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Pierre Hadot et La simplicité du regard de Plotin

 
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feuille



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MessagePosté le: Me 24 Oct 2007 18:51    Sujet du message: Pierre Hadot et La simplicité du regard de Plotin Répondre en citant

Bonjour à tous,

J’aimerais partager avec vous l’étude de Pierre Hadot dans le livre « Plotin ou la simplicité du regard ». Hadot nous invite dans ce petit livre à nous immerger dans l’œuvre de Plotin et plus particulièrement dans l’union mystique.

Plotin philosophe mystique (205 après J.-C. - 270) de tradition orale a été incité par un de ses plus fervents disciples – Porphyre - à écrire son enseignement. Il est l’auteur de 54 traités qui, par la suite, ont été rangés de manière thématique et non chronologique par Porphyre dans 6 recueils appelés les Ennéades : dans ces traités, il y est question de l’homme, du bonheur, du bien, du beau, de la vertu, de la matière, du temps, de l’Un, de l’âme, du corps, de l’être…etc. Son enseignement a lancé l’école néoplatonicienne qui vise à concilier la philosophie de Platon avec certaines doctrines religieuses. Plotin n’a a priori pas directement été influencé par des doctrines indiennes mais a largement influencé nombre de philosophe et penseurs spirituels depuis. Bergson a été notamment influencé par Plotin et le cite par exemple dans son étude sur Les deux sources de la morale et de la religion.

Dans ce petit livre synthétique sur l’œuvre Plotinienne, Pierre Hadot nous livre un éclairage fort bien rédigé et précis sur les niveaux du moi, l’Amour, la Douceur, la Présence, la Solitude, Les Vertus. C’est une belle introduction pour connaître la simplicité du regard de Plotin!

Le texte suivant est un petit extrait du livre. Nous pouvons remarquer le terme « d’effluve » qui pourrait nous faire penser dans un registre tout aussi modeste à « l’impulsion » dont nous parlait Jean-Marie (en bleu, le texte de Hadot, en italique, des extraits de l’œuvre des Ennéades, le premier numéro étant le numéro de l’Ennéade – VI, II …etc.-, le numéro suivant est le numéro du traité dans l’Ennéade, le numéro suivant le paragraphe et enfin la ligne).
Bonne lecture ! :fleur:

    L'expérience de l'amour! C'est d'abord l'impression d'un élan infini :
      C'est seulement lorsque l'âme reçoit en elle l'« effluve » qui vient du Bien, qu'elle s'émeut : elle est alors saisie d'un transport bachique et remplie de désirs qui l'aiguillonnent. C'est alors que naît l'amour. Auparavant, elle n'éprouve aucune émotion qui l'attire vers l'Esprit, bien que celui-ci soit beau. Car la beauté de l'Esprit reste inerte et sans effet, tant qu'elle n'a pas reçu la lumière du Bien... Mais, lorsqu'est parvenue jusqu'à l'âme, en quelque sorte, la «chaleur» qui vient du Bien, elle prend force, elle s'éveille, elle devient véritablement ailée, et, bien qu'elle soit transportée de passion pour ce qui se trouve actuellement près d'elle, pourtant elle s'élève, légère, conduite par le « souvenir ». Et tant qu'il y a quelque chose au-delà de l'objet qui est actuellement près d'elle, l'âme est emportée vers le haut, emportée par celui qui lui donne l'Amour. Et elle s'élève au-dessus de l'Esprit, mais elle ne peut courir au-delà du Bien, car il n'y a rien au-dessus de lui. (VI, 7, 22, 8.)

    (Plotin ou la simplicité du regard, p81, Pierre Hadot, Editions folio essais, 1997)

Dans l’extrait qui suit, Pierre Hadot nous révèle avec justesse l’expérience mystique décrite par Plotin qui résonne avec force avec le thème du forum!
    Pour se préparer à la venue du Bien, il faut donc que l'âme laisse toute activité intérieure, toute représentation distincte, toute volonté propre, toute possession particulière. C'est que le Bien est lui-même sans forme.
      Nous ne nous étonnerons pas que soit affranchi totalement de toute forme, même spirituelle, l'objet qui provoque de si « ardents désirs » : car, lorsque l'âme ressent pour Lui un amour passionné, elle se dépouille, elle aussi, de toutes formes, et même de la forme spirituelle qui pourrait être en elle. Car il n'est pas possible à celui qui a avec soi quelque d'autre que Lui et s'en occupe, de Le voir et de s'accorder à Lui. Mais il faut que l'âme n'ait rien d'autre présent à l'esprit, ni quelque chose de mauvais, ni même quelque chose de bon, afin de le recevoir, Lui seul, elle seule, (vi 7, 34, 1 et cf. vi 9, i, 14.)

    N'ayant plus rien, dépouillée de toute forme, l'âme ne fait plus qu'un avec l'objet de son amour, elle devient le Bien, elle est le Bien :

      Et si l'âme a la chance de Le rencontrer, s'il vient à elle, mieux encore, s'il lui apparaît présent, lorsqu'elle s'est elle-même détournée des choses présentes, s'étant préparée elle-même pour être la plus belle possible et étant parvenue ainsi à la ressemblance avec Lui (car cette préparation, cette mise en ordre, sont bien connues de ceux qui les pratiquent), Le voyant alors «soudainement » apparaître en elle (car il n'y a plus rien entre eux et ils ne sont plus deux, mais tous deux sont un : en effet tu ne peux plus les distinguer, aussi longtemps qu'il est là : l'image de cela, ce sont les amants et les aimés d'ici-bas qui voudraient bien se fondre ensemble), à ce moment, l'âme n'a plus conscience de son corps, ni qu'elle se trouve en ce corps et elle ne dit plus qu'elle est quelque chose d'autre que Lui : homme ou animal ou être ou tout (car la vue de ces choses briserait l'uniformité de son état), et d'ailleurs elle n'a ni le temps ni le désir de se tourner vers elles, mais. L'ayant cherché, lorsqu'il est présent, elle va à sa rencontre, et c'est Lui qu'elle regarde au lieu d'elle-même et elle n'a pas le loisir de voir qui elle est, elle qui regarde. (VI 7, 34, 8.)

      Quant à l'objet de sa vision... le voyant, à ce moment-là donc, ni ne Le voit ni ne Le distingue, et il ne se représente pas qu'ils sont deux, mais devenu en quelque sorte autre et n'étant plus lui-même ni à lui-même, il appartient tout entier à ce qui est là-haut, et, possédé par Lui, il est un, comme s'il avait fait coïncider son centre avec le centre. Car même ici-bas deux centres qui coïncident sont un. Ils ne redeviennent deux que lorsqu'ils se séparent. (Vi 9, 10, 12.)

    Si le moi peut ainsi coïncider avec le Bien, avec ce que Plotin, pour exprimer son absolue simplicité, appelle l'Un, c'est que le fond, la source dernière de la vie spirituelle, est une présence pure, simple, indécomposable. C'était cette présence totale que la vision spirituelle pressentait déjà, nous l'avons vu, derrière le monde des Formes. Celles-ci apparaissaient comme la manifestation d'une force dont le mouvement d'expansion ne s'arrêtait dans aucune forme particulière. Comme les attitudes successives que prend le danseur, les Formes — et leur Beauté — n'étaient que les figures où s'exprimait la simplicité féconde d'un mouvement pur qui, restant à l'intérieur de lui-même, les engendrait, tout en les dépassant. Telle était bien aussi l'expérience de la grâce : « La Beauté n'est que de la grâce fixée. » Ainsi toute forme est dérivée :
      « La forme n'est que la trace du "sans forme". En effet le "sans forme" engendre la forme. » (VI, 7,33, 30.)

    Dans l'extase mystique, l'âme, laissant toute forme et sa propre forme, s'identifie à cette réa-lité sans forme, cette présence pure qui est le centre d'elle-même comme de toute chose.

    En cet état, l'âme a l'impression d'accéder à une vie supérieure :


      Pour ceux qui ignorent cet état, qu'ils se représentent d'après les amours d'ici-bas ce que peut être la rencontre de l'être le plus aimé, et que les objets d'amour d'ici-bas sont mortels et nuisibles, que les amours d'ici-bas n'ont pour objets que des reflets et qu'ils sont instables, parce qu'il ne s'agit pas de ce que nous aimons véritablement, ni de notre bien, ni de ce que nous cherchons. Mais c'est là-haut qu'est le véritable bien-aimé, avec qui il est possible de s'unir en participant à Lui et en Le possédant réellement, non pas seulement en L'entourant de l'extérieur avec nos bras de chair. « Celui qui a vu sait ce que je dis », à savoir que l'âme reçoit alors une autre vie, lorsqu'elle s'approche de Lui, qu'elle parvient enfin à Lui, qu'elle participe de Lui, en sorte que, dans cet état, elle sait qu'est présent Celui qui donne la vie véritable et qu'elle n'a plus besoin de rien, mais que, bien au contraire, il lui faut laisser toutes les autres choses, et se tenir immobile en ce Seul, et devenir ce Seul, en retranchant toutes les autres choses qui nous enveloppent, en sorte que nous avons hâte de sortir d'ici, que nous nous irritons d'être liés au côté opposé [c'est-à-dire à la matière et au corps], dans notre désir de l'embrasser par la totalité de nous-mêmes, et de n'avoir plus aucune partie de nous-mêmes qui ne touche Dieu. (VI, 9, 9, 40.)

    Dans cette union mystique, l'âme éprouve un sentiment de certitude, de bien-être, de volupté :

      À ce moment-là, il lui est donné de juger et connaître parfaitement que « c'est Lui » qu'elle désirait, et d'affirmer qu'il n'y a rien de préférable à Lui, car là-haut, aucune tromperie n'est possible : où trouverait-on plus vrai que le vrai ? Ce qu'elle dit donc : « C'est Lui ! », c'est en fait plus tard qu'elle le prononce, maintenant, c'est son silence qui parle : remplie de joie, elle ne se trompe pas, précisément parce qu'elle est remplie de joie et elle ne le dit pas à cause d'un plaisir qui lui chatouillerait le corps, mais parce qu'elle est devenue ce qu'elle était autrefois quand elle était heureuse. Mais aussi toutes les choses qui lui faisaient plaisir auparavant : les dignités, le pouvoir, les richesses, les beautés, les sciences, tout cela, elle dit qu'elle le méprise; le dirait-elle si elle n'avait rencontré des choses préférables à tout cela? Et elle ne craint plus que quelque chose puisse lui arriver, car elle ne voit absolument rien, lorsqu'elle est avec Lui. Mais s'il arrivait que toutes les choses qui sont autour d'elle fussent détruites, ce serait tout à fait ce qu'elle veut, pourvu seulement qu'elle soit avec Lui : si grande est la joie à laquelle elle est parvenue. (VI, 7, 34, 25.)

    Si l'âme éprouve joie et volupté, c'est donc parce qu'elle est « devenue ce qu'elle était autrefois quand elle était heureuse». L'expérience mystique apparaît ici comme un retour de l'âme à son origine, qui est, en fait, l'origine de toutes choses, c'est-à-dire le point où l'Esprit, porteur de toute la réalité, émane, comme un rayon, de ce centre qu'est le Bien.
    (Plotin ou la simplicité du regard, p90-95, Pierre Hadot, Editions folio essais, 1997)
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daniel



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MessagePosté le: Je 25 Oct 2007 12:35    Sujet du message: Répondre en citant

merci, feuille, pour ce que tu nous fais partager là ...
même si plotin, n'a pas été directement influencé par les philosophies indiennes, comme tu le précises, ce qui est vécu là, ressemble, quand même, beaucoup ce que l'on peut atteindre, de plus haut, comme état dans la méditation "shamata" (calme mental), la fusion entre le petit soi et le grand Soi (atman avec brahman) ... pour le bouddha (des origines), ces différents états n'étaient que des "trips du mental", pourquoi, parce que l'on en revenait, comme avant, retrouvant tous ses "désordres intérieurs que l'on dit liés à l'égo" ... c'est ce qui me fait penser que l'égo existe d'une certaine manière (interaction entre différentes aires du cerveau, mémoire, interdépendance avec l'environnement, etc ...) mais pas que le Soi existe ... en tout cas, c'est ce qui a conduit le bouddha, à l'origine, à identifier le mal comme venant du fait que l'on croyait, à tord, à l'"existence permanente du moi" (croyance sublimé dans celle d'un grand Soi (Dieu, Conscience, etc ...)) ...

évidemment, il faut voir comment plotin en est revenu, peut-être en est-il revenu complètement transformé, ne subissant plus les affres de la vie ...

plotin était le philosophe du "Noùs" !? peux-tu nous en apprendre plus, comment définit-il cette porte d'accès vers l'au-delà, à quel niveau situe-t-il cela, etc ...

en tout cas, j'avais trouvé le texte de bergson très "poétique", il exprimait bien, aussi, comment la conscience fructifiait de l'intérieur à travers la "manifestation" de la vie, voir de l'univers ... ton introduction est très bien écrite aussi, que du plaisir ! :good: (je regrette, un peu, de devoir contredire, tout l'temps, mais ça me semble important de mettre certains trucs en avant, quand je le pense nécessaire ... et puis n'oublions pas, c'est à travers le prisme de la "dualité", que je fais part de mon avis !
l'union mystique ça doit être le pied, non !? fetes20
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feuille



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MessagePosté le: Je 25 Oct 2007 13:42    Sujet du message: Répondre en citant

daniel a écrit:
plotin était le philosophe du "Noùs" !? peux-tu nous en apprendre plus, comment définit-il cette porte d'accès vers l'au-delà, à quel niveau situe-t-il cela, etc ...

Je n’ai pas pu encore lire Plotin directement mais ceci est détaillé dans le premier chapitre du livre de Pierre Hadot. Notamment lorsque Plotin décrit ce « nous » :
    Mais nous... Qui «nous»? Sommes-nous la partie de l'âme qui demeure toujours dans l'Esprit, ou bien sommes-nous ce qui s'est ajouté à elle et qui est soumis au devenir du temps ? Mais ne faut-il pas dire qu'avant que se produise la naissance actuelle, nous étions, dans le monde transcendant, d'autres hommes — certains d'entre nous, même des dieux —, nous étions des âmes pures, nous étions Esprit, unis à la totalité de l'être, parties du monde spirituel, sans séparation, sans division : nous appartenions au Tout (et même encore maintenant nous n'en sommes pas séparés).
    Mais il est vrai que maintenant, à cet homme-là, un autre homme s'est ajouté : il voulait être et nous ayant trouvés... il s'est attribué à nous et il s'est ajouté à cet homme que nous étions originellement... et ainsi nous sommes devenus les deux et plus d'une fois nous ne sommes plus celui que nous étions auparavant et nous sommes celui que nous nous sommes ajouté ensuite : l’homme que nous étions cesse d’agir et en quelque sorte d’être présent. (VI, 4, 14, 16)

    (Ibid, p33-34)
Il y décrit un mixte en nous, celui qui est toujours au contact du Tout et celui qui est tourné vers l’extérieur, vers le sensible, qui souffre, qui divise ce qu’il voit… etc. Mais il ne rentre pas non plus dans le jeu simplificateur d’une division de notre conscience… il tente de suggérer cette « zone médiane de l’âme ». C’est toujours délicat dès que la parole s’empare de ce sujet : à partir du moment où l’on nomme un Soi, il y a forcément le problème du moi qui surgit… il faut toujours voir ces mots comme une symbolique qui peut ou ne pas passer au travers de notre pensée pour nous faire chavirer… mais lorsque nous connaissons cette symbolique, elle n’a plus vraiment l’effet de surprise.

daniel a écrit:
évidemment, il faut voir comment plotin en est revenu, peut-être en est-il revenu complètement transformé, ne subissant plus les affres de la vie ...

Il y a quelques indices peut-être ici dans les mots de Plotin :
    Et dans un non-savoir de toutes choses... et dans un non-savoir de soi-même, il faut devenir possédé par Lui dans la vision et, s'étant uni à Lui, ayant en quelque sorte suffisamment eu commerce avec Lui, il faut revenir annoncer à d'autres, si cela est possible, ce qu'est le commerce de là-haut... à moins que, si l'on estime les occupations politiques indignes de soi, on ne préfère rester là-haut, et ce serait bien là ce que pourrait être l’état de « celui qui a beaucoup vu » [référence à Phèdre de Platon, 248 d2]. (VI, 9, 7, 21)
    (Ibid, p90)
Non pas que Plotin se juge lui-même dans la position de « celui qui a beaucoup vu », puisqu’il a quand même œuvré pour en parler… peut-être était-il lui-même pris dans cette position assez difficile, entre la pure contemplation, dont c’est une position qu’il défend, et l’action, qui s’est d'ailleurs traduite par son activité à écrire à ce sujet.
Peut-être aussi qu’il y a une situation intérieure toujours aussi ambivalente face à cette solitude originelle comme le remarque judicieusement Pierre Hadot à la fin de son ouvrage, dans le chapitre consacré à la Solitude.
    L'homme est ainsi dans une position presque intenable. L'indicible vient rompre le tissu familier et confortable du quotidien. L'homme ne peut donc s'enfermer en celui-ci, y vivre totalement, s'en satisfaire. Mais s'il ose affronter le mystère, il ne pourra pas se maintenir dans cette attitude : il lui faudra revenir bien vite aux évidences rassurantes du quotidien. La vie intérieure de l'homme ne sera jamais pleinement unifiée; elle ne sera jamais ni pure extase, ni pure raison, ni pure animalité. Cela, Plotin le savait déjà. Il acceptait avec douceur ces niveaux multiples et il cherchait seulement à réduire le plus possible cette multiplicité en détournant son attention du «composé». Il fallait que l'homme apprît à se supporter lui-même.
    (Ibid, p193)
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daniel



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MessagePosté le: Je 25 Oct 2007 16:18    Sujet du message: Répondre en citant

feuille écrit :

Citation:
Il y décrit un mixte en nous, celui qui est toujours au contact du Tout et celui qui est tourné vers l’extérieur, vers le sensible, qui souffre, qui divise ce qu’il voit… etc. Mais il ne rentre pas non plus dans le jeu simplificateur d’une division de notre conscience… il tente de suggérer cette « zone médiane de l’âme ». C’est toujours délicat dès que la parole s’empare de ce sujet : à partir du moment où l’on nomme un Soi, il y a forcément le problème du moi qui surgit… il faut toujours voir ces mots comme une symbolique qui peut ou ne pas passer au travers de notre pensée pour nous faire chavirer… mais lorsque nous connaissons cette symbolique, elle n’a plus vraiment l’effet de surprise.


Laughing je ne sui pas sûr que l'on parle du même "noùs", défini, ci-dessous, selon plotin, mais, ce qui est repris dans ton post, rejoint bien cet autre "nous", je crois ... :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Plotin

Citation:
La première émanation est le Noüs (la "Pensée"), que Plotin identifie avec le démiurge platonicien, évoqué dans Timée. Du Noüs émane l'"Ame du monde", que Plotin divise en niveaux "inférieur" (la "Nature"), et "supérieur". De l'Ame du monde émanent les âmes humaines, et enfin la matière, degré le plus bas d'être et de perfection.
Cependant, bien que le monde matériel soit au plus bas de cette "procession", Plotin critique le dédain professé par les gnostiques pour la matière. Au contraire, elle est de nature divine, puisqu'émanant du Noüs et de l'Ame du monde. (source wikipedia)



on peut penser, en fait, que le "noüs", est, justement, cette "zone médiane de l'âme" dont tu parles, cette ouverture, fermé, mais qui peut s'ouvrir, à nouveau, à celui (la part engagé dans la manifestation) qui, "par chance", par bonheur, parvient à renouer le contact avec l'"autre part" de lui-même, cette part qui est toujours au contact du Tout ...
heureux évènement, qui semble trouvé sa réalisation majeure, dans ce qu'il nomme la "conversion" :

Citation:
La conversion, épistrophie en grec, est le mouvement inverse de la procession, le retournement des êtres vers leur principe. Ainsi, intermédiaire entre le monde intelligible et le monde sensible, l'Âme peut se retourner vers sa source pour la contempler et en jouir. En se détournant du monde matériel et à travers l'expérience esthétique, puis la conversion philosophique, elle peut s'élever jusqu'à la contemplation de l'Un. (source wikipedia)



cette approche semble avoir influencé, particulièrement, les "pères du désert", et couronne, quelque peu l'oeuvre de jean-yves leloup (dans l'évangile de marie-madelaine, par exemple ...) ...
en hébreux, on emploie le mot "techouva", qui veut dire se (re)tourner vers ... Dieu ... mot improprement traduit par les traducteurs des évangiles, qui emploient, plus volontier, le terme : "conversion" (qui est plutôt coercisif, surtout dans ces dérives ...) ...

pour jean yves leloup, l' Homme est quaternel :

le pneuma (le souffle divin, l'Esprit)
le "noüs" (l'esprit de l'Homme)
l'âme (la psyché, les émotions)
soma (le corps, les sensations)

si l'Homme renoue avec l'Esprit divin, à travers son "noüs", il connaîtra la Réalisation, et s'il n'y parvient pas, il se perdra, se noira, le psychisme emporté par le corps ... il disparaîtra, à jamais ... je n'ai rencontré qu'une seule fois jean-yves leloup, en 1995, et lui ai demandé s'il "croyait" en la réincarnation, il m'a répondu que non, plus à ce moment là, donc, on peut penser que notre "baby Homme",lui, disparaît, à jamais ...

mais maintenant, je vois d'où vient, entre autre, le "noüs", et ce "noüs" me rappelle, quand même, un peu, le troisième oeil que l'on représente dans l'"hindouïsme" ... je ne sais pas si c'était déjà le cas, à l'époque de plotin ...
ce qui est intéressant, c'est que cette idée de "retour vers" est au moins repris dans les trois monothéïsmes (chez les mystiques), il serait bien qu'ils retrouvent ce "point" de convergeance, non !?


Citation:
L'homme est ainsi dans une position presque intenable. L'indicible vient rompre le tissu familier et confortable du quotidien. L'homme ne peut donc s'enfermer en celui-ci, y vivre totalement, s'en satisfaire. Mais s'il ose affronter le mystère, il ne pourra pas se maintenir dans cette attitude : il lui faudra revenir bien vite aux évidences rassurantes du quotidien. La vie intérieure de l'homme ne sera jamais pleinement unifiée; elle ne sera jamais ni pure extase, ni pure raison, ni pure animalité. Cela, Plotin le savait déjà. Il acceptait avec douceur ces niveaux multiples et il cherchait seulement à réduire le plus possible cette multiplicité en détournant son attention du «composé». Il fallait que l'homme apprît à se supporter lui-même.


il me semble qu'ici, au moins, plotin rejoint ce que bouddha a constaté, au retour de ses états méditatifs, non !?

ps : je ne sais pas si wikipedia est un kangourou, mais c'est une mine d'or ... Laughing


Dernière édition par daniel le Ve 26 Oct 2007 15:00; édité 3 fois
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feuille



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MessagePosté le: Je 25 Oct 2007 18:02    Sujet du message: Répondre en citant

daniel a écrit:
je ne sui pas sûr que l'on parle du même "noùs", défini, ci-dessous, selon plotin

Ce qui est « défini ci-dessous » ne vient pas de Plotin mais d'un contributeur à Wikipedia (Pense aussi à faire un lien !) qui présente la pensée de Plotin d'une certaine manière... attention aux raccourcis!
Pour y voir plus clair, il serait judicieux de lire cette traduction de l'Ennéade I,1 (ou traité 53) qui traite de ce sujet. Tu y verras que Plotin aborde ce problème en tant que « composé » ou « mélange » (là où je parlais de mixte, terme plus Bergsonnien) : au travers de la question « Quel est le sujet éprouvant la vie ? », il tente effectivement d'observer le problème sous l'aspect du corps, de l'esprit, de l'intelligence, de l’âme... etc. En 54 traités, Plotin a pris le temps de détailler cette explication, prenons garde de ne pas mutiler trop vite le déroulement de sa pensée qui est en elle-même un composé, un mélange (comme je l’ai dit, n’ayant pas lu directement Plotin mais uniquement des passages sélectionnés par Pierre Hadot, je ne peux pas me permettre une analyse plus précise). Smile
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daniel



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MessagePosté le: Ve 26 Oct 2007 6:17    Sujet du message: Répondre en citant

merci pour ces précisions ! effectivement le bonhomme (et ce qu'il développe) m'intéresse grandement, je m'en vais lire cette ennéade !

ps : j'ai rajouté le lien à mon intervention d'au-dessus ! musique15
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daniel



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MessagePosté le: Ve 26 Oct 2007 15:56    Sujet du message: Répondre en citant

et bien, je viens de lire l'ennéade, en question, ce fut très instructif ... je regrette, un peu, qu'il ait, ici, une tendance à séparer "l'esprit et le corps", ça doit être dû au parfum de la non-dualité qui vous émoustille sur le forum ...

dans l'extrait qui suit, l'on semble quand même rejoindre ce dont je parlais, plus haut, c'est-à-dire cette idée de "se tourner vers ...", extrait de l'ennéade, en question :

Citation:
[edit] 11
Chez les enfants, les facultés qui viennent du composé sont très actives ; mais le composé reçoit fort peu la lumière d’en haut. Lorsque cette lumière n’agit pas sur nous, c’est qu’elle tourne son activité vers la région supérieure ; elle agit sur nous, lorsqu’elle descend jusqu’à la partie moyenne de l’âme. — Quoi ! ne sommes-nous pas aussi cette région supérieure ? — Oui, mais il faut encore que nous en ayons la perception ; car nous n’utilisons pas toujours ce que nous possédons ; il nous faut, pour cela, orienter la partie moyenne de notre âme vers le supérieur ou vers l’inférieur, et faire passer nos facultés de la puissance ou de la disposition à l’acte.

Et les bêtes ? En quel sens ont-elles la vie ? — S’il y a en elles, comme on dit, des âmes humaines qui ont péché, la partie supérieure et séparée de ces âmes ne vient jamais jusqu’aux bêtes ; elle les assiste, sans leur être présente ; leur conscience atteint seulement le reflet de l’âme qui est uni au corps ; et leur corps reçoit ses qualités de ce reflet de l’âme. Si ce n’est point une âme humaine qui s’est introduite dans les bêtes, leur vie est alors issue de l’illumination du corps par l’âme universelle


on retrouve cette approche chez les kabbalistes, si l'on parvient à "reprendre" contact avec l'"Ame des âmes", cette partie supérieure, à travers l'arbre des séphirotes, l'on (re)devient l'adam kadmon, et l'on perçoit le retour de toutes les âmes qui ont composée l'humanité, elles se reflètent en nous, nous, en elles, et quelque part, l'"on se dit (Dieu) que tout est accompli, et l'on retourne à l'Un. (au Silence, comme le soulignerait nad) ...

mais j'ai bien compris, aussi, que pour plotin, c'est afin de se révéler à elle-même, que l'âme accepte de se laisser enrôler dans le jeu de la Vie et des morts multiples (en se reflètant en lui) ... en fait, j'ai eu autant de plaisir que lorsque j'ai lu "l'éthique", en partie, de spinosa ... spinosa m'a convaincu de l'idée (préssentie) que si Dieu existait, il devait être la seule réalité qui soit ... ici, plotin, me convint (peut-être, pcq cela n'apparaît pas d'un coup dans ce que j'ai lu là) que la "partie" participe du Tout (ceci s'expliquant par cela ... Laughing ) ...
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Jean-Marie



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MessagePosté le: Ve 26 Oct 2007 19:49    Sujet du message: Répondre en citant

Hello, Feuille

Je ne sais pas comment ça se fait, mais je n'avais pas vu ce fil sur Plotin jusqu'à ce que Ambre en parle.

J'ai lu avec beaucoup d'intérêt tes citations de Plotin et Hadot. Ce qui est dit est vraiment dans la même ligne que Maître Eckhart. Cela m'a donné l'idée de chercher un peu dans ma mémoire et dans ma bibliothèque. J'ai mis la main sur les Ennéades I et II, traduction de Émile Bréhier, Société d'édition "Les Belles Lettres", Paris, 1960. Comme d'habitude, j'avais inscrit la date d'achat : août 1974. Cela date de ma première période "spirituelle". Mais à l'époque, c'était un intérêt intellectuel uniquement, non soutenu par un vécu. En témoigne le fait qu'une partie seulement du premier livre avait été coupée. Rien ne sert d'avoir un diamant entre les mains si on est aveugle.

P.S. J'ai terminé l'Introduction de "L'évolution créatrice" de Bergson. J'ai quand même dû un peu m'accrocher.

_________________
Jean-Marie
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Jean-Marie



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MessagePosté le: Sa 27 Oct 2007 19:01    Sujet du message: Répondre en citant

Voici quelques lignes de Plotin (Ennéade I,5,1 : Le bonheur s'accroit-il avec le temps ?)
Plotin a écrit:
Le bonheur s'accroît-il avec le temps ? Le bonheur est à chaque instant saisi dans le présent ; le souvenir du bonheur ne fait rien au bonheur ; le bonheur n'est pas une chose qui se développe, comme un discours, mais un état ; or un état existe [entièrement] dans le présent.

C'est dire à quel point nous ne faisons que répéter ce qui a déjà été dit.

Pour ceux qui préfèrent lire dans le texte :

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Jean-Marie
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daniel



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MessagePosté le: Lu 29 Oct 2007 17:40    Sujet du message: Répondre en citant

petit ajout, cher feuille, concernant le noûs ...

Citation:
La noétique, du grec ancien noûs (νοῦς, intellect), est une branche de la philosophie qui traite des questions sur l'intellect et la pensée. Parmi ses objectifs principaux on peut mentionner l'étude de la nature et du fonctionnement de l'intellect humain et les liens entre cet intellect et l'intellect divin. C'est pourquoi la noétique a eu souvent des liens très étroits avec la métaphysique. Dans la tradition occidentale et dans la philosophie arabe la noétique a été très influencée par les théories de philosophes comme Anaxagore, Aristote ou Platon.



http://fr.wikipedia.org/wiki/No%C3%A9tique#Le_No.C3.BBs_d.27Anaxagore

c'est ce dont je voulais parler plus haut ...
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