis pas la dimension de l'éveil dans celui-ci.
Je précise, l'idée que je me fais de l'éveil.
Votre message m'évoque le discours d'un individu retraité qui relate sa vie.
Il a travaillé, ses enfants ont une situation, la maison est achetée le crédit fini, maintenant profitons de ce moment de repos.
Dans le fond n'y a-t-il pas derrière votre formulation une sorte de résignation et de renoncement face à la "fatalité" de l'existence ?
Je pensais même, cet homme est probablement amoureux mais il n'a plus la passion.
Je vous confiais mon idée de l'éveil et donc ma lecture toute personnelle et subjective de votre message.
Je reviens sur la passion amoureuse, elle vous cueille malgré vos artères et votre arthrose. Dans cet état vous avez toujours vingt ans et le feu intérieur brûle comme au premier jour.
Pour moi il en est de même de l'éveil, la vie sourd en surabondance, elle est redressement et verticalité.
Je ne sais pas ce que fut votre expérience originelle mais ses conséquences ne doivent pas rester sous le boisseau.
Ça se fête, sortons les flonflons et les trompettes et levons nos verres a cet évènement mémorable.
Idée de l'éveil, oui, mais corroboré par un peu d'expérience et de lectures.
Je me rappelle que Jourdain disait, je ne sais plus dans quel livre, que l'éveil était un non évènement car l'éveil ne pèse rien mais que l'explosion de dix mille soleils n'étaient rien en comparaison. Il écrivit aussi que nous étions des chercheurs d'or tout azimut alors que nous étions assis sur le seul sac d'or de l'univers !
Mon naturel penche pour cette expression enthousiaste de l'éveil.
Bien à vous.
Cordialement.
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Fu ni
Inscrit le: 28 Sep 2022 Messages: 636 Localisation: Bourgogne
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Posté le: Ma 26 Nov 2024 19:03 Sujet du message: |
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konrad a écrit: |
Je vous confiais mon idée de l'éveil et donc ma lecture toute personnelle et subjective de votre message.
Je reviens sur la passion amoureuse, elle vous cueille malgré vos artères et votre arthrose. Dans cet état vous avez toujours vingt ans et le feu intérieur brûle comme au premier jour.
Pour moi il en est de même de l'éveil, la vie sourd en surabondance, elle est redressement et verticalité. |
Bonsoir Konrad,
Je partage ce 🔥 -
D’ailleurs, je crois que sur un autre fil, tu questionnais la raison de l’enseignement d’êtres realisés. De certains du moins car il est bien possible que d’autres restent discrets voire silencieux. Et bien je pense que c’est car ils ont trouvé ce trésor, cette merveille, de part cette passion. Qu’ils savent qu’il est ce que chacun est : difficile alors de le garder pour soi ! |
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sahaja
Inscrit le: 28 Fév 2006 Messages: 408
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Posté le: Ma 26 Nov 2024 19:43 Sujet du message: |
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konrad a écrit: | Bonsoir Sahaja,
Je suis perplexe à la lecture de votre message.
D'une part je comprends le sens de votre propos et d'autre part je ne saisis pas la dimension de l'éveil dans celui-ci.
Je précise, l'idée que je me fais de l'éveil.
Votre message m'évoque le discours d'un individu retraité qui relate sa vie.
Il a travaillé, ses enfants ont une situation, la maison est achetée le crédit fini, maintenant profitons de ce moment de repos.
Dans le fond n'y a-t-il pas derrière votre formulation une sorte de résignation et de renoncement face à la "fatalité" de l'existence ?
Je pensais même, cet homme est probablement amoureux mais il n'a plus la passion.
Je vous confiais mon idée de l'éveil et donc ma lecture toute personnelle et subjective de votre message.
Je reviens sur la passion amoureuse, elle vous cueille malgré vos artères et votre arthrose. Dans cet état vous avez toujours vingt ans et le feu intérieur brûle comme au premier jour.
Pour moi il en est de même de l'éveil, la vie sourd en surabondance, elle est redressement et verticalité.
Je ne sais pas ce que fut votre expérience originelle mais ses conséquences ne doivent pas rester sous le boisseau.
Ça se fête, sortons les flonflons et les trompettes et levons nos verres a cet évènement mémorable.
Idée de l'éveil, oui, mais corroboré par un peu d'expérience et de lectures.
Je me rappelle que Jourdain disait, je ne sais plus dans quel livre, que l'éveil était un non évènement car l'éveil ne pèse rien mais que l'explosion de dix mille soleils n'étaient rien en comparaison. Il écrivit aussi que nous étions des chercheurs d'or tout azimut alors que nous étions assis sur le seul sac d'or de l'univers !
Mon naturel penche pour cette expression enthousiaste de l'éveil.
Bien à vous.
Cordialement.
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Bonjour Konrad,
Je comprends ton interrogation. Je n'ignore pas ce "feu" dont tu parles. Au passage, j’ai 50 ans et je ne suis pas encore à la retraite Il est difficile de retranscrire une intensité – ce n’est d’ailleurs pas l’objet de mon texte. Faire la vaisselle ne semble pas très excitant dit comme ça, et le feu qui brûle en chacun a-t-il vraiment besoin de s’exprimer comme une fête ou un feu d’artifice ?
J’ai rencontré Jourdain, et je peux te dire qu’il ne semblait pas du tout briller de mille feux Il avait plutôt l’air perturbé et exprimait sa consternation face à un auditoire qui ne comprenait rien à ses propos, tout en évoquant la complainte de Krishnamurti sur une problématique similaire.
Nous avons partagé quelques heures à discuter. Il fumait comme un pompier, écrasait ses mégots pour ensuite les glisser dans la poche de sa veste une habitude étrange. Il disait beaucoup apprécier Krishnamurti et qu’à la lecture de ses ouvrages, il avait le sentiment de vivre la même "chose". Il exprimait une grande tristesse à l’idée de finir sa vie sans la satisfaction d’avoir pu aider qui que ce soit. Voilà, c’était peut-être simplement son humeur du moment, mais ce n’était certainement pas une fête joyeuse.
Enfin, connais-tu l’expression : « Le soleil de midi ne fait pas d’ombre » ou encore « L’éveil qui s’éveille sans s’éveiller » ?
Je ne suis pas fan des choses qui brillent
Je sais que, dans le bouddhisme zen par exemple, avec cette idée de transmission, il existait presque une obligation d’enseigner, comme pour "payer sa dette".
Cependant, cela n’était pas toujours respecté.
Le soleil de midi ne fait pas d’ombre, autant dire que le contraste n’existe pas. Dans un univers sans contraste, que l’on pourrait imaginer baigné de lumière sans aucune autre référence, comment faire une distinction ? Comment affirmer qu’une chose est lumineuse sans l’existence du contraste ?
J’ai effectivement traversé une période de ma vie où j’étais très enthousiaste, animé par un puissant besoin de communiquer. Je ressentais qu’il fallait absolument partager cette "bonne nouvelle", comme si je devais crier à qui voulait l’entendre : "Ça existe ! Ça existe ! C’est possible pour moi, donc c’est possible pour tous !" C’était vraiment un élan du cœur vers les autres, nourri par la mémoire encore vive du contraste entre ma souffrance passée, mon errance dans la recherche, et ce feu vivant et puissant du moment.
Aujourd’hui, cela s’exprime certainement différemment, peut-être même à mon insu. Mais je partage toujours sur ce sujet : pour preuve, je reviens encore ici, en ces lieux, où j’éprouve toujours du plaisir à écrire, même si cela reste occasionnel. J’apprécie aussi, de temps à autre, la lecture de beaux textes sur le sujet ici ou ailleurs.
C’est ce que j’exprime dans le texte plus haut : une sorte de dépouillement dans l’expression. Tu peux effectivement voir cela comme une forme de retraite, mais sans que cela fasse de moi un cadavre
Je ne crois pas qu’un véritable enseignant soit en quête de stimulation. Je ne pense pas non plus qu’il y ait une volonté particulière de sa part. C’est simplement un mouvement, le déroulement naturel d’une existence.
Ce n’est pas comme d’autres, qui, selon moi, ne cherchent qu’une confirmation à travers l’autre, comme un miroir qui ne serait là que pour valider et entretenir la véracité de leur expérience. Sans ce miroir, tout s’écroule, le doute surgit et vient briser l’image.
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sahaja
Inscrit le: 28 Fév 2006 Messages: 408
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Posté le: Me 27 Nov 2024 9:07 Sujet du message: |
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Konrad écrit: "D'une part je comprends le sens de votre propos et d'autre part je ne saisis pas la dimension de l'éveil dans celui-ci."
je trouve cette remarque très intéressante et je vais peut être écrire quelque chose la dessus .
bonne journée |
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Cédric
Inscrit le: 26 Juin 2021 Messages: 1262
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Posté le: Me 27 Nov 2024 10:46 Sujet du message: |
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sahaja a écrit: | Ce n’est pas comme d’autres, qui, selon moi, ne cherchent qu’une confirmation à travers l’autre, comme un miroir qui ne serait là que pour valider et entretenir la véracité de leur expérience. Sans ce miroir, tout s’écroule, le doute surgit et vient briser l’image. |
Très juste ce que tu dis là. Je pense que beaucoup de "maîtres" ou "d'enseignants spirituels" se font "maîtres/enseignants spirituels" pour sans cesse valider leur propre idée d'eux-mêmes, valider leurs expériences, leur histoire, leur image d'eux-même, par leur relation à leurs auditoires/élèves/disciples.
Dans cette relation qu'ils entretiennent avec ceux qui les écoutent/admirent voire vénèrent, ils confirment leur "statut", leur "image d'eux-mêmes".
"S'ils m'admirent, m'écoutent, me suivent, c'est bien que je le mérite, c'est bien que je le suis, ce "maître éveillé" qu'ils voient en moi..."
Cette dynamique est souvent présente, en tout cas je la vois. C'est pour cela que tant de "maîtres/gourous/enseignants" ont besoin de l'être toute leur vie. Cela fait partie de l'image qu'ils ont d'eux-mêmes, ils sont attachés à cette dynamique, besoin d'être continuellement validés dans leur position de "maître éveillé".
L'élève a besoin du maître, besoin de l'idée de maître, pour avoir un "but à atteindre", mais le maître a lui aussi a besoin de l'élève, besoin de l'idée de l’élève/disciple, pour valider que lui a "atteint quelque chose". Les deux se nourrissent l'un l'autre, se font miroir l'un de l'autre, l'un pour l'autre.
Mais quand tu n'as plus besoin de te faire "maître", là est la vraie liberté, ni maître ni élève, ni "éveillé" ni "non-éveillé". Toutes ces histoires sont mises de côté. Tous ces rôles convenus sont mis de côté. Reste l'essentiel : là, maintenant, ce qui est, Être, pas d' "éveil" ni de "non-éveil", les comparaisons/comparatifs ayant volé en éclat.
P.-S. : Quand Jourdain parlait de Krishnamurti, il faisait référence à U.G. plutôt non ? ou parlait-il de Jiddu ? |
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konrad
Inscrit le: 25 Mars 2018 Messages: 1735 Localisation: En van...dredi.
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Posté le: Me 27 Nov 2024 10:56 Sujet du message: |
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Bonjour Sahaja,
Je suis prompt à l'interprétation et ce n'est pas toujours pertinent.
(Avant de poursuivre tu dis avoir 50 ans, une fille de 30 ans et un fils de 37 ans, tu es un papa précoce ?!)
Je partage ce sentiment de dépouillement qui me semble presque inéluctable sur ce chemin de "réalisation" de soi. pour moi il est plus aisé sur le plan matériel que sur le plan mental. Autant j'ai écumé un certain nombre de pensées inadéquates, autant un fond résiste durablement.
J'en prends mon parti avec parfois une mauvaise grâce à me sentir "prisonnier" d'un moi qui me colle à la peau.
J'avais un peu peur que mon propos ne fasse dévier le sens de ton message, ou son cours. Trahir une pensée ou un discours est regrettable, mais l'échange permet de clarifier les propos.
Je ne connais Jourdain que par la lecture et les quelques vidéos de ses interventions. Tu me décris un être un peu "baroque" qui me semble sympathique. Le groupe que je fréquentais avait aussi un "maitre" singulier. Ne dit-on pas que le génie et la folie sont contigu ?
Au plaisir d'échanger. |
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sahaja
Inscrit le: 28 Fév 2006 Messages: 408
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Posté le: Me 27 Nov 2024 15:03 Sujet du message: |
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konrad a écrit: | Bonjour Sahaja,
Je suis prompt à l'interprétation et ce n'est pas toujours pertinent.
(Avant de poursuivre tu dis avoir 50 ans, une fille de 30 ans et un fils de 37 ans, tu es un papa précoce ?!)
Je partage ce sentiment de dépouillement qui me semble presque inéluctable sur ce chemin de "réalisation" de soi. pour moi il est plus aisé sur le plan matériel que sur le plan mental. Autant j'ai écumé un certain nombre de pensées inadéquates, autant un fond résiste durablement.
J'en prends mon parti avec parfois une mauvaise grâce à me sentir "prisonnier" d'un moi qui me colle à la peau.
J'avais un peu peur que mon propos ne fasse dévier le sens de ton message, ou son cours. Trahir une pensée ou un discours est regrettable, mais l'échange permet de clarifier les propos.
Je ne connais Jourdain que par la lecture et les quelques vidéos de ses interventions. Tu me décris un être un peu "baroque" qui me semble sympathique. Le groupe que je fréquentais avait aussi un "maitre" singulier. Ne dit-on pas que le génie et la folie sont contigu ?
Au plaisir d'échanger. |
Bonjour Konrad et Cédric,
J'ai adopté mon fils à l'âge de 18 ans, il avait alors 5 ans. Ma fille est née quand j'avais 20 ans.
Je ne connais pas Jourdain plus que cela. En réalité, je suis simplement allé à l'une de ses conférences. À la fin, je lui ai demandé s'il accepterait d'aller boire un café, et il a accepté immédiatement, alors qu'il ne me connaissait de rien.
Après le café, nous avons terminé dans un petit salon, au calme, là où il logeait durant les conférences. Il s'est montré très accessible, sans prétention. Un peu baroque, oui, mais pas autant qu'on pourrait le penser lorsqu'il fait face au public.
Il faisait référence à Jiddu, Cédric.
Bonne fin de journée à vous. |
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konrad
Inscrit le: 25 Mars 2018 Messages: 1735 Localisation: En van...dredi.
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Posté le: Me 27 Nov 2024 16:29 Sujet du message: |
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sahaja a écrit: |
Bonjour Konrad et Cédric,
J'ai adopté mon fils à l'âge de 18 ans, il avait alors 5 ans. Ma fille est née quand j'avais 20 ans.
Je ne connais pas Jourdain plus que cela. En réalité, je suis simplement allé à l'une de ses conférences. À la fin, je lui ai demandé s'il accepterait d'aller boire un café, et il a accepté immédiatement, alors qu'il ne me connaissait de rien.
Après le café, nous avons terminé dans un petit salon, au calme, là où il logeait durant les conférences. Il s'est montré très accessible, sans prétention. Un peu baroque, oui, mais pas autant qu'on pourrait le penser lorsqu'il fait face au public.
Il faisait référence à Jiddu, Cédric.
Bonne fin de journée à vous. |
Bonsoir Sahaja,
Ma curiosité est piquée au vif. Si je suis trop intrusif dans mes questions n'hésite pas à me le dire.
Comment adopte-t-on un enfant de 5 ans à 18 ans ? Qu'est-ce qui se passe dans la tête d'un jeune homme de 18 ans pour une décision de cette ampleur ?
J'imagine que tu étais en couple à ce moment et très probablement déjà marié ? Et deux ans plus tard, une fille ?!
Ça n'est pas ordinaire de s'engager de la sorte à cet âge. J'ai eu 18 ans et je ne me rappelle pas avoir été en mesure de prendre une quelconque décision qui engagea mon avenir de façon aussi profonde. A part passer mon permis de conduire.
C'est pas banal comme itinéraire de vie.
Ta rencontre avec Jourdain sort aussi des "conventions" d'une certaine manière. Cette rencontre s'est passée avant ou après ton expérience d'éveil ? Si ce fut après, lui en as-tu parlé ?
Suite à cette rencontre quelle est ton impression, ton sentiment sur lui ?
L'as-tu senti crédible, convaincant, sincère et garant d'une certaine présence ? En quoi était-il différent en face du public ?
Ce fut la seule et unique fois que tu l'as rencontré ?
J'arrête là mes questions. Pour le moment... |
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 6156 Localisation: Suisse
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Posté le: Me 27 Nov 2024 19:29 Sujet du message: |
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Très beau texte, sahaja, merci. Je partage ton point de vue sur le dépouillement. Et je suis content de découvrir à cette occasion un peu de ton paysage intérieur. |
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sahaja
Inscrit le: 28 Fév 2006 Messages: 408
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Posté le: Me 27 Nov 2024 20:33 Sujet du message: |
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konrad a écrit: | sahaja a écrit: |
Bonjour Konrad et Cédric,
J'ai adopté mon fils à l'âge de 18 ans, il avait alors 5 ans. Ma fille est née quand j'avais 20 ans.
Je ne connais pas Jourdain plus que cela. En réalité, je suis simplement allé à l'une de ses conférences. À la fin, je lui ai demandé s'il accepterait d'aller boire un café, et il a accepté immédiatement, alors qu'il ne me connaissait de rien.
Après le café, nous avons terminé dans un petit salon, au calme, là où il logeait durant les conférences. Il s'est montré très accessible, sans prétention. Un peu baroque, oui, mais pas autant qu'on pourrait le penser lorsqu'il fait face au public.
Il faisait référence à Jiddu, Cédric.
Bonne fin de journée à vous. |
Bonsoir Sahaja,
Ma curiosité est piquée au vif. Si je suis trop intrusif dans mes questions n'hésite pas à me le dire.
Comment adopte-t-on un enfant de 5 ans à 18 ans ? Qu'est-ce qui se passe dans la tête d'un jeune homme de 18 ans pour une décision de cette ampleur ?
J'imagine que tu étais en couple à ce moment et très probablement déjà marié ? Et deux ans plus tard, une fille ?!
Ça n'est pas ordinaire de s'engager de la sorte à cet âge. J'ai eu 18 ans et je ne me rappelle pas avoir été en mesure de prendre une quelconque décision qui engagea mon avenir de façon aussi profonde. A part passer mon permis de conduire.
C'est pas banal comme itinéraire de vie.
Ta rencontre avec Jourdain sort aussi des "conventions" d'une certaine manière. Cette rencontre s'est passée avant ou après ton expérience d'éveil ? Si ce fut après, lui en as-tu parlé ?
Suite à cette rencontre quelle est ton impression, ton sentiment sur lui ?
L'as-tu senti crédible, convaincant, sincère et garant d'une certaine présence ? En quoi était-il différent en face du public ?
Ce fut la seule et unique fois que tu l'as rencontré ?
J'arrête là mes questions. Pour le moment... |
Bonsoir Konrad
Il n’y a pas de mal à être curieux. Si tu étais intrusif, je te répondrais différemment.
Tout d’abord, il faut remettre tout cela dans son contexte. Très jeune, vers l’âge de 9 ou 10 ans, j’ai développé une obsession pour cette question du sens de mon existence et de la vie en général, comme peut le faire un enfant. S’en est suivie une errance entre différentes lectures, rencontres, pratiques… Enfin, je cherchais une réponse , c’était une priorité pour moi.
C’est dans ce contexte que j’ai rencontré ma femme, qui avait deux fois mon âge et partageait la même démarche. Elle avait également un enfant de 5 ans, sans père, et tout naturellement, nous sommes devenus une famille.
Pour ce qui est de Jourdain, je l’ai rencontré après cette fameuse expérience. Si j’avais été en demande, je crois que j’aurais poursuivi avec lui, un temps du moins. je n’ai jamais adhéré à quoi que ce soit ou à qui que ce soit, ce qui n’est pas contradictoire avec le fait d’être profondément engagé dans la démarche.
Quant à notre rencontre, Jourdain et moi sommes partis en voiture à la recherche d’un café ouvert (il était tard). Lui, tout ce qui l’intéressait à ce moment-là, c’était ma voiture, il adorait les voitures. Il m’a donc questionné sur toutes les caractéristiques du véhicule pour ensuite me dire qu’il n’avait pas le permis de conduire !(contrairement à toi konrad Ça commençait bien ! Tout cela en fumant ses cigarettes et en mettant les mégots dans sa poche…
Je lui ai quand même signalé qu’il y avait aussi des cendriers dans les voitures.
Arrivés au café, nous avons pris place, observant les gens et l’agitation autour. Il a remarqué une femme et a commencé à me faire l’éloge de sa beauté en mimant ses formes avec les mains. J’ai compris qu’il n’aimait pas seulement les voitures ! Je précise que tout cela se passait dans une ambiance bon enfant et joyeuse. Il était quand même un peu fatigué de sa journée, et nous avons décidé de rentrer au calme.
Dans le salon, je me demandais comment aborder le sujet. Je lui ai posé la question :
— Alors, et ce « je suis » ?
Il a fait un geste de rejet de la main, accompagné d’un son caractéristique, me faisant comprendre que ce n’était pas un sujet qu’il avait envie d’aborder.
Encore une fois, tout cela s’est fait avec le sourire et sans aucune vulgarité.
Au final, nous nous sommes entendus sur un seul mot : liberté.
Je ne vais pas retranscrire toute la conversation, d’autant plus que cela remonte à près de 20 ans.
C’est également lors de cette rencontre qu’il m’a parlé de Krishnamurti et des nombreux points de son discours qu’il partageait.
il a eu aussi des moments ou je le sentais triste et un peu perdu vis à vis de ce que j'evoque plus haut .
Il était très innocent, avec des attitudes enfantines mais pas puériles. Il ne faisait pas le clown comme dans certaines vidéos où je le soupçonne fortement de forcer le trait pour la caméra.
Il n’a pas évoqué son expérience, et je n’ai pas le souvenir de lui avoir fait part de la mienne.
J’ai eu le sentiment d’un être intègre, vivant réellement la chose.
Je ne l’ai plus revu après ce jour-là.
J'aimerais ajouter que je n'ai pas ressenti d'affinité avec le "personnage", et je ne voudrais pas dépeindre l'image d'une personne uniquement attirée par les voitures et les femmes, ce ne serait pas juste. C'était une autre génération et, malgré une sagesse qui s'exprimait de manière un peu particulière, il est clair pour moi qu'il s'amusait de tout cela, du personnage qu'il incarnait.
Voilà, quoi dire de plus.
Bonne soirée.
Dernière édition par sahaja le Je 28 Nov 2024 0:33; édité 3 fois |
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