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Regards sur l'éveil Café philosophique, littéraire et scientifique
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lune
Inscrit le: 09 Jan 2005 Messages: 34
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Posté le: Ma 08 Fév 2005 18:20 Sujet du message: Jules Supervielle: l'enfant de la haute mer |
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Dans ce conte, Supervielle narre l'existence tragique d'une petite fille prisonnière d'une ville étange, murée entre le monde des vivants et celui des morts, entre la terre et l'océan. L'enfant traverse inlassablement l'unique rue pourtant liquide de la petite ville construite dans le Haut Atlantique, au-dessus d'un gouffre de six mille mètres. Désespérément seule, elle tente vainement de réveiller les âmes de cette ville-fantôme, de faire avancer les aiguilles de l'horloge du temps, figé, immobile.
Elle tente dans un dernier sursaut de se noyer dans la mer pour rejoindre l'éternité des morts.Mais la vague, impuissante, la rejette en son monde immuable, suspendu entre deux univers auxquels elle n'aura jamais plus accès. Le conte se termine alors par un magnifique paragraphe qui donne à lui seul tout son sens au texte:
"Marins qui rêvez en haute mer, les coudes appuyés sur la lisse, craignez de penser longtemps dans le noir de la nuit à un visage aimé. Vous risqueriez de donner naissance, dans des lieux essentiellement désertiques, à un être doué de toute la sensibilité humaine et qui ne peut pas vivre ni mourir, ni aimer, et souffre pourtant comme s'il vivait, aimait et se trouvait toujours sur le point de mourir, un être infiniment déshérité dans les solitudes aquatiques, comme cette enfant de l'Océan, née un jour du cerveau de Charles Liévens, de Steenvoorde, matelot de pont du quatre-mâts "Le Hardi", qui avait perdu sa fille âgée de douze ans, pendant un de ses voyages,et, une nuit, par 55 degrés de latitude Nord et 35 de longitude Ouest, pensa longuement à elle, avec une force terrible, pour le grand malheur de cette enfant."
C'est donc l'amour d'un père, cette "force terrible", qui empêche son enfant de quitter le monde terrestre et de trouver le repos dans celui des morts. On comprend aisément combien la douleur d'un amour perdu peut nous amener à vouloir le faire revivre à tout prix. Mais pas à n'importe quel prix. Le tribut payé par l'enfant de la haute mer, c'est celui de l'enfermement. Un enfermement physique d'abord, puisque l'enfant ne grandit pas, ne change pas. Elle aura toujours douze ans, un âge qui de provisoire devient définitif, l'empêchant d'accéder à son statut de femme. Un isolement affectif ensuite, car l'enfant est coupée de toute relation humaine, et même d'elle- même, puisqu'elle ne peut vérifier la légitimité de ses sentiments auprès d'autrui.
Une idée fixe qui garde un amour statique, qui stoppe l'élan, le mouvement, qui refuse le changement, l'évolution. Une appropriation de l'autre qui le "chosifie". Un amour qui, sous le prétexte de l'amour, le dévitalise,le dévivifie, le prive de sa distance propre, de sa liberté d'être.
Un aveuglement à ne pas reconnaître à l'autre sa capacité d'éveil, sa relation personnelle au monde. Un amour que l'on croit laisser perdre s'il s'éloigne de soi, alors qu'il meurt de pas pouvoir naviguer. Un amour que l'on ne sait définir que par rapport au besoin que l'on en a. Un amour qui s'éteint parce qu'il veut tout retenir, tout contenir, parce qu'il ne s'offre pas.Un amour qui ne sait pas s'oublier pour mieux se retrouver. |
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 1421 Localisation: Suisse
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Posté le: Sa 12 Fév 2005 18:44 Sujet du message: |
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Je suis tombé hier sur un texte de Teilhard de Chardin qui me semble très à-propos. Il y distingue deux types de morales: l'une, qu’il appelle morale d’équilibre, comprise “comme un système fixé de droits et de devoirs, visant à établir entre individus un équilibre statique, et soucieux de maintenir celui-ci par une limitation des énergies, c’est-à-dire de la Force”, et l'autre, qu’il appelle morale de mouvement, et qui vise à “développer le mieux jusqu’à ses limites supérieures le Phénomène naturel. Non plus protéger, — mais développer, par éveil et par convergence, les richesses individuelles de la Terre.” Pierre Teilhard de Chardin, L’Énergie humaine, Seuil, Points Sagesse, 1962, p. 139
Ce père qui enfermait sa fille dans son amour, comme si la seule chose qui comptait était le souci qu’il avait d’elle, l’amour qu’il lui offrait, fidèle à cette morale d’équilibre, statique, où l’acte compte plus que la personne, alors que l’enfant se voyait privée par cet acte de “piété paternelle” de sa potentialité de croissance, privée de sa vie parce que le père ne percevait pas que cette vie puisse s’enraciner autre part qu’en lui et grandir ailleurs que sous son regard. D’aliment le plus propice à la croissance de l’être, l’amour devenait une prison et un frein à l’être, simplement parce qu’il ne visait pas, dans une persective de convergence, comme le dit Teilhard, un bien plus large, le potentiel commun à développer, chez soi et chez l’autre. Je me souviens de ce couple de bambins amoureux que l'on voyait partout dans les années 70, sur les tasses, les T-shirt les agendas, illustrant dans des variations infinies le théme: “L’Amour c’est...”. Je m'en souviens d’un en particulier, où on les voyait de dos, avec cette légende: “L’amour, c’est regarder ensemble dans la même direction.” Je crois que c’est bien cela, l’amour, ce n’est pas se regarder l’un l’autre dans une mutuelle possession, mais bien se trouver réunis dans un mouvement qui nous emporte et nous dépasse, et nous fait chacun grandir. |
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Supervielle Invité
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laura Invité
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Posté le: Lu 19 Juin 2006 15:20 Sujet du message: |
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bonjour. Si vous aviez à présenter le poeme "vers la ville" (Débarcadère) qu'est ce que vous diriez? je risque de tomber sur ce texte à l'oral du bac et je suis completement perdue. merci 1000 fois de votre aide |
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