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Khalil Gibran et les enfants

 
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Auteur Message
Ael



Inscrit le: 19 Juil 2005
Messages: 55
Localisation: En silence

MessagePosté le: Ma 06 Déc 2005 14:59    Sujet du message: Khalil Gibran et les enfants Répondre en citant

Bonjour,

Je me permets (quelle audace tout de même ! ) de vous proposer un écrit que vous connaissez sûrement et qui nous vient de Khalil Gibran. J'ai eu l'occasion de lire ses poèmes et je les apprécie énormément. Je vous en soumets un et vous retrouve juste après. Bonne lecture.

Et une femme qui portait un enfant dans les bras dit,
Parlez-nous des Enfants.
Et il dit : Vos enfants ne sont pas vos enfants.
Ils sont les fils et les filles de l'appel de la Vie à elle-même,
Ils viennent à travers vous mais non de vous.
Et bien qu'ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas.
Vous pouvez leur donner votre amour mais non point vos pensées,
Car ils ont leurs propres pensées.
Vous pouvez accueillir leurs corps mais pas leurs âmes,
Car leurs âmes habitent la maison de demain, que vous ne pouvez visiter,
pas même dans vos rêves.
Vous pouvez vous efforcer d'être comme eux,
mais ne tentez pas de les faire comme vous.
Car la vie ne va pas en arrière, ni ne s'attarde avec hier.

Vous êtes les arcs par qui vos enfants, comme des flèches vivantes, sont projetés.
L'Archer voit le but sur le chemin de l'infini, et Il vous tend de Sa puissance
pour que Ses flèches puissent voler vite et loin.
Que votre tension par la main de l'Archer soit pour la joie;
Car de même qu'Il aime la flèche qui vole, Il aime l'arc qui est stable.


Quoi ? déjà ! bon, me revoici donc, quelques lignes plus bas, comme promis. Laughing

Ce poème et la voie de l'éveil m'interrogent. En effet, j'ai deux petites filles (5 ans et 1 an) que j'aime d'un "amour paternel". Mais de quel amour s'agit-il si ma conscience me dit (et elle ne s'en prive pas, la canaille !) que nul n'est ce corps qu'il croit être ? Plus loin, s'il n'existe pas, comme je le pressens, de différence entre l'amour désintéressé et l'amour "filial", que signifie donc aimer ses enfants ? Est ce les aimer en tant que nouvelle merveille non duelle du divin ?

Bref, en un mot comme en cent, comment l'être éveillé vit-il le fait "d'avoir" des enfants ?

En espérant me faire comprendre, merci par avance de vos réponses. :guitar:

_________________
So be it.
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luz-azul



Inscrit le: 07 Août 2005
Messages: 243
Localisation: Valencia

MessagePosté le: Ma 06 Déc 2005 16:07    Sujet du message: Répondre en citant

Axel Scott,

Les esprits sensibles s’abreuvent aux mêmes sources : je me souviens avoir récité ce texte du « Prophète » lors de la cérémonie funèbre de ma petite filleule (14 ans - cancer des os).

Car rien n’est plus vrai : nos enfants sont Ses enfants avant d’être les nôtres.

Ils ne nous appartiennent pas car Il a décidé pour chacun d’eux un destin où nous ne figurons pas.

Notre Devoir envers eux, c’est de leur donner les outils nécessaires pour qu’ils puissent assumer au mieux Sa volonté dans leur propre vie.

Nous n’avons aucun droit en retour à percevoir. Et le bien qu’on leur prodigue aujourd’hui, c’est à leurs propres enfants qu’ils devront le rendre, pas à nous !

Comme le dit si lucidement Khalil Gibran dans le même texte :

« Car en vérité, c’est la vie qui donne à la vie – alors que vous,
qui vous imaginez être donneurs, n’êtes en réalité que témoins
».

_________________
Chacun assis sur notre rocher, échangeant des signes d’amitié, nous regardons tous ensemble le soleil se lever.
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Pierre



Inscrit le: 22 Nov 2005
Messages: 113
Localisation: Toulouse

MessagePosté le: Ma 06 Déc 2005 18:34    Sujet du message: Répondre en citant

Bonjour Axel,

J'ai moi-même un petit garçon de 4 ans dont le comportement varie de l'adorable au terrible. Aussi je me sens particulièrement concerné par tes questions.
Je trouve que la recherche spirituelle et les questions qu'elle amène se marient très mal avec l'exercice de l'autorité paternelle : le chercheur spirituel se trouve en situation de doute, de questionnement - ce qui est "normal" pour lui-même, mais pas pour nos enfants qui - sois en assuré - le perçoivent immédiatement. Ceci les insécurise beaucoup et peut les rendre aggressifs ou capricieux, toujours à nous tester pour voir si nous sommes solides. Il m'est apparu important de bien séparer ces deux activités, en gardant pour moi-même ma recherche et mes doutes et en me composant pour mes enfants un rôle de père, que je sais être faux, mais que j'essaie de jouer le plus justement possible. Les questions que tu te poses sur l'amour ne me semblent pas avoir leur place dans une relation parent-enfant, elles ne concernent que toi-même et ta recherche. Par contre ton sentiment y est évidemment plus que le bienvenu.
Mais avoir des enfants dans notre situation n'est pas qu'un handicap car les enfants de cet âge sont des alliés très précieux : ils nous font voir en nous tout ce qui n'est pas juste, dans l'instant même où nous l'exprimons, en le rejetant avec un culot incroyable. Et ils nous obligent à une disponibilité permanente ce qui est un très bon moyen de lutter contre son égo, qui trouve toujours plus important de s'ocupper de ses affaires (surtout si elles sont spirituelles) que de répondre à ceux qui ont réellement besoin de lui. D'ailleurs j'appelle mon fils (dans mon fort intérieur bien sur) mon petit maitre.


Dernière édition par Pierre le Me 07 Déc 2005 1:57; édité 1 fois
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joaquim
Administrateur


Inscrit le: 06 Août 2004
Messages: 1421
Localisation: Suisse

MessagePosté le: Ma 06 Déc 2005 21:23    Sujet du message: Répondre en citant

Voici une page bien dans l’ambiance du sujet, tirée du savoureux journal intime que Didier Tronchet, jeune père, a écrit en se mettant dans la peau de son fils de 6 mois:
    «QUAND PÈRE est de garde, je le sens parfois s’impatienter. Insensiblement, il va tenter de concilier l’inconciliable c’est-à-dire son devoir de me garder avec ses envies de faire autre chose (et Dieu sait s’il en a des envies, spécialement quand il est avec moi, à croire qu’elles lui tombent toutes dessus à ce moment). Alors ça, ça ne marche pas avec moi. Pas de ça, père. Vous connaissez mon axiome de base: ou vous êtes avec moi, ou vous êtes contre moi.

    Dès lors, si vous n’êtes pas totalement avec moi (et ça, vous ne pouvez pas longtemps me le cacher), je m’ingénie à faire échouer, avec une réelle ingénuité mais aussi une subtile efficacité, toute tentative d’évasion. Essayez d’écrire (à qui? pourquoi?), et je vomis discrètement sur mon maillot tout propre. Tentez de téléphoner (à qui? pourquoi?), et je déclenche une belle sirène de hurlements.

    On pourrait conclure à une regrettable manifestation d’égoïsme de ma part. Quelle erreur! C’est tout l’inverse. Quand donc comprendrez-vous, père, que mon acharnement à vous tourner vers moi est d’abord une façon de vous détourner de vous? Centre d’un monde factice, ne voyez-vous pas comme je vous recentre sur un monde charnel? Cette part de vous-même qui se dissout au contact de l’extérieur alors qu’elle vous constitue, secrètement.

    Et pourquoi croyez-vous que je suis là sur Terre, à vos côtés, vomissant et hurlant? Vous avez la réponse, car vous êtes, comme chaque fois, incapable de m’en vouloir.»

    Didier Tronchet, Journal intime d’un bébé formidable, Flammarion, 2005, p. 27

Wink
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Ael



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Localisation: En silence

MessagePosté le: Me 07 Déc 2005 12:51    Sujet du message: Répondre en citant

Les deux petits sacripants qui nous ont été confiés par la Vie m’invitent donc également, mus par Celui qui nous les envoie, à modifier le centre de ma perception. Il m’arrive parfois d’être soufflé par un mot ou par une phrase et là, c’est le cas. J’aime la pureté relationnelle de cette vérité, la Vie nous invitant à nous abandonner à notre prochain comme nous parvenons à nous abandonner à nos enfants.

Cela éclaire une autre dimension de mon moi que je percevais jusqu’alors et qui me demeurait incompréhensible. Je suis intimement convaincu depuis des lustres qu’un adulte heureux est un enfant qui s’assume, une personne qui a su garder, retrouver ou entretenir cet enfant qu’il croit ne plus être. Je me souviens de mon adolescence et de ce sentiment qui m’envahissait parfois à la vue d’un malheureux, qu’il soit mendiant ou malade. Je me souviens de cet homme en déambulateur, que je ne connaissais pas, et que j’aimais du simple fait que je me disais : « lui aussi était un enfant un jour. » Et là, plus de traits disgracieux, plus d’odeur de vinasse, mais les traits d’un poupin… Et alors je me demandais par quelle cruauté céleste cet homme, tout poupin qu’il était, a-t-il pu devenir une épave. La réponse, vous tous venez de me la donner. En imaginant cet homme sous les traits d’un enfant, ce n’était pas une image. Mes yeux sur le coup étaient aveugles, ne voyant que la misère et cherchant dans un mouvement de colère des coupables. Mon cœur, que j’ai toujours cru éteint, lui, voyait et en me montrant l’enfant, me montrait l’être, abolissant toute dualité entre nous. Deux enfants se voient, comme un appel réciproque à s’abandonner l’un à l’autre, au-delà des fausses images transmises par notre regard instrumentalisé par l’ego.

Je suis comme quelqu’un qui vient d’accéder à une compréhension soudaine, sans particulièrement la rechercher. J’écris d’un seul souffle, sans forcément structurer mon propos, de peur de ne pas profiter pleinement non pas de ce que je viens de comprendre, mais de cette révélation qui m’est donnée. Sans doute est-ce cela, vivre ici et maintenant.

Un grand merci à vous… Je m’en vais de ce pas cultiver l’innocence que je viens de retrouver grâce à vous…

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