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Regards sur l'éveil Café philosophique, littéraire et scientifique
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Auteur |
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waxou
Inscrit le: 13 Mars 2005 Messages: 361 Localisation: Marseille
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Posté le: Ma 22 Mars 2005 2:43 Sujet du message: Le chêne et le roseau |
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Sans vouloir faire dans le texte "bateau", je voulais simplement rappeler une fable souvent connue trop tôt dans notre vie pour qu'on puisse y dégager un sens profond.
Je ne suis même pas sûr d'avoir posté ce sujet au bon endroit et je comprendrais qu'il soit déplacé dans une catégorie plus adéquate
Citation: | Le Chêne un jour dit au Roseau :
Vous avez bien sujet d'accuser la Nature ;
Un Roitelet pour vous est un pesant fardeau.
Le moindre vent qui d'aventure
Fait rider la face de l'eau,
Vous oblige à baisser la tête :
Cependant que mon front, au Caucase pareil,
Non content d'arrêter les rayons du Soleil,
Brave l'effort de la tempête.
Tout vous est Aquilon, tout me semble Zéphir.
Encor si vous naissiez à l'abri du feuillage
Dont je couvre le voisinage,
Vous n'auriez pas tant à souffrir :
Je vous défendrais de l'orage ;
Mais vous naissez le plus souvent
Sur les humides bords des Royaumes du vent.
La Nature envers vous me semble bien injuste.
- Votre compassion, lui répondit l'Arbuste,
Part d'un bon naturel ; mais quittez ce souci.
Les vents me sont moins qu'à vous redoutables.
Je plie et ne romps pas. Vous avez jusqu'ici
Contre leurs coups épouvantables
Résisté sans courber le dos ;
Mais attendons la fin. Comme il disait ces mots
Du bout de l'horizon accourt avec furie
Le plus terrible des enfants
Que le Nord eût portés jusque-là dans ses flancs.
L'Arbre tient bon ; le Roseau plie.
Le vent redouble ses efforts,
Et fait si bien qu'il déracine
Celui de qui la tête au Ciel était voisine,
Et dont les pieds touchaient à l'empire des morts
La Fontaine.
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N'est-ce pas un belle illustration du lacher prise comparée avec la résistance ? Baisser la tête et ne pas s'opposer à ce qui est (au vent) est considéré comme faiblir par le chêne car s'opposer à ce qui tend à nous faire changer d'orientation est pour lui synonyme de vigueur.
Dans la vie urbaine, nous brûlons souvent beaucoup d'énergie pour montrer notre "vigueur" aux autres. Car contrairement au roseau, nous nous préocupons du jugement du chêne qui nous impressionne et nous fait douter/peur.
Au point que parfois nous devenons des roseaux qui veulent se faire aussi rigides que le chêne
Le chêne est encore plus à plaindre, car étant satisfait de sa vigueur apparente comparée à celle du roseau, il se sent en sécurité. Sa seule chance de réaliser son inconscience est d'avoir une frayeur lors d'une tempête. S'il n'y a pas de tempête, il gardera son point de vue.
A force de vouloir se battre contre le vent, nous devenons chênes, si au lieu de réaliser notre nature "pliable", nous développons des facultés pour être plus résistants que les autres.
Cette fable le montre bien, il est impossible de faire entendre raison à un chêne tant qu'il ne voit pas par lui même que sa résistance ne le protège pas contre ce qu'il craint le plus. |
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 1421 Localisation: Suisse
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Posté le: Ma 22 Mars 2005 20:44 Sujet du message: |
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A l’adolescence, je rêvais d’être chêne, et me morfondais de n’être que roseau. Mon dépit me faisait me raidir, ce qui rajoutait encore à mon ridicule. Je voulais sortir du marécage dans lequel je me débattait, jusqu’à ce que je réalise que c’était moi-même qui troublais la limpidité de son eau par mes gesticulations, et qu’aussitôt apaisé, le marécage redevenait marais, et loin d’être la malédiction que je croyais, était bénédiction pour le roseau que j’étais. |
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teardrop
Inscrit le: 27 Avr 2006 Messages: 21
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Posté le: Ve 28 Avr 2006 14:49 Sujet du message: |
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Jolie métaphore filée, Joaquim
Waxou > J'aime beaucoup La Fontaine en général, et je suis d'accord que cette fable mérite d'être lue & relue.
Regarde la réponse d'Anouilh :
Le chêne et le roseau
Le chêne un jour dit au roseau :
« N'êtes-vous pas lassé d'écouter cette fable ?
La morale en est détestable ;
Les hommes bien légers de l'apprendre aux marmots.
Plier, plier toujours, n'est-ce pas déjà trop,
Le pli de l'humaine nature ? »
« Voire, dit le roseau, il ne fait pas trop beau ;
Le vent qui secoue vos ramures
(Si je puis en juger à niveau de roseau)
Pourrait vous prouver, d'aventure,
Que nous autres, petites gens,
Si faibles, si chétifs, si humbles, si prudents,
Dont la petite vie est le souci constant,
Résistons pourtant mieux aux tempêtes du monde
Que certains orgueilleux qui s'imaginent grands. »
Le vent se lève sur ses mots, l'orage gronde.
Et le souffle profond qui dévaste les bois,
Tout comme la première fois,
Jette le chêne fier qui le narguait par terre.
« Hé bien, dit le roseau, le cyclone passé -
Il se tenait courbé par un reste de vent -
Qu'en dites-vous donc mon compère ?
(Il ne se fût jamais permis ce mot avant)
Ce que j'avais prédit n'est-il pas arrivé ? »
On sentait dans sa voix sa haine
Satisfaite. Son morne regard allumé.
Le géant, qui souffrait, blessé,
De mille morts, de mille peines,
Eut un sourire triste et beau ;
Et, avant de mourir, regardant le roseau,
Lui dit : « Je suis encore un chêne. »
Jean ANOUILH
Alors, doit-on se faire chêne ou roseau ? Parfois l'un, parfois l'autre, à mon avis... il faut travailler la faculté d'adaptation _________________ Un trésor de belles maximes est préférable à un amas de richesses. (Socrate) |
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Ekam Invité
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Posté le: Ve 28 Avr 2006 15:36 Sujet du message: |
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Heureux qui ne cherche plus à être ni l'un ni l'autre. |
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