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Regards sur l'éveil Café philosophique, littéraire et scientifique
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delphine
Inscrit le: 24 Nov 2006 Messages: 7
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Posté le: Sa 25 Nov 2006 11:47 Sujet du message: pour les amoureux de la nature... |
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Bonjour,
Comme beaucoup d'entre vous, je crois que je suis une "chercheuse"... à la recherche de l'éveil ou d'une certaine réalisation, peut-être... en tous cas , cette quête du spirituel dans le quotidien a une grande place pour moi, surtout dans les petits gestes de tous les jours, ceux qu'on accomplit tout le temps, pas seulement quand on prend une demi-heure pour prier et/ou méditer; j'ai un profond respect pour la nature, les animaux... c'est certainement cela qui m'attire dans les pratiques "néo-païennes" (encore que je n'aime pas ce genre d'étiquette qui recouvre tout et n'importe quoi); pourtant il y a quelques temps j'ai découvert les écrits de Jean-Yves Leloup qui me ramènent doucement mais profondément à mes racines chrétiennes.
J'aurais voulu savoir si certains d'entre vous ont lu des ouvrages qui réconcilient la voie chrétienne avec cet amour profond pour la nature et ses habitants de tous poils... (disons que dans mon chemin progressif de "retour" aux sources chrétiennes, j'ai conservé comme une sorte de rancoeur à l'encontre de cet esprit de "domination de l'homme sur la nature" qui m'avait été inculqué lors de mon éducation catholique...certainement un cliché... mais cela me "titille" de façon insidieuse....)
Bonne journée à tous,
Delphine
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mauvaiseherbe
Inscrit le: 31 Mai 2006 Messages: 336
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Posté le: Sa 25 Nov 2006 15:41 Sujet du message: |
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Comme je te comprend !
Alors voilà , il y a Théodore Monod bien sûr et pas mal d'autres dans toutes les traditions et endehors , mais je ne me souviens plus des références (il va falloir que je farfouille ) .
J'ai sous la main pour l'instant " Le chant des créatures" de Hélène et Jean Bastaire et ces extraits d' Albert Scweitzer :
"Le Respect de la vie"
"Nous naviguions lentement à contre-courant, cherchant notre voie, non sans peine, parmi les bancs de sable. c'était la saison sèche. Assis sur le pont d'une des remorques, indifférent à ce qui m'entourait, je faisais effort pour saisir cette notion élémentaire et universelle de l'éthique que ne nous livre aucune philosophie. Noircissant page après page, je n'avais d'autre dessein que de fixer mon esprit sur ce problème qui toujours se dérobait. Deux jours passèrent. Au soir du troisième, alors que nous avancions dans la lumière du soleil couchant, en dispersant au passage une bande d'hippopotames, soudain m'apparurent, sans que je les eusse pressentis ou cherchés, les mots 'Respect de la vie'. La porte d’airain avait cédé. La piste était apparue à travers le fourré. Je savais maintenant que la conception du monde qui nous incline à dire oui au monde et oui à la vie, avec tous les idéaux de civilisation qu’elle porte, se trouve fondée dans la pensée."
La grande lacune de l'éthique jusqu'à présent est qu'elle croyait n'avoir affaire qu'à la relation de l'homme à l'égard des humains. Mais en réalité, il s'agit de son attitude à l'égard de l'Univers et de toute créature qui est à sa portée. L'homme n'est moral que lorsque la vie en soi, celle de la plante et de l'animal aussi bien que celle des humains, lui est sacrée, et qu'il s'efforce d'aider dans la mesure du possible toute vie se trouvant en détresse".
(Albert Schweitzer - Ma vie et ma pensée - 1931)
Définition de l'éthique
Qu'est ce que l'éthique, sinon l'ensemble de la responsabilité subjective sans limite, intensive et étendue à toute vie à l'intérieur de la sphère d'influence de l'homme, responsabilité que, s'étant intérieurement libéré du monde, il ressent au fond de lui-même et cherche à exercer autour de lui. Elle a son origine dans l'affirmation du monde et de la vie, et c'est dans la négation de la vie par le renoncement qu'elle se réalise. Elle est reliée par le dedans au vouloir optimiste. Désormais, la foi au progrès ne pourra plus jamais se détacher de l'éthique comme une roue mal ajustée se détache d'une charrette. Toutes deux tournent autour du même axe sans pouvoir se séparer.
Le principe fondamental de l'éthique, qui, tout à la fois, s'impose à la pensée comme une nécessité, possède un contenu réel et entretient avec la réalité des contacts permanents, vivants, et objectifs, ce principe s'appelle : dévouement à la vie par respect pour la vie.
(La civilisation et l'éthique - Albert Schweitzer)
L'emprise du respect de la vie
Au premier abord, il peut sembler que le respect de la vie soit quelque chose de trop général et de trop peu vivant pour fournir les éléments d'une éthique valable. Mais la pensée n'a pas à se demander si ses expressions auront une résonance plus ou moins vivante, elle doit seulement se soucier qu'elles atteignent leur but et aient une vie en elles. Quiconque subit l'influence du respect de la vie ne tardera pas à sentir, grâce aux exigences de cette éthique, quelle flamme couve sous ces expressions en apparence abstraites. L'éthique du respect de la vie est l'éthique de l'amour, élargie jusqu'à l'universel. Elle est l'éthique de Jésus, reconnue comme une nécessité de la pensée.
Pour l'homme véritablement moral, toute vie est sacrée, même celle qui, du point de vue humain, semble inférieure. Il n'établira de distinction que sous la contrainte de la nécessité, notamment lorsqu'il faudra choisir, entre deux vies, laquelle préserver laquelle sacrifier. Dans toutes ces décisions, il aura conscience d'agir subjectivement et arbitrairement et (de) porter la responsabilité de la vie sacrifiée.
Placé, comme tous les êtres vivants, devant ce dilemne de la volonté de vie, l'homme est constamment forcé de conserver sa propre vie, et la vie en général, aux dépens d'autres vies. S'ils a été touché par l'éthique du respect de la vie, il ne lèse ni ne détruit de vie que par une nécessité à laquelle il ne peut se soustraire; jamais il n'y consent intérieurement.
(Albert Schweitzer - Ma vie et ma pensée - 1931)
Communier dans la souffrance
"Lorsqu'on me demande si je suis pessimiste ou optimiste, je réponds qu'en moi la connaissance est pessimiste, mais le vouloir et l'espoir sont optmistes.
Je suis pessimiste lorsque je sens tout le poids de ce qui, selon notre entendement, semble dénué de raison dans le cours des évènements du monde. Ce n'est qu'à travers de rares instants que je me suis senti pleinement heureux d'être en vie. Je ne pouvais m'empêcher d'éprouver toute la souffrance que je voyais autour de moi, non seulement celle des hommes, mais celle de toutes les créatures.
Je n'ai jamais essayé de me dérober à cette communion dans la souffrance. il me semblait aller de soi que nous devons tous aider à porter le fardeau de douleur qui pèse sur le monde. Dès le temps où je fréquentais le lycée, je m'étais rendu compte qu'aucune explication du mal qui règne en ce monde ne pourrait jamais me satisfaire, et qu'on aboutissait toujours à des arguties de sophistes, ne visant à rien d'autre qu'à permettre aux hommes d'éprouver moins vivement la souffrance de ce qui les entoure. Qu'un penseur tel que Leibniz ait peu émettre la conclusion pitoyable que le monde n'est certes pas bon, mais tout de même le meilleur parmi les mondes possibles, m'est toujours demeuré incompréhensible.
Cependant si occupé que je fusse du problème du mal et de la souffrance en ce monde, je ne me suis jamais perdu en méditations mélancoliques à ce sujet. Je me suis attaché à l'idée qu'il était donné à chacun de nous de faire cesser un peu cette souffrance. Peu à peu j'ai été amené à penser que tout ce que nous pouvions comprendre de ce problème, c'est qu'il nous faut suivre la voie de ceux qui veulent apporter la délivrance."
(Albert Schweitzer - Ma vie et ma pensée - 1931)
Respecter les animaux
"Nous restons complètement étrangers au sort des animaux et la plupart d'entre nous perdent tout sentiment de responsablilité devant les souffrances que les hommes civilisés leur infligent. Certains calment leur conscience en se disant qu'il existe bien des Sociétés de protection des animaux et une politique qui veille au respect de la loi. Mais celui qui regarde autour de lui sera tiré de sa quiétude lorsqu'il se rendra compte de tout ce qui se passe et que personne ne se mobilise sérieusement pour dénoncer des scandales quotidiens.
Tous par exemple, nous étions sûrs et certains que dans nos abattoirs tout se passe selon les règles, tant dans le slogan "Strasbourg, ville modèle à tous égards" s'était profondément infiltré dans nos esprits. Nous étions tous convaincus qu'à l'abattoir les animaux étaient sacrifiés avec un maximum de précautions qui leur ôtent toute appréhension et évitent les souffrances inutiles - jusqu'à ce que, l'été dernier, quelqu'un soit allé voir de plus près et ait publié le résultat de son enquête. Et voilà que nous apprenons que nos abattoirs sont un véritable enfer pour les bestiaux et les procédés employés sont indignes d'une institution moderne...
Ce qui fait justement frémir aujourd'hui, c'est que la cruauté des hommes ne vient pas seulement et simplement de leur insouciance, mais de la nécessité économique de gagner leur pain. Les tortionnaires ne sont pas les seuls coupables, mais, avec eux, tous ceux qui les contraignent à user de ces traitements barbares.
L'hiver dernier, au moment de la fonte des neiges, il m'est arrivé d'appeler un sergent de ville pour lui demander d'exhorter un livreur de charbon - dont le cheval tombait presque d'épuisement - à chercher une bête de renfort. La conversation s'engagea avec le charretier : il savait bien que par ce temps, le cheval souffrirait ; si cela n'avait tenu qu'à lui, il n'aurait chargé la voiture qu'à moitié, mais ces messieurs du bureau se moquent bien du temps et des conditions : il s'agit de livrer tant et tant de sacs par journée et qui trouve à redire n'a qu'à se faire voir ailleurs.
N'avez-vous jamais en été entendu meugler des boeufs et des vaches entassés dans les wagons à bestiaux ? les naïfs croient que c'est par ...ennui ! Mais celui qui connaît le langage des animaux sait bien que c'est de faim et de soif qu'ils hurlent. En apprenant depuis combien de temps ces bestiaux voyagent sans avoir reçu la moindre nourriture ni la moindre eau, ses chevaux se dressent sur sa tête et longtemps après que le train a quitté la gare, ils entendent encore les cris des bêtes assoiffées et affamées.
La parole de l'apôtre Paul est terriblement vraie ; "L'angoisse des créatures n'aura jamais de fin...". Lorsque le regard plonge jusqu'au fond de l'abîme de souffrances que les hommes imposent aux animaux, il se voile d'une ombre qui obscurcit les joies les plus innocentes. La nature nous pose une énigme insondable: pourquoi les êtres vivants sont-ils des sources de malheurs les uns pour les autres, pourquoi leur vie s'écoule-t-elle avec une si cruelle indifférence, pourquoi sont-ils inaccessibles à la pitié ? Nous restons sans ressources devant ce mystère et tout ce que nous pouvons faire, c'est de nous efforcer à combattre les erreurs criantes.
En général, nous ne parlons pas de ces choses, nous les enfouissons au fond de l'âme. Mais parfois l'indignation nous étouffe, nous voudrions la clamer, tant nous sommes bouleversés par cette peine obscure, comme si nous entendions s'élever de toutes part le gémissement de cette créature qui implore la délivrance".
(Albert Schweitzer - 1908, Strasbourg in 'Anthologie Humanisme et Mystique - 1995, Albin Michel)
"Je viens de tuer un moustique qui voletait autour de moi à la lumière de la lampe. En Europe je ne le tuerais pas, même s'il me dérangeait. Mais ici, où il propage la forme la plus dangereuse du paludisme, je m'arroge le droit de le tuer, même si je n'aime pas le faire. Le plus important, c'est que nous nous mettions tous à réfléchir à la question de savoir quand il est permis de nuire et de tuer... un grand pas sera franchi quand les hommes commenceront à réfléchir et parviendront à la conclusion qu'ils ont le droit de nuire et de tuer seulement quand la nécessité l'exige".
(Lettre inédite d'Albert Schweitzer du 4 mai 1951 in Le respect de la vie - Bernard Kaempf)
La volonté de vivre
Pour Descartes, toute philosophie part de cet axiome : "Je pense, donc je suis." Avec un pareil point de départ, étroit et arbitraire, la philosophie tombe irrémédiablement dans l'abstraction. Elle ne trouve pas d'ouverture vers l'éthique et reste prisonnière d'une conception morte du monde et de la vie. La vraie philosophie doit avoir comme point de départ la conviction la plus immédiate et la plus compréhensible de la conscience, à savoir : "je suis vie qui peut vivre, entouré de vie qui veut vivre". il ne s'agit pas là d'un aphorisme ingénieux. Chaque jour et à chaque heure cette conviction m'accompagne. A tout instant de ma prise de conscience des choses, elle se dresse à nouveau devant moi. Il en jaillit sans arrêt, comme d'une sève remontant de racines toujours vivantes, une conception du monde et de la vie pleine de vigueur, englobant toutes les manifestations de l'Etre. Elle fait naître en nous le sens éthique de notre union mystique avec l'être.
De même que mon propre vouloir-vivre implique une aspiration à continuer à vivre et à connaître cette exaltation mystérieuse du vouloir-vivre qu'on appelle joie, ainsi que la peur de l'anéantissement et de l'altération mystérieuse du vouloir-vivre qu'on appelle douleur; de même aussi le vouloir-vivre qui m'entoure comprend ces mêmes mouvements, qu'il puisse le manifester vis-à-vis de moi ou qu'il reste sans voix.
L'éthique consiste donc à me faire éprouver par moi-même la nécessité d'apporter le même respect de la vie à tout le vouloir-vivre qui m'entoure autant qu'au mien. C'est là le principe fondamental de la morale qui doit s'imposer nécessairement à la pensée. Le bien, c'est de maintenir et de favoriser la vie; le mal c'est de détruire la vie et de l'entraver.
(La civilisation et l'éthique - Albert Schweitzer)
Un idéal éthique et spirituel
Mais une chose est claire. Là où la collectivité a une emprise plus forte sur l'individu que l'individu sur la collectivité, c'est la décadence, parce que la grandeur dont tout dépend, c'est-à-dire la valeur intellectuelle et morale de l'individu, est alors nécessairement entravée. Il en résulte un appauvrissement de la pensé et de la moralité de la société toute entière, qui la rend incapable de comprendre et de résoudre les problèmes auxquels elle doit faire face. Tôt ou tard, elle s'effondre en catastrophe.
Puisque nous en sommes là, c'est aux individus à prendre plus fortement conscience de la grandeur de leur mission et à remplir de nouveau la fonction qu'ils sont seuls à pouvoir assumer, à savoir mettre sur pied un idéal éthique et spirituel. Si cet appel n'est pas entendu par un grand nombre d'individualités, rien ne pourra nous sauver.
Une opinion publique nouvelle devra se former sans intervention officielle. L'opinion publique actuelle n'est entretenue que par la presse, la propagande, les organisations et les pressions exercées par le pouvoir et par l'argent qui se mettent à sa disposition. A cette propagation artificielle des idées doit s'en opposer une autre, naturelle, d'homme à homme, basée uniquement sur la justesse de la pensée et la receptivité de l'auditeur à la vérité. Sans arme, à la façon des premiers combattants de l'esprit, elle devra affronter sa rivale qui marche contre elle comme Goliath contre David, avec l'armure puissante des temps d'aujourd'hui.
(Albert Schweitzer - Ma vie et ma pensée - 1931)
Devenons les ouvriers de la délivrance animale
Il arrive que les hommes se laissent trop facilement décourager à la pensée que l'individu isolé ne peut rien faire, et ils en viennent, la plupart d'entre nous, à vouloir fermer les yeux et se boucher les oreilles pour ne rien savoir de ces misères: ils s'imaginent qu'en leur tournant le dos dans leur vie quotidienne, elles cessent d'exister.
Ce point de vue est faux et lâche. L'individu isolé peut au contraire faire beaucoup (...) Ce qu'on vous demande est vraiment modeste : aucun sacrifice ni de temps ni d'argent, mais seulement ne pas rester un spectateur passif et élever la voix à la place des créatures qui ne savent parler, afin de ne pas ressembler au Lévite de la parabole. Mais je remarque chez les autres et chez moi-même que nous nous y prenons souvent avec maladresse pour défendre la cause des animaux : nous nous mettons en colère, nous injurions et morigénons, ce qui semble alors donner raison à ceux qui nous reprochent en se fâchant de nous mêler de ce qui ne nous regarde pas et que nous ne connaissons pas ! Une parole mieux placée et plus aimable n'aurait suscité de telles réactions négatives. Il faut se souvenir des paroles de l'apôtre: "la charité est patiente, elle est bienveillante; la charité n'est pas envieuse, elle ne se vante pas, ne s'irrite pas et ne fait rien d'inconvenant..." Notre but est d'éveiller la conscience des hommes: vous n'y arriverez pas prétendant vous ériger en juges, mais plutôt en vous présentant comme un requérant. Même si l'interpellé riposte et si vous croyez n'avoir rien obtenu, la requête fait son chemin, pénètre l'esprit jusqu'à ce qu'un jour la lumière y jaillisse.
Si tous, tant que nous sommes, nous faisions chacun notre devoir, nous réussirions à changer beaucoup de choses (...) ne vous détournez pas en disant : "C'est plus fort que moi, je ne peux pas voir çà!" - mais inquiétez-vous et osez prononcer le mot qui convient (...). Telle est la petite requête que je vous adresse en ce temps de l'Avent pour que nous devenions les ouvriers de la délivrance des animaux ...
(Sermon du troisième dimanche de l'Anvent, 1908)
La philosophie et éthique du respect de l'animal
La philosophie européenne n'a apporté aucun soutien au mouvement en faveur de la protection des animaux. Ou elle considère ces marques des compassion envers les animaux comme une forme de sensiblerie, qui n'aurait rien à voir avec une éthique rationnelle, ou elle ne lui concède qu'une importance secondaire. Pour Descartes, les bêtes ne sont que des machines. Elles n'ont pas besoin de notre compassion. Le moraliste anglais Jeremy Bentham considérait la bonté envers les animaux comme un entraînement à la bonté envers les humains. Kant s'exprima d'une manière analogue. Il insistait sur l'idée que l'éthique n'englobe que les devoirs des hommes dans leurs relations entre eux.
Cette conviction de principe, la philosophie européenne continue à la maintenir, même quand ici ou là elle montre de la sympathie pour le mouvement de protection des animaux. Elle ne se résout pas à franchir un pas décisif pour considérer que l'attitude de bonté envers les animaux réponds à une exigence de l'éthique, exactement de la même manière que l'attitude bonté envers les hommes. (...)
Très souvent on pose la question : pourquoi la compassion pour la vie animale n'a-t-elle pas fait l'objet d'un commandement du christianisme, alors que la loi juive contient déjà maintes dispositions en faveur des bêtes ? Il faut en chercher l'explication dans le fait que le christianisme primitif vivait dans l'attente de la fin imminente du monde et que par conséquent le jour est proche où toute créature sera délivrée de ses souffrances. C'est de cette aspiration de toute créature à une libération prochaine que parle l'apôtre Paul dans son Epître aux Romains (VIII, 18-24). Dans ces versets, il exprime sa profonde commisération pour les créatures. Mais comme la fin du monde naturel, avec ses souffrances et ses misères, est envisagée à brève échéance, le souci de la protection des animaux entre aussi peu en ligne de compte que l'abolition de l'esclavage. C'est ainsi que le commandement chrétien de l'amour n'exige pas expressément la compassion pour les animaux, bien qu'à vrai dire elle y soit contenue.
Tout homme non prévenu et réfléchi ne peut faire autrement que de témoigner de l'amour, non seulement aux hommes, mais également aux animaux. Comme nous n'attendons plus que les créatures soient libérées de leurs souffrances par la fin du monde toute proche, nous sommes entraînés par le commandement de l'amour que nous portons en nous, dans notre coeur et notre esprit, et Jésus a exprimé, à donner libre cours à notre sentiment de compassion envers les animaux et, chaque fois que la possibilité se présente, à leur venir en aide et à leur épargner des souffrances.
Voilà comment nous, Européens et descendants d'Européens, nous en sommes arrivés - quoique la pensée philosophique dominante ne nous y ait nullement disposés - à nous tourner vers la question de notre comportement et de notre responsabilité à l'égard de toutes les créatures et à ajouter aux exigences de l'amour du prochain celle de l'amour des bêtes.
Nous concédons volontiers à la pensée chinoise et à la pensée hindoue le mérite d'avoir soulevé avant nous le problème des rapports entre l'homme et les autres êtres vivants - et à leur morale d'avoir fixé, pour ces rapports, le principe des devoirs et des responsabilités qui incombent aux hommes. Mais en même temps nous croyons pouvoir constater que nos efforts actuels pour amener à la conscience, par nos paroles et nos actions, le principe de responsabilité de l'homme envers tout ce qui vit ne manquent pas d'importance non plus et qu'ils sont susceptibles de donner de nouvelles impulsions à l'éthique des Chinois et à celle des Hindous. On ne peut affirmer que ces éthiques aient apporté la vraie solution au problème des rapports de l'homme avec les animaux. A ce point de vue, elles présentent des lacunes et ne peuvent nous satisfaire. Le mérite de l'éthique chinoise réside en ceci qu'elle plaide pour une compassion naturelle et active envers les créatures souffrantes. Mais elle est loin de soulever le problème dans toute son ampleur philosophique. aussi ne fut-elle pas capable d'éduquer le peuple à une bonté véritable envers les animaux. Très tôt, la pensée chinoise s'est figée en une scolastique et s'en est tenue à l'héritage laissé par les anciens penseurs, au lieu de l'actualiser.
L'éthique hindoue, dans ses considérations sur l'homme et l'animal, présente des insuffisances également. Elle ordonne seulement, par compassion, de ne pas tuer et de ne pas nuire, mais non de secourir activement. Le difficile problème de savoir si l'homme peut réellement éviter de tuer et de nuire n'est pas posé et donc pas traité. L'homme est laissé dans l'illusion qu'en s'abstenant de tuer et de nuire, il obéit au commandement de l'ahimsa (non-violence). L'éthique néglige de l'éduquer et de l'amener à prendre conscience de tout le poids de ses responsabilités envers tout ce qui vit.
La philosophie tend à se représenter l'éthique comme un système bien ordonné de devoirs et de lois faciles à appliquer. Mais dès que nous reconnaissons de quelque manière le principe de l'amour, nous aboutissons, même en le fixant sur l'homme seulement, à une éthique de responsabilités et de devoirs élargis à l'infini. L'amour ne se réglemente pas. Il ordonne absolument. Chacun de nous doit décider par lui-même, subjectivement, jusqu'où il peut aller dans l'exécution des commandements illimités de l'amour, sans toutefois renoncer à sa propre existence, et ce qui lui incombe de sacrifier de sa propre vie et de son bonheur au service de la vie et du bonheur d'autrui.
Que l'éthique, dès lors que l'on reconnaît le principe de l'amour, échappe à toute réglementation, on serait tenté de se le dissimuler, s'il était vrai que ce principe ne s'applique qu'aux hommes. Mais si l'on accorde à l'étendre à toutes les créatures, on admettra du même coup que l'éthique n'a pas de limites et on ne pourra plus se refuser à l'évidence que de par son essence elle nous charge de responsabilités et de devoirs sans fin.
Parce que l'extension du principe de l'amour à l'ensemble des créatures représente pour l'éthique une véritable révolution, la philosophie renâcle à s'engager dans ce sens. Elle aimerait s'en tenir à une éthique qui, par des commandements clairs et raisonnables, sans exigences excessives, dicte aux hommes la conduite à suivre envers leurs prochains et envers la société.
Celui qui examine sérieusement le problème de la compassion pour les animaux sait qu'il est facile de prêcher les bons sentiments en terme généraux, mais infiniment plus difficile d'établir les règles de son application dans les cas concrets. Il ne s'agit pas uniquement de savoir dans quelles conditions l'existence ou le bien-être d'une créature peuvent être sacrifiés à l'existence et aux besoins des hommes, mais aussi de voir comment trancher la question du sacrifice d'une créature à une uatre créature. Comment justifier, par exemple, que pour nourrir les oiseaux qu'on a recueillis on attrape des insectes ? Quel principe invoquer pour décider le sacrifice d'une multitude d'êtres vivants au bénéfice d'une autre ainsi privilégiée ?
L'éthique qui veut nous enseigner le respect et l'amour de toute vie doit en même temps nous ouvrir les yeux sans ménagements sur la nécessité, à laquelle on se trouve soumis de mille façons, de tuer et de nuire, et elle ne doit pas nous dissimuler les conflits qui en résultent sans cesse, pour peu que nous soyons des hommes lucides, résolus à penser ce que nous faisons.
Comme elle perçoit instinctivement les incroyables difficultés où s'embarrase l'éthique, lorsqu'on étend la loi de l'amour à tous les êtres vivants, la philosophie européenne a toujours cherché, juqu'à notre époque, à s'en tenir au principe de base, selon lequel l'éthique ne concerne que le comportement de l'homme envers ses semblables et la société à ne voir dans l'obligation d'étendre sa sollicitude à tout ce qui vit qu'un élément surajouté à l'édifice de la morale véritable. Certes, la philosophie ne peut ignorer qu'elle entre ainsi en contradiction avec notre sensibilité naturelle. Mais elle préfère cela, plutôt que que de se risquer à s'engager dans une éthique de devoirs et de responsabilités sans frontières.
Toutefois elle s'accroche ainsi à une position perdue d'avance. La conscience ne peut se soustraire à une éthique de l'amour et du respect pour toute vie. Il faudra que la philosophie abandonne l'ancienne éthique aux limites étroitement humaines et qu'elle reconnaisse la valeur d'une éthique globale, élargie au-delà de l'humain. En revanche, les partisans de l'amour pour toute créature doivent mesurer les difficultés que soulève leur éthique et se résoudre à ne pas jeter un voile sur les inévitables conflits qui éprouvent chacun de nous.
Chercher dans tous les cas concrets une application de l'éthique du respect pour toute vie, telle est la lourde tâche qui s'impose à notre époque.
(La philosophie et la question du droit des animaux, Albert Schweitzer) |
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mauvaiseherbe
Inscrit le: 31 Mai 2006 Messages: 336
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Posté le: Sa 25 Nov 2006 16:19 Sujet du message: |
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Après ça j'arrête !
J'ai encore trouvé ces extraits de la Bible qui me parlent beaucoup et ont beaucoup contribué à m'apaiser ...
Louez l'Eternel du bas de la terre,
Monstres marins, et vous tous, abîmes,
Feu et grêle, neige et brouillards,
Vents impétueux, qui exécutez ses ordres,
Montagnes et toutes les collines,
Arbres fruitiers et tous les cèdres,
Animaux et tout le bétail,
Reptiles et oiseaux ailés,
Rois de la terre et tous les peuples,
Princes et tous les juges de la terre,
Jeunes hommes et jeunes filles,
Vieillards et enfants !
Qu'ils louent le nom de l'Eternel !
Psaume 148.7-13
Mon âme, bénis l'Eternel !
Éternel, mon Dieu, tu es infiniment grand !
Tu es revêtu d'éclat et de magnificence !
...
Il conduit les sources dans des torrents
Qui coulent entre les montagnes.
Elles abreuvent tous les animaux des champs;
Les ânes sauvages y étanchent leur soif.
Les oiseaux du ciel habitent sur leurs bords,
Et font résonner leur voix parmi les rameaux.
De sa haute demeure, il arrose les montagnes;
La terre est rassasiée du fruit de tes oeuvres.
Il fait germer l'herbe pour le bétail,
Et les plantes pour les besoins de l'homme,
Afin que la terre produise de la nourriture,
Le vin qui réjouit le c?ur de l'homme,
Et fait plus que l'huile resplendir son visage,
Et le pain qui soutient le coeur de l'homme.
Les arbres de l'Eternel se rassasient,
Les cèdres du Liban, qu'il a plantés.
C'est là que les oiseaux font leurs nids ;
La cigogne a sa demeure dans les cyprès,
Les montagnes élevées sont pour les boucs sauvages,
Les rochers servent de retraite aux damans
...
Les lionceaux rugissent après la proie,
Et demandent à Dieu leur nourriture.
Le soleil se lève : ils se retirent,
Et se couchent dans leurs tanières.
L'homme sort pour se rendre à son ouvrage,
Et à son travail, jusqu'au soir.
Que tes oeuvres sont en grand nombre, ô Éternel !
Tu les as toutes faites avec sagesse.
La terre est remplie de tes biens.
Voici la grande et vaste mer :
Là se meuvent sans nombre
Des animaux petits et grands ;
Là circulent les navires,
Et le léviathan que tu as formé pour se jouer dans les flots.
Tous les animaux espèrent en toi,
Pour que tu leur donnes la nourriture en son temps.
Tu la leur donnes, et ils la recueillent ;
Tu ouvres ta main, et ils se rassasient de biens.
Tu caches ta face : ils sont tremblants ;
Tu leur retires le souffle : ils expirent,
*Et retournent dans leur poussière.
Tu envoies ton souffle : ils sont créés,
Et tu renouvelles la face de la terre.
Que la gloire de l'Éternel subsiste à jamais !
Que l'Éternel se réjouisse de ses oeuvres !
Mon âme, bénis l'Éternel !
Louez l'Éternel ! Psaume 104
(L'Éternel dit :...)
Où étais-tu quand je fondais la terre ?
Dis-le, si tu as de l'intelligence.
Qui en a fixé les dimensions, le sais-tu ?
Ou qui a étendu sur elle le cordeau ?
Sur quoi ses bases sont-elles appuyées ?
Ou qui en a posé la pierre angulaire,
Alors que les étoiles du matin éclataient en chants d'allégresse,
Et que tous les fils de Dieu poussaient des cris de joie ?
...
As-tu pénétré jusqu'aux sources de la mer ?
T'es-tu promené dans les profondeurs de l'abîme ?
...
Où est le chemin qui conduit au séjour de la lumière ?
Et les ténèbres, où ont-elles leur demeure ?
...
Es-tu parvenu jusqu'aux amas de neige ?
As-tu vu les dépôts de grêle
...
Chasses-tu la proie pour la lionne,
Et apaises-tu la faim des lionceaux,
Quand ils sont couchés dans leur tanière,
Quand ils sont en embuscade dans leur repaire ?
Qui prépare au corbeau sa pâture,
Quand ses petits crient vers Dieu,
Quand ils sont errants et affamés ?
Sais-tu quand les chèvres sauvages font leurs petits ?
Observes-tu les biches quand elles mettent bas ?
Comptes-tu les mois pendant lesquels elles portent,
Et connais-tu l'époque où elles enfantent ?
Elles se courbent, laissent échapper leur progéniture,
Et sont délivrées de leurs douleurs.
Leurs petits prennent de la vigueur et grandissent en plein air,
Ils s'éloignent et ne reviennent plus auprès d'elles.
Job 38.4-39.4.
J'estime que les souffrances du temps présent ne sauraient être comparées à la gloire à venir qui sera révélée pour nous.
Aussi la création attend-elle avec un ardent désir la révélation des fils de Dieu.
Car la création a été soumise à la vanité, -non de son gré, mais à cause de celui qui l'y a soumise, -
avec l'espérance qu'elle aussi sera affranchie de la servitude de la corruption, pour avoir part à la liberté de la gloire des enfants de Dieu.
Or, nous savons que, jusqu'à ce jour, la création tout entière soupire et souffre les douleurs de l'enfantement.
Et ce n'est pas elle seulement ; mais nous aussi, qui avons les prémices de l'Esprit, nous aussi nous soupirons en nous-mêmes, en attendant l'adoption, la rédemption de notre corps.
Epître de Paul aux Romains(chap 8 , 18)
Toutes les créatures qui sont dans le ciel, sur la terre, sous la terre, sur la mer
et tout ce qui s'y trouve,
je les entendis qui disaient :
A celui qui est assis sur le trône, et à l'agneau,
soit la louange, l'honneur, la gloire, et la force,
aux siècles des siècles !
Apocalypse 5.11-14 |
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delphine
Inscrit le: 24 Nov 2006 Messages: 7
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Posté le: Sa 25 Nov 2006 23:55 Sujet du message: |
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wouah...Mauvaiseherbe....
je ne sais quoi dire, "merci", ça fait tout petit à côté de toutes les pistes que tu partages!!!!!
donc, "merci", mais un gros merci du fond du coeur... je m'en vais relire tes textes en prenant le temps....
Delphine-qui-n'en-revient-pas |
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khoan
Inscrit le: 29 Sep 2006 Messages: 356
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Posté le: Me 16 Mai 2007 8:12 Sujet du message: |
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La première chose que Dieu fit, c'était un jardin...
"Et Noe fit monter les animaux dans l'arche". |
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toniov
Inscrit le: 24 Fév 2007 Messages: 647
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Posté le: Je 17 Mai 2007 12:26 Sujet du message: |
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Je pense que le rapport de l'homme à la nature est simple et complexe à la fois. D'une certaine façon, l'homme doit s'en protéger. Il y a cette fameuse " Loi de la nature " ultra agressive. C'est bien l'homme qui humanise la nature. Mais nous restons quand meme, malgré la séparation que nous avons érigé entre nous et la nature, ne serait ce que pour notre survie, tous " fils de la nature ". C'est de la folie de se considérer supérieur à elle et vouloir la dominer totalement. C'est grace à elle que nous sommes la, que nous vivons. |
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