Philart
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Posté le: Lu 14 Nov 2005 22:43 Sujet du message: Ibn Tufayl "Le philosophe autodidacte" |
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Philart le 14/11/2005
A l'attention de Talomi et de Luz-Azul et bien sûr de joaquim et à tous ceux qui seront intéressés.
Pour tout avertissement, je ne suis pas, mais pas du tout un spécialiste, seulement j'essaie de vous interpeller sur un ouvrage particulièrement fondateur.
Corrigez tout manque et questionnons-nous ? Merci de chercher les directions qui nous concernent suivant nos sensibilités.
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Ibn Tufayl : Le Philosophe autodidacte
La Petite Collection
Nouvelle traduction de l’arabe et postface de Séverine Auffret
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Le Philosophe autodidacte (titre original : Hayy Ben Yaqzan, " Le Vivant fils de l’Éveil "), unique œuvre du philosophe arabe Ibn Tufayl, connut dès sa publication un immense succès en Europe et au-delà (comme en attestent les traductions en latin, espagnol, néerlandais, anglais, persan…). Ce succès se poursuivit jusqu’au XVIIe siècle : Spinoza lut Ibn Tufayl et s’en inspira en partie dans son Éthique.
Ibn Tufayl (1100-1181, dit aussi Abu Bakr) fut le maître d’Averroès.
Ibn Tufayl mêle dans son œuvre la tradition mystique (Al-Ghazali, Avicenne) et l’intérêt pour le rationalisme (Averroès). Il illustre parfaitement la situation de l’Andalousie médiévale, véritable carrefour entre l’Orient et Occident, mais aussi entre l’Antiquité et la modernité
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http://www.cafe-eveil.org/forum/ftopic252.html
Luz-Azul
Et puis, mais c’est rare, cet échange atteint le cœur de l’Autre. Les deux êtres, dans leur authenticité, se rejoignent alors dans la sérénité et un merveilleux Bonheur partagé.
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Philart
Ainsi la vérité se révélerait dans "cet échange qui atteint le cœur de l'Autre". Cette fois "l'Autre" a un "A" majuscule. Curieusement, quand Ibn Tufayl écrit "le philosophe autodidacte", il nous fait part à la page 25 que : <<Parmi les îles de l'Inde qui sont situées sous l'équateur, l'une d'elles serait l'île où l'homme naît sans père ni mère : voilà ce que nous rapportent nos vertueux ancêtres - Dieu soit comblé ! Cette île jouirait, selon eux de la température la plus égale et la plus parfaite qui soit à la surface de la terre parce qu'elle reçoit sa lumière de la plus haute région du ciel.
[…] p. 28
Première version
Il écrit : <<Certains tranchent la question en décidant que Yayy ben Yaqzân est l'un des hommes nés dans cette région sans père ni mère. Mais d'autres rapportent ce moment de son histoire de cette façon :
En face de cette île, disent-ils, se trouvait une autre île de vaste dimension, riche et bien peuplée. Son roi était un homme orgueilleux et jaloux. Il avait une sœur qu'il empêchait de se marier en évinçant tous ses prétendants […] Elle livra l'enfant aux flots. Un courant puissant le saisit et l'emporta la nuit jusqu'au rivage de cette île dont on a parlé.
[…] Au moment où le flot avait jeté le coffre dans le fourré, les clous en avaient été secoués et les planches disjointes. Pressé par la faim l'enfant se mit à pleurer, à pousser des cris d'appel et à se débattre. Sa voix parvint à l'oreille d'une gazelle qui venait de perdre son faon, et elle arriva au coffre. […] Alors, émue de pitié et prise d'affection pour l'enfant, la gazelle lui offrit son pis et l'allaita à discrétion.
Tel est le commencement de l'histoire de Hayy, pour ceux qui refusent de croire à la génération spontanée. Nous raconterons bientôt son éducation et les progrès successifs par lesquels il parvint à la plus haute perfection.
Deuxième version
Quant à ceux qui le font naître par génération spontanée, voici leur version. Il y avait dans cette île une combe refermant une argile qui, sous l'action des ans, s'était mise à fermenter, de sorte que le chaud s'y trouvait mêlé au froid et l'humide au sec par parties égales dont les forces s'équilibraient.[…] Puis une gazelle qui avait perdu son faon répondit à son appel.
La Rencontre
p. 126 Mais il advint qu'un jour, Hayy ben Yaqzân étant sorti pour checher sa nourriture au moment où Açâl arrivait au même endroit, ils s'aperçurent l'un l'autre. Açâl portait une tunique noire en laine poilue, qu'il prit pour fourure naturelle. […]
p. 129
[…] Il entendit une belle voix et des articulations ordonnées, telle qu'il en avait entendu proférer par aucun animal
[…] Voyant son attitude humble, ses supplications et se larmes.
[…] Il se sentit désireux de savoir ce qui lui arrivait, et qu'elle était la raison de ses larmes.
[…] Mais l'intuition extatique ne lui revenait pas promptement, il jugea bon de demeurer avec Açâl dans le monde de la sensation jusqu'à ce que, son cas ayant été approfondi, il ne restât plus en son âme aucune curiosité à son endroit, ce qui lui permettrait alors de revenir à sa station sans que rien ne vînt l'en distraire. Il se livra donc à la fréquentation d'Açâl. De son côté Açâl, voyant qu'il ne parlait pas, fut rassuré au sujet des dangers qu'il pouvait faire courir à sa dévotion. Il espérait lui enseigner le langage, la science, la religion, accroître ainsi son mérite et s'approcher davantage de Dieu.
p. 130
[…] Hayy
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Luz-Azul
Rien ne vaut ces moments là...
Chacun assis sur sa montagne, échangeant des signes d’amitié, nous regardons tous ensemble le soleil se lever.
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philart
Je n'ai pas , mais pas du tout l'intention de suivre le livre page par page, je suis comme joaquim, j'aime découvrir, au hasard des choses, suivant, l'inspiration, les effets qui agrémentent une journée, la rende radieuse. Un livre en est un élément capital. L'ouvrir aussi, au hasard, quel plaisir ! S'imprégner de son épaisseur, de son feuilleté comme si j'allais déguster un mille-feuilles. Alors, dès la première page, sur laquelle s'inscrit la phrase annonciatrice, je sais presque toujours discerner la qualité de l'ouvrage. Il y a, le tout de suite qui introduit la première phrase, et la dernière jusqu'au mot ultime qui n'est pas : "fin", mais celui de l'auteur qui conclut. Bien souvent la force poétique. La boucle est bouclé et qu'en reste-t-il ? Justement ce qui ne fait que commencer son devenir d'interprétation, de subjectivité de recréation, de passation. Il n'y a pas de fin en soi, mais la continuité de la sensation inscrite en nous ; bon pour l'échange. C'est un petit livre qui tient, sans problème dans la poche mais, chaque mot, chaque page tournée s'agrandissent à l'infini. J'y retrouve de l'émerveillement dû à la naïveté du jeune âge prêt à tout apprendre sans aucune retenue, à laquelle s'ajoute la lecture qui nous enseigne et qui nous permet de nous extraire de notre magma mental, de notre propre enfance. Ce livre, image d'un paradis, éduque, abstrait le sens des choses bien que proche des sciences naturelles. Il nous transporte vers toutes les félicités. Il est deux en un : d'une part à cause de l'état sauvage d'Hayy, né sans parents, ou, issu de l'argile et d'autre part, Hayy abandonné par sa mère et qui est livré au gré des flots dans une caisse en bois qui devra être brisée comme un œuf, de l'intérieur comme de l'extérieur, une fois échouée sur la deuxième île. Il sera recueilli par une gazelle nourricière, attendrie par ses pleurs, qui a perdu son faon. Cet ouvrage est encore duel parce que nous sommes requis de la rencontre du philosophe autodidacte et du mystique anachorète. L'amitié c'est-à-dire la réunion de deux entités constituera :
p. 133
L'échec de Hayy pour être recueilli
Plein de compassion pour les hommes, et désirant ardemment leur apporter le salut, il conçut le dessein d'aller à eux et de leur exposer la vérité d'une manière claire et évidente. Il s'en ouvrit à son compagnon Açâl, et lui demanda s'il y avait pour lui un moyen de parvenir jusqu'à eux. Açâl le renseigna sur l'infirmité de leur naturel, sur leur éloignement des commandements de Dieu, mais Hayy ne pouvait comprendre pareille chose et demeurait, en son âme, attaché à son espoir. De son côté, Açâl souhaitait que, par l'entremise de Hayy ben Yaqzân, Dieu dirigeât quelques hommes de sa connaissance disposés à se laisser guider, et plus proches du salut que les autres. Il favorisa donc son dessein. Ils jugèrent qu'ils devaient rester sur le rivage de la mer sans s'en écarter ni nuit ni jour, dans l'espoir que Dieu leur fournirait peut-être l'occasion de la franchir. Ils y demeurèrent donc assidûment, suppliant dans leurs prières Dieu, puissant et grand, de conduire leur entreprise à bonne fin.
philart à suivre… |
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