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Regards sur l'éveil Café philosophique, littéraire et scientifique
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luz-azul
Inscrit le: 07 Août 2005 Messages: 243 Localisation: Valencia
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Posté le: Di 30 Oct 2005 8:57 Sujet du message: Ah, l'Amour... |
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Montaigne disait que le bon sens est une des choses les mieux partagées puisque personne ne se plaint jamais d‘en manquer... Avec l’amour, c’est exactement le contraire car le monde entier se lamente en permanence de n’en avoir jamais assez...
Au—travers des multiples idéaux humains, on se paie de mots et on dilapide le temps de nos vies sans jamais aller plus loin que les concepts qui nous font courir. L’amour me semble être le plus fallacieux de ces concepts. Pourvu des beaux atours de l’idéal, il se présente à nous comme la chaleur évidente de nos existences, comme un droit auquel chacun pourrait prétendre et qu’il nous faudrait seulement attendre, certains de notre droit à l’obtenir et vigoureux râleurs quand on constate son manque.
Cet amour là trouve difficilement existence ailleurs que dans l’attente de nos cervelles car il ne se manifeste que lorsque nos désirs se trouvent comblés. Dit comme ça, c’est sûr, le manque nous guette à chaque détour du chemin ; et les compromissions qu’on fait avec soi-même pour qu’il survienne sont la source de bien des misères...
Voyons donc ces innombrables moi-mêmes qui l’attendent et qui restent sur leur faim... L’amour me semble vigoureusement rétif à tout désir qu’on a de lui, à toute recherche et, malgré le droit que nos pensées s’en attribuent, il n’existe pas vraiment. L’amour est un beau concept, certes, mais ne me semble pas avoir d’existence légale ! D’ailleurs, le mot « amour » est si usé à force d‘avoir traîné dans toutes les bouches qu’on se demande bien encore de quoi on veut parler.
Par contre, ce qui surgit soudain, lorsque le petit moi s’affaisse, c’est la puissance du lien qui me relie aux autres moi-mêmes et le torrent d’énergie dont m'inonde Sa Présence.
Ce lien qui me relie aux autres est caractérisé par un ensemble de qualités dont la première me semble « la compassion ». Cette compassion survient quand je suis en présence de la souffrance d’un autre moi-même, quand je ressens en moi sa détresse comme une chose palpable, vivante. La compassion, c’est l’identité vibrante qui s’établit alors et qui m’unit au cœur de l’autre, non pas le simili cœur mû par l’ego, il a peu d’intérêt, mais le vrai cœur de l’homme, la nature profondément humaine de son être.
Les hommes de religion disent qu’« il faut avoir de la compassion ». L’usage de l’auxiliaire « avoir » est représentatif de leur méconnaissance car la compassion ne s’acquière pas, ne se « veut » pas, ne se monnaye pas, ne se cherche pas, ne se trouve pas. Elle naît en même temps que l’Etre surgit en nous. Elle « est » simplement, comme une caractéristique permanente de l’Etre.
La seconde qualité est « le besoin d’aider ». Je suis toujours étonné de constater ce mouvement spontané vers l’autre moi-même, qui naît dans l’instant où son besoin est perçu et qui n’a d’autre but que l’immédiate compensation du déséquilibre qui le fait basculer. Le « besoin d’aider » n’est d‘ailleurs pas un « besoin », c’est simplement l’évidence qui meut l’action : redresser ce qui se tord pour rejoindre la rectitude de l’être.
Le troisième attribut est « la douceur », complément parfait de la compassion et du besoin d’aider. Car la détresse de l’autre est toujours cruelle et l’éloigne de son centre. La douceur permet d’établir le contact avec le cœur blessé, de repousser avec délicatesse la main agressive de sa détresse et de l’en détacher pour qu’il revienne au centre.
Compassion, besoin d’aider et douceur me semblent les qualités d’un être qui vit. Paradoxe des mots dont on a besoin pour nommer car ces « qualités » ne sont pas ressenties comme telles. Dans l’être qui vit, rien n’est revendiqué. Tout est action née de l’instant. Tout est bonheur de faire. Tout est joie dans l’évidence.
Et puis, il y a Sa Présence. Et mes mots qui sont intimidés pour décrire Cela. |
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 1421 Localisation: Suisse
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Posté le: Lu 31 Oct 2005 0:14 Sujet du message: Re: Ah, l'Amour... |
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luz-azul a écrit: | La compassion, c’est l’identité vibrante qui s’établit alors et qui m’unit au cœur de l’autre, non pas le simili cœur mû par l’ego, il a peu d’intérêt, mais le vrai cœur de l’homme, la nature profondément humaine de son être. |
J'ai lu dernièrement ces belles phrases de Simone Weil, qui me semblent entrer en parfaite résonnance avec les vôtres:
«Seul le vrai renoncement au pouvoir de tout penser à la première personne, ce renoncement qui n’est pas un simple transfert, permet à un homme de savoir que les autres hommes sont ses semblables. Ce renoncement n’est pas autre chose que l’amour de Dieu, que le nom de Dieu soit présent ou non à la pensée. C’est pourquoi les deux commandements n’en font qu’un. En droit, l’amour de Dieu est premier. Mais, en fait, comme chez l’homme toute pensée concrète a un objet réel ici-bas, ce renoncement s’opère nécessairement pendant que la pensée est appliquée soit aux choses, soit aux hommes. Dans le premier cas, l’amour de Dieu paraît d’abord comme adhésion à la beauté du monde, l’amor fati stoïcien, l’adhésion à cette attribution indiscriminée de la lumière et de la pluie qui exprime ici-bas la perfection de notre Père céleste. Dans le second cas, l’amour de Dieu apparaît d’abord comme amour du prochain, et avant tout du prochain faible et malheureux, celui que, selon les lois de la nature, nous n’apercevrions même pas en passant près de lui. Au reste, de même que la véritable compassion est surnaturelle, de même aussi la véritable gratitude.»
Simone Weil, Oeuvres, Commentaires de textes pythagoriciens, Quarto Gallimard, pp. 607 |
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luz-azul
Inscrit le: 07 Août 2005 Messages: 243 Localisation: Valencia
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Posté le: Ma 01 Nov 2005 13:17 Sujet du message: |
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simone Weil a écrit: | Au reste, de même que la véritable compassion est surnaturelle, de même aussi la véritable gratitude. |
Essayons quand même de rapprocher nos mots de Sa Présence. Simone Weil nous le propose en ouvrant le chemin de « la gratitude ».
Dans tout ce que je lis, il est dit que l’être humain doit « avoir de la gratitude », « recevoir avec gratitude », « ne pas être sans gratitude envers... », etc... Toutes ces formules indiquent que la gratitude serait un sentiment purement humain, expression du remerciement de l’homme en face de son créateur.
Dans un premier temps, quand on cherche cette gratitude en soi, on constate donc qu’elle est le remerciement silencieux que notre être Lui adresse pour la vie qu’Il nous a donnée, la beauté des paysages qu’Il nous a fait découvrir et la profondeur des choses qu’Il nous a révélées.
Mais qu’un problème surgisse dans nos petites vies, que la douleur dépasse le plaisir, et cette gratitude là s’efface bien vite en révélant au passage toute son humaine superficialité. Et les paroles de Nietzsche me reviennent à chaque fois : « humain, trop humain... ».
Ce qui est par contre puissant au-delà de toute mesure, c’est le torrent intérieur qui nous submerge parfois, flux intense qui nous porte, nous transporte, nous traverse, nous secoue, nous vole à nous-même et nous laisse pantelants, les yeux mouillés par les larmes du bonheur...
Ces moments intenses de bonheur qui font vibrer chaque parcelle de notre corps, c’est plutôt cela que j’appellerai « la gratitude ». Et cette merveilleuse sensation d’exister n’apparaît plus alors comme un remerciement de l’humain au Divin (ce serait dualité) mais comme l’expression de la Joie qu’Elle déclenche dans le cœur de l’homme par Sa présence.
Il ou Elle, je ne sais d’ailleurs pas. Lui est ce qui est et Elle est Son mouvement. Et les Deux ne sont qu’Un, n’est ce pas ? |
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Murièle
Inscrit le: 29 Août 2005 Messages: 22
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Posté le: Ma 01 Nov 2005 19:39 Sujet du message: |
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Luz Azul a écrit :
« Ce qui est par contre puissant au-delà de toute mesure, c’est le torrent intérieur qui nous submerge parfois, flux intense qui nous porte, nous transporte, nous traverse, nous secoue, nous vole à nous-même et nous laisse pantelants, les yeux mouillés par les larmes du bonheur...
Ces moments intenses de bonheur qui font vibrer chaque parcelle de notre corps, c’est plutôt cela que j’appellerai « la gratitude «
Il est difficile parfois de mettre des mots sur ce que l’on vit …difficile de re-connaître …. Enfin cela est vrai pour moi.
Merci pour cet essai de mot : « la Gratitude » sur ces instants de Grâce que je vis également ...
Tout mon être est, dans ces moments, envahi d’Amour….tellement qu’il me semble impossible de Le contenir ….et les larmes coulent….
Gratitude, oui je crois .... car nous ne sommes plus que –cela- dans ces moments là…
Je me suis beaucoup demandé ces derniers temps ….pourquoi ? et quelle utilité ?
Je n’ai pas trouvé de réponse à « cela »…
J’aimerai également ajouter par rapport à l’extrait suivant de Talomi :
"et si j'étais éternelle, tel que je suis, avec mon corps, comment ça serait?". Et j'ai joué le jeu, j'ai fait "comme si c'était vrai", du mieux que j'ai pu et ce que ça m'a donné, c'est que je suis tombée automatiquement dans le moment présent, vraiment, et tout a changé autour de moi, les couleurs, les odeurs, l'environnement au complet était d'une beauté décuplée, je me sentais au paradis! il y avait un calme inouie en moi, je me suis arrêtée de marcher pour observer la paix qu'il y avait partout "in and out", bien oui, puisque j'avais maintenant TOUT mon temps, alors le temps a disparu et la beauté du moment est apparue! Je me suis passée la réflexion que l'on devrais toujours se rappeller qu'on est éternel, c'est quand on le réalise qu'on touche au bonheur et à la joie.
J’ai commencé dernièrement un travail de présence à moi-même « dans le corps », et j’ai noté que ce travail favorisait ces moments de « bonheur » décrits plus haut….
Il semblerait qu’il me faille apprendre à « contenir » ce qui m’est donné….
Si quelques un(e)s d’entre vous sont passés par Là, je suis preneuse des petits cailloux laissés sur le Chemin
De tout coeur |
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 1421 Localisation: Suisse
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Posté le: Ve 04 Nov 2005 2:32 Sujet du message: |
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sourire a écrit: | J’ai commencé dernièrement un travail de présence à moi-même « dans le corps », et j’ai noté que ce travail favorisait ces moments de « bonheur » décrits plus haut….
Il semblerait qu’il me faille apprendre à « contenir » ce qui m’est donné…. |
Voilà qui me semble absolument capital. Je crois bien que sur le chemin, on n'a jamais fini d'apprendre à en contenir toujours plus. Et c'est par le corps que cela passe. En contenir plus, c'est laisser s'écouler en soi chaque sensation, chaque brin d'herbe qu'on voit, chaque expression d'un visage qu'on croise; être présent dans cette sensation, de sorte qu'on l'habite, qu'elle devienne un soi qu'on explore, qu’on caresse d’une main intérieure, pour recevoir la vie qui l’anime, mais qu'à aucun moment on ne cherche à la saisir, à se la représenter, sans quoi ce n’est plus un “soi” qu’on explore, mais un “autre” qu’on s’approprie. Et du coup on se retrouve seul.
L’éveil n’a pas de degrés, il est ou n’est pas. Mais apprendre à le contenir, c’est comme apprendre à jouer d’un instrument: on n’a jamais fini d’en explorer toutes les harmoniques, et chaque pas nouveau qu’on fait nous en dévoile une nouvelle profondeur. C’est comme marcher dans un paysage. Du point où l’on se trouve, on embrasse tout l’horizon, rien de ce qui nous entoure n’échappe à notre regard. Et pourtant, sitôt qu'on se remet en route, c’est un nouvel horizon qui ne tarde pas à se dévoiler: total lui aussi. Mais pour le découvrir, il faut avoir avancé. Avec l’éveil c’est pareil, à la différence près que la progression n’est pas facultative. Dès qu’on croit être arrivé, on le perd. Il n’existe que dans l’abandon à ce qui vient, et pour cela, il faut avancer, prendre le risque de l’inconnu, de ce qui est devant soi mais qu’on ne voit pas encore. Et plus on avance, plus l’horizon s’élargit. C’est toujours l’intégralité de l’horizon qu’on voit, on contient tout le possible dans son regard, mais cet horizon est toujours plus vaste. Comme si on s’élevait.
Bien sûr, de cette altitude, les petites collines qu’on voit au loin, et qui suffisaient à remplir notre vue au moment où on passait près d’elles, n’ont plus la même intense présence qu’alors. C’est là l’écueil qui suit souvent la “première fois”. On pense qu’il suffit de revivre continuellement cette première fois, qu’il suffit de redonner vie aux conditions qui l’ont fait naître, pour qu’elle ressurgisse à l'identique; or il n'en est rien, et on se rend compte avec effroi qu’elle s’éloigne au contraire toujours plus, inexorablement. Elle fait désormais partie du passé. Elle n’est plus qu’une expérience qu'on a connue. Une coquille vidée de son contenu. Mais son contenu, si j’ose dire, l’éternité qu’elle contenait, elle, est toujours devant nous. C’est elle, exactement la même (évidemment...) que nous retrouvons, mais habillée d’autres couleurs, peut-être moins “pétantes” que la première fois, mais certainement plus profondes, plus nuancées, d’un grain plus fin. Les circonstances qui font surgir l'éveil sont toujours accessoires. Chaque instant, quel qu’il soit, y est propice. La seule chose qui élit celui-ci comme l’Instant, c’est qu’on y prend un risque total. Et même cela aussi change au cours du chemin. Il s’agit toujours de prendre un risque total, mais le saut est de moins en moins haut. Avec le temps, c’est comme s’il n'y avait plus qu'à laisser le fond des eaux, tout proche sous la surface, monter jusqu'à soi. Se poser simplement. Ce n’est plus une chute, un saut, c’est entrer simplement dans les flots, qui sont là, prêts à nous porter. |
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luz-azul
Inscrit le: 07 Août 2005 Messages: 243 Localisation: Valencia
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Posté le: Sa 05 Nov 2005 16:28 Sujet du message: |
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joaquim a écrit: | C’est elle, exactement la même (évidemment...) que nous retrouvons, mais habillée d’autres couleurs, peut-être moins “pétantes” que la première fois, mais certainement plus profondes, plus nuancées, d’un grain plus fin. |
Vos paroles me ramènent à la distance qui sépare le « voir » de l’ « entendre ». De ce que j’ai remarqué, dans un premier temps, le « voir » submerge tout. Puis l’ « entendre » surgit peu après, grandit à son tour et chacun prend le dessus, alternativement, en fonction des circonstances. Il faut du... temps ( ? ) pour que les deux instruments s’harmonisent l’un à l’autre et finissent par coexister en une seule perception indifférenciée, chaque instrument devant s’effacer un peu pour que l’autre puisse exister ici et maintenant. |
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 1421 Localisation: Suisse
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Posté le: Lu 07 Nov 2005 22:02 Sujet du message: |
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Le fil de la discussion a bifurqué. Une des branches se poursuit ICI. |
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