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Regards sur l'éveil Café philosophique, littéraire et scientifique
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 1421 Localisation: Suisse
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Posté le: Ve 29 Oct 2004 22:24 Sujet du message: Existe-t-il une éthique de la guerre ? |
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Bien qu’il s’agisse d’un sujet délicat et propice aux pires malentendus, je ne pense pas qu’on puisse faire l’économie de la voie du guerrier si l’on veut dresser un panorama complet de l’éveil. Et même si je ne me sens que peu d’affinités avec cette voie, je vais quand même lui consacrer quelques articles, car elle permet d’approcher à partir d’un point de vue unique ce qu’est l’éveil, et surtout ce qu’il n’est pas. En effet, cette voie oblige à une réflexion sur la morale des actions, et nous assène crûment cette vérité que l’éveil ne s’embarrasse pas de cette morale construite sur la justice et l’égalité qui nous semble si naturelle, et qui pourtant l’est si peu – raison de plus, vu sa fragilité, pour la défendre, mais c’est là une autre question. L’éveil se dévoile ainsi comme n’appartenant résolument pas au domaine des constructions de l'esprit, donc pas au domaine de la culture, dont la morale en est la plus noble émanation. L’éveil est le surgissement de la Personne à partir du fond de l’Être lorsqu’elle abandonne toute sécurité, y compris celle que lui apporte la morale.
Francisco Varela (cf.http://www.cafe-eveil.org/forum/ftopic31.html) a très finement signalé le décalage qu’il existe entre le comportement éthique et le jugement moral:
«Nous devons cependant nous poser une question: pourquoi confondre le comportement éthique et le jugement moral? La réponse que la majorité des gens apportent à cette question correspond au point de vue occidental et orthodoxe, et non à ce qu’ils font dans la vie quotidienne. Ce point est capital. Considérons une journée normale. Vous marchez tranquillement dans la rue, en réfléchissant à ce que vous devez dire à une prochaine réunion. Vous entendez le bruit d’un accident, ce qui vous incite immédiatement à voir si vous pouvez être d’un quelconque secours. Ou bien, vous arrivez au bureau et, constatant l’embarras de votre secrétaire sur un certain sujet, vous détournez la conversation par une remarque humoristique. Les actes de ce type de sont pas le fruit du jugement ou du raisonnement, mais d’une aptitude à faire face immédiatement aux événements. Tout ce que nous pouvons dire, c’est que nous accomplissons ces gestes parce que les circonstances les ont déclenchés en nous. Il s’agit pourtant de véritables actions éthiques: en fait, elles représentent le type le plus courant de comportement éthique dont nous faisons preuve dans la vie de tous les jours.»
Francisco Varela, “Quel savoir pour l’Éthique”, La Découverte, Paris, 1996, 2004, pp. 18-19.
Cette illustration est saisissante, car elle montre bien que le surgissement de l’action éthique se fait à partir d’une zone en nous qui se trouve en-deçà du jugement moral, et qui ne serait que gênée dans son déploiement par l’intervention du jugement moral. Plus loin, Varela, après avoir examiné les conditions physiologiques qui sous-tendent la distinction entre ces deux processus, prolonge sa réflexion en interrogeant ce centre insaisissable d’où provient l’acte éthique spontané, et qu’il appelle, reprenant la terminologie bouddhiste, compassion spontanée.
«Cela étant, il n’est pas surprenant que la compassion spontanée, qui ne résulte pas de l’action volontaire des schémas habituels, ait pour caractéristique principale de n’obéir à aucune règle. Elle n’est pas le fruit d’un système éthique axiomatique ni même d’injonctions morales pragmatiques. Son aspiration la plus haute est de répondre aux exigences de la situation particulière. (...) On pose ici que la sollicitude authentique réside dans les fondements mêmes de l’Être (...).»
p. 116
J’ai pris ces précautions pour introduire un texte d'Alessandro Baricco que j’ai découvert dans une récente livraison du Courrier International, et qui aborde de manière frontale et audacieuse la place de la guerre dans notre société. J’en ai retenu l’extrait suivant:
«Dans cet hommage à la beauté de la guerre, l’Illiade nous oblige à nous souvenir de quelque chose de gênant, mais d’inexorablement vrai à la fois: pendant des millénaires, la guerre a été pour les hommes un événement dans lequel l’intensité – la beauté – de la vie se manifestait dans toute sa puissance de vérité. C’était quasiment la seule possibilité qu’avait l’être humain de changer son destin, de trouver sa vérité, d’accéder à une conscience éthique élevée. Face aux émotions anémiques de la vie et à la médiocrité morale du quotidien, la guerre remettait le monde en marche et projetait les individus par-delà leurs frontières habituelles, dans un lieu de l’âme qui devait leur sembler, finalement, le point d’arrivée de toutes leurs quêtes et de tous leurs désirs. Je ne parle pas de temps lointains et barbares: il n’y a pas si longtemps, des intellectuels raffinés comme Ludwig Wittgenstein et Carlo Emilio Gadda cherchèrent avec obstination la première ligne, le front, dans une guerre inhumaine, persuadés que c’était là le seul endroit où ils pouvaient se trouver eux-mêmes. Ce n’étaient assurément pas des êtres faibles, dépourvus de moyens ou de culture. Pourtant, comme ils en ont témoigné dans leurs journaux, ils vivaient encore dans la conviction que cette expérience limite pouvait leur offrir ce que la vie quotidienne n’était pas en mesure d’exprimer.»
Alessandro Baricco, “Omero, Illiade”, Feltrinelli, 2004, trad. française: Courrier International, nº 727 du 7 au 13 octobre 2004, p. 56.
Comme le dit très bien Baricco, la guerre, par la mise en jeu totale de l’être, jusque dans la mort s’il le faut, permet un dépassement de soi-même qui transcende tous les soucis liés à sa personne singulière, laquelle se confond alors avec l’idéal qu’elle défend et se trouve comme dissoute dans l’action et le feu de l’instant. La gêne que cette voie guerrière de l’éveil induit aussitôt qu’on en parle autrement que pour la condamner montre bien la force qu’elle recèle pour brûler tout ce qui constitue notre confort et notre sécurité, autrement dit tout ce à quoi s’attache si fort l’ego.
«Ce que nous dit peut-être l’Illiade, c’est qu’aucun pacifisme, aujourd’hui ne doit oublier ni nier cette beauté, faire comme si elle n’avait jamais existé. Dire et enseigner que la guerre est une enfer et rien d’autre est un dangereux mensonge. C’est horrible à dire, mais il faut se souvenir que la guerre est un enfer, certes, mais un bel enfer. De tout temps, les hommes s’y sont précipités comme des phalènes attirées par la lumière mortelle du feu. Il n’y a pas de peur ni de dégoût de soi qui soient parvenus à les éloigner des flammes, parce que c’est là qu’ils ont toujours trouvé le seul moyen possible de se délivrer de la pénombre de la vie. Voilà pourquoi le vrai pacifisme, aujourd’hui, devrait non pas diaboliser la guerre à l’excès, mais comprendre que nous ne pourrons nous passer de la beauté que la guerre nous offre depuis toujours que le jour où nous serons capables d’une autre beauté. Construire une autre beauté est peut-être le seul chemin vers une paix véritable. Montrer que nous somme capables d’éclairer la pénombre de l’existence sans avoir recours au feu de la guerre. Donner un sens fort aux choses, sans devoir les soumettre à la lumière aveuglante de la mort. (...) Trouver une dimension éthique, et la plus élevée qui soit, sans aller nécessairement la chercher aux confins de la mort; se trouver soi-même dans l’intensité de lieux et d’instants autres que les tranchées; connaître l’émotion à son paroxisme sans avoir recours au dopage de la guerre ou à la méthadone des petites violences quotidiennes. Une autre beauté, si vous voyez ce que je veux dire...»op cit
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 1421 Localisation: Suisse
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Posté le: Lu 01 Nov 2004 19:50 Sujet du message: |
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Pour mesurer à quel point la sensibilité face à la guerre a changé au cours du dernier siècle dans notre culture occidentale, on lira avec intérêt ce qu’en a dit en son temps (fin du XVIIIe s.) le grand Kant, qu’on ne saurait soupçonner d’exaltation:
«Kant, malgré son pacifisme, penche souvent vers l’apologie de la guerre: “Une longue paix, dit-il, fait prédominer l’esprit de lucre, de lâcheté, d’efféminement. La guerre, par contre, a quelque chose d’élevé en soi et elle élève d’autant plus l’esprit du peuple que les dangers auront été plus grands et le courage plus nécessaire”.»
Emmanuel Kant, Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolite, cité par Gaston Bouthoul, Traité de polémologie - sociologie des guerres, Bibliothèque scientifique Payot, 1970, p. 60.
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 1421 Localisation: Suisse
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Posté le: Sa 15 Jan 2005 2:42 Sujet du message: |
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Le texte ci-dessous, du philosophe russe Vladimir Soloviev, a le mérite d’aborder de front le thème éminemment épineux de la guerre, et de manière plus générale le problème du mal. Il est tiré d’un ouvrage écrit sous forme de dialogues paru en 1889, et intitulé “Trois entretiens sur la guerre, la morale et la religion”:
LE GÉNÉRAL. — Non, permettez! Dites-moi seulement s’il existe maintenant une armée russe glorieuse et aimant le Christ [titre traditionnel de l’armée russe]? Oui ou non?
L’HOMME POLITIQUE. — S’il existe une armée russe? Bien sûr que oui. Auriez-vous entendu dire qu’on l’avait supprimée?
LE GÉNÉRAL. — Allons, ne jouez donc pas la comédie! Vous comprenez parfaitement ce que je veux dire. Je demande seulement si j’ai toujours le droit de voir dans l’armée actuelle une armée glorieuse et aimant le Christ ou si ce titre ne convient plus et doit être remplacé par un autre.
L’HOMME POLITIQUE. — Ah... c’est donc cela qui vous inquiète! Mais vous n’avez pas présenté votre question à la bonne adresse. Voyez plutôt les services d’héraldique: ce sont eux qui s’occupent des titres divers.
(...)
LA DAME, à l’homme politique. — Pourquoi vous arrêtez-vous à des mots? Le général voulait sans doute dire quelque chose avec son “armée aimant le Christ”.
LE GÉNÉRAL. — Je vous remercie. Voici ce que je voulais dire et veux dire maintenant. Depuis le commencement des siècles et jusqu’à la date d’hier, tout militaire, qu’il soit simple soldat ou général en chef, peu importe, savait et sentait qu’il servait une cause grande et bonne, et pas seulement une cause utile ou nécessaire, comme est utile par exemple la vidange des eaux usées ou le lavage du linge, mais, au sens élevé, une cause bonne, noble et honorable, qui a toujours été servie par les meilleurs, les premiers, les chefs des peuples, les héros. Notre cause a toujours été bénie et magnifiée dans les églises, l’opinion publique l’a toujours glorifiée. Et voilà qu’un beau matin nous apprenons soudain qu’il faut oublier tout cela et nous faire une idée inverse de nous-mêmes et de notre place sous le ciel. La cause que nous servions et que nous étions fiers de servir est déclarée mauvaise et pernicieuse, il s’avère qu’elle s’oppose aux commandements de Dieu et aux sentiments humains, qu’elle est un malheur et un mal affreux, que tous les peuples doivent s’unir contre elle et que sa liquidation définitive n’est qu’une question de temps.
(...)
LE GÉNÉRAL. — Hier encore, je savais que je devais maintenir et renforcer chez mes troupes, à l’exclusion de tout autre, cet esprit militaire qui fait que chaque soldat est prêt à frapper l’ennemi et à mourir, et qui demande nécessairement que l’on soit absolument convaincu que la guerre est une chose sainte. Or voilà que l’on ôte son fondement à cette conviction et que, pour parler comme les savants, le métier des armes se trouve privé “de toute sanction religieuse et morale”.
L’HOMME POLITIQUE. — Tout cela est affreusement exagéré. On ne peut constater de changement aussi radical des opinions. D’une part, tout le monde a toujours su, même autrefois, que la guerre était un mal et que moins on la faisait, mieux cela valait; d’autre part, toutes les personnes sérieuses comprennent aussi de nos jours que c’est là une sorte de mal qu’il est à l’heure actuelle impossible d’éviter tout à fait encore. Il ne s’agit donc pas d’abolir la guerre mais de la resserrer petit à petit, lentement peut-être, dans des limites plus étroites. Mais, dans son principe, le point de vue sur la guerre reste ce qu’il a toujours été, c’est-à-dire qu’on la considère comme un mal inévitable et un malheur toléré dans les cas extrêmes.
LE GÉNÉRAL. — Et seulement?
L’HOMME POLITIQUE. — Oui.
LE GÉNÉRAL, [bondissant de son siège]. — Avez-vous jamais jeté un coup d’oeil sur le calendrier orthodoxe?
L’HOMME POLITIQUE. — Le calendrier? Il m’est arrivé de le consulter pour savoir, par exemple, à qui je devais souhaiter sa fête.
LE GÉNÉRAL. — Avez-vous remarqué quels saints on y trouve?
L’HOMME POLITIQUE. — Il y a toutes sortes de saints?
LE GÉNÉRAL. — Mais leur profession?
L’HOMME POLITIQUE. — Il y en a de diverses professions, je pense.
LE GÉNÉRAL. — Eh bien justement, elles ne sont pas très diverses.
L’HOMME POLITIQUE. — Comment? N’y aurait-il que des militaires?
LE GÉNÉRAL. — Pas tous, mais la moitié.
L’HOMME POLITIQUE. — Vous exagérez encore!
LE GÉNÉRAL. — Il ne s’agit pas, n’est-ce pas, d’en faire une liste exhaustive à des fins statistiques. Je veux seulement affirmer que tous les saints propres à notre Église russe n’appartiennent qu’à deux classes: ou bien ce sont des moines de rangs divers ou bien des princes, ce qui, autrefois, signifiait à coup sûr des soldats. Nous n’avons pas d’autres saints; j’entend, de sexe masculin. Soit moine, soit soldat.
(...)
LE PRINCE. — Les pieux accommodements ont déjà commencé. Pour mes éditions, je dois suivre notre littérature religieuse. Eh bien, dans deux revues, j’ai eu le plaisir de lire que le christianisme condamne absolument la guerre.
LE GÉNÉRAL. — Ce n’est pas possible!
LE PRINCE. — Moi-même, je n’en croyais pas mes yeux. Je peux vous le montrer.
L’HOMME POLITIQUE au général. — Tenez, vous voyez! Mais cela ne doit pas vous préoccuper. Vous êtes des hommes d’action et non des hommes de pieuses paroles. Serait-ce orgueil professionnel, alors, ou vanité? Mais n’est-ce pas, ce n’es pas bien. Et du point de vue pratique, je le répète, tout reste comme avant pour vous. Même si le système militariste qui, depuis trente années, ne laisse personne respirer doit maintenant disparaître, l’armée reste dans une certaine mesure; et comme on la tolérera, c’est-à-dire que l’on reconnaîtra qu’elle est indispensable, on exigera d’elle les mêmes vertus militaires qu’autrefois.
LE GÉNÉRAL. — Vous être passé maître dans l’art de tuer la vache et de lui demande du lait! Qui vous les donnera, ces vertus militaires que vous exigez, quand la première vertu militaire, sans laquelle les autres ne valent rien, c’est la force d’âme? Et celle-ci ne se maintient que si l’on croit à la sainteté de la cause que l’on sert. Comment donc cela se peut-il si l’on reconnaît que la guerre est une scélératesse néfaste, seulement tolérée dans les cas extrêmes où elle est inévitable?
L’HOMME POLITIQUE. — Mais on n’exige pas des militaires qu’ils reconnaissent pareille chose! S’ils se croient les meilleurs hommes du monde, qui en a cure? On vous a pourtant déjà expliqué que le prince de Lusignan avait la permission de se dire roi de Chypre à condition qu’il ne nous demandât pas d’argent pour le vin de Chypre. Ne tentez pas de nous soutirer plus d’argent qu’il ne convient, c’est tout. Après quoi, estimez-vous le sel de la terre et l’ornement de l’humanité si vous le voulez, personne ne vous en empêche.
LE GÉNÉRAL. — Estimez-vous! Mais où causons-nous? Sur la lune? Allez-vous maintenir les militaires dans le vide absolu, pour qu’aucune influence extérieure ne s’exerce sur eux? Avec la conscription générale, le service abrégé, les journaux à bon marché? Non, ce n’est que trop évident: si le service des armes devient une obligation à laquelle tous sans exception sont astreints et si, dans tout la société – chez les commis de l’État comme vous, par exemple, pour commencer – se forme un nouvel état d’esprit négatif vis-à-vis du métier des armes, cet état d’esprit ne tardera pas à devenir celui des militaires eux-mêmes. Si le service militaire est considéré par tous, à commencer par les autorités, comme un mal pour l’instant encore inévitable, alors, pour commencer, personne ne consacrera volontairement toute sa vie à la carrière militaire, sauf peut-être quelques déchets de la nature qui ne savent pas où aller; ensuite, tous ceux qui, contre leur gré, auront à servir temporairement sous les armes, le feront à la manière de bagnards qui, attachés à leur brouette, portent leur chaînes, et avec les mêmes sentiments. Et alors, vous pourrez parler de qualités martiales et d’esprit militaire!
(...)
LE PRINCE. — (...) Dès lors que nous avons compris qu’étant un mal contraire à la volonté divine et interdit depuis des temps immémoriaux par un précepte divin, le meurtre ne peut donc nous être permis sous aucune forme ni aucun nom, et ne peut cesser d’être un mal quand, au lieu d’un seul homme, ce sont des milliers qui sont tués, sous l’appellation de guerre. C’est avant tout une question de conscience personnelle.
LE GÉNÉRAL. — Eh bien, s’il s’agit de conscience personnelle, permettez-moi de vous rapporter la chose suivante. Au point de vue moral comme, bien sûr, aux autres, je suis un homme moyen, ni noir, ni blanc, ni gris. Je n’ai manifesté ni vertu ni scélératesse particulières. Dans les bonnes actions aussi il y a toujours un point difficile, c’est qu’on ne saurait dire à coup sûr, en conscience, ce qui agit en nous: le bien véritable, ou seulement la faiblesse de l’âme, l’habitude de la vie, parfois même aussi la vanité. Et puis tout ceci est bien médiocre. Dans toute ma vie, il y a eu un seul événement qu’on ne saurait appeler médiocre, surtout, je le sais avec certitude, qu’il n’y eut alors en moi aucune motivation douteuse; au contraire, j’étais seulement dominé par la force du bien. Une seule fois dans ma vie j’ai ressenti la satisfaction morale totale et même une sorte d’extase, au point d’agir sans aucune réflexion ni hésitation. Et cette bonne action est restée jusqu’à maintenant, et restera éternellement, mon souvenir le meilleur et le plus pur. Eh bien! mon unique bonne action ce fut un meurtre, et pas un petit meurtre, car, en un quart d’heure environ, j’ai tué plus de mille hommes...
LA DAME. — Quelles blagues! Moi qui croyais que vous parliez sérieusement.
LE GÉNÉRAL. — Mais c’est parfaitement sérieux, et je puis vous citer des témoins. Evidemment, ce n’est pas de mes mains que j’ai tué, pas de mes mains pécheresses, mais avec six canons d’acier impeccables et purs, chargés de la mitraille la plus vertueuse, la plus bienfaisante.
LA DAME. — Mais alors, où est le bien là-dedans?
LE GÉNÉRAL. — Bien sûr, quoique je ne sois pas seulement un militaire, mais aussi, comme on dit maintenant, un “militariste”, je ne vais pourtant pas qualifier de bonne action la simple extermination d’un millier d’hommes ordinaires, qu’ils soient allemands, hongrois, anglais ou turcs. Mais là, c’était une affaire toute particulière. Même maintenant, je ne peux la raconter sans émotion, tant elle m’a bouleversé.
LA DAME. — Racontez vite, alors!
LE GÉNÉRAL. — Puisque j’ai parlé de canons, vous avez sûrement deviné que cela se passait pendant la dernière guerre contre les Turcs [la guerre des Balkans, 1877-1878]. Je servais dans l’armée cosaque. (...) J’avais avec moi des dragons de Nijni Novgorod, trois cent cosaques de Kouban et une batterie d’artillerie attelée. Le pays n’était pas gai - dans les montagnes, passe encore, c’était beau; mais en bas on ne voyait que des villages brûlés et des champs piétinés.
Un jour, c’était le vingt-huit octobre, nous descendions dans la vallée où, d’après la carte, nous devions trouver un gros village arménien. Pas de village, évidemment, mais il y en avait réellement eu un, tout récemment encore, et assez grand: on en voyait la fumée à plusieurs milles. Moi, j’avais fait resserrer les rangs parce qu’à ce qu’on disait on pouvait se heurter à une forte unité de cavalerie. Je chevauchais avec mes dragons, et les cosaques étaient devant. Seulement, à l’entrée du village, la route faisait un coude. Je vis que mes cosaques l’avaient atteint et s’étaient arrêtés au galop; avant d’avoir vu, j’avais deviné, à l’odeur de chair rôtie, que les bachi-bouzouks nous avaient laissé leur cuisine. [Note: le récit qui suit comporte une scène d’une grand cruauté. Les personnes sensibles sont invitées à sauter le paragraphe.] Ils s’étaient saisis d’un énorme convoi de fuyards arméniens qui n’étaient pas parvenus à s’échapper, et ils s’étaient occupés d’eux à leur façon. Ils avaient allumé des feux sous les chariots, y avaient attachés les Arméniens – qui par la tête, qui par les pieds, qui sur le dos, qui sur le ventre – et, les laissant pendre au-dessus des flammes, les avaient rôtis à petit feu. Les femmes avaient les seins coupés et le ventre ouvert. Je vous passerai les détails. Sauf un, que je vois encore maintenant. Une femme était couchée à la renverse sur le sol, attachée à l’essieu d’un chariot par le cou et les épaules afin de ne pouvoir tourner la tête; elle n’avait été ni brûlée ni écorchée, seulement ses traits étaient convulsés: on voyait qu’elle était morte d’épouvante. Devant elle, une grande perche était enfoncée en terre et un petit enfant nu y était attaché – sans doute son fils – tout noirci et les yeux exorbités. A côté traînait aussi une grille avec de la braise éteinte.
D’abord je ressentis monter en moi comme une angoisse mortelle; je ne voyais le monde qu’avec répugnance et j’agissais comme machinalement. J’ordonnai d’avancer au trot. Nous entrâmes dans le village brûlé: il avait été dévasté et plus rien ne restait debout. Soudain, nous vîmes une sorte d’épouvantail qui se hissait hors d’un puits asséché. Quand il en fut sorti, tout barbouillé et déchiré, il se laissa tomber de tout son long sur le sol en poussant des sortes de lamentations en arménien. Nous le relevâmes et le pressâmes de questions. Il s’avéra que c’était un Arménien d’un autre village. Un petit gars sensé. Il était dans ce village pour son commerce au moment où les habitants se préparaient à prendre la fuite. Ils s’étaient à peine mis en route que survinrent les bachi-bouzouks – quarante mille selon lui. Evidemment, il n’avait pas la tête à les compter. Il s’était caché dans le puits. Il avait entendu les hurlements et savait de toute façon très bien comment cela s’était terminé. Ensuite, il avait entendu les bachi-bouzouks revenir et prendre un autre chemin. “Ils vont sans doute dans un autre village, disait-il, et feront la même chose aux nôtres”. Il pleurait bruyamment et se tordait les bras.
Alors il se fit tout-à-coup une lumière en moi, en quelque sorte. Mon coeur avait fondu, pour ainsi dire, et c’était comme si le monde me souriait de nouveau. Je demandai à l’Arménien s’il y avait longtemps que ces démons s’étaient éloignés. Selon son estimation, depuis trois heures environ.
— Et jusqu’à votre village, il faut combien d’heures de cheval?
— Cinq, pour le moins.
— Alors, on peut les rattraper en deux heures. Seigneur! Et y a-t-il un autre chemin jusque chez vous, plus court?
— Oui, oui. Et il tressaillit de tout son corps. Il y a la route du col. Très courte. Peu la connaissent.
— On peut passer à cheval?
— Oui.
— Avec des canons?
— Ce sera difficile, mais c’est possible.
Je fis donner un cheval à l’Arménien et je m’engageai derrière lui dans le défilé, avec tout mon détachement. Je ne prêtai guère attention à la façon dont nous gravîmes les montagnes. De nouveau, j’agissais machinalement; mais dans mon âme, il y avait une sorte de légèreté: c’est comme si j’avais des ailes. Je savais ce qu’il fallait faire, avec une assurance absolue, et je sentais que ce serait fait sans faute.
Nous commencions à sortir du dernier défilé, après quoi notre chemin rejoignait la grande route; tout à coup, je vis mon Arménien revenir au galop en nous faisant de grands signes avec les bras: ils étaient tous là. Je me rendis jusqu’à la patrouille de tête, ajustai ma lorgnette: c’était bien ça, il y avait des cavaliers à perte de vue; pas quarante mille, bien sûr, mais dans les trois ou quatre mille, et peut-être même cinq mille. Ces fils du diable aperçurent les cosaques et se tournèrent vers nous. Nous, nous sortions du défilé sur leur flanc gauche. Ils se mirent à tirer sur nos cosaques à coups de fusils. Ces monstres asiatiques, ils tiraient avec leurs fusils européens, à croire que c’étaient des êtres humains. Ici et là un cosaque s’écroulait sur son cheval. Le premier des centeniers s’approcha de moi:
— Donnez l’ordre d’attaquer, Votre Excellence. Sinon, ces maudits vont nous tirer comme des cailles le temps que nous mettions nos canons en position. Nous nous chargerons de les disperser nous-mêmes.
— Patientez encore un brin, mes petits, dis-je. Je sais bien que vous êtes capables de les chasser, mais quel plaisir ce sera? Dieu m’ordonne de les exterminer, pas de les faire fuir.
J’ordonnai donc à deux centeniers de commencer à tirailler sur ces démons en les attaquant en ordre dispersé puis, après s’être engagés, de se retirer sur les canons. Je laissai une centaine pour masquer les canons et j’échelonnai mes hommes de Ninji à gauche de la batterie. L’impatience me faisait trembler de tout le corps. Je voyais devant moi le petit garçon brûlé avec ses yeux exorbités. Et les cosaques tombaient. Ah! Seigneur!
LA DAME. — Comment cela s’est-il terminé?
LE GÉNÉRAL. — Le mieux du monde, sans une faute! Les cosaques échangèrent des coups de feu puis se mirent tout de suite à reculer avec des cris. L’engeance de démons les suivait. Il étaient déjà bien lancés et avaient cessé de tirer. Toute leur troupe galopait droit sur nous. Les cosaques, au galop, s’approchèrent jusqu’à environ quatre cents mètres des nôtres, puis se dispersèrent comme les pois d’un sac. Alors je vis que l’heure de la volonté divine était venue. Faites s’écarter la centaine! Ma couverture s’ouvrit en deux, à gauche et à droite. Tout est prêt, Seigneur, bénis-nous! Je donnai l’ordre à la batterie de faire feu.
Et le Seigneur bénit mes six décharges, sans exception. De ma vie, je n’avais entendu pareil glapissement diabolique. Ils n’étaient pas revenus à eux que partit une seconde volée de mitraille. Je regardai et vis que toute leur horde se précipitait en arrière. Une troisième salve leur partit dans le dos. Cela provoqua un beau remue-ménage, à croire qu’on avait lancé des allumettes enflammées dans une fourmilière. Ils se jetaient de tous côtés, s’écrasaient les uns les autres. Alors nous partîmes à l’attaque avec les cosaques et les dragons de l’aile gauche, et nous mîmes à les hacher menu. Peu s’échappèrent, car ceux qui avaient échappé à la mitraille tombèrent sur nos sabres. Je vis que certains jetaient déjà leur fusil, sautaient de cheval et demandaient l’aman. Là, je n’eus pas à prendre de dispositions: d’eux-mêmes mes hommes avaient parfaitement compris que l’heure n’était pas à l’aman, et les cosaques et les dragons les sabrèrent tous.
Et pourtant, si ces diables sans cervelle avaient couru sus aux canons au lieu de se jeter en arrière après les deux premières salves – lesquelles, on peut le dire, leur avaient été lâchées à bout portant, à quarante ou soixante mètres – c’en était fait de nous, à coup sûr, et nous n’aurions pas tiré la troisième salve.
Mais Dieu était avec nous. L’affaire était réglée. Et moi, j’avais dans l’âme comme une fête de Pâques lumineuse. Nous regroupâmes nos morts; trente-sept hommes avaient rendu leur âme à Dieu. (...)
Toute la journée avait été nuageuse, une journée d’automne, et voilà qu’avant le crépuscule les nuages se dispersèrent. Le défilé, en bas, était noir, mais dans le ciel les nuages avaient pris des teintes multicolores, comme si les armées de Dieu s’y étaient assemblées. Et j’avais toujours dans le coeur cette même fête lumineuse, et un silence, une légèreté inconcevables, comme si l’on m’avait lavé de toutes les impuretés de l’existence et débarrassé de toutes les pesanteurs terrestres; enfin, un état proprement paradisiaque: j’étais en présence de Dieu, et de lui seul. Et quand Odartchenko se mot à citer les noms des soldats défunts qui, sur le champ de bataille, avaient donné leur vie pour la foi, le tsar et la patrie, je ressentis alors que ce n’était pas du verbiage officiel ni des titres quelconques, mais qu’il y a véritablement une armée aimant le Christ; et que la guerre a été, est et sera, jusqu’à la fin du monde, une chose grande, honorable et sainte...
(...)
J’appelai les centeniers et les capitaines et leur ordonnai d’interdire à leurs hommes de s’approcher à moins de vingt pieds de ces maudites charognes, parce que j’avais bien vu que les mais de mes cosaques leur démangeaient depuis longtemps d’aller faire les poches des morts selon la coutume. Qui sait quelle peste ils auraient pu déchaîner contre nous! Qu’ils disparaissent à tout jamais!
LE PRINCE. — Vous ai-je bien compris? Vous craigniez que les cosaques ne se mettent à détrousser les bachi-bouzouks et n’en rapportent dans votre détachement une épidémie quelconque?
LE GÉNÉRAL. — C’est exactement ce que je craignais. Cela me paraît clair.
LE PRINCE. — La voilà, l’armée aimant le Christ!
LE GÉNÉRAL. — Les cosaques? Mais ce sont de véritables brigands. Ils l’ont toujours été.
LE PRINCE. — Mais alors, ne discutons-nous pas en rêve?
LE GÉNÉRAL. — Oui, il me semble que quelque chose ne va pas. Je ne parviens pas à saisir ce que vous voulez savoir au juste.
L’HOMME POLITIQUE. — Le prince s’étonne probablement de ce que vos cosaques idéaux et quasi saints s’avèrent soudain, selon vos propres paroles, de véritables brigands.
LE PRINCE. — Oui, et je demande comment la guerre peut être “une chose grande, honnête et sainte” si, toujours selon vous, il en ressort que c’est un combat de brigands contre d’autres brigands?
(...)
LE PRINCE. — Mais, jusqu’à présent, vous n’avez pas trouvé le temps de vous souvenir que cette même engeance diabolique est tout de même composée d’êtres humains, qu’en tout homme il y a du bien et du mal, et qu’en tout brigand, qu’il soit cosaque ou bachi-bouzouk, peut se révéler le bon larron de l’Evangile.
LE GÉNÉRAL. — Comment s’y retrouver dans ce que vous dites? Tantôt vous disiez qu’un homme mauvais équivalait à une brute irresponsable, maintenant, selon vous, dans un bachi-bouzouk qui brûle les enfants à petit feu peut se révéler le bon larron de l’Evangile! Et tout cela pour ne pas toucher le mal du doigt, en aucune manière.
(...)
LE GÉNÉRAL. — (...) Et si sous mes yeux mon frère Caïn écorche vif mon frère Abel et que justement, n’étant pas indifférent à l’égard de mes frères, je donne à mon frère Caïn une râclée qui lui fera passer toute idée de recommencer pareille plaisanterie, vous me reprochez soudain d’oublier la fraternité. Je m’en souviens parfaitement, et c’est pourquoi je suis intervenu. Si je ne m’en étais pas souvenu, j’aurais pu continuer mon chemin tranquillement.
LE PRINCE. — Mais pourquoi ce dilemme: ou bien passer son chemin, ou bien donner une râclée?
LE GÉNÉRAL. — Mais parce qu’en pareil cas, le plus souvent, on ne trouve pas de troisième issue. Vous alliez proposer tout à l’heure que l’on prie Dieu d’intervenir directement et qu’on lui demande de ramener instantanément tout fils du diable à la raison, d’un geste de sa dextre. Il semble donc que vous ayez renoncé à ce moyen. Or, je vous dirai que ce moyen est bon dans tous les cas, mais qu’il ne peut pas lui-même remplacer aucun acte. Prenez les personnes pieuses: elles prient avant le dîner, mais pour ce qui est de mâcher, elles le font elles-mêmes, avec leurs propres mâchoires. Moi-même, ce n’est pas sans avoir prié que je commandai le feu à mon artillerie attelée.
LE PRINCE. — Pareille prière est évidemment un blasphème. Ce n’est pas prier Dieu qu’il faut, mais agir selon Dieu.
LE GÉNÉRAL. — C’est-à-dire?
LE PRINCE. — Celui qui est véritablement empli de l’esprit évangélique authentique trouvera en soi, quand il le faudra, la faculté d’agir par des mots, des gestes, par tout son aspect, sur son malheureux frère aveuglé qui veut commettre un crime ou tout autre acte coupable. Il saura produire sur lui une impression si saisissante qu’il comprendra tout de suite sa faute et quittera la voie de l’erreur.
LE GÉNÉRAL. — Saints du ciel! Alors, devant des bachi-bouzouks qui faisaient brûler les petits enfants, je devrais, à votre avis, exécuter des gestes touchants et prononcer de touchantes paroles?
M.Z. — Les paroles, vu l’éloignement et l’ignorance réciproque des idiomes, étaient probablement hors de place dans ce cas. Quant aux gestes susceptibles de provoquer une impression saisissante, vous en pensez ce que vous voulez, mais on ne pouvait rien trouver de mieux, dans ces circonstances précises, que les volées de mitraille.
(...)
LE PRINCE. — Je n’ai pas dit du tout qu’ils pouvaient, eux, agir de façon évangélique sur les bachi-bouzouks. J’ai simplement dit qu’un homme empli de l’esprit évangélique authentique aurait trouvé le moyen, dans ce cas comme dans tout autre, d’éveiller chez ces âmes aveuglées le bien qui se cache dans toute créature humaine.
M.Z. — Vous le pensez réellement?
LE PRINCE. — Je n’en doute pas le moins du monde.
M.Z. — Pensez-vous alors que le Christ était suffisamment pénétré de l’esprit évangélique authentique?
LE PRINCE. — Que signifie cette question?
M.Z. — Elle signifie que je souhaite savoir pourquoi le Christ n’a pas utilisé la force de l’esprit évangélique pour réveiller le bien caché dans les âmes de Judas, d’Hérode, des grands prêtres juifs et enfin, de ce mauvais larron que, d’une certaine manière, on oublie tout à fait quand on parle de son bon compagnon. (...)
Vladimir Soloviev, Trois entretiens sur la guerre, la morale et la religion (texte russe original de1889), Editions O.E.I.L, 1984, pour la traduction française, pp. 43-78
Voilà qui remet l’église au milieu du village, c’est le cas de le dire, et qui donne matière à réflexion sur la nature du mal et la manière de se comporter face à lui. |
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 1421 Localisation: Suisse
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Posté le: Di 06 Fév 2005 19:54 Sujet du message: |
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Lu dans le journal “Le Matin Dimanche” du 6.2.2005, p. 14:
«Le général Mattis, qui dirige le Marine Corps Combat Development Commant à Quantino (Virginie), s’exprimait lors d’une conférence à San Diego sur la guerre contre le terrorrisme:
“En fait, c’est très amusant de combattre. Vous savez, c’est vraiment marrant, a-t-il déclaré, selon un enregistrement audio. C’est amusant de tirer sur certaines personnes. Je vais être franc avec vous, j’aime la bagarre.
En Afganisthan, il y a des types qui frappent des femmes pendant cinq ans parce qu’elles n’ont pas porté le voile, a-t-il poursuivi. Des types comme ceux-là ne sont pas des hommes de toute façon. C’est vraiment le pied de leur tirer dessus.”»
C’est assez édifiant de voir quelles sont les valeurs qui donnent leur sens à l’action militaire depuis que toute réelle dignité lui a été retirée. Comme il n’est pas possible de bien faire quelque chose sans y prendre du plaisir, sans s’y donner tout entier, et la guerre moins que tout, puisqu’elle exige un engagement total, jusqu’à la mort, on voit quelles sont devenues la motivation et le plaisir qui poussent à choisir le métier des armes. L’auteur de ces mots est d’ailleurs considéré comme un vrai soldat, comme le confirme la suite de l’article:
“Chez les marines, le général Mattis est considéré comme un expert de la guerre. Il compte plusieurs distinctions pour s’être distingué au combat.”
On mesure toute l’ampleur de la crise de valeur de la fonction militaire et l’hypocrisie qui en découle lorsqu’on prend connaissance des remarques faites par «son supérieur le général Mike Hagen, commandant du corps des Marines: “Le général Mattis parle souvent avec beaucoup de candeur (...)», et par le général Peter Pace: «Nous tous qui avons des responsabilités de commandement devons par nos actes montrer tout le temps le bon exemple à ceux qui comptent sur nous pour les diriger.”»
Loin de moi l’idée de défendre l’attitude exempte de toute humanité et de tout respect pour autrui du général Mattis, mais reconnaissons qu’il est au moins sincère, contrairement à ses supérieurs, en particulier le général Hagen, qui trahit son hypocrisie en parlant de “candeur” à propos des paroles parfaitement cyniques de son subordonné.
La question posée par le Général dans les Entretiens de Soloviev reste donc entière, et les réponses qu’on a cru y apporter jusqu’ici n’ont fait qu’apposer un vernis d’hypocrisie sur une pratique militaire qui s’est dégradée continuellement, au point de n’être semble-t-il plus confiée, comme le prédisait le Général, qu’à “quelques déchets de la nature qui ne savent pas où aller”. |
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sylvie Invité
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Posté le: Di 11 Sep 2005 21:16 Sujet du message: Re: Existe-t-il une éthique de la guerre ? |
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joaquim a écrit: | des intellectuels raffinés comme Ludwig Wittgenstein et Carlo Emilio Gadda cherchèrent avec obstination la première ligne, le front
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A. Baricco cultive-t-il l'art de l'amalgame ? Il y a guerre et guerre.
La guerre de conquête, qui a toujours comme but de s'emparer de territoires, de biens et d'individus afin de s'en servir. La mise en jeu totale de l'être, prêt à payer de sa vie afin de dominer, l'éveil à l'irrationnel.
Et il y a la guerre de défense, dans laquelle s'engagent le philosophe et l'artiste cités, prêts à sacrifier leurs vies pour combattre l'ange des ténèbres. |
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électron libre
Inscrit le: 18 Nov 2005 Messages: 26
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Posté le: Sa 19 Nov 2005 23:46 Sujet du message: |
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Dans la distinction hindoue du Brahamane (contemplatif ou non agissant) et du Kshatrya (actif et agissant), il ya bien une morale guerrière, correspondant à une guerre sainte (bien entendu intérieure), dont l'archétype occidental est cette quête chevaleresque du Graal, emplie d'ennemis et d'épreuves, dont le but ultime est bien une grâce (contemplation du saint Vase) ou éveil spirituel. Le symbole de la monture montre là également un domptage de l'énergie vitale à maîtriser vers une plus noble cause. On est bien dans le "rouge sanguin" tout actif, préalable au "blanc immaculé" d'essence méditative.
On retrouve, de même, la tendance rajasique (expansive et horizontale) subordonnée mais complémentaire à la vertu sattwique (introspective et verticale), proprement lumineuse.
C'est ainsi que la chevalerie guerrière et combative est symboliquement rattachée à l'autorité écclésiastique qui est pacifique et méditative. _________________ Ce que la chenille appelle la fin du monde, le sage l'appelle papillon |
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 1421 Localisation: Suisse
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Posté le: Di 20 Nov 2005 16:51 Sujet du message: |
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Voilà qui éclaire d'une lumière particulièrement limpide les rapports entre les deux castes traditionnelles que sont les prêtres et les guerriers.
Selon sa nature, chacun aborde l'éveil plutôt par sa face contemplative, ou par sa face active. Ou encore par la voie médiane, celle de l'amour, qui est à la fois accueil et action. Mais chacune de ces voies conduit à un but unique, au-delà de la dualité: comme tu le dis bien, le guerrier, dans sa quête active, débouche sur le motif par excellence de l'accueil et de l'ouverture, le Vase sacré, le Graal, de même, ajouterais-je, que le contemplatif, dans sa position d'accueil sans condition, se trouve fécondé et animé par l'esprit du monde, comme s'il était lui-même le Graal recevant la vie à travers l'élixir divin qui le remplit. L'éveil, c'est la résolution des extrêmes, c'est l'Unité dans l'intégration du Yin et du Yang. Comme le dit très joliment Arnaud Desjardins cité par aksysmundi dans ce post: "Être activement passif à l’intérieur et passivement actif à l’extérieur". |
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électron libre
Inscrit le: 18 Nov 2005 Messages: 26
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Posté le: Di 20 Nov 2005 17:28 Sujet du message: |
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Absolument !
Je lis que nous nous comprenons cher Administrateur et cette compréhension éclaire, réchauffe et éveille.
De même que le sage est au centre de la roue qui ne tourne plus, absorbé qu'il est, tel un oeil contemplant le principe, l'homme en sommeil (l'individu moderne comme aurait dit Guénon) tourne à la circonférence du paraître, son mouvement réintégrateur n'ayant pas commencé.
En parfaite adhésion avec tes paroles, qu'il me soit permis, à cet égard de citer le texte suivant, tiré du Brihadâranyaka-upanishad IV,4,10-21, en espérant ne pas être hors-sujet, ni illisible :
En d'aveugles ténèbres entrent
ceux qui se vouent au non-savoir;
en des ténèbres encore plus noires
ceux qui du savoir se contentent.
"Sans joie" est le nom de ces mondes
enveloppés d'aveugles ténèbres;
c'est vers eux qu'au départ s'en vont
les gens sans savoir ni raison.
S'il se connaissait lui-même, l'homme,
s'il pouvait dire : ceci est moi,
pour quel but, par désir de quoi
se mettrait-il en fièvre de son corps?
Celui qui s'est trouvé, dont s'est réveillé l'être
enfoui dans les profondeurs de cette carcasse,
celui-là, il est tout actif, celui-là est l'auteur de tout,
à lui le monde - il est lui même monde.
Ici-bas même, nous devons connaître cela;
sinon, c'est l'ignorance, la grande perdition.
Ceux qui connaissent cela deviennent immortels,
les autres s'enfoncent seulement dans le malheur.
Une fois qu'on l'a reconnu,
ce soi, tout à coup,
ce maître du passé et du futur,
on ne s'en détourne plus.
Cela d'où l'année se déroule
en ronde de jours,
les dieux le confessent lumière des lumières
et vie immortelle.
Cela, fondement des Cinq et cinq règnes,
et sur quoi l'espace repose,
c'est cela que je pense comme le Soi,
pour moi qui sais, Parole sacrée, - pour moi sans mort, chose immortelle.
Souffle du souffle, et vue de la vue,
et ouïe de l'ouïe,
pensée de la pensée - ceux qui le connaissent
ont discerné la Parole antique, originelle.
Par la pensée il faut le percevoir.
Rien ici-bas n'existe séparément.
De mort en mort celui-là va
qui voit les choses comme séparées.
En unité il faut le percevoir,
cela l'immense, cela le stable,
hors du trouble, passant l'espace,
le Soi sans naissance, le grand, le stable.
Quand le sage l'a reconnu,
qu'il accomplisse son savoir, lui brâhmane,.
Qu'il n'égare sa pensée en mots nombreux :
c'est affaiblissement de parole. _________________ Ce que la chenille appelle la fin du monde, le sage l'appelle papillon |
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lefou4
Inscrit le: 01 Avr 2007 Messages: 17
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Posté le: Di 01 Avr 2007 12:10 Sujet du message: de la guerre, par un professionnel des arts martiaux |
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guerroyer et guerrir ont une racine commune éthymologiquement, c'est la tentative pour un organisme vivant ou pour un groupe d'individus, de rétablir un ordre naturel, afin d'assurer la survie. Que la guerre soit devenue un moyen de soumission des populations en vue de prendre les richesses, les territoires et ainsi de suite est le fait de l'esprit qui va au-delà de la défense, et privilégie l'attaque, le guerrier pacifique n'utilise la défense qu'à des fins de survie physique, et c'est pour çà que dans les temps anciens il ne possédait rien en dehors de son épée et de son cheval. |
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 1421 Localisation: Suisse
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Posté le: Di 01 Avr 2007 16:18 Sujet du message: |
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Bonjour lefou4, bienvenue.
Et merci pour ces précisions, qui mettent effectivement la guerre dans la bonne perspective, celle d'un organisme luttant pour sa survie. A ce titre, elle est l'expression d'un "bien", certes limité à l'organisme en question, mais "bien" quand même. C'est le rétablissement d'un équilibre. A l'inverse de la guerre de conquête, qui est rupture d'un équilibre. |
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toniov
Inscrit le: 24 Fév 2007 Messages: 647
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Posté le: Lu 02 Avr 2007 22:47 Sujet du message: |
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Bonsoir Joaquim,
J'ai beaucoup de mal à considérer que la guerre est un " bien ", meme
entre guillemets. Et puis je pense que si l'on accorde le moindre " crédit "
en faveur de la guerre, on passe de la guerre d'invasion à la guerre
défensive qui serait plus juste...mais alors la guerre moderne, la
guerre préventive, elle serait encore plus juste? |
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 1421 Localisation: Suisse
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Posté le: Ma 03 Avr 2007 0:43 Sujet du message: |
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Bonsoir toniov,
Autrefois, on considérait la guerre comme une chose noble et sacrée.
joaquim a écrit: | Pour mesurer à quel point la sensibilité face à la guerre a changé au cours du dernier siècle dans notre culture occidentale, on lira avec intérêt ce qu’en a dit en son temps (fin du XVIIIe s.) le grand Kant, qu’on ne saurait soupçonner d’exaltation:
«Kant, malgré son pacifisme, penche souvent vers l’apologie de la guerre: “Une longue paix, dit-il, fait prédominer l’esprit de lucre, de lâcheté, d’efféminement. La guerre, par contre, a quelque chose d’élevé en soi et elle élève d’autant plus l’esprit du peuple que les dangers auront été plus grands et le courage plus nécessaire”.»
Emmanuel Kant, Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolite, cité par Gaston Bouthoul, Traité de polémologie - sociologie des guerres, Bibliothèque scientifique Payot, 1970, p. 60.
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Je t'invite aussi à lire les textes très intéressant d'Alessandre Barricco et de Soloviev ci-dessus.
Aujourd'hui, c'est un lieu commun que de condamner la guerre. Je suis d'accord avec toi pour reconnaître que cette conviction universelle constitue une prise de conscience salutaire, rendue nécessaire par les atrocités inouïes qu'ont produites les guerres du XXème siècle. Néanmoins, on ne saurait traiter les hommes qui ont peuplé la terre jusqu'au XIXème siècle de criminels parce qu'ils considéraient la guerre comme une chose noble. Elle faisait partie intégrante de l'esprit de tribu, et jusqu'à nos jours, tous les peuples ont considéré l'esprit de tribu comme une chose bonne. Même le dieu de la Bible a béni les guerres que les Hébreux ont menées contre leurs ennemis (idem dans les Védas). Aujourd'hui, on a déclaré la guerre hors-la-loi, et cela constitue une percée considérable de la conscience morale. Mais pour demeurer conséquent, il faut alors nécessairement se dégager de la pensée tribale. Sans quoi on tombe dans l'incohérence. Mais cela est aussi difficile pour un groupe humain que pour un individu de se dégager de l'ego. On le vérifie journellement en écoutant les débats sur toutes les formes de différences qui règnent obstinément dans nos sociétés, ou pire encore dans les discours justifiant la guerre, qui sont, non plus francs comme l'étaient ceux de nos ancêtres, mais hypocrites, allant jusqu'à justifier par des raisons humanitaires une guerre "préventive". Un mode de pensée tribal (je dois défendre les miens contre les ennemis) justifié par des arguments qui se réclament du dépassement de la pensée tribale. Plus hypocrite, tu meurs...
Le pire mal, pour une société, c'est le chaos. L'Irak en donne aujourd'hui un tragique exemple. Un ordre, même mauvais est toujours préférable au chaos. Or l'ordre, jusqu'à aujourd'hui, s'est toujours construit exclusivement sur des lignes de force dictées par l'esprit tribal. Celui-ci subordonne le bien de l'individu à celui du groupe, et établit ce dernier comme un bien absolu. La traîtrise à la patrie a toujours été passible de la peine de mort. Or on commence à voir apparaître aujourd'hui des mouvements visant un bien qui dépasse celui du groupe auquel on appartient. Mais ce ne sont encore que des petites graines disséminées ici et là. Des graines dont on espère vivement qu'elle vont rapidement croître, car elles sont, effectivement, notre seule chance de salut. Dépasser l'esprit tribal, nous n'avons pas d'autre choix. Une graine qui fut plantée déjà par ce commandement du Christ: "Aime ton prochain comme toi-même." (cf. ici) |
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toniov
Inscrit le: 24 Fév 2007 Messages: 647
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Posté le: Ma 03 Avr 2007 7:23 Sujet du message: |
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Oui, Joaquim,avec mes propos je pensais bien sur, à la guerre en Irak.
J'ai lu le texte et il est très explicite. Condamner la guerre n'est pas un lieu commun pour moi et dépasser la notion de tribalité est essentielle
bien sur. Le fameux commandement du Christ est un idéal qui nous est proposé, duquel nous sommes loin mais vers lequel nous pouvons tendre.
Bien sur, j'ai conscience que si on m'attaque, si je vois des atrocités comme celle qu'a vu le général ma réaction serait identique à la sienne.
Et je tomberai dans le panneau du: " C'était mon bon droit, ce que j'ai fait
face à ces monstres est juste ". Mais , étant heureusement, pour
l'instant extérieur à cela, j'ai la possibilité de réflechir et de me dire que
la guerre est de toutes façons un mal, qu'il ne faut lui accorder aucun
crédit et qu'il n'y a aucune gloire à retirer de tout cela. Ainsi, comme tu le
vois, ce que je te disais précédemment était pensé et il ne sagissait pas uniqemment d'un lieu commun. Tout cela etait implicitement contenu
dans ma réponse un peu directe ( etre direct, c'est mon " défaut "). |
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Jean-Marie
Inscrit le: 23 Oct 2006 Messages: 465 Localisation: Arlon - Belgique
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Posté le: Ma 03 Avr 2007 16:49 Sujet du message: |
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Joaquim a écrit: | Dépasser l'esprit tribal, nous n'avons pas d'autre choix. Une graine qui fut plantée déjà par ce commandement du Christ: "Aime ton prochain comme toi-même." (cf. ici) |
J'ai suivi le lien que tu donnes et qui renvoie à un texte de la page d'accueil. Pour ceux qui apprécient les réflexions sur le sens de l'évolution, de la vie, de l'humanité, ce texte est remarquable. Cette manière de rapprocher la formation de la cellule, la gastrulation, l'invagination du tube neural et la formation de la conscience pour en faire quatre étapes de l'intériorisation de la vie est lumineuse. C'est du grand Teilhard de Chardin. (Désolé, Joaquim, je sais que la flatterie n'est pas vraiment ce qui calme l'ego mais ta conscience peut résister à ça.)
Parmi cent commentaires ou extensions possibles, j'en choisis un : Citation: | Au cours de son développement embryologique, l’être humain passe par tous les stades d’évolution qu'a traversés la vie. | Cette observation, proposée par Haeckel il y a une centaine d'année (et quelque peu modérée depuis) reste très intéressante mais mal connue du public non directement confronté à l'embryologie. Cela signifie que les quelques semaines de développement d'un embryon humain sont comme un livre ouvert de ce qui s'est passé pour la vie sur 3,5 milliards d'années.
J'ajouterais que la quatrième étape de l'intériorisation, celle de l'apparition de la conscience de la naissance à l'âge adulte, récapitule en chaque individu toute l'évolution de cette intériorisation depuis les premiers hominiens jusqu'au XXIème siècle.
Intériorisation qui va (ou plutôt qui commence à aller) jusqu'à l'éclatement ou le retournement en doigt de gant, comme tu dis si bien. _________________ Jean-Marie |
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 1421 Localisation: Suisse
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Posté le: Ma 03 Avr 2007 16:49 Sujet du message: |
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toniov a écrit: | Bien sur, j'ai conscience que si on m'attaque, si je vois des atrocités comme celle qu'a vu le général ma réaction serait identique à la sienne.
Et je tomberai dans le panneau du: " C'était mon bon droit, ce que j'ai fait
face à ces monstres est juste ". Mais , étant heureusement, pour
l'instant extérieur à cela, j'ai la possibilité de réflechir et de me dire que
la guerre est de toutes façons un mal, qu'il ne faut lui accorder aucun
crédit et qu'il n'y a aucune gloire à retirer de tout cela. |
Veux-tu donc dire que le général est tombé dans le panneau, qu’il a été submergé par des sentiments fort compréhensibles, bien que condamnables, et que s’il avait pu rester plus sereinement à l’extérieur de cela, il aurait condamné son propre geste comme étant “de toutes façons un mal”? |
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