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Regards sur l'éveil Café philosophique, littéraire et scientifique
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Plume
Inscrit le: 30 Oct 2005 Messages: 105 Localisation: Région Parisienne
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Posté le: Ve 23 Déc 2005 15:30 Sujet du message: Eveil et poésie. |
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L'Eveil, à mon sens, ne se laisse pas encadrer par de simples proses argumentatives. Je ne sais pas ce que c'est, enfin, je n'y connais foutrement rien, je l'admet sans honte. Mais si c'est de ces paysages intérieurs, indescriptibles bourgeons de lumière que l'on cueille et qui font, en chacun, l'espace exact de l'humanité l'entière, si c'est de cette divine transcendance qu'il s'agit: laissez les mots de pierre, les croix et les signes là où une idée reste immuablement fidèle à elle même. Je vais essayer de vous exposer, dans le flou qui la caractérise actuellement, ma conception de ce qu'est l'éveil.
Autrement que l'expérience profondément plate de l'Etre par un Roquentin (personnage de la nausée de Sartre), bouffon ultramoderne, déraciné par une liberté franchement illusoire, l'éveil serait plutôt, à mon avis, l'expérience d'un devenir qui est vie, d'une présence au sein du flux qui est immobilité, immobilité dans un instant en perpétuelle progression. Je suis à la fois dans le fleuve et sur la berge. Je souhaite volontairement parler par énigmes: il n'y a qu'une subtile pluralité de sens à interpréter qui résiste aux coups du temps. Le phrasé sûr et solide, la parole neutre malgré son engagement, sont voués à mourir sur une dalle de marbre sourd.
Je crois fermement que le grand et éternel guerrier de l'Eveil, c'est le poète. L'artiste au sens large. Car l'éveil est acte, ne croyez-vous pas? Il est appel muet de la lueur à soi, transcendance du divin dans l'immanence de la volonté. Il n'y a pas d'élus. Je suis percuté par un désir frustré (frustré par ma condition de mortel), par la puissance de mon regard sur le temps et l'espace alors qu'il y est soumis, et l'expérience de l'éveil est cette représentation symbolique de Dieu en soi: tout n'est que métaphore, évasion presque forcée vers une réalité qui n'est que la négation de mon état présent. Je ne suis pas dans l'éveil si je suis bloqué en moi: je suis bien au contraire une intention, nécessaire, brusque pulsion vers l'ailleurs, vers l'altérité, ou, qui sait, une attraction de cette dernière. Même dans la conscience de soi, cette conscience prend le moi pour objet. Sa source n'est qu'un pôle obligatoire de fidélité du je au je, mais le véritable Je, celui de l'éveil, est un flux, un "éclatement vers" le donné de l'intuition (empirique ou non).
En poésie, le moi se vide de lui-même pour se remplir du monde: il opère sa propre transcendance. Dieu n'est pas là pour l'aider, il n'est que la forme des intuitions qui lui parviennent. La métaphore, la juxtaposition de perles phosphorescentes privées de leur significations premières (et donc libérées de leur carcan, autonomisées, mises en communication avec d'autres...), la mise en abîme du réel en faveur d'un doux éclat de folie, c'est cela, l'éveil: l'homme se perd en lui-même comme si Dieu germait, provisoirement, en lui. Quand bien même serais-je béat de contemplation devant quelque phénomène naturel, l'artifice que mon regard accomplirait, grâce à l'imagination créatrice, donnatrice de sens, serait la seule source de cette impression que Dieu offre sa voix au bruissement des vagues, ou aux ondulations imperceptibles d'une prairie.
L'éveil est éclosion de la conscience dans la plénitude de son objet, au sens où un moi rigide et ancré dans son solipcisme n'est rien de plus qu'un roc ou un touffe d'herbe. Le langage est instrument de cette éclosion, il nous donne les clés de la profusion et de l'intemporel. Il ne sert pas à comprendre, mais à produire sans cesse. La chose n'est pas belle, c'est moi, avec ma panoplie de mots, de tintes, de notes, avec mes mouvements d'esprit, qui la fait valser parmi les idées précuites, qui la fait voguer au dela de toute réductrice vérité. Le tout, l'objet de la création, n'a de divine que sa naissance: une fois figé dans de l'être, il donne, à chaque homme qui l'expérimente, l'occasion de renaître avec lui, dans un nouveau sens parmi l'infinité des interprétations possibles. L'oeuvre en ce sens vit, devient, éveille.
Tout ce charabia mériterait une meilleure mise en forme, mais je n'en ai ni le courage, ni la capacité. Il est possible que certaines phrases soient incompréhensibles: dites-le moi si c'est le cas. |
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Tolto
Inscrit le: 28 Nov 2005 Messages: 27
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Posté le: Ve 23 Déc 2005 18:08 Sujet du message: hum |
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Cette condition si étrange, peut-être pas humaine, qui est la mienne aujourd’hui et qui me fait voir le monde avec des yeux brûlés par tant d’illusions passées.
Cette condition qui fait de moi une terre stérile à toute croyance d’hier ou de demain et pourtant me maintient dans une spontanéité éclatante et une sérénité presque inébranlable ou en tout cas qui récupère vite sa stabilité.
Cette condition qui m’a enveloppé comme une couverture sans doute pendant mon sommeil et semble me protéger des doutes, de l’égarement, des craintes et d’elle-même.
Cette condition qui me rend sourd des oreilles aux bruits creux des agitations des vivants et pourtant plus entendant que jamais les murmures et les silences entre les murmures.
Cette condition qui paralyse mon esprit et coupe le fil qui relie les images et le lien temporel qui soude les instants entre eux me forçant à ne connaître que ce qui est si furtivement.
Un tourbillon de poussières et de feuilles sèches
Glisse sur mes traces
Qu’y a t-il entre toi et moi
Une pluie de pollen jaune et fine me revêt
Tandis qu’un tremble voisin joue sa sérénade
Qu’y a t-il entre toi et moi
Les cheveux ébouriffés qui fouettent mes yeux
Un sifflement continu qui stoppe le monde
Qu’y a t-il entre toi et moi
Une tempête de sensations qui bouscule
Le ressouvenir de moi la crainte de l’autre
La vie me poursuit comme mon ombre _________________ Ron |
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Plume
Inscrit le: 30 Oct 2005 Messages: 105 Localisation: Région Parisienne
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Posté le: Ve 23 Déc 2005 21:48 Sujet du message: Et à mes repos qui furent intempestifs... |
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Qu'alliez-vous enluminer
Les belles pièces des mondes dissimulés
Qu'alliez-vous baiser la croix salie des hommes
Qu'alliez-vous chercher "le" et "la"
Tels des fantoches
Il fallait se porter volontaires
Pour les bourbes et les extases pour les ivresses
Il fallait déceler le suicide dans les bouches du rire
Tout fut si complexe et vous mourûres
La narine au vent comme des coques sonores
***
La violoneuse mélancolie tendait sa main vide
Et elle fut la seule à ne porter son nom
Qu'au dernier instant de doute |
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 1421 Localisation: Suisse
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Posté le: Lu 26 Déc 2005 4:47 Sujet du message: |
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Plume a écrit: | Tout ce charabia mériterait une meilleure mise en forme, mais je n'en ai ni le courage, ni la capacité. Il est possible que certaines phrases soient incompréhensibles: dites-le moi si c'est le cas. |
Non, c'est parfait... parce que c'est imparfait; non pas lisse et fermé, mais ouvert, inachevé, comme l'aube attendant le jour — et le jour, la nuit. J'adhère à ceci: “L'Eveil, à mon sens, ne se laisse pas encadrer par de simples proses argumentatives.” On ne peut jamais dire parfaitement l’éveil, car dès qu’on le saisit, il échappe. Il est, comme tu l'as dit, un acte. Et qui d’autre fait de ses mots des actes, sinon le poète?
Merci à toi et Tolto de semer ces petits cailloux qui nous invitent à danser sur la pointe des pieds. |
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patrick faucher
Inscrit le: 15 Juin 2006 Messages: 4 Localisation: ANTIBES alpes maritimes
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Posté le: Ve 25 Août 2006 15:37 Sujet du message: éveil et poésie |
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bonjour à toutes t à tous
venant de lire vos impréssions sur la poésie, avec beaucoup d'iintêret,j'aimerai rajouter qu'une forme de poésie est particulierement porteuse d'éveil : c'est le haïku , quelle léçon de simplicité , capter l'instant avec des mots simples et pourtant raconter le Monde ...être en communion avec l'Universel, le Tout .
bien amicalement patrick _________________ La vie en ce monde
à quoi la comparer ?
à un écho
qui se propage
et se perd dans le vide
RYOKAN |
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