Regards sur l'éveil Regards sur l'éveil
Café philosophique, littéraire et scientifique
 
 liensAccueil   FAQFAQ   RechercherRechercher   Liste des membresListe des membres   GroupesGroupes   Devenir membreDevenir membre 
 ProfilProfil       Log inLog in  Blog Blog 

L'Englobant de Jaspers
Aller à la page 1, 2  Suivante
 
Ce forum est verrouillé, vous ne pouvez pas poster, ni répondre, ni éditer les sujets.   Ce sujet est verrouillé, vous ne pouvez pas éditer les messages ou faire de réponses.    Index du forum -> L'infini dans le fini
Voir le sujet précédent :: Voir le sujet suivant  
Auteur Message
joaquim
Administrateur


Inscrit le: 06 Août 2004
Messages: 1421
Localisation: Suisse

MessagePosté le: Me 18 Août 2004 21:19    Sujet du message: L'Englobant de Jaspers Répondre en citant

Voici un texte dense de Karl Jaspers, l’existentialiste allemand, où est décrite de manière particulièrement claire et précise la position ambiguë de notre conscience, à cheval entre le sujet et l’objet:

"(...) Pour répondre à la question posée: qu’est-ce que l’être en tant qu’être?, on a eu recours à une réalité présente dans le monde, à laquelle on attribuait ce caractère particulier d’être la source de tout le reste. (...) Les diverses écoles, au cours de leur lutte millénaire, n’ont jamais réussi à vérifier l’un de ces points de vue aux dépends de l’autre. (...) Toutes ces conceptions ont un point commun: elles font de l’objet une réalité qui est en dehors de moi, un objet sur lequel je suis braqué. Le phénomène fondamental de notre vie consciente va pour nous tellement sans dire que nous en sentons à peine le mystère. Nous ne nous interrogeons pas à son sujet. Ce que nous pensons, ce dont nous parlons, c’est toujours autre chose que nous-mêmes, c’est ce sur quoi nous sommes braqués, nous sujets, comme sur un objet situé en face de nous. Quand par la pensée je me prends moi-même pour objet, je deviens autre chose pour moi. En même temps, il est vrai, je suis présent en tant que moi-qui-pense, qui accomplis cette pensée de moi-même; mais ce moi, je ne peux pas le penser de façon adéquate comme objet, car il est toujours la condition préalable de toute objectivation. Ce trait fondamental de notre vie pensante, nous l’appelons la scission sujet-objet. Nous sommes toujours en elle, pour peu que nous soyons éveillés et conscients. Nous aurons beau tourner et retourner notre pensée sur elle-même, nous n’en resterons pas moins toujours dans cette scission entre le sujet et l’objet et braqués sur l’objet (...).

Quel est donc le sens de ce mystère impliqué à tout instant par la scission sujet objet? Manifestement, c’est que l’être en tant que totalité ne peut être ni objet ni sujet, mais qu’il doit être l’«englobant» qui se manifeste dans cette scission.

Il est évident que l’être en soi ne peut pas être objet. Tout ce qui est objet pour moi vient à moi du fond de l’englobant et c’est du fond de l’englobant que je surgis comme sujet. L’objet est un être défini pour le moi. L’englobant, pour ma conscience, reste obscur. Il ne s’éclaire que par les objets, et il devient d’autant plus clair que les objets sont plus nettement présents à la conscience. L’englobant ne devient pas lui-même objet, mais il se manifeste dans la scission du moi et de l’objet. Lui-même reste un arrière-plan que s’éclaire sans cesse à travers la manifestation des objets, tout en demeurant l’englobant. (...)

L’englobant, c’est donc ce qui, à travers la pensée, ne fait que s’annoncer. Nous ne le rencontrons jamais lui-même, mais tout ce que nous rencontrons, nous le rencontrons en lui."
Karl Jaspers, Introduction à la Philosophie, Plon, 10/18, 1981-2001, pp.28-30

Cette description précise de la réalité dans laquelle nous sommes, explorant jusque dans ses derniers confins le territoire de ce qui peut être affirmé, et pointant sur ce qui ne peut être qu’annoncé, autrement dit sur le “territoire” de l’éveil, montre bien que l’éveil ne saurait se produire à l’intérieur de la réalité objectivable, c’est-à-dire à l’intérieur de la scission sujet-objet. L’éveil ne peut en aucune manière devenir expérience pour le sujet que nous sommes, c’est-à-dire objectivable, mais il advient simplement lorsqu’est levée cette scission, c’est-à-dire lorsqu’il n’y a plus ni sujet ni objet, donc plus aucun sujet séparé pour le percevoir.

Michel Faviez (cf. http://www.cafe-eveil.org/forum/ftopic20.html ) a écrit à ce propos quelques très jolies phrases aphoristiques:

"Le vécu de l’absence de toute représentation de soi affirme et révèle la présence de celui qui vit cette absence”.
p. 108


et

"Le sujet, atteignant et passant cette limite de la conscience de soi, pourrait connaître sa propre présence, au moment même où il appréhenderait son inexistence."
p. 197


Dernière édition par joaquim le Je 04 Nov 2004 14:37; édité 1 fois
Revenir en haut
Voir le profil du membre Envoyer un message privé Envoyer l'e-mail Visiter le site web du posteur
FrancoisBrooks
Invité





MessagePosté le: Di 17 Oct 2004 3:12    Sujet du message: L'Englobant: scission sujet et objet Répondre en citant

Merci Joaquim de ce texte particulièrement éclairant de Jaspers mettant en évidence la position ambigüe de notre conscience qui se situe toujours à cheval entre le sujet qu'elle est et l'objet qu'elle représente. J'y vois la naissance de la transcendance et une porte ouverte sur Dieu. Ce Dieu, je me garderais bien de le définir, et j'ose à peine le nommer, mais je vois se dessiner l'apparition de sa "nécessité", non pas comme entité magique qui, par des prières-commandes-d'épicerie, accorde des faveurs à ses "préférés", mais comme une porte ouverte sur l'indiscible, l'innommable, celui qui est, comme on le définit dans certains passages éclairés de la Bible, mais que Jaspers choisit modestement de nommer l'Englobant.
Revenir en haut
joaquim
Administrateur


Inscrit le: 06 Août 2004
Messages: 1421
Localisation: Suisse

MessagePosté le: Ma 26 Oct 2004 20:44    Sujet du message: Répondre en citant

Cher François,

J'adore l'expression "prières-commandes-d'épicerie". Smile Elle laisse bien entrapercevoir ce Dieu épicier, ce Dieu-Père Tout-Puissant dont on attend les faveurs et qui nous écrase de de son pouvoir. Maurice Zundel l'a très joliment dit dans un de ses sermons, à propos de ce Dieu pharaonique: "Tout là-haut règne le pharaon et tout en bas la poussière de ses peuples!" (in "Le Problème que nous sommes", Le Sarment, Fayard, 2000, p 48).
Revenir en haut
Voir le profil du membre Envoyer un message privé Envoyer l'e-mail Visiter le site web du posteur
petitmoyengrand



Inscrit le: 16 Déc 2005
Messages: 27
Localisation: Koblenz

MessagePosté le: Di 08 Jan 2006 20:31    Sujet du message: Au secours, l'englobant m'échappe vraiment Répondre en citant

Bonjour Joachim,

Quelle joie d'avoir découvert l'existence de forum, même si je n'arrive toujours pas, après des egarrements, à trouver le point de départ de la réflexion.
J'ai imprimé l'article de Jaspers, j'ai aussi emprunté le livre à la bibliothèque, et j'essaye deséspérement de percevoir un bout au moins de l'Englobant. Peut-être peux-tu m'y aider.

Voici les problèmes auxquels je me heurte:

"Ce trait fondamental de notre vie pensante, nous l'appelons la scission sujet-objet".
Cette scission est-elle continue, dès notre naissance, jusqu'à la mort, jalonnant notre existence, ou bien est-elle une prise conscience, dès lors que le sujet revient sur lui-même, devient objet de sa conscience, sans pourtant effacer son moi?

"Nous sommes toujours en elle, pour peu que nous soyons éveillé et conscients."
N'arrivant pas à définir la scission, j'ai du mal à comprendre comment npis pouvons vivre en elle. Doit-on prendre éveillé au sens premier du terme, ou au sens profond?

"Quel est le donc le sens de ce mystère"?
Pourquoi l'emploi de mystère? Je ne le ressens pas. Encore une fois cela semble bien venir de la définition que Jaspers attribue à la scission, qui, comprise, devient déroutante.

Et l'Englobant...Là c'est le drame. Il reste très flou. Jaspers pourtant prévient bien un peu plus haut qu'il développe une des pensées les plus difficiles qui soient.

Voila. C'est tout Smile. Si tu n'as pas le temps, chose bien compréhensible, je demanderais à Mr Cugnot....qui est mon professeur de philosophie cette année Wink Merci
Revenir en haut
Voir le profil du membre Envoyer un message privé Visiter le site web du posteur MSN Messenger
steffzen



Inscrit le: 04 Jan 2006
Messages: 65
Localisation: France 01

MessagePosté le: Lu 09 Jan 2006 13:38    Sujet du message: Répondre en citant

Quand je me laisse me perdre à la dualité (sujet, objet), j'aime revenir à cette image : la rétine ! : "Celui qui voit de l'oeil n'existe que par ce qui est vu et ce qui est vu n'existe que par celui qui voit ! Il en va de meme pour tous les sens de perception.
Ce qui est perçu n'existe que par celui qui perçoit et celui-ci n'existe aussi que par ce qui est perçu !
La perception est conscience d'existance et c'est à travers elle que l'on se laisse prendre par la dualité mais que cela devient beau quand celle-ci tombe pour laisser place à l'unité ou n'existe plus de séparation perception, perçu; sujet, objet; moi, le reste.
Pour l'éveillé, l'oeil, l'oreille, le nez, la peau, la langue sont la source du nirvana; pour l'autre, la souffrance.
Reste à abolir cette dernière dualité : éveillé ou non.

_________________
La forme est vide et le vide est forme !
Revenir en haut
Voir le profil du membre Envoyer un message privé Envoyer l'e-mail Visiter le site web du posteur MSN Messenger
joaquim
Administrateur


Inscrit le: 06 Août 2004
Messages: 1421
Localisation: Suisse

MessagePosté le: Lu 09 Jan 2006 23:41    Sujet du message: Répondre en citant

Bonjour Petitmoyengrand, et bienvenue Smile

Steffzen a parfaitement décrit la question de la dualité, qui est une notion similaire à la scission sujet-objet, du point de vue du vécu. Je vais essayer de le faire du point de vue de la philosophie de Jaspers. Et si je n’y arrive qu’imparfaitement, M. Cugno (est-ce bien celui sans “t”, celui de L’existence du Mal?) le fera certainement mieux. Smile Profite de cette chance, si tu l’as comme professeur, j’ai trouvé son livre remarquable...

Nous sommes, en tant que soi conscient à l’intérieur de notre conscience un peu comme est la lumière dans le monde matériel. La lumière, qui est source de toute brillance, ne peut jamais être perçue elle-même comme brillante: seuls les objets qu’elle frappe sont éclairés. Elle-même n’est pas visible. Avec la conscience, c’est la même chose. Nous somme conscients des objets, et d’eux seuls. La conscience peut certes, à la différence de la lumière, se réfléchir elle-même, s’interroger sur elle-même, mais elle fait alors d’elle-même un objet qu’elle pose sous son projecteur intérieur. Elle ne peut s’observer elle-même qu’en s’objectivant sous forme d’une image d'elle qu’elle pose devant soi. Cette image est observée par la conscience "observante" qui, elle, échappe obstinément à l'observation. Car aussitôt qu’elle est observée, la conscience observante perd sa qualité de source, et devient elle-même conscience observée pour une nouvelle conscience observante, située en amont. La conscience observante tombe comme un objet dans le champ de la conscience aussitôt qu'elle devient objet d'observation. La conscience observante, c’est le sujet, la conscience observée, l’objet. Entre les deux, il existe un fossé, une différence radicale de qualité, qui est celle qui sépare une partie exclusivement active d'une partie exclusivement passive. La conscience observante est pure activité, la conscience observée pure passivité. On ne peut imaginer plus grand fossé, et pourtant nous sommes, à chaque instant, les deux. A chaque instant où nous sommes conscients et éveillés, au sens trivial du terme, pour répondre à ta deuxième question, c’est-à-dire où nous sommes pris dans une activité consciente.

Nous existons sous deux modalités disjointes, celle du sujet et celle de l’objet. Jamais nous ne pouvons nous saisir nous-mêmes en tant que sujet, car le sujet est toujours celui qui saisit, et ce qu’il saisit est toujours l’objet, même si c’est lui-même. Ce n’est d’ailleurs pas vraiment lui-même qu’il saisit dans ce cas, mais une image de lui-même, une représentation de soi. L’Englobant, c’est ce qui contient à la fois le sujet et l’objet. Il ne saurait être saisi par la conscience ni la pensée, qui ne peuvent saisir que des objets, puisqu’il englobe sujet et objet. C’est l’Être. Jaspers ne le nomme pas ainsi, pour bien marquer qu’il n’est défini par aucune modalité, qu’il n’entre avec rien dans un rapport dialectique, puisqu’il contient tous les opposés imaginables. L’être peut se définir en opposition au non-Être; l’englobant ne peut se définir en opposition à rien, il est parfaitement indéfini. Car définir, c’est situer à l'intérieur d'une limite; or l’englobant n’est limité par rien, puisqu’il englobe tout. C’est pour bien signaler que la totalité du possible est innommable, qu’elle ne peut être rencontrée, comme le dit Jaspers, mais que toute rencontre se fait en elle, qu’il la nomme l’Engobant plutôt que l’Être. L’englobant ne peut être pensé, car la pensée qui le saisirait le limiterait et le ferait ainsi déchoir de sa qualité d’englobant.

L’englobant est en amont de toute pensée, toute pensée se développe en lui, mais aucune ne le rencontre. A chaque instant, nous “sommes” l’englobant, et pourtant nous n’en percevons, à l’intérieur de notre conscience, que la modalité passive, objectale, et nous échappe continuellement la modalité active, le sujet. On peut décrire l’éveil comme la disparition de la modalité objectale, par la dissolution de l’ego, qui est la projection de soi-même dans le monde dévitalisé de la représentation, de sorte que seul le sujet actif subsiste, non identifié à une quelconque image de soi; ou alors on peut le décrire comme la découverte foudroyante de sa propre activité, d’une sorte de naissance à un soi actif, qui a en fait toujours été là, sans qu’on s’en aperçoive, englué qu’on était dans les objets qui peuplaient notre conscience et identifié soi-même à un tel objet.

Tout être conscient crée des représentations qui sont les objets peuplant sa conscience. Mais seul un être conscient de soi élit un de ces objets et le nomme “moi”, et identifie du même coup cet objet au sujet qu’il se découvre être. Et il tombe dans une méprise totale sur lui-même, puisque tout ce qu’il perçoit se situe du côté de l’objet, y compris lui-même, alors qu’il s’imagine percevoir la totalité. Lui manque justement l’élément qu’il croit le mieux connaître, autrement dit le sujet. Cruelle ironie de la nature. C’est ce que j’ai décrit dans la Naissance de la tragédie. L'individu conscient de soi, se méprenant sur lui-même en confondant l’image de lui projetée dans la conscience avec son origine, se trouve fatalement pris en porte-à-faux sur la scission sujet-objet. Et il ne peut la vivre que sur un mode tragique, car elle le fait tomber à chaque instant hors de l’unité, chuter à chaque instant hors du monde de l’action créatrice d'où il naît dans le monde des objets créés où il choit; il déchoit à chaque instant de sa qualité de sujet pour se transformer en objet, sous l’effet du maléfice de la scission sujet-objet. Il tombe dans la dualité.
Revenir en haut
Voir le profil du membre Envoyer un message privé Envoyer l'e-mail Visiter le site web du posteur
steffzen



Inscrit le: 04 Jan 2006
Messages: 65
Localisation: France 01

MessagePosté le: Ma 10 Jan 2006 3:45    Sujet du message: Répondre en citant

Excelent !
je trouve cette analyse rondement menée et très explicite et qui plus est, juste !
je me mets cependant à la place du lecteur qui découvre sur une aspiration spirituelle récente et trouve cela difficile comme support à une expérience concrète et surtout non philosophique et conceptuelle.
Comme tu le disais, sous une autre approche, on retrouve le meme principe par cette vision de l'oeil que j'aime tant :
l'englobant c'est l'oeil
le sujet c'est celui qui voit
l'objet c'est ce qui est vu
pour saisir l'unité sujet, objet; il faut s'abstenir de voir et se contenter d'etre oeil sans objet de vision, ce que je comprends comme l'englobant.
enfin , loll, désolé du dérangement

_________________
La forme est vide et le vide est forme !
Revenir en haut
Voir le profil du membre Envoyer un message privé Envoyer l'e-mail Visiter le site web du posteur MSN Messenger
christian



Inscrit le: 16 Juil 2007
Messages: 6

MessagePosté le: Je 26 Juil 2007 13:11    Sujet du message: Répondre en citant

joaquim a écrit:
Bonjour Petitmoyengrand, et bienvenue Smile

Cette image est observée par la conscience "observante" qui, elle, échappe obstinément à l'observation. Car aussitôt qu’elle est observée, la conscience observante perd sa qualité de source, et devient elle-même conscience observée pour une nouvelle conscience observante, située en amont. La conscience observante tombe comme un objet dans le champ de la conscience aussitôt qu'elle devient objet d'observation. .


Cela me fait penser à cette formule, un peu maladroite : "Je suis celui qui a ce que je suis."
Début d'une recherche sans fin, mais non vaine, d'un "Je" qui pourrait se connaître par l'avoir et non pas par l'être.

Voie fructueuse du désespoir, au sens de Comte-Sponville ("De l'Autre côté du désespoir", éditions ACCARIAS L'OROGINEL).
Revenir en haut
Voir le profil du membre Envoyer un message privé Envoyer l'e-mail
Jean Louis



Inscrit le: 28 Juil 2007
Messages: 103
Localisation: Bretagne

MessagePosté le: Sa 28 Juil 2007 10:29    Sujet du message: L'englobant Répondre en citant

Le premier chapitre de cet article me semble correspondre tout à fait à la description de Mark HADDON dans son roman (pour ados et adultes) : "Le bizarre incident du chien pendant la nuit " ed. Nils. (le narrateur est un jeune autiste). Voici des extraits. D'abord il parle d'une expérience scientifique : "

" « Dans cette expérience, on vous immobilise la tête et on vous fait regarder une page d'écriture sur un écran. Elle ressemble à une page d'écriture normale, sans rien qui bouge. Mais au bout d'un moment, quand votre oeil circule sur la page, vous vous rendez compte qu'il se passe quelque chose de très bizarre, parce que, quand vous essayez de lire un passage que vous avez déjà lu, vous découvrez qu'il a changé. C'est parce que quand l'oeil passe rapidement d'un point à un autre, on ne voit plus rien du tout et on est aveugle. Ces petits mouvements rapides s'appellent des saccades. Parce que si on voyait tout, au moment où l'oeil passe d'un point à un autre, on aurait la tête qui tourne. Et dans cette expérience, un détecteur sait à quel moment l'oeil passe d'un point à un autre et il en profite pour changer certains mots à un endroit de la page qu'on ne regarde pas.
On ne se rend pas compte qu'on est aveugle pendant les saccades, parce que le cerveau COMPLETE l'écran qu'on a dans la tête pour que ce soit vraiment comme si on regardait par deux petites fenêtres (les yeux ndr)....."

Un plus loin, il applique ce principe à l'existence :
" Les gens «voient l'écran qu'ils ont dans la tête et croient qu'il y a quelqu'un dans leur tête qui est en train de regarder l'écran, comme le capitaine Jean-Luc Picard dans Star Trek : la nouvelle génération, assis dans son fauteuil de capitaine en train de regarder un grand écran. Ils croient que cette personne est leur cerveau humain tout à fait exceptionnel qu'on appelle homoncule, ce qui veut dire un petit homme. Et ils croient qu'il n'y a pas d'homoncule dans les ordinateurs. Mais cet homoncule n'est qu'une autre image qui se projette sur l'écran qu'ils ont dans la tête. Et quand l'homoncule se trouve sur l'écran qu'ils ont dans la tête, (parce qu'ils pensent à l'homoncule) il y a un autre endroit du cerveau qui observe l'écran. Et quand on pense à cette partie du cerveau (la partie qui observe l'homoncule qui se trouve sur l'écran) cette partie du cerveau s'affiche sur l'écran et il y a une autre partie du cerveau qui observe l'écran. Mais le cerveau ne voit pas ce qui se passe parce que c'est comme au moment où l'oeil passe rapidement d'un point à un autre, et quand on arrête de penser à une chose pour penser à une autre, on est aveugle dans sa tête "

Ce qui est très interessant aussi, c'est cette question de discontinuité de la pensée (comme se plaît à le souligner aussi U.G.) et surtout, la question du processus par lequel cette discontinuité est masquée.

_________________
Je ne suis pas celui qui sait.
Revenir en haut
Voir le profil du membre Envoyer un message privé Visiter le site web du posteur
imazighan



Inscrit le: 24 Août 2007
Messages: 4

MessagePosté le: Ve 24 Août 2007 18:17    Sujet du message: Répondre en citant

Je suis tombé un petit peu par hazard sur l'introduction à la philosophie de Jaspers et je me suis heurté à l'épaisseur de sa pensée sur l'englobant. Grâce à vos explications, voilà le concept de Jasper plus limpide à mon esprit.
J'ai cru comprendre que cette homme incarnait en Allemagne l'existentialisme chrétien (deux notions qui me paraissaient antinomiques de prime abord, ne connaissant de l'existentialisme que la pensée sartrienne.)
Je me demande donc si ce n'est pas par l'englobant que Jasper tente de nous révéler son approche de Dieu.
La réponse à ma question se trouve peut-être dans les pages suivantes du livre mais je profite d'être en compagnie si éclairée pour me guider à travers cet ouvrage qui, malheureusement, me demeure encore bien opaque.
Revenir en haut
Voir le profil du membre Envoyer un message privé
Jean Louis



Inscrit le: 28 Juil 2007
Messages: 103
Localisation: Bretagne

MessagePosté le: Ve 31 Août 2007 12:33    Sujet du message: Jaspers Répondre en citant

Je ne crois pas que l'existentialisme de Sartre soit incompatible avec le christianisme. Malgré les positions du philosophe, on ne peut manquer de remarquer que sa conception de l'homme basée sur la responsabilité, la liberté ou le libre-arbitre, et l'engagement social sont dans le droit fil de cette religion. D'autre part, dans "L'existentialisme est un humanisme " on perçoit, en filigrane, une pensée eschatologique, (l'idée d'un jugement général au bout du compte) même si elle veut de donner des airs athées.
_________________
Je ne suis pas celui qui sait.
Revenir en haut
Voir le profil du membre Envoyer un message privé Visiter le site web du posteur
imazighan



Inscrit le: 24 Août 2007
Messages: 4

MessagePosté le: Ve 31 Août 2007 18:11    Sujet du message: Répondre en citant

Je crois que je ne me suis pas encore assez penché sur la doctrine chrétienne et toutes les subtilités qu'elle peut contenir, ni sur sa dimension philosophique. Je crois que j'ai peur de ne pas être à la hauteur d'une telle lecture, ou plutot de ne pas encore l'être. J'ai pu constaté à travers l'Histoire et les faits qui lui sont liés tout ce qu'a pu engendrer une interprétation érronée de sa lecture. Je la sens sage, lumineuse et dotée d'une immense profondeur. Pour l'intégrer je crois donc qu'il faut posséder une grande sagesse et un esprit éclairé. Je ne l'ai pas et comme le dirait Socrate, mon intelligence réside dans le fait que je me sache ignorant. La propagation de cette lucidité aurait épargné bien des peines je crois.
Mais vous qui m'avez l'air bien plus savant que moi à ce sujet, pouvez-vous m'éclairer sur quelques points, à commencer par les plus fondamentaux. Je vous en serai très reconnaissant.
Revenir en haut
Voir le profil du membre Envoyer un message privé
Jean Louis



Inscrit le: 28 Juil 2007
Messages: 103
Localisation: Bretagne

MessagePosté le: Sa 01 Sep 2007 8:09    Sujet du message: Jaspers Répondre en citant

" Je la sens sage, lumineuse et dotée d'une immense profondeur. Pour l'intégrer je crois donc qu'il faut posséder une grande sagesse et un esprit éclairé. "
Ah, Imazighan, je crains de ne pas être aussi bien disposé que vous à l'égard de la "doctrine chrétienne ".

Bien sûr, il y a eu Maître Eckhart, Jean de la croix, François d'Assise...
Je crois qu'un homme de bien peut faire quelque chose de bien avec les pires idéologies en les transcendant.

Et puis je suis comme vous, le savoir, c'est une chose souvent bonne. Mais en ce qui concerne l'être humain, je préfère la disposition de Socrate, de Lao-Tseu, de Krishnamurti et de bien d'autres Smile

_________________
Je ne suis pas celui qui sait.
Revenir en haut
Voir le profil du membre Envoyer un message privé Visiter le site web du posteur
imazighan



Inscrit le: 24 Août 2007
Messages: 4

MessagePosté le: Sa 01 Sep 2007 9:20    Sujet du message: Jasper Répondre en citant

Je me tournerai vers ces lectures, quand je sentirai mon esprit assez éguisé et assez perçant pour lire ce qui se cache derrière les mots. Pour le moment je l'éguise encore.
Et ma méfiance à l'égard des textes faisant une lecture trop avantageuse des religions est encore trop dure. J'ai peur qu'un homme trop habile, trop intelligent et voulant "vendre" sa croyance, occulte volontairement certains côtés plus sombres (s'il en est) sans que je ne puisse m'en rendre compte.
Je suis donc très hésitant, non pas seulement à me lancer dans la lecture de textes saints, mais aussi dans celle de ceux qui en offrent une explication plus détaillée, malgrès l'intérêt que je connais et que je porte à ce sujet.
Mais après tout je n'ai que 19 ans et je suis sur que le temps et la patience sont de bons alliés.
Bonne journée cher Jean-Louis.
Revenir en haut
Voir le profil du membre Envoyer un message privé
daniel



Inscrit le: 15 Fév 2006
Messages: 461
Localisation: belgique

MessagePosté le: Sa 01 Sep 2007 14:51    Sujet du message: Répondre en citant

il est important de rappeler, ici, sans doute, que sartre a grandi dans une famille protestante, et que "toute sa démarche" s'est (donc) inscrite dans la lutte contre l'idée (chère à un certain protestantisme), de la prédestination, c'est contre cela, et à juste titre, de mon point de vue, que s'est battu sartre, la liberté de choix contre la prédestination ... seulement, cette liberté ne peut qu'être relative, tant notre nature est fragile (et notre constitution fragile, liée à l'impermanence et à l'interdépendance de tout ce qui existe même, "précède" la liberté qui peut être excercée), c'est p'tête pour cela que sartre n'a pas tenu juqu'au bout, et s'en est, malheureusement remis à "Dieu", ou à quelque chose comme ça ...
Revenir en haut
Voir le profil du membre Envoyer un message privé
Montrer les messages depuis:   
Ce forum est verrouillé, vous ne pouvez pas poster, ni répondre, ni éditer les sujets.   Ce sujet est verrouillé, vous ne pouvez pas éditer les messages ou faire de réponses.    Index du forum -> L'infini dans le fini Toutes les heures sont au format GMT + 2 Heures
Aller à la page 1, 2  Suivante
Page 1 sur 2

 
Sauter vers:  
Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets
Vous ne pouvez pas éditer vos messages
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages
Vous ne pouvez pas voter dans les sondages


Powered by php B.B. © 2001, 2002 php B.B. Group
Traduction par : php.B.B-fr.com