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Regards sur l'éveil Café philosophique, littéraire et scientifique
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fabienne Invité
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Posté le: Ve 28 Oct 2005 4:32 Sujet du message: |
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Talomi a écrit: | Mmmmmm..... quelle verve! est-ce que tu connais vraiment ta Réalité? à te lire, je ne sais pas trop! l'ignorer n'est pas un défaut mais j'aimerais que tu sois plus bref et direct avec moi... tu sais les gens du Québec...
Je me surprends en flagrand déli d'un soupçon d'ironie... mais pas méchant et tout à fait conscient! |
Tu sais, les gens du Pacifique...
C'est peut-être une autre particularité féminine car je favorise aussi l'amour du vécu.
Regardons autour de nous et que voyons nous, en général ?
Les femmes sont dans le FAIRE et les hommes sont ailleurs (je laisse le soin aux garçons de nommer le verbe masculin)
La femme est dans l'essentiel lorsqu'elle s'exprime et si je revendique un langage au premier degré, Je lis chez Talomi, certes bien plus d'élégance que moi (de maturité aussi), mais beaucoup de simplicité!
L'échange reste fluide, souple, agréable et amical tant que nous maintenons notre attention à aucune interprétation!
Qui a dit que c'était facile ? |
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luz-azul
Inscrit le: 07 Août 2005 Messages: 243 Localisation: Valencia
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Posté le: Ve 28 Oct 2005 6:55 Sujet du message: |
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«La vérité éternelle essentielle n’est pas du tout en elle-même paradoxale, mais elle n’est telle que dans son rapport avec un sujet existant. »
« Objectivement, on accentue ce qui est dit; subjectivement, comment c’est dit. » C’est exactement cela. Nous filtrons le monde au-travers de notre propre vécu. Ce qui est vrai pour l’un peut se révéler faux pour moi (et inversement bien sûr) car chacun regarde son propre côté de la chose observée. On a donc tendance à ne considérer que la part du message qui nous interpelle en occultant le reste.
joaquim a écrit: | Comme le relève très justement feuille, ces échanges semblent très révélateurs de ce qui nous anime. Et plus particulièrement, je crois, de ce qui nous a blessé. Certains ont été blessés par l'intellectualisme stérile, d'autres par les gourous beaux-parleurs. [ |
J’ai découvert en juxtaposant ces posts mon étrange recul devant tout ce qui est Savoir imposé. Le Savoir n’ayant pas voulu de moi (on m’a viré très vite du lycée), je lui rends sans m’en rendre vraiment compte la monnaie de sa pièce. Ce faisant, je passe certainement au large de grandes richesses...
En son temps, je me suis sincèrement posé ces deux questions : avec quel outil puis-je progresser? et quel étalon de mesure pour mesurer les progrès que je pourrais faire ?
L’outil que j’ai utilisé, en tout, c’est la transgression : sans transgression, pas de doute, pas de découverte, pas de certitude (à chaque foi relative). Cultiver l’irrespect de ses propres convictions me semble le principal outil à utiliser dans la découverte du monde. Mais la transgression comporte une dimension conflictuelle. Et si le besoin de Vérité qui anime la recherche n’est pas bien saisi, c’est l’incompréhension (née du conflit) qui bloque alors les rapports avec l’Autre.
L’étalon de mesure est l’observation du résultat. Si le résultat est conforme au Chemin emprunté, la réflexion et l’action qui l’ont produit sont également bons. Dans le cas contraire, il faut alors reprendre le regard sur les choses qui nous a amené au point erroné et tout reconstruire, en prenant alors en compte le résultat biaisé.
L’observation de ces divers échanges m’a enrichi (et je vous en remercie tous). Surtout en ce qu’ils n’étaient pas conformes avec ma propre représentation...
Si on devait toujours être d’accord, la vie serait d’un triste...
Dernière édition par luz-azul le Ve 28 Oct 2005 8:58; édité 1 fois |
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fabienne Invité
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Posté le: Ve 28 Oct 2005 8:28 Sujet du message: |
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Citation: |
« Objectivement, on accentue ce qui est dit; subjectivement, comment c’est dit. »[/list]C’est exactement cela. Nous filtrons le monde au-travers de notre propre vécu. |
Bonjour Luz!
Je me suis aperçue ici, donc très récement que je filtrais systématiquement. C'est une prise de conscience intéressante et je m'applique à changer, à travailler ce qui me semble bien réducteur!
Oui, je prends la part qui m'interpelle et oui, j'occulte le reste et c'est sans doute le point positif des échanges sur forum, la relation écrite nous renseigne sur nos limites. |
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luz-azul
Inscrit le: 07 Août 2005 Messages: 243 Localisation: Valencia
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Posté le: Ve 28 Oct 2005 16:45 Sujet du message: |
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fabienne a écrit: | Les femmes sont dans le FAIRE et les hommes sont ailleurs (je laisse le soin aux garçons de nommer le verbe masculin). |
L'homme est pourtant très actif par nature : rêver, rêvasser, s’amuser, flaner, vagabonder, imaginer, songer, bailler, béer, regarder à la télé un référentiel bondir (*), boire un coup, faire la sieste sont des activités courantes et valorisantes qu'il pratique avec assiduité et grande implication. C'est difficile de définir son activité principale; elles sont bien trop nombreuses...
(*) pour certains Grands Gourous de l’Education Nationale, apprendre à « gérer son corps grâce à un référentiel bondissant » veut dire... jouer au foot ! |
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Talomi
Inscrit le: 16 Août 2005 Messages: 102 Localisation: Région Montréalaise/ Québec
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Posté le: Ve 28 Oct 2005 19:31 Sujet du message: |
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Je suis très stimulée par tous les propos que je lis ce matin avec un bon café! Je voudrais répondre à tout un lot d'arguments très intéressants mais je vais plutôt résumer mon ressenti qui en est un de rapprochement avec vous tous. Chacun semble avoir bien saisi ce qui se passe derrière nos échanges en ce moment et il me semble que nous nous enrichissons beaucoup les uns les autres. Je vois qu'ici effectivement nous bouclons entre nous! et c'est fameux!
Tu sais Philart, j'aime les philosophes motivés par une réelle intention de dépassement dans la transparence. Ils ont cette qualité qui est de chercher à saisir dans les moindres interstices de la pensée, une voix de pénétration de l'essence et ils finissent parfois par découvrir des trésors fabuleux que d'autres ne trouvent pas. C'est un peu ce que Stephen Jourdain m'a démontré lorsqu'il a décortiqué d'une façon si profonde et éclairante les degrés de la pensée et ce qu'elle est depuis sa source. Faut l'faire!! Sa ferveur à vouloir démystifier la vie dans toutes ses entre-couches cachées et sa qualité naturelle de philosophe éveillé lui vaut une faculté exceptionnelle de clairvoyance, il scrute et perce les mystères tel un cobra devant sa proie. Son amour et son respect pour la philosophie se transmet malgré nous, à travers nous et nous en bénéfiçions tous.
Ce que je n'aime pas ce sont les "blablabla" inutiles, les "gourous beaux-parleurs" comme le dit si bien Joaquim, et je ne te classe pas dans cette catégorie Philart, je te sens motivé par les "vraies affaires"! Je profite et bénéficie de ce forum, je suis heureuse d'échanger et de regarder les différents angles géométriques de notre nature humaine. La seule façon de le faire c'est en communiquant avec l'autre ce que je suis, sinon, je reste dans mon terrier à grater mon trou qui finirait par être ma tombe. Échanger ce que nous sommes devient une nécessité, un jour ou l'autre, sinon le narcissisme pourrait se cristaliser en nous.
Je ne désire pas ressembler à qui que ce soit par ma façon de m'exprimer, je me sens trop riche maintenant d'un univers impartial, inconditionnel et infini, pleine de mes couleurs propres qui viennent enrichir la diversité. Je vois la simplicité de la vie et je l'exprime d'une façon simple en restant tel ce qui m'anime, ce qui est la seule façon que je puisse être et je vois aussi les autres de cette façon: une grain de sable unique sur une grande plage de sable fin.
Je vous reviendrai plus tard car je n'ai pas le temps de tout dire en ce moment. |
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 1421 Localisation: Suisse
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Posté le: Ve 28 Oct 2005 22:02 Sujet du message: |
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Vraiment riches, ces échanges...
Juste une petite citation trouvée à l'instant sur le net pour réconcilier luz-azul avec l'Université, tirée d'une thèse de doctorat:
Citation: | Que l’entrée dans le cheminement soit lente et graduelle ou subite, elle nécessite, dans tous les cas étudiés, la prise de conscience que quelque chose existe peut-être derrière la réalité construite et conceptuelle dans laquelle nous évoluons. Il s’agit d’un dévoilement du monde ontologique, du monde caché suscitant un questionnement profond sur le sens de la vie, sur la mort, la souffrance, …
L’autorisation à s’engager vers la réalisation de soi peut se produire au moment de la prise de conscience. Elle invite l’individu à aller chercher des réponses à ses questions, elle pousse au changement, à l’ouverture à l’inconnu, au voyage intérieur ou extérieur, à la découverte, à la transgression de ce qui est établi, à l’acceptation de l’altérité, au métissage avec d’autres valeurs.
Celui qui reste dans la peur et le refus du changement ne s’autorise pas à l’engagement que suscite le cheminement vers soi et reste fermé ou bien conscient, mais bloqué dans une conscience limitée souvent associée à une pensée rationnelle, technique et scientifique. |
Source: http://www.barbier-rd.nom.fr/Macrezresume.html
Bon, c'est vrai que faire une étude scienctifique sur l'éveil a quelque chose d'un peu contradictoire dans les termes. Déjà le simple fait d'en parler, comme on le fait ici, fait violence à sa nature; mais au moins, ici, on ne fait pas que disserter, on parle de vécu, et surtout: on échange. Et c'est chaque fois la surprise: les mots, qu'on avait chargés de refléter aussi fidèlement que possible ce que l'on pensait, oublient leur si noble mission, et au lieu de convaincre ou d'éclairer, ne s'occupent plus que de faire boire nos esprits à la source d'une vie qui naît de leur communion.
luz-azul a écrit: | L’outil que j’ai utilisé, en tout, c’est la transgression : sans transgression, pas de doute, pas de découverte, pas de certitude (à chaque foi relative). |
Cela me semble absolument essentiel. La transgression est indissociable de la prise de risque, du franchissement de la barrière de l'ego. Le terme n'est pas seulement réthorique: oser passer outre l'ego est vécu subjectivement vraiment comme une transgression, à la fois angoissante et jubilatoire.
Dernière édition par joaquim le Sa 29 Oct 2005 0:49; édité 1 fois |
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fabienne Invité
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Posté le: Ve 28 Oct 2005 23:25 Sujet du message: |
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Citation: | L'homme est pourtant très actif par nature : rêver, rêvasser, s’amuser, flaner, vagabonder, imaginer, songer, bailler, béer, regarder à la télé un référentiel bondir (*), boire un coup, faire la sieste sont des activités courantes et valorisantes qu'il pratique avec assiduité et grande implication. C'est difficile de définir son activité principale; elles sont bien trop nombreuses |
C'est mon deuxième plaisir de la journée, il n'est que 8 heures...!
Je ne savais pas l'homme si actif !
Merci pour le sourire que vous nous offrez. Avec les fleurs, je prends de bon coeur.
Bon weekend! |
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Philart
Inscrit le: 19 Juil 2005 Messages: 21
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Posté le: Sa 29 Oct 2005 10:27 Sujet du message: |
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Le samedi 29 octobre 2005 au matin, à Paris.
Philart en aparté pour Fabienne et un peu pour les autres.
Comme le hasard est convoqué. Non, c'est faux, c'est parce que nous sommes dans la méconnaissance des choses qu'il est le déclencheur de ce qui nous arrive !
Alors, je dois vous expliquer qu'une amie est venue passer environ un mois à Paris chez un parent très proche et, hier soir, elle nous a préparé, à défaut du petit-déjeuner que vous veniez de prendre, un excellent plat : un Bami, plat indonésien. Nous l'avons dégusté avec une partie de la famille et d'autres amis. Un régal qui fera date, une marque à ranger dans les souvenirs, l'entaille qu'on fait dans le bois pour se remémorer l'instant qui par réflexivité ressurgira à des moments imprévisibles. À cela se mêlent les saveurs des condiments d'origines et parce qu'elle avait emporté avec elle du vermicelle chinois ; à des milliers de kilomètres à la ronde, aux antipodes de Paris, on mangeait indonésien et chinois comme à Nouméa on aurait pu le faire. En insulaire, qui vit là-bas où, pour nous parisiens, si loin de notre continent et pour elle, comme pour vous, vous êtes entourées par les océans et est-ce la raison pour laquelle entre tous les apports culturels, l'art culinaire en est un majeur ? Ces fragments de saveurs qui ne demandent qu'à ressurgir par le goût et par surprise plus tard, toujours quand on ne les attend pas. Ces petits retours, platoniciens et évidemment proustiens qui s'immiscent, comme ça, sans nous avertir dans la pensée.(1) La petite idée qui émerge et nous "efface", nous "transparence" aux antipodes. Ainsi cette amie, a cuisiné par gratitude, avec la pointe d'amour en plus, un cadeau à déguster, de départ et de retour sur votre île d'adoption (si je ne trompe pas). Donc, en fin de matinée elle va prendre l'avion pour rejoindre Nouméa. Un long voyage très fatigant à cause de sa durée et de l'escale obligatoire qui oblige à de longues heures d'attente dans un aéroport de transition. Voilà, quand elle sera de retour, par rapport à nous, elle aura la tête en bas, alors que nous, à Paris, devrions avoir la tête retournée et le cœur chaviré par tant d'exploits de voyages.
(1)
http://www.cafe-eveil.org/forum/ftopic12.html
Marcel Proust : le temps retrouvé
philart à vous…
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fabienne Invité
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Posté le: Sa 29 Oct 2005 23:41 Sujet du message: |
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Bonsoir Philart, à tous!
Votre amie vous a offert un peu du parfum local car le bami, ce plat indonésien, fait partie de notre culture culinaire.
Nous vivons sur une îsle minuscule puisqu'il est possible d'en faire le tour en deux ou trois jours.
Nous sommes très influencés par diverses cultures, Indonésienne, Tahitienne, Mélanésienne, Wallisienne, Autralienne, Néo-zélandaise..... la liste continue!
Nous vivons naturellement avec une part intégrée des autres ethnies et ce brassage culturelle est sans doute la beauté de l'isle!
J'ai fait un bami, la semaine dernière et je prépare une salade tahitienne pour le repas de ce midi.
L'art culinaire n'est pas un art majeur, je crois que nous avons une qualité de vie exceptionnelle et nous faisons de la vie un art majeur!
Mon fils est partie cette année en France car il ne supportait plus l'étroitesse de la Calédonie. Il a tenu un mois à Paris et il lui a fallu cette expérience pour comprendre et aimer son environnement naturel.
Je le vois encore avec cette étrange expression, sur le visage. Il se tenait sur la terrasse silencieux, perplexe!
Je lui ai demandé ce qui se passait et il m'a répondu :
"-Je ne savais pas comme c'était beau!"
Il y a de la place ici alors, si vous avez l'âme d'un voyageur...Mes parents ont tout abandonné en France pour s'installer au bout de monde et pour ce choix, merci!
Le voyage est vraiment long et difficile. L'escale dont vous parlez est Osaka, c'est la seule sur un voyage d'une trentaine d'heures et vous restez en transit six heures. C'est une épreuve!
Vous dites que le hasart n'existe pas et je le pense car voyez-vous, il est fort possible que je connaisse votre amie. |
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Talomi
Inscrit le: 16 Août 2005 Messages: 102 Localisation: Région Montréalaise/ Québec
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Posté le: Di 30 Oct 2005 21:40 Sujet du message: |
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fabienne a écrit: |
Il y a de la place ici alors, si vous avez l'âme d'un voyageur...Mes parents ont tout abandonné en France pour s'installer au bout de monde et pour ce choix, merci! |
Fabienne, là c'est tenter le diable.. ou plutôt les anges car ils ont des ailes . Je suis allée sur internet pour en connaître davantage sur ta petitie île paradisiaque et la tentation est très forte... mais les moyens trop restrients... pour l'instant! Depuis au moins 20 ans , je rêve de camper chez vous pour un temps. Je te demanderai dans un message privé quelques informations à ce sujet mais pas tout de suite. |
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 1421 Localisation: Suisse
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Posté le: Di 30 Oct 2005 23:58 Sujet du message: |
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Au cours d'un long voyage que j'ai fait il y a 10 ans, j'ai passé quelques semaines en Nouvelle-Calédonie. Nous avions fait la connaissance, mon amie et moi, quelques mois plus tôt, au Népal, d'un Français qui se rendait prochainement à Uvéa, une petite île de Nlle-Calédonie, pour y prendre le poste d'instituteur dans une tribu canaque. Si bien qu'une fois débarqués, nous sommes allés lui rendre visite; il était lui-même arrivé depuis une semaine seulement, et n'avait pas encore déballé tout son matériel dans la case qui lui avait été attribuée. Le village était constitué d'une grande place, entourée des cases de paille, certaines rondes, d'autres carrées, et sur un des bords de la place s'alignaient des tables ombragées, comme pour un grand banquet. Il y avait une bonne cinquantaine d'indigènes attablés, nous observant avec des airs méfiants. Nous nous réfugiâmes à la suite de notre hôte dans sa case, et il nous expliqua alors qu’il convenait, pour que nous puissions être acceptés par la tribu, de pratiquer la “coutume”. Il alla à cet effet chercher le chef, qui vint avec son épouse, et déroula une grande natte sur laquelle il nous invita à nous asseoir. Notre ami, qui nous connaissait à peine, dut alors nous présenter, et broda tant qu’il put pour faire durer son discours. Les Canaques ont en effet tout leur temps, et il aurait été inconvenant que les présentations durent moins d’un quart d’heure. Le contenu du discours est accessoire, mais la forme, et en particulier la durée, elle, est capitale. Lorsque le chef parut satisfait, notre ami nous invita à lui remettre un cadeau. Il n’était pas nécessaire d'un cadeau important, une petite coupure de monnaie par exemple suffisait. Mais il était nécessaire qu'il y ait échange. En acceptant notre cadeau, le chef prononça quelques mots de bienvenue, et nous autorisa à nous considérer dès cet instant ici comme chez nous. Ce qui n'étaient pas des mots en l’air! Nous aurions pu parfaitement nous rendre dans sa case, et nous servir dans son frigo (car il y a des frigos: Canaques, oui, mais Français quand même, au bénéfice du RMI: étonnant choc des cultures...).
La coutume terminée, lorsque nous sortîmes de la case, aucun de ces regards curieux et vaguement hostile qui nous avaient accueillis à l'arrivée ne se posa plus sur nous. Plus personne ne nous regardait, comme si nous n'étions plus des étrangers. Nous fumes aussitôt invités à nous joindre à la tablée. Nous apprîmes alors que plusieurs tribus étaient ici rassemblées pour les funérailles du père du chef. Le repas durait sans interruption depuis deux jours, les convives se relayant pour passer à table. Les jeunes faisaient le service, les femmes cuisaient. La journée fut ainsi rythmée par les appels à passer à table. Nous nous régalâmes de poisson cuit sous la cendre, et échangeâmes avec les autres convives des paroles plutôt joyeuse. Le plus âgé nous expliqua que chez eux, la mort n’était pas une chose triste. Lorsque le poisson vint à manquer, il fut décidé que les hommes partiraient à la pêche, pour prolonger les festivités, qui ne sauraient durer moins de trois jours. Ils revinrent avec tant de poisson qu’elles en durèrent quatre. Et nous réalisâmes alors que ces hommes ne connaissent pas la contrainte qui marque profondément notre vie, si profondément et de manière si évidente qu’on en oublie qu’elle existe: l’inexorable écoulement du temps. Chez eux, chaque jour qui vient est semblable au précédent, nul besoin de prévoir ni de faire des provisions, la nature est là, généreuse, et pourvoit immédiatement au besoin. Il n'y a pas même de vraie saison qui permette de découper l’année. Lorsque nous discutâmes avec quelques enfants du village à propos du personnage de Jésus — les membres de cette tribu étaient évangéliques — nous nous aperçûmes qu’ils étaient convaincus que Jésus était aujourd’hui encore vivant, non pas dans le sens où le prétend la foi, mais dans un sens tout-à-fait littéral. Tenter de leur expliquer le contraire était peine perdue. La notion de deux mille ans était pour eux un concept vide de sens. Pour eux, il y a hier, aujourd’hui et demain. Pas plus loin. S’il est mort, c’est hier. Mais deux mille ans... Proprement inconcevable. Notre ami nous confirma que l'enseignement de l'histoire promettait de s'avérer particulièrement laborieux sous ces cieux trop cléments...
Alors, Fabienne, te laisses-tu toi aussi bercer par ce temps éternel, qui s'écoule nonchalamment sans marquer les jours de son sillon, et qui représente peut-être bien une voie, un peu particulière, de lâcher-prise? |
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fabienne Invité
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Posté le: Lu 31 Oct 2005 9:14 Sujet du message: |
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C'est un magnifique témoignage et vois-tu Joaquim, je ne suis jamais allée à Ouvéa.
J'ai connais surtout la brousse pour y avoir vécu, Poindimié et Touho, sur la côte Est.
Citation: | Pour eux, il y a hier, aujourd’hui et demain. Pas plus loin. S’il est mort, c’est hier. Mais deux mille ans... Proprement inconcevable. Notre ami nous confirma que l'enseignement de l'histoire promettait de s'avérer particulièrement laborieux sous ces cieux trop cléments... |
Oui, cette particularité est intéressante à souligner et nous l'avons aussi intégrée.
Nous n'avons aucune notion du temps et j'ai toujours pensé que la raison était l'absence de saisons comme en Europe.
Nous avons la saison fraîche et la saison chaude. Les mois, les ans passent et nous ne voyons absolument rien!
Si la raison n'est pas là, il est possible que ce soit l'influence bienheureuse du monde mélanésien et polynésien.
Je ne sais pas!
Je me sers aujourd'hui de cet outil car je me suis aperçue que c'était une sorte de bonus, je n'ai pas à me laisser bercer par ce temps éternel, le temps est réellement un concept totalement abstrait.
Le temps est inexistant!
Le lacher prise, oui Joaquim, la plupart du temps mais pour être honnête, je viens de vivre la prise totale.
J'ai des problèmes de voisinage (ben oui, ici aussi) je vis à côté de quelqu'un qui ne supporte pas la végétation. J'ai entendu le bruit de son sécateur lorsque j'ai commencé à te répondre.
J'ai bondi du clavier et j'ai un peu perdu mon sang-froid (faut pas toucher à mère nature)
Je ne suis pas fière de moi et j'ai encore mal d'une très forte accélération cardiaque.
Le lacher-prise ? ya du boulot encore! |
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 1421 Localisation: Suisse
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Posté le: Lu 31 Oct 2005 21:55 Sujet du message: |
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fabienne a écrit: | J'ai des problèmes de voisinage (ben oui, ici aussi) je vis à côté de quelqu'un qui ne supporte pas la végétation. J'ai entendu le bruit de son sécateur lorsque j'ai commencé à te répondre.
J'ai bondi du clavier et j'ai un peu perdu mon sang-froid (faut pas toucher à mère nature)
Je ne suis pas fière de moi et j'ai encore mal d'une très forte accélération cardiaque.
Le lacher-prise ? ya du boulot encore! |
J'ai l'impression que cette notion de lâcher-prise te complique terriblement la vie. Pourquoi n'aurais-tu pas eu le droit de te fâcher contre ton voisin (surtout pour une si noble cause)? Ton coeur n'aurait-il pas battu deux fois moins fort, si tu n'avais pas été prise, en plus du conflit avec ce voisin, dans un autre conflit, intérieur, provoqué par une espèce de tyran idéaliste qui te reprochait ton émotion?
La vie est infiniment simple... bien qu’elle soit aussi infiniment exigeante. Elle veut nous voir tout nus, sans plus une seule particule de sécurité à quoi nous raccrocher, derrière laquelle nous cacher, hormis la confiance que nous avons en Elle.
Lâcher-prise, c’est lâcher non pas telle ou telle émotion, mais lâcher la routine dans laquelle on est enfermé. C’est toujours un saut dans l’inconnu, une transgression, un passage outre l’interdit. Pas la transgression pour la transgression, mais oser n’être rien d’autre que soi.
Pour celui qui est esclave de ses passions, lâcher-prise, c’est se dégager de l’emprise des passions. Mais pour celui qui est esclave de son idéal (et c’est la majorité des chercheurs sur le Chemin), lâcher-prise, c’est se dégager de l’emprise de son idéal, c’est le transgresser.
Il ne s’agit jamais de lutter contre ce qu’on est, mais toujours contre ce qui nous enferme. Seule toi peut savoir ce qui t’enfermait dans l'épisode que tu relates. Etait-ce le lion en toi qui t’enfermait dans sa passion, ou bien était-ce lui qui s'est trouvé enfermé par ta raison?
Les animaux sont des maîtres du lâcher-prise. Mais si tu marches sur la queue d’un lion, il te montrera ses crocs sans états d’âme. Nous n’avons bien sûr pas nécessairement à être des lions, mais à être nous-mêmes. Pourtant, si à un moment donné, il y a un lion en nous, pourquoi le juger? |
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fabienne Invité
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Posté le: Lu 31 Oct 2005 23:36 Sujet du message: |
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Terriblement ? je ne pense pas mais tu as raison, cette notion me complique les choses car je crois ne pas la comprendre.
Comment progresser vers une chose que l'on ignore car vois-tu, j'ai aussi un souci de compréhension avec cette notion de transgression.
Je ne crois pas qu'une noble cause puisse justifier une colère et mon conflit intérieur est de ne pouvoir résoudre ce vieux problème.
Nous avons passé trois années à subir ce que j'ose nommer, un harcellement, mon voisin vit diverses psychoses.
Nous avons été dans la négociation, la soumission à ses exigences et quels furent les résultats ?
Cela a empiré, cela a pris une orientation dangereuse. J'ai été prudente depuis le début car cet homme a la "gachette facile". Il vit armé et son passe temps est la confection des munitions.
Je connais le bruit de son travail, je l'entends tous les weekends.
J'ai décidé de ne plus le craindre et d'être maintenant défensive. J'ai fait une démarche de plainte et notre vie semblait mieux se passer depuis six mois et que vois-je hier ?
Il n'a rien compris et recommence. Que fait-il ? il vient dans mon jardin et coupe mes plantations.
Pourquoi ? parce qu'il ne supporte pas la présence de séparation entre nos habitations, il veut une sorte de pouvoir par l'observation continue de nos allées et venues.
Alors dis mois Joaquim, quelle est la juste attitude ?
A quel niveau dois-je lacher prise ? me détacher de l'état de mes plantes ? Me détacher de la présence agressive d'un homme ? me détacher de la crainte qu'il utilise ses longs calibres, il nous en a fait la menace lorsque nous avions des tourterelles dans notre volière!
Nous avons dû nous en séparer car il ne supportait pas le chant des oiseaux
Existe-t-il des réponses spirituelles à toutes les situations de vie ? |
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 1421 Localisation: Suisse
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Posté le: Ma 01 Nov 2005 14:59 Sujet du message: |
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Ton problème n’est effectivement pas simple. Je n’avais évidemment pas perçu cet arrière-plan têtu lorsque j’ai écrit les lignes du post précédent. Il n’y a malheureusement pas d’attitude idéale dans une situation où l’on est soumis à l’arbitraire d’autrui, sans possibilité d’y échapper. Lorsqu’on reçoit des coups, on ne peut pas s’empêcher d’avoir mal. N'en rajoute toutefois pas en t'accablant...
fabienne a écrit: | Existe-t-il des réponses spirituelles à toutes les situations de vie ? |
Je ne sais pas trop ce que tu entends pas l’expression “des réponses spirituelles”. Si l’on parle de l’éveil, alors il faut dire que celui-ci ne saurait en aucun cas être mis au service d’une cause, quelle qu’elle soit. L’éveil n’apporte aucune recette. Il ne “sert” à rien.
fabienne a écrit: | Comment progresser vers une chose que l'on ignore car vois-tu, j'ai aussi un souci de compréhension avec cette notion de transgression. |
C’est là justement le ressort de la transgression: progresser vers une chose que l’on ignore, et prendre le risque de s’y lancer.
fabienne a écrit: | Je ne crois pas qu'une noble cause puisse justifier une colère et mon conflit intérieur est de ne pouvoir résoudre ce vieux problème. |
Personnellement, je pense que si. Une colère peut être habitée. A condition que son mobile vise à libérer d’un enfermement. Soi-même ou autrui. Et en l’occurrence, cet homme cherche bel et bien à t’enfermer sous son emprise.
Permets-moi ces quelques réflexions. Le mal nous blesse, parce qu’il nous ampute de quelque chose à quoi nous avons légitimement droit. Dans la nature, le mal arrache quelque chose qui est, pour permettre à quelque chose de nouveau d’apparaître. Ainsi, les bouleversements apocalyptiques du Crétacé ont conduit à l’extinction des dinosaures, mais ils ont ainsi permis le plein développement des mammifères. Et pourtant, les dinosaures étaient bien légitimement là, puisqu’ils étaient. Dans nos vies à nous, qui sont chacune un monde en soi, c’est la même chose. Le mal nous arrache quelque chose qui nous constitue. Mais il ne nous fait si mal que tant que nous sommes persuadés ne pas pouvoir vivre sans ce qu’il nous arrache, ou menace de nous arracher. Si l'on parvient à changer simplement de point de vue, si l'on parvient à le regarder, au moins partiellement, comme un élément perturbateur qui nous oblige à grandir, à changer, à nous dépouiller, alors on transforme l'aiguillon douloureux en aiguillon de croissance. Manifestement, tu ne peux pas imaginer vivre ailleurs qu’à côté de ce voisin. Et c’est cela qui lui donne un tel pouvoir sur toi. Si tu pouvais envisager, ne serait-ce que dans ta tête, le fait de partir avec sérénité, comme on changerait de vieux habits, il n’aurait plus un tel pouvoir sur toi, et tu ne t’énerverais plus ainsi contre lui. Je ne dis bien sûr pas qu’il faille partir, et peut-être même cela ne t’est-il matériellement pas possible. Mais désamorcer la menace ultime que le mal fait peser sur soi permet de se dégager partiellement de son pouvoir, mieux encore, de l’utiliser à son profit. Ne le prend pas comme si je te faisais la leçon! C’est toujours facile de parler quand on n’est pas soi-même pris dans le filet. Mais cela permet aussi d’apporter peut-être un autre regard, qui puisse aider à desserrer les noeuds. |
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