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Citation Braque

 
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FRAYSSE
Invité





MessagePosté le: Di 15 Mai 2005 15:48    Sujet du message: Citation Braque Répondre en citant

Je ne trouve nulle part mention de cette citation de Braque:
"Avant de violer les règles, il faut d'abord les connaître"
Outre qu'elle me paraît très puissante, permettez d'évoquer un souvenir à son sujet.
C'est en effet grâce à cette citation que j'ai pu intégrer l'Ecole des Mines en 1950. L'épreuve de français au concours d'entrée avait un gros coefficient: j'ai eu 13/20, ce qui était exceptionnel!
Grâce à cette note j'ai pu me classer 41ème sur 42 admis.
Or le sujet du français était: "L'art c'est moi, la science c'est nous. Commentez"
Deux jours avant le concours je flanais sur les quais et en feuilletant un ouvrage sur Braque, je suis tombé sur cette citation "Avant de violer les règles, il faut d'abord les connaître". Elle m'a plu.
Deux jours après j'ai bâti mon exposé sur l'Art vs la Science à partir de cette citation. Et je suis persuadé qu'elle a séduite mon correcteur, ce qui m'a permis d'hériter d'un 13/20 au lieu des 7 ou 8/20 dont j'étais coutumier.
Merci, Braque, sans lequel je serais en train de vider quotidiennement les poubelles de Neuilly.
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waxou



Inscrit le: 13 Mars 2005
Messages: 361
Localisation: Marseille

MessagePosté le: Lu 16 Mai 2005 0:02    Sujet du message: Répondre en citant

Bonjour, en effet cette citation est très intéressante. Mais justement, je me demande si dans l'éveil on ne pourrait pas la remettre en question car une règle est un pur concept qui inclut une certaine notion de normalité, or lorsqu'on parle d'éveil, on en revient toujours à se rendre compte que finalement il y a un gouffre entre nos concepts et la réalité.
On a bien sûr tous tendance à vouloir connaître les règles pour savoir les violer mais le mieux, c'est de les violer sans s'en soucier, sans même les connaître ou les considérer comme réelles, et du coup, celà n'a plus rien d'un viol.
En ce sens, la citation reste vraie d'ailleurs, puisqu'elle ne dit pas qu'il est impossible de ne pas être soumis à des règles sans les connaître, et ce que je trouve particulièrement intéressant, c'est que cette citation est aussi une règle avec son inconvénient principal: elle n'est valable que dans le référentiel dans lequel on admet que l'on doive "violer" les règles.
Or comme je le disais, il y a pour moi une différence entre violer les règles et ne pas s'en soucier.
Par exemple en ce moment, à la télévision, la transgression devient normative, c'est à dire, que le viol de la règle devient une règle plus subtile. On peut dire aussi que créer des règles pour sortir des règles ne peut mener qu'à l'impasse. Mais encore une fois, cette citation de Braque reste intouchable puisqu'elle parle de "viol".
Les règles ont donc leur importance relative, mais les croire absolues peut nous enfermer dans leur référentiel. On ne peut pas violer une règle sans la connaître, mais l'observateur qui la connait y verra tout de même un viol. C'est là tout son caractère relatif.
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joaquim
Administrateur


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MessagePosté le: Lu 16 Mai 2005 15:52    Sujet du message: Répondre en citant

Bonjour FRAYSSE, et bienvenue Smile

Voilà une phrase qui me semble effectivement s’inscrire dans le droit fil de l’éveil. Je vais essayer de vous livrer à mon tour ce qu’elle m’inspire. Je pense qu'il existe une dialectique fondamentale entre la règle et la poussée de la vie: c’est cette dialectique qui permet le passage de l’être en puissance à l’être manifesté, de l’unité indifférenciée à la manifestation structurée dans la dualité. C’est cette dialectique que les philososphes ont appelée matière et forme, volonté et représentation, Dionysos et Apollon, etc. A la base de la vie, il existe un vouloir-vivre informe, chaotique, dionysiaque, qui doit, pour pouvoir accéder à l’existence, être structuré par la forme, éclairé par la lumière apollinienne. La Nature est le résultat de la lutte entre les forces sauvages dionysiaques, et celles, structurantes, de la lumière. Cette lutte n’est pas sans beauté, c’est elle qui crée les couleurs de la vie, mais elle est impitoyable. La violence est intrinsèquement liée au vouloir-vivre («"Violence" découle en effet de la lignée des radicaux indo-européens, grecs et latins, qui correspondent à l'idée de "vie"», cf. [url=http://www.serpsy.org/piste_recherche/violence(s)/nelly2.html]ICI[/url]), mais elle est aussi bien présente sur le versant de la structuration. Elle se trouve bien sûr dans la révolte, mais aussi bien dans la répression. Dans la violation de la loi, mais aussi dans la loi elle-même. La violence est inhérente à la manifestation, puisque la manifestation est le fruit d’une lutte. Et, comme le dit waxou, lorsqu'on viole la loi, on obéit ce faisant à une autre loi, qu'on ne perçoit pas, celle qui nous enjoint de violer la loi, et on ne sort dès lors pas du cercle de la violence, pas plus que de l'emprise de la loi.

Lorsque Braque dit qu’il faut connaître les règles, il veut dire, je pense, qu’il faut que l’impétuosité de sa propre nature, assoiffée de créer et de se manifester, réfrène son excès de vie pour apprendre les règles de l’art, qui seules permettent de conférer à son impétuosité créatrice une forme qui soit de l’art. Mais ce qu’il dit va plus loin que tout ce que fait la nature en créant les merveilles que l’on voit à partir des deux principes opposés qui la constituent: il dit qu’une fois les règles connues, il faut les violer. Sortir du cadre imposé par la nature. Je pense qu’il faut entendre ce “violer” non pas au sens de faire violence aux règles, mais de se libérer de leur violence. Nulle part dans la nature, rien ne n’affranchit jamais de la règle, de la forme, de la structure, car ce serait le retour sur-le-champ au chaos indifférencié. Et pourtant, c’est bien cela qu’il s’agit de faire sur le chemin de l’éveil. Après s’être, longtemps parfois, douloureusement toujours, astreint à une discipline intérieure, après s’être mis en route, en recherche, que ce soit de manière délibérée ou du fait des circonstances de la vie, il arrive un moment où il s’agit de lâcher prise, un moment-clé où on se trouve solennellement face à un choix, celui de se jeter à l’eau ou de rester sur la berge, de sauter dans le vide, de faire confiance totale à quelque chose qui nous échappe — afin que ce “nous” devenienne ce “quelque chose”. C’est cela l’éveil. C’est se soumettre à la règle pour finalement s’en libérer.
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waxou



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MessagePosté le: Ma 17 Mai 2005 19:57    Sujet du message: Répondre en citant

Voilà exactement la problématique qui s'impose à moi en ce moment...

Joaquim a écrit:
afin que ce “nous” devenienne ce “quelque chose”. C’est cela l’éveil.


Cette phrase sortie du contexte pourrait faire bondir tout adepte des notions de non-dualité Razz , mais au delà de son paradoxe, elle semble vraie malgré tout.
Et ce qui m'intrigue, c'est que finalement, en étant conforme à ce que je ressens, vous finissez par aboutir à une autre conclusion qui me semble tout autant cohérente:
Quand on n'accepte pas de se soumettre à une règle, finalement on y est soumis puisque dans notre refus, il y a cette partie de nous qui est influencée par la règle. Celà me rapelle un ami dragueur qui voulait réussir à penser à autre choses qu'aux femmes lorsqu'il sortait, et qui croyait qu'éviter perpétuellement de les regarder lui redonnerait sa liberté.
Lorsque je dis vis à vis d'une règle, "ne pas s'en soucier", je me retrouve piégé dans mes propres mots, puisque je ramène celà à l'ignorer.
Or, ce que vous dites me fait comprendre que lorsque je dis "ne pas s'en soucier", je ressens plutot "ne pas être influencé dans notre "moi"". Et cette influence est présente autant dans la soumission inconsciente, ou le viol "rebelle", que dans le refus volontaire et "éclairé" de s'y soumettre ou d'être influencé dans ses actes.
Donc, ne pas connaître la règle est une chose, mais lorsqu'on se rend compte qu'on y est soumis et qu'elle se met en travers de notre chemin, l'ignorer ne nous rendra pas notre liberté, tandis que l'accepter, même si celà ne nous pemet pas de ne plus être influencé à l'extérieur dans nos actes, reséparera la règle et notre moi, et à tout moment, nous devenons capables de nous en détacher. Il s'agira d'un choix, comme celui de plonger et non d'une réaction.

Je rejoins donc totalement ce que vous dites et je crois que c'est une angle de vue qui me manquait.

Parfois, on admet des buts (sortes de règles intérieures) mais on se retrouve souvent face à des obstacles, dont les règles extérieures, qui nous font faire de tels détours, que l'on se demande si le but en vaut la chandelle, et s'il est finalement si important que celà. C'est une interrogation nécessaire justement pour se libérer d'attachement égoiques qui peuvent séquestrer notre énergie. Car en effet, les buts égoiques nous mettent face à des obstacles que nous n'assumons pas vraiment alors qu'ils découlent souvent de nos exigences et il en résulte une impression de conflit avec la réalité.
Le détachement vis à vis du but reste dans ce cas une solution sage et libératrice: sans limiter notre capacité d'action, celà met fin au conflit, et l'harmonie peut revenir.
Mais lorsqu'il s'agit de buts d'origine non égoique, de libération ou de devenir ce "quelquechose", on peut facilement en arriver à les renier, croyant lâcher prise, s'ils impliquent des obstacles, souvent relatifs à d'autres buts égoiques.
Par exemple, nous pouvons avoir envie de faire une chose qui nous semble juste, mais celà risque de nous nuire vis à vis du regard de notre entourage avec qui nous voulons vivre en harmonie. Ou bien alors nous sentons que notre aide serait utile, mais s'impliquer nous fait perdre notre indépendance, nous avons peur d'être fragilisés.
C'est ici ou la différence entre la fuite et le lâcher prise prend tout son sens: on ne peut lacher prise uniquement vis à vis d'une chose à laquelle on tient. Et on ne fuit que pour s'éloigner d'une chose pour laquelle nous avons une aversion.
Ceci implique qu'on ne peut se détacher d'un but non égoique par définition, et donc l'ignorer ne constituera jamais un lacher prise mais une fuite, un reni à cause d'une aversion qu'on a par raport à un obstacle sur le chemin du but. Accepter de se soumettre au but intérieur, c'est accepter les obstacles et les règles extérieures qui sont sur notre chemin, les assumer, lacher prise et à la fois faire face. Ceci n'est valable bien sûr qu'en considérant qu'il n'y a pas d'autres alternatives que la soumission aux regles extérieures pour honorer le but non égoique intérieur.
Et si la soumission à la règle consitue une aversion, la liberté constitue l'attachement. Et cette liberté, disparaît dès lors qu'on s'y attache puisqu'elle devient capable de nous faire remodeler ou renoncer à de tels buts en son nom.
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joaquim
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MessagePosté le: Ma 17 Mai 2005 22:01    Sujet du message: Répondre en citant

waxou a écrit:
Voilà exactement la problématique qui s'impose à moi en ce moment...

Joaquim a écrit:
afin que ce “nous” devenienne ce “quelque chose”. C’est cela l’éveil.

Cette phrase sortie du contexte pourrait faire bondir tout adepte des notions de non-dualité Razz , mais au delà de son paradoxe, elle semble vraie malgré tout.

waxou a écrit:
Ceci implique qu'on ne peut se détacher d'un but non égoique par définition, et donc l'ignorer ne constituera jamais un lacher prise mais une fuite

On ne peut pas décider de lâcher-prise, car ce serait encore rester dans le fil d'un vouloir intentionnel, ce serait toujours vouloir atteindre un but, un objet de désir, et donc ce ne serait pas un total lâcher-prise. On ne peut lâcher-prise que lorsque quelque chose émerge en nous et nous invite à le faire. Il s'agit d'être attentif à ces instants. Lorsqu’ils surviennent, on a mille autre choses plus importantes et plus intéressantes à faire et à penser (ce que vous appelez la “fuite”), et cela demande une grande force d’attention (c’est là que la discipline de la méditation peut être une préparation nécessaire) pour écouter et laisser la place à cette petite voix ténue. Ce n’est pas à proprement parler difficile, mais c’est désagréable. L’ego n’aime pas se lâcher. Mais pour peu qu’on fasse confiance à ce petit quelque chose, qu’on fasse silence pour qu’il puisse grandir, sans qu’on n’ait à faire d’efforts, juste une attention soutenue, on s’aperçoit tout-à-coup qu’on est ce petit quelque chose, qu’on est cette chose vivante qui bouge en soi, que cela est le Soi.
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waxou



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MessagePosté le: Ma 17 Mai 2005 23:33    Sujet du message: Répondre en citant

En effet, J'ai réalisé récemment que le lacher prise n'est que le résultat d'une certaine présence, une certaine attention qui permet de s'extraire des intérêts de pouvoir, de sensation, ou de sécurité, et qu'il n'existe pas tout seul comme les mots voudraient nous le faire penser.
Je n'avais jamais osé me dire que c'était désagréable, mais lorsqu'il ne découle pas d'une souffrance plus grande que ce désagrément il est vrai que c'est le cas.
Dans le contexte de cette histoire de savoir se soumettre aux règles, je viens de me souvenir que j'avais entendu dire à la télévision (je ne sais plus par qui Sad ) que le pouvoir allait souvent avec une certaine faiblesse, et était inversement proportionel au talent...
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waxou



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MessagePosté le: Me 18 Mai 2005 23:21    Sujet du message: Répondre en citant

Celà me fait aussi penser à cette métaphore que vous aviez faite: "comme le musicien se soumet aux exigences de son instrument et ne cherche pas à le forcer à exprimer tel message. "
J'avais répondu (je n'ai pas le texte sous les yeux) en disant que si l'on se soumettait aux exigences de son instrument sans se permettre une certaine liberté de temps à autre, on n'aurait jamais inventé la guitarre électrique, instrument qui a permis a beaucoup d'Artistes de se réaliser que ce soit en jouant, ou en bénéficiant indirectement de ce son harmonieux dans sa désharmonie. Et pourtant, je me souviens qu'au début je me sentais moi même aggressé par ce son, je trouvais ça bete de devoir rendre un son violent pour mieux qu'on l'entende, jusqu'à ce que je m'habitue. Il faut tout de même un certain lacher prise vis à vis de cet instrument si l'on veut pouvoir être receptif à sa musique.
C'est un instrument puissant, mais il n'est violent probablement qu'entre de mauvaises mains ou pour de mauvais auditeurs.
Et a ce moment là je dois dire que je n'avais pas prété attention à ce que vous disiez: même pour jouer de la guitarre électrique, il faut tout de même savoir jouer de la guitarre.
Ce qui m'a fait écrire ce message c'est que je me suis rendu compte que mon égo ne pouvait pas se réaliser musicalement lorsque je jouais d'un instrument que je ne maîtrisais pas. Et en retour, j'obtiens de la frustration qui me pousse à arrêter. C'est la détresse de voir le gouffre se creuser entre le soi et la réalité du son qui sort de l'instrument Laughing
J'ai alors pensé que c'était la même chose avec le mental, puis fait le rapprochement vis à vis de la citation de ce sujet et celà m'a fait penser que c'était aussi ce que vous aviez essayé de me faire comprendre au delà de la simplicité du message "il faut savoir comment marche une chose pour s'en servir".
Et d'un autre coté, il y a dans l'instrument cette notion de pilote automatique mental que je trouve intéressante. Il faut que le mental sache maîtriser l'instrument sans faire trop d' erreurs pour libérer la conscience de la focalisation sur la pratique. Et là, la guitarre devient un prolongement de son propre corps. Comme la voiture du pilote de F1, le surf du surfer, la planche du skateur, la raquette du joueur de tennis etc...
Celà ne garantit pas le succès ou l'inspiration, mais disons que lorsque ce n'est pas le cas, ces derniers sont presque toujours compromis.
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