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Végétarisme
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toniov



Inscrit le: 24 Fév 2007
Messages: 647

MessagePosté le: Je 24 Mai 2007 22:17    Sujet du message: Végétarisme Répondre en citant

[edit joaquim] Les messages suivants se trouvaient originellement ici.

daniel a écrit:
à propos de nourriture, êtes vous toutes et tous végétarienNEs ? et si oui, ou non, comment vous positionnez-vous par rapport à la souffrance animale ? Confused


Salut Daniel,
Je ne suis plus végétarien mais je l'ai été. Je ne supportais pas cette souffrance que l'on inflige aux animaux, pour notre plaisir. Ensuite, par lucidité ou par lacheté, j'en suis venu à cette idée qu'il fallait accepter la mort et la violence, qui déja existe dans la nature MAIS je n'ai jamais transigé sur l'idée qu'il n'était pas necessaire d'en rajouter. Tuer pour le plaisir, comme dans la chasse ou la corrida ( bien que je sois espagnol d'origine ) ça ne passe pas chez moi. Pour ne prendre que ces exemples.
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joaquim
Administrateur


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Messages: 1421
Localisation: Suisse

MessagePosté le: Je 24 Mai 2007 22:52    Sujet du message: Répondre en citant

Voici un article paru dans Courrier International No 663, du 17 juillet 2003, qui m'avait beaucoup donné à réfléchir. Désolé pour la longueur du texte...

Comment je ne suis pas devenu végétarien


Interpellé par la lecture d' Animal Liberation, le classique du philosophe Peter Singer, un journaliste se lance dans une réflexion morale sur les droits des animaux.

La première fois que j'ai ouvert le livre de Peter Singer Animal Liberation [La libération animale], je dînais seul dans un steak-house, tâchant de savourer une entrecôte cuite à point. Ce que j'étais en train de faire équivalait à lire en 1852 La Case de l'oncle Tom dans une plantation du Sud profond. Singer et la troupe de ses disciples nous invitent à imaginer un futur où les gens considéreront ce repas et ce steakhouse comme les vestiges d'une époque arriérée. Manger de la viande, porter du cuir ou des fourrures, faire des expérimentations animales, tuer des animaux pour le sport, toutes ces pratiques qui nous semblent tout à fait normales seront un jour considérées comme des actes de barbarie. Et nous serons conduits à considérer le "spécisme", la discrimination entre l'espèce humaine et les autres espèces animales, comme une forme de discrimination aussi indéfendable que le racisme et l'antisémitisme. Dès 1975, lorsque Animal Liberation fut publié pour la première fois, Singer, un philosophe australien qui enseigne à présent à Princeton, avait le sentiment qu'il allait dans le sens de l'Histoire. Lentement mais sûrement, le cercle de la considération morale de l'homme blanc s'étendait. D'abord pour y admettre les Noirs, puis les femmes, puis les gays. Dans chacun de ces cas, un groupe jadis considéré comme trop différent du "nous" prédominant pour mériter des droits civiques fut intégré au "club". A présent, c'était le tour des animaux.
Que la libération animale soit la prochaine étape de l'avancée du progrès moral n'est plus une idée marginale. Un nombre croissant de philosophes, de professeurs de droit et de militants sont convaincus que le grand combat moral de notre temps sera celui pour les droits des animaux. C'est en Europe que le mouvement a remporté ses plus grandes victoires. En 2002, l'Allemagne a été la première nation à accorder aux animaux un droit constitutionnel en ajoutant les mots "et des animaux" à une clause constitutionnelle obligeant l'Etat à respecter et à protéger la dignité des êtres humains. L'élevage des animaux pour leur fourrure vient d'être récemment interdit en Angleterre. Dans plusieurs pays européens, on n'a plus le droit de confiner les truies dans des caissons, ni d'élever les poules en batterie. Les Suisses ont amendé leurs lois pour modifier le statut des animaux afin qu'ils ne soient plus considérés comme des "choses", mais comme des "êtres". Bien qu'aux yeux de la loi américaine les animaux soient toujours considérés comme des choses, le changement est dans l'air. Trente-sept Etats ont récemment adopté des lois qui rendent délictueux certains actes de cruauté envers les animaux. A la suite d'actions militantes, McDonald's et Burger King ont fait adopter des améliorations sensibles dans l'abattage des animaux de boucherie. L'industrie agroalimentaire, celle des cosmétiques et celle du prêt-à-porter se démènent pour tenter de désamorcer les préoccupations croissantes du public à l'égard du bien-être animal. Un récent sondage de l'institut Zogby montre que 51 % des Américains pensent que les primates peuvent prétendre aux mêmes droits que les enfants.
Cette année, aux Etats-Unis, la moitié des chiens recevront un cadeau de Noël, et pourtant peu d'entre nous s'attarderont sur l'existence misérable du cochon - un animal au moins aussi intelligent que le chien -, qui finira en jambon de Noël. Nous tolérons cette dichotomie car l'existence que mène le cochon a disparu de notre vue. La viande vient d'un magasin où elle est conditionnée de manière à ressembler aussi peu que possible à des morceaux d'animaux. Il y a plusieurs années, le critique anglais John Berger a écrit Why Look at Animals ? [Pourquoi regarder les animaux ?], un essai dans lequel il suggère que la perte du contact quotidien avec les animaux a brouillé notre relation avec les autres espèces. Le contact visuel, toujours un peu troublant, nous fournissait un rappel vivace et quotidien du fait que les animaux nous sont à la fois semblables et dissemblables. Dans leurs yeux, nous apercevions, de façon fugitive, quelque chose d'indubitablement familier (la souffrance, la peur, la tendresse) et quelque chose d'irréductiblement étranger. C'est sur ce paradoxe que des générations ont construit une relation leur permettant tout à la fois de respecter les animaux et de les manger sans avoir à détourner le regard. Mais il semblerait que cet accommodement ait vécu et qu'il faille aujourd'hui choisir entre détourner le regard ou devenir végétarien. En ce qui me concerne, aucune des deux options ne me convient. Ce qui peut sans doute expliquer comment je me suis retrouvé à lire Animal Liberation dans un steakhouse. L'ouvrage de Peter Singer, qui combine la rigueur de l'argumentation philosophique et des descriptions journalistiques, a converti des milliers et des milliers de gens au végétarisme et il ne m'a pas fallu longtemps pour deviner pourquoi.

En quelques pages, il est parvenu à me mettre sur la défensive.
Les arguments de Singer sont d'une simplicité désarmante et, si l'on en accepte les prémisses, difficiles à réfuter. Prenons par exemple le principe de l'égalité : la plupart des gens l'acceptent d'emblée, tout en sachant que certains sont plus malins que d'autres, ou plus beaux ou plus doués. "L'égalité est une idée morale, pas une assertion factuelle", écrit Singer. L'idée morale est que les intérêts de chacun doivent faire l'objet d'une considération égale, en dépit "des capacités différentes dont ils peuvent jouir". Bien joué ! De nombreux philosophes ont assumé ce point de vue. Mais ils sont beaucoup moins nombreux à avoir franchi l'étape logique suivante. "Si posséder un plus haut degré d'intelligence ne donne pas à un être humain le droit d'en exploiter un autre à ses propres fins, comment la supériorité intellectuelle des humains pourrait-elle leur conférer le droit d'exploiter les non-humains à leur avantage ?" Voilà qui constitue le coeur de l'argumentation de Singer, et c'est à partir de là que j'ai commencé à griffonner des objections dans la marge de son livre, car les êtres humains diffèrent des animaux de manière moralement significative. Effectivement, Singer le reconnaît, et c'est pourquoi il ne convient pas de traiter les enfants comme les cochons, souligne-t-il. Il est dans l'intérêt des enfants d'être éduqués et dans celui des cochons de se vautrer dans la boue. Mais l'un des intérêts primordiaux que les humains partagent avec les cochons et toutes les créatures douées de sensations, c'est celui d'éviter la souffrance.
A ce point de son raisonnement, Singer cite un passage célèbre de Jeremy Bentham, philosophe utilitariste du XVIIIe siècle, qui est la grande source d'inspiration du mouvement en faveur des droits des animaux. Bentham écrivait en 1789, peu après que les colonies françaises eurent libéré leurs esclaves noirs et leur eurent accordé des droits fondamentaux. "Le jour viendra peut-être, spécule-t-il, où le reste des animaux de la Création obtiendra ces droits." Bentham se demande ensuite ce qui légitime chez un être vivant le droit à la considération morale. "Est-ce la faculté de raison ou la faculté de discours ?" Evidemment non, bien qu'"un cheval ou un chien adulte soit, sans conteste, plus rationnel et plus sociable qu'un nourrisson". Sa conclusion ? "La question n'est pas : peuvent-ils raisonner ? Ce n'est pas non plus : peuvent-ils parler ? Mais : peuvent-ils souffrir ?" Bentham utilise ici une carte que les philosophes appellent l'"argument des cas limites". Telle est sa teneur : il y a certains humains (les nourrissons, des retardés mentaux très atteints, des déments) dont les fonctions mentales ne sauraient soutenir la comparaison avec celles du chimpanzé. Nous ne les en incluons pas moins dans la sphère de notre considération morale. Alors, selon quels critères devrions-nous en exclure les chimpanzés ? "Parce que c'est un chimpanzé et qu'eux sont des humains !" ai-je furieusement gribouillé dans la marge. Mais, pour Singer, cela ne suffit pas. Exclure le chimpanzé de la considération morale simplement parce qu'il n'est pas humain n'est pas différent que d'en exclure un esclave simplement parce qu'il n'est pas blanc. De la même façon que nous qualifions ce genre d'exclusion de raciste, les partisans des droits des animaux soutiennent qu'il est spéciste de discriminer le chimpanzé. Mais les différences entre les Noirs et les Blancs sont insignifiantes comparées aux différences entre mon fils et un chimpanzé ! Singer contre-attaque en nous demandant d'imaginer une société hypothétique qui pratiquerait la discrimination entre ses membres à partir de critères significatifs comme l'intelligence. Si ce schéma offense notre sens de l'égalité, alors pourquoi le fait que les animaux n'ont pas certaines caractéristiques humaines devrait-il constituer un critère de discrimination ?
C'est à ce moment-là que j'ai posé ma fourchette. Car, si je crois que l'égalité est fondée sur les intérêts du sujet plutôt que sur ses caractéristiques, alors je dois soit prendre en compte les intérêts du jeune boeuf dont je me nourris, soit admettre que je suis un spéciste. Pour l'heure, je décidai de reconnaître l'accusation et de plaider coupable. Et je finis mon steak. Mais Singer avait semé les graines du doute dans mon esprit et, dans les jours qui suivirent, elles se mirent à germer. Se pouvait-il que le spécisme soit un jour considéré comme un mal comparable au racisme ?
Voilà ce qui m'a amené, avec répugnance mais inévitablement, à me pencher sur ce qui se passe dans les élevages industriels américains. Visiter une unité d'élevage en batterie, c'est pénétrer dans un univers hautement technologique et cartésien : les animaux sont traités comme des machines incapables d'éprouver de la souffrance.

Et, comme aucune personne sensée ne peut encore croire cela aujourd'hui, l'élevage industriel suppose que ses opérateurs se voilent la face et que le public détourne le regard.
D'après tout ce que j'ai lu, les pires sont les élevages de poules pondeuses et de cochons. Au moins, aux Etats-Unis, les boeufs d'élevage vivent en plein air, quoique enfoncés jusqu'aux chevilles dans leurs déjections et soumis à un régime qui les rend malades. Et les poulets d'élevage, bien qu'on leur coupe l'extrémité du bec avec un couteau chauffé afin qu'ils ne s'entre-dévorent pas sous l'effet du stress dû au confinement, ne passent pas les huit semaines que compte leur vie dans des cages trop petites pour leur permettre de battre des ailes. Ce sort est réservé aux poules pondeuses, qui passent leur brève existence entassées par demi-douzaines dans une cage dont le sol pourrait être recouvert d'une seule page de magazine. Chacun des instincts naturels de cet animal est contrarié au point de le conduire à une série de "vices" comportementaux, comme le cannibalisme ou le fait de frotter son corps contre les mailles de la cage jusqu'à ce qu'il soit déplumé et sanglant. Les 10 % de poules qui en meurent sont intégrées dans les coûts de production. Et, quand le rendement des autres commence à décliner, les poules sont "poussées", c'est-à-dire privées d'eau, de nourriture et de lumière pendant plusieurs jours, afin de stimuler une dernière période de ponte avant qu'elles en aient fini avec leur existence et leur tâche.
Maintenant que je vous ai coupé l'appétit pour les oeufs, je voudrais vous parler du bacon et signaler une seule pratique - en aucun cas la pire - dans la production porcine moderne, laquelle met en évidence la complexe folie d'une logique industrielle irréprochable. Les porcelets élevés en batterie sont sevrés dix jours après leur naissance - alors que le sevrage prend treize semaines dans des conditions naturelles - parce qu'ainsi ils engraissent plus vite grâce à leur nourriture enrichie d'hormones et d'antibiotiques. Ce sevrage prématuré laisse aux cochonnets, toute leur vie durant, le besoin maladif de sucer et de mastiquer, un désir qu'ils satisfont, en batterie, en mordant la queue de l'animal qui se trouve à proximité. La solution que préconise le ministère de l'Agriculture s'appelle l'"écourtage des queues". A l'aide d'une paire de pinces et sans anesthésie, la majeure partie de la queue - mais pas toute - est cisaillée. Pourquoi laisser un petit moignon ? Parce que le but n'est pas d'amputer l'objet des mordillements, mais de le rendre plus sensible. Ainsi, une morsure sur la queue deviendra si douloureuse que même le plus démoralisé des cochons se battra pour l'éviter. L'essentiel de cette description est tiré du livre récent de Matthew Scully, Dominion, où il se livre à une effroyable description d'un élevage porcin en Caroline du Nord. Scully, un conservateur chrétien, ne fait montre d'aucune indulgence envers les discours gauchisants des défenseurs des droits des animaux. Il soutient en revanche que, puisque Dieu a confié à l'homme la domination sur les animaux, il lui a également enjoint de leur témoigner de la miséricorde. "Nous sommes appelés à les traiter avec bonté, non pas parce qu'ils ont des droits, du pouvoir ou qu'ils peuvent prétendre à l'égalité, [...] mais parce qu'ils sont, face à nous, inégaux et impuissants." Scully appelle nos actuelles fermes d'élevage industriel "notre pire cauchemar" et il n'hésite pas à nommer la cause de tout ce mal, à savoir le capitalisme sans entraves. (Ce qui explique peut-être le fait qu'il ait démissionné de l'administration Bush peu avant la publication de ce livre.) Une contradiction a toujours existé entre l'impératif capitaliste d'optimisation de l'efficacité et les impératifs moraux de la religion ou de la vie en communauté. La dynamique économique tend à éroder les soubassements moraux de la société, dont fait partie la miséricorde à l'égard des animaux. Dans les élevages industriels, la vie est réduite à une production de protéines. Le vénérable mot "souffrance" devient "stress" : un problème économique à la recherche d'une solution économique comme l'écourtage des queues, l'épointage des becs ou, comme l'envisage à présent l'industrie de l'élevage industriel, l'extraction pure et simple du gène du stress chez le cochon et le poulet.

Le végétarisme ne semble pas être une réponse déraisonnable à tous ces maux. Qui voudrait se rendre complice de la torture de ces animaux en en mangeant la chair ? Mais, avant que vous n'abjuriez totalement vos appétits carnassiers, laissez-moi vous parler d'un tout autre sort réservé aux animaux de ferme. Il ne s'agit pas d'un cas représentatif et, pourtant, son existence même éclaire la question morale de l'élevage des animaux sous un jour radicalement différent. La ferme Polyface occupe 550 acres [environ 2 225 kilomètres carrés] de prairies et de forêts dans la vallée de Shenandoah, en Virginie. C'est ici que Joel Salatin et sa famille élèvent six sortes d'animaux, des boeufs, des cochons, des poulets, des lapins, des dindes et des moutons, dans une symbiose conçue pour permettre à chaque espèce, selon les propres mots de Salatin, "d'exprimer pleinement sa singularité physiologique". Concrètement, cela signifie que les poulets de Salatin vivent comme des poulets, que ses vaches vivent comme des vaches et que ses cochons vivent comme des cochons. Comme en pleine nature, où les oiseaux ont tendance à suivre les herbivores, lorsque les vaches de Salatin ont fini de paître dans une prairie, il les en retire et remorque à la place un poulailler mobile qui abrite plusieurs centaines de poules pondeuses. Les poules se déploient sur la prairie et picorent l'herbe courte et les larves qui se trouvent dans les bouses des vaches, épandant ainsi le fumier bovin et éliminant le problème des parasites. Ce régime de vers et d'herbe produit des oeufs exceptionnellement goûteux et des poulets heureux dont les déjections azotées engraissent la prairie. Après quelques semaines, les poulets sont retirés de la pâture et vient le tour des moutons, qui se repaissent de la repousse épaisse ainsi que de certaines espèces d'herbes (comme les orties et les solanacées) auxquelles les bovins et les poulets ne touchent pas. Au cours de la journée que j'ai passée dans l'extraordinaire ferme de Joel Salatin, j'ai beaucoup médité sur le végétarisme et les droits des animaux. Beaucoup de ce que j'avais lu et accepté me paraissait différent vu d'ici. Pour de nombreux militants des droits des animaux, même la ferme Polyface est un camp de la mort. Mais, en regardant ces animaux, je voyais la défense de leurs droits comme l'afféterie sentimentale qu'elle est. Si l'on peut identifier la souffrance animale au premier coup d'oeil, on peut aussi reconnaître un animal heureux et, ici, j'en ai vu en abondance.
Pour n'importe quel animal, le bonheur semble consister en la possibilité d'exprimer son caractère de créature, son caractère essentiel de cochon, de loup ou de poulet. Pour les espèces domestiques, une bonne vie, si l'on peut l'appeler ainsi, ne peut se concevoir sans les humains, sans nos fermes, et donc sans la consommation de viande. C'est ici que les tenants des droits des animaux semblent trahir une profonde ignorance des oeuvres de la nature. Penser à la domestication comme à une forme d'esclavage ou même d'exploitation est une erreur d'interprétation sur la relation entière qui nous unit aux animaux domestiques, c'est projeter une idée humaine de pouvoir sur ce qui est en fait une relation mutuelle entre espèces.
L'existence même du phénomène de la prédation - des animaux qui en mangent d'autres - est la cause de beaucoup de lamentations angoissées dans les cercles des défenseurs des droits des animaux. "Il faut bien admettre, écrit Singer, que l'existence des animaux carnivores pose un problème pour les fondements éthiques de la libération animale." Les militants des droits des animaux font preuve d'un côté profondément puritain, une sorte de sentiment de gêne persistant envers notre propre animalité, mais également envers celle des animaux mêmes. Quoi qu'il en soit, il peut nous apparaître que la prédation n'est pas une question de morale ou de politique ; c'est une question de symbiose. Quelle que soit la férocité du loup envers le cerf dont il se nourrit, le troupeau compte sur lui pour son bien-être car, sans prédateur pour éclaircir leurs rangs, les cerfs seraient trop nombreux pour leur biotope et mourraient de faim. Dans beaucoup d'endroits, les chasseurs ont remplacé le rôle écologique des prédateurs. Les poulets dépendent également pour la perpétuation de leur bien-être de leur prédateur humain, pas les poulets en tant qu'individus, mais en tant qu'espèce. La meilleure façon d'aboutir à l'extinction des poulets serait de leur accorder un "droit à la vie".

Et voilà où ça coince : les militants des droits des animaux ne se soucient pas des espèces, mais seulement des individus. Tom Regan, l'auteur de The Case for Animals Right [La défense du droit des animaux], affirme froidement que, "parce que les espèces ne sont pas des individus, [...] la vision légaliste ne leur reconnaît aucun droit moral, pas même le droit à la survie". Singer abonde dans son sens et affirme que seuls animaux en tant qu'individus ont des intérêts. Mais, bien évidemment, une espèce peut avoir un intérêt en propre - sa survie, en l'occurrence -, comme une nation, une communauté ou une société commerciale. Les préoccupations exclusives des tenants des droits des animaux, à l'égard des animaux en tant qu'individus, sont parfaitement logiques puisqu'elles prennent leurs racines dans une culture d'individualisme libéral. Le sont-elles pour autant à l'aune de la nature ? Méditer sur de telles questions depuis la perspective d'une ferme permet d'apprécier à quel point l'idéologie des droits des animaux est étroite et urbaine. Elle ne peut prospérer que dans un monde où les gens ont perdu le contact avec la nature, où les animaux ne représentent plus un danger et où la maîtrise de l'homme sur la nature semble absolue. Singer écrit : "Dans notre vie ordinaire, il n'y a pas d'importants conflits d'intérêts entre les humains et des animaux non humains." Un fermier vous ferait pourtant remarquer que même un végétalien a des "conflits d'intérêts importants" avec les animaux. Les graminées que mangent les végétaliens sont récoltées avec une moissonneuse-batteuse qui déchiquette les rats des champs pendant que le tracteur du fermier écrase les chiens de prairie dans leur terrier et que ses pesticides font périr les oiseaux. Steve Davis, un scientifique animalier de l'université de l'Oregon, a estimé que, si les Etats-Unis devaient adopter un régime strictement végétarien, le nombre total des animaux tués chaque année augmenterait de facto car les pâturages devraient céder la place aux cultures. Davis soutient que, si notre but est de tuer le moins d'animaux possible, alors, il convient de se nourrir de l'animal le plus gros possible vivant sur la terre la moins intensément cultivée, ce qui signifierait du boeuf élevé en plein air dans l'assiette de tout le monde. Par ailleurs, il est douteux que l'on puisse établir une agriculture durable sans qu'il y ait d'animaux pour absorber et produire des substances alimentaires et soutenir la production alimentaire locale. Si notre préoccupation, c'est la bonne santé de la nature plutôt que l'infernale cohérence de nos codes moraux, alors, manger de la viande peut paraître le sommet de l'éthique. Tout cela me donne à penser que les gens qui se sentent concernés devraient oeuvrer non pas en faveur des droits des animaux, mais en faveur de leur bien-être. Ce qui devrait nous préoccuper, ce n'est pas l'abattage des animaux, mais leur souffrance. Au cours de ma visite à la ferme Polyface, Salatin m'a montré l'abattoir de plein air qu'il a construit derrière sa ferme. C'est une sorte de cuisine de plein air élevée sur une dalle de béton avec des éviers en acier inoxydable, des réservoirs d'eau bouillante, une machine à plumer et des cônes métalliques pour maintenir les volatiles la tête en bas pendant qu'ils sont saignés. Abattre et préparer les poulets n'est pas une tâche agréable, mais Salatin tient à l'accomplir lui-même. Toute personne qui veut y assister est la bienvenue.
Rien de plus outrecuidant que l'idée selon laquelle seul l'homme moderne a un problème avec le fait de tuer des animaux. Prendre une vie est un événement capital et, depuis des milliers d'années, les hommes ont oeuvré pour justifier l'abattage d'animaux. Les rituels ont joué un rôle crucial pour nous permettre d'en apprécier le coût moral. Les Amérindiens et d'autres ethnies de chasseurs-cueilleurs remerciaient leurs proies de leur offrir leur vie afin qu'ils puissent se nourrir. Dans la Grèce antique, les prêtres qui étaient responsables de l'abattage - des prêtres ! aujourd'hui, nous confions cette tâche à des smicards - aspergeaient d'eau sacrée le front des animaux qui devaient être sacrifiés. La bête s'ébrouait en remuant la tête, ce qui était considéré comme un signe d'assentiment de sa part.
L'abattoir en plein air de Salatin est, d'un point de vue moral, une idée forte. Quelqu'un qui met à mort un poulet dans un endroit où il peut être observé de tous est enclin à le faire scrupuleusement, avec de la considération, aussi bien pour l'animal que pour la personne qui va le manger. Cela va sembler chimérique, mais il suffirait peut-être, pour réhabiliter l'élevage industriel, de faire adopter une loi qui demanderait que les murs de béton et d'acier des centres d'élevage en batterie et des abattoirs soient remplacés par... des parois de verre. Si les murs de notre industrie de la viande devaient devenir transparents, au sens propre ou au sens figuré, nous cesserions de procéder de la manière actuelle. Bien sûr, la viande deviendrait un peu plus chère et nous en mangerions certainement moins, mais peut-être que, lorsque nous mangerions des animaux, nous le ferions avec la conscience, le cérémonial et le respect qu'ils méritent.
Michael Pollan
The New York Times
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toniov



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Messages: 647

MessagePosté le: Je 24 Mai 2007 23:40    Sujet du message: Répondre en citant

Oui, je suis entièrement daccord avec ce texte, Joaquim. Il résume le problème et y répond, je le crois, intelligemment.
1.- Mise en évidence de ce qui nous relie aux animaux, de manière radicale: la souffrance. Je cite: " Mais l'un des interets primordiaux que les humains partagent avec les cochons et toutes les créatures douées de sensations, c'est celui d'éviter la souffrance."
2.- Le fait que la mort fait partie de la vie et qu'elle est, en ce sens, une fatalité nécessaire ne serait ce que parceque " La prédation est une question de symbiose".
3.- Exemple de dignité humaine : la ferme de Joel Salatier. Car si le fait d'éradiquer totalement la mort n'est qu'un doux rève, se comporter dignement avec les animaux est possible. C'est à dire leur permettre de vivre sainement, sans souffrance et les tuer le plus rapidement possible.
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Denis



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MessagePosté le: Ve 25 Mai 2007 9:16    Sujet du message: Répondre en citant

Je suis devenu végétarien simplement par respect de la vie.

J'agis de manière contradictoire, par exemple bien qu'en me déplaçant en voiture je tue une grande quantité d'insectes, quand un moustique me pique, je ne l'écrase pas mais souffle dessus ou le regarde faire. Ça gratte un peu mais ça reste supportable.

J'essaie simplement de ne pas tuer consciemment, donc de respecter la vie à chaque fopis que je peux le faire. C'est un choix qui n'est pas parfait mais qui reste celui du moindre mal.

D'autre part, j'ai entendu que si les céréales servant à nourrir les animaux étaient distribuées aux humains, la production actuelle pourrait nourrir 11 milliards d'individus.

Le fait que les animaux soient bien traités avant d'être abattus ne m'aide pas du tout à être cohérent avec moi même, ni d'ailleurs celui qui consiste à attribuer des droits aux animaux, c'est une démarche personnelle et je n'incite personne à faire la même chose autour de moi, alors vouloir légaliser...
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feuille



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Messages: 353
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MessagePosté le: Ve 25 Mai 2007 10:42    Sujet du message: Répondre en citant

Michael Pollan a écrit:
Steve Davis, un scientifique animalier de l'université de l'Oregon, a estimé que, si les Etats-Unis devaient adopter un régime strictement végétarien, le nombre total des animaux tués chaque année augmenterait de facto car les pâturages devraient céder la place aux cultures.

Un milliard d’animaux sont abattus chaque année rien que pour la France. C’est un argument fallacieux que de soutenir qu’en laissant les terrains de cultures au détriment de terrains de pâturages, on tuerait beaucoup plus « indirectement d’animaux sauvages ». En effet, à cause de l’exploitation animalière, nous sommes obligés justement d’exploités beaucoup plus notre planète et je parlerais de deux aspects qui viennent contredire ce qu’avance cette personne :
  • Premièrement, en 1986, 56% de la production végétale mondiale était destinée à nourrir du bétail. Ce chiffre est d’autant plus supérieur qu’un pays est « développé » (dans certains cas, on dépasse même 70%). Ceci implique donc que ces champs doivent être exploités et donc, en suivant cette logique grossière, on tue aussi des animaux en exploitant ces 56% de champs.
  • D’autre part, pour une même surface, on peut produire 10 à 15 fois plus de protéines végétales que pour un champ destiné au bétail (l’exploitation du bétail implique des pertes énergétiques considérables : culture des champs, déchets des animaux – seulement 50% du cadavre bœuf est utilisé pour la consommation de l’homme… etc.).
Lorsque l’on combine les deux aspects, l’on se rend compte qu’en utilisant la production végétale, l’on réduirait par un facteur non négligeable (on peut avancer 4 à 5 sans se mouiller), ce qui reviendrait à avoir une exploitation réduite à 25% de l’exploitation totale actuelle. Tout cela contribue donc à réduire la surface utilisée pour l’exploitation de la nourriture de l’homme et à agrandir la surface accordée aux autres espèces sur terre (ce qui créerait d'ailleurs un espace de sauvegarde qui permettrait aux animaux de justement se protéger des d'espaces d'exploitation de la nourriture de l'homme).

Préférer une alimentation végétale, ce n’est pas non plus pour autant cautionner l’industrialisation à coup d’insecticides et sans respect de la nature. L’éthique va au bout, respect de l’animal, respect de la nature… même si comme je l’exprimerais plus loin, la « perfection » dans ce domaine est illusoire.

Michael Pollan a écrit:
Par ailleurs, il est douteux que l'on puisse établir une agriculture durable sans qu'il y ait d'animaux pour absorber et produire des substances alimentaires et soutenir la production alimentaire locale.

Douteux ? Soutenir une production ? Mais nous surexploitons déjà la terre, alors pourquoi soutenir et non pas plutôt augmenter notre éthique vis-à-vis d’elle ? Cette « acquis » de l’exploitation de nos ressources naturelles devra de toute évidence changer.


Michael Pollan a écrit:
Mais, bien évidemment, une espèce peut avoir un intérêt en propre - sa survie, en l'occurrence -, comme une nation, une communauté ou une société commerciale. Les préoccupations exclusives des tenants des droits des animaux, à l'égard des animaux en tant qu'individus, sont parfaitement logiques puisqu'elles prennent leurs racines dans une culture d'individualisme libéral. Le sont-elles pour autant à l'aune de la nature ? Méditer sur de telles questions depuis la perspective d'une ferme permet d'apprécier à quel point l'idéologie des droits des animaux est étroite et urbaine.

Une espèce peut effectivement tellement avoir l’obsession aveugle de sa survie qu’elle en arrive à prendre cet argument comme inaliénable et qui justifie et autorise alors toute ses actions. La vie ne se mesure pas en terme de nation, communauté, société commerciale : c’est d’ailleurs, les pires exemples d’organisations qui finalement, entretiennent des clivages et la haine entre les hommes. Cette personne fait des amalgames pour justifier sa position, en prônant que refuser d’abattre des animaux, c’est faire office d’un « individualisme libéral ». Mais cette personne qui parle, est-t-elle véritablement dans une situation de survie, à découper tranquillement son cadavre de bœuf affalé sur les sofas en cuir de ce steakhouse ? N’est-ce pas là toute l’hypocrisie qui parle et justement, une conception étroite et urbaine de notre rapport à la nature ?

Michael Pollan a écrit:
L'abattoir en plein air de Salatin est, d'un point de vue moral, une idée forte. Quelqu'un qui met à mort un poulet dans un endroit où il peut être observé de tous est enclin à le faire scrupuleusement, avec de la considération, aussi bien pour l'animal que pour la personne qui va le manger.

Bien sûr, la viande deviendrait un peu plus chère et nous en mangerions certainement moins, mais peut-être que, lorsque nous mangerions des animaux, nous le ferions avec la conscience, le cérémonial et le respect qu'ils méritent.

Poussons cette logique à ce qu’elle suggère vraiment : vous avez un chien chez vous que vous élevez pour un jour lui trancher la tête dans votre baignoire et mettre le cadavre dans votre assiette, tout cela avec l’habit respectable d’un rituel familial bien ficelé, les enfants assis sur une chaise comme au théâtre et les hurlements de la bête comme bande son… Etrange conception de la culture non-individualiste et libérale…

Michael Pollan simplifie là encore la réalité par un tour de passe-passe que je ne cautionne pas. D’une part, cet argument est toujours l’argument censé exprimer qu’il est possible d’abattre des animaux au « pays des bisounours » dans un Eden idyllique où l’homme vivrait dans harmonie de la barbarie (Ah, cette belle symbiose qui justifie que l’on puisse faire ce que l’on veut). D’autre part, la mise en scène publique de cette mort rendrait la chose plus... acceptable (avec tout la respectable caution du rituel bien sûr)… La corrida en est le représentant le plus frappant de ce qu’il estime être l’incarnation du respect : ce que veut l’animal est ignoré puisqu’il lui est imposé de se battre dans une arène. Il n’a pas le choix, il est contraint, avec toute une foule en liesse dévouée à ce spectacle de barbarie. Respect de façade donc.

A ce sujet, je suis tombé sur un article avec une vidéo dans le Monde qui résonne avec effroi avec nos propos ici : Les "zoos de l'horreur" chinois provoquent l'indignation des associations. La mise à mort sauvage d’un animal par l’homme peut elle aussi devenir un spectacle banalisé et accepté. Question de culture, de tradition, de conditionnement.

Le végétarien prône l’anti-spécisme ? Si la condition d’un lion est de se nourrir de la chair d’un autre animal, soit, je ne suis pas un lion, je ne peux rien demander au lion. Par contre, je suis un humain, et si je demande à l’homme de reconsidérer son rapport à l’animal, ce n’est pas pour un petit débat de surface sur l’incongruité du spécisme ou non.

J’abonde dans le sens de Denis. Je ne dis pas que par ailleurs, je ne me retrouve pas complice de violences indirectes faites à la vie : mes impôts qui vont à l’Etat participent peut-être à l’éducation, la santé…etc mais ils participent aussi indirectement à la fabrication d’armes pour tuer l’homme. Je suis responsable de cela. Et la souffrance que cela engendre me révolte tout autant… sauf que je n’ai pas le courage d’aller au bout de ces « dommages collatéraux » tellement je ne sais pas comment je pourrais vivre sans alors… Tragique réalité que j'accepte à la condition que je responsabilise mes actes et que je ne me voile pas la face en insinuant que parce que tout est pourri, je ne vais pas me préoccuper des autres « détails » de la nature…

En guise de légèreté, je vous livre une petite chanson enjouée sur nous, les extrémistes sur le site « tribunal-animal » ainsi qu’en guise d’ouverture sur nos propos, un texte de J.Krishnamurti extrait d’ici.
:fleur:
    Si l'on perd le contact avec la nature, on perd le contact avec l'humanité. Coupé de tout rapport avec la nature, on devient un tueur. On peut alors massacrer des bébés phoques, des baleines, des dauphins et des hommes, pour le profit, le "sport", pour sa nourriture ou au nom de la science. La nature se sent alors menacée par vous et vous prive de sa beautée. Vous pourrez effectuer de longues promenades dans les bois ou camper dans des endroits merveilleux, vous resterez un tueur et tout rapport d'amitié avec ces lieux vous sera refusé. Vous n'êtes probablement proche de rien ni de quiconque, qu'il s'agisse de votre femme ou de votre mari. Vous êtes bien trop occupé, pris dans la course des profits et des pertes et dans le cycle de votre propre pensée, de vos plaisirs et de vos douleurs. Vous vivez dans les trénèbres de votre propre isolement et vouloir le fuir vous plonge dans des ténèbres encore plus profondes. Vous ne vous préoccupez que d'une survie à court terme, irréfléchie, que vous soyez accomodant ou violent. Et des milliers d'êtres meurent de faim ou sont massacrés à cause de votre irresponsabilité. Vous abandonnez la marche de ce monde aux politiciens corrompus et menteurs, aux intellectuels, aux spécialistes. Etant vous -mêmes dépourvu d'intégrité, vous édifiez une société immorale, malhonnête, qui repose sur l'égoïsme absolu. Et quand vous tentez de fuir cet univers dont vous êtes seul responsable, c'est pour aller sur les plages, dans les bois ou faire du "sport" avec un fusil.
    Il est possible que vous sachiez tout cela, mais cette connaissance ne peut nullement vous transformer. Ce n'est qu'en éprouvant le sentiment de faire partie intégrante du tout que vous serez relié à l'univers. (Le journal de Krishnamurti, le 4 avril 1975)
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mauvaiseherbe



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MessagePosté le: Ve 25 Mai 2007 18:04    Sujet du message: Répondre en citant

Merci pour ce sujet !
Je peux résumer très rapidement mon attitude pour répondre à la question de Daniel .
Mon mari est un ex militant anti-spéciste et j’ai eu l’occasion de bien approfondir ce sujet .Ca n’est pas un raisonnement moral ou une culpabilité qui l’a poussé à devenir complètement végétarien mais une Vision intérieure qui rend son choix évident ,mûr ,indépendant et non polémique .
Je suis omnivore .
J’ai eu souvent faim dans ma vie , et j’ai vécu dans des contrées où j’ai eu l’occasion de me lier avec la poule ou le mouton que j’allais manger le lendemain . J’ai vu leurs yeux conscients d’être devant l’instant de leur mort …je ne saurais pas décrire ce qui s’est chaque fois passé , cette communion profonde devant l’inexorable nécessité , cette identité de chair à chair, de cœur à cœur , d’âme à âme .
Je sais dépecer , découper , éviscérer …J’ai appris à tout utiliser d’un corps, manger tout ce qui est mangeable(le gras ,les abats etc…) avec respect(ni sentimental, ni moral mais qui vient de la communion) et reconnaissance .Je connais la chair, la matière , la mienne ,la leur. Cet éveil là je l’ai vécu très tôt .
Depuis que je suis en France je dois dire que je suis très déstabilisée et souvent choquée par tout ce dont tu parle feuille . Alors j’ai décidé de composer comme je peux : je mange peu de viande , j’achète des poulets qui on vécu une belle vie en plein air (idem pour les œufs) , et autant que faire se peut je fais de même pour le bœuf , le cochon et le mouton , les poissons;je préfère le lait d’une vache qui n’a pas beuglé des nuits durant parce qu’on lui a enlevé son veau. Je n’ai pas besoin de varier mes menus avec de l’autruche , du sanglier, de la caille ou du foie gras …Je n’éprouve aucune gourmandise de ce genre même si je mange avec plaisir .
Quand mes moyens ne me permettent pas ce choix et quand je mange ailleurs que chez moi , je mange ce que je peux et ce qu’on me donne …Mais de tout façon je mange peu et sais m'en passer assez longtemps ;la question de la nourriture n'occupe pas vraiment mon esprit.
Mais quand je mange je le fais le plus consciemment possible.


:fleur:


Dernière édition par mauvaiseherbe le Ve 25 Mai 2007 20:17; édité 1 fois
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Jean-Marie



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MessagePosté le: Ve 25 Mai 2007 18:24    Sujet du message: Répondre en citant

Dans cette question du végétarisme, je dois vous dire que je suis hautement inconséquent.

Je mange de la viande tout simplement par habitude culturelle, parce qu'on m'en a donné depuis ma tendre enfance et que je n'ai pas jusqu'ici remis cela en question.

Mais je suis inconséquent parce que je suis sûr que je n'y toucherais pas si j'avais moi-même à ôter la vie de l'animal.

En fait, je suis encore plus inconséquent que je ne le croyais : je viens de me souvenir qu'il m'arrive de manger des huitres et personne d'autre ne leur ôte la vie à ma place. Ma seule défense est qu'on ne peut pas regarder une huitre dans les yeux. Embarassed

Je ne sais pas quoi penser de cette schizophrénie. Je peux manger de tout mais pas ôter la vie. Ce n'est même pas par respect pour la vie, car les insectes du pare-brise ... , les moustiques pour lesquels j'ai moins de considération ... Et puis, la nourriture végétarienne, c'est de la vie aussi; d'accord, sans cerveau.

Voilà la situation. Je n'y vois pas plus clair.
Ce qu'il faudrait, ce n'est pas d'organiser des fermes modèles, où les animaux sont choyés (pour être plus goûteux !) et réservés aux plus riches bien sûr, c'est d'obliger chacun à tuer ce qu'il a décidé de manger. Que ce geste ne soit pas escamoté.

EDIT : Comme l'explique Mauvaiseherbe dans son message posté pendant que j'écrivais le mien.

_________________
Jean-Marie


Dernière édition par Jean-Marie le Ve 25 Mai 2007 18:42; édité 1 fois
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chris



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MessagePosté le: Ve 25 Mai 2007 18:26    Sujet du message: De tout et de rien Répondre en citant

Bonjour vous tous ,

j'ai pas tout lu ; trop à lire . J'ai zappé pratiquement tout !
Mais j'ai lu que Denis ne tuait pas les moustiques et je trouve cela
VRAIMENT stupide ! Désolé mais cela ne me gêne pas de tuer un
moustique.

le moustique est porteur du paludisme du du " chukungnagna " et d'autres choses encore .

Revenez donc sur terre : un moustique n'est qu'un moustique . Ce n'est pas un animal de compagnie Rolling Eyes
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Jean-Marie



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MessagePosté le: Ve 25 Mai 2007 18:36    Sujet du message: Répondre en citant

Si, le moustique est un animal de compagnie, surtout la nuit. Laughing
_________________
Jean-Marie
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cieletbaie



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MessagePosté le: Ve 25 Mai 2007 18:56    Sujet du message: Répondre en citant

Bravo, Jean-Marie, tu as été le plus rapide.

N'empêche, j'aurais eu plaisir à la sortir, celle-là.


Dernière édition par cieletbaie le Sa 09 Juin 2007 8:59; édité 1 fois
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chris



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MessagePosté le: Ve 25 Mai 2007 20:16    Sujet du message: De tout et de rien Répondre en citant

Tenez en voici un moustique , il vous tiendra compagnie à tous les deux , Jean Marie et Cieletbaie .


[/img]
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Asche



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Messages: 173

MessagePosté le: Ve 25 Mai 2007 20:31    Sujet du message: Re: Végétarisme Répondre en citant

toniov a écrit:
Tuer pour le plaisir, comme dans la chasse [...] ça ne passe pas chez moi.


Que celui qui n'a jamais pêché lance la première pierre.

Blague à part, j'ai grandi dans une famille où la pêche et la chasse au petit gibier est fréquemment pratiquée, avec plaisir, beaucoup de respect, et même une profonde spiritualité (pas étrangère à la culture amérindienne). Mon père, ingénieur forestier et écologiste, nous a transmis l'amour de la nature, un amour qui n'exclut pas la chasse et la pêche, mais qui au contraire l'inclut comme un élément de contact vrai avec celle-ci. Personnellement je prend plus de plaisir à entendre le chant d'un huard à collier à l'aube sur un lac de montagne, mais je pense que la pêche peut être une véritable pratique de méditation .

Bon, je n'ai rien de particulièrement pertinent à ajouter mais j'ai beaucoup apprécié toutes vos interventions, merci pour cette discussion très intéressante ! Smile


Dernière édition par Asche le Ve 25 Mai 2007 20:58; édité 2 fois
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Denis



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Localisation: Nancy

MessagePosté le: Ve 25 Mai 2007 20:42    Sujet du message: Re: De tout et de rien Répondre en citant

chris a écrit:
Mais j'ai lu que Denis ne tuait pas les moustiques et je trouve cela
VRAIMENT stupide !


Tu sais, ça va jusqu'à ne pas abuser de l'eau de javelle pour préserver les bactéries.

Pourquoi moi plutot qu'elles?

Mais des fois j'aime bien faire des trucs stupides! Very Happy
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toniov



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Messages: 647

MessagePosté le: Ve 25 Mai 2007 21:44    Sujet du message: Répondre en citant

Je suis en accord avec ce que dis Mauvaise herbe et Asche. Mon idée est que le mal, ce n'est pas la mort mais la souffrance. Tout doit etre fait pour diminuer la souffrance, mais la mort, la mort physique en tout cas, est inévitable. Meme si nous décidions un jour de ne plus tuer d'animaux, il faudrait bien que la régulation se fasse. La nature s'en chargerait, et les autres animaux s'en chargent déja, entre eux. Pour bien faire comprendre, à ceux qui en douteraient, que la mort est liée à la vie, et qu'elle n'est pas un mal en soi, on peut prendre cet exemple, très parlant je crois: notre organisme ne survit que parcequ'à chaque instant, une partie de nous meme, de ce qui est en nous, meurt et se renouvelle.
Ceci étant dit, je comprends très bien Jean Marie qui pense que s'il fallait tuer nous meme les animaux que nous mangeons ce serait une autre histoire! J'en serai moi meme incapable; trop sensible ou trop lache pour le faire. Mais Jean Marie se place ici sur le plan affectif.
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joaquim
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MessagePosté le: Sa 26 Mai 2007 2:19    Sujet du message: Répondre en citant

Croire que l’on puisse être présent dans le monde et y agir sans faire le “mal” est un double leurre. En premier lieu parce que se fixer comme but de ne pas faire le mal, comme par exemple en s’abstenant de viande ou en ne tuant pas les moustiques, n’est qu’un idéal de l’ego. Je ne dis pas que ce ne soit pas un idéal noble, ni que cela soit dépourvu de sens. Non, je dis simplement que cela découle d’une perspective normative, moralisatrice et éventuellement culpabilisatrice, qui relève de la dualité, et donc du domaine de l’ego. J’ai cité cet article de Michael Pollan, car il me semble avoir une vertu salutaire, celle de replacer le débat dans le contexte de la réalité, et non plus dans celui de la morale, comme on a tendance en général à le faire — de la morale individualisante et urbaine, comme il le dit justement. Le deuxième leurre auquel succombe cette volonté de se prémunir contre toute commission du mal, c’est que c’est impossible. Dès qu’on agit, on pose dans le monde quelque chose qui entraînera nécessairement des conséquences en chaîne dont les incalculables ramifications nous échappent résolument. Comme le disait très justement khoan:
khoan a écrit:
Ce n'est pas la connaissance du bien et du mal qui est illicite, ce qui l'est c'est de se croire fondé à en donner la définition, à s'en faire l'étalon... Ainsi on "crée des délits" à chaque élection dans nos sytèmes. Dire le bien ou le mal ne relève pas de la compétence des hommes, car alors, cela voudrait dire qu'ils sont les auteurs de la vérité, ils se considéreraient alors eux-mêmes comme leurs propres créateurs (!)

C’est vrai, il faudrait être soi-même le créateur de l’univers pour maîtriser toute la cascade des conséquences qui permettrait de décider que telle action aura entraîné des conséquences bonnes — sans compter qu’il resterait à déterminer quelle serait la nature de ces conséquences ultimement bonnes... Un paradis sur terre comme en rêvent par exemple les Témoins de Jéhovah, où régnerait la paix définitive, même entre le loup et l’agneau? Si l’on réfléchit un peu profondément à cela, on s’aperçoit bien qu’on ne saurait imaginer un monde parfait qui ne soit du coup fade et ennuyeux, ou qui ne développe d’autres travers qui feraient peut-être bien regretter le premier.

Agir selon sa conscience: voilà une formule qui me semble avoir plus de sens. Elle ne prétend pas connaître les tenants et les aboutissants du bien et du mal, mais pose un acte en conformité avec la réalité telle qu'on la sent. Agir selon sa conscience, c’est se pencher sur soi-même en même temps que sur l’objet de son questionnement, suffisamment profondément pour qu’il s’en dégage une réponse. Quelle réponse ce sera – tuer les moustiques ou non? – est secondaire. Ce qui compte, c’est le mouvement que l’on aura opéré intérieurement, la qualité et l’intensité de ce mouvement. Un mouvement qui nous fait nous interroger sur la réalité et sur notre rapport à elle. Et si l’on va vraiment jusqu’au fond et qu’on s’oublie totalement soi-même dans ce questionnement sur ce qui est, alors la dimension morale de notre démarche cèdera le pas à l’amour. Agir moralement, c’est agir en vue d’être quelqu’un de bon. Aimer, c’est voir son bien dans celui de l’autre.

Et pourtant, même dans le cas d'un acte posé à partir d’un mouvement d’amour, les conséquences ne seront pas nécessairement des conséquences “bonnes”. Il y a assez de parents qui en ont fait la cruelle expérience.
joaquim ici a écrit:
Ainsi, si on donnait à un être réalisé la direction politique de la Terre, il pourrait certes apporter quelques améliorations par rapport au fonctionnement actuel, mais il serait incapable de créer un Etat idéal. Toute loi visant à corriger certaines injustices les corrige certes, mais du même coup en crée d’autres, nécessairement. Parce que l’inégalité, et donc l’injustice, sont inscrites dans la dualité, et qu’il est donc impossible de les supprimer

Mais ce n’est pas grave, car le “bien” en question n’est encore une fois qu’un rêve de l’ego. Un rêve noble, certes, mais un rêve. La seule chose qui compte vraiment, c’est l’amour qui nous porte et que l’on porte. Nad nous a raconté hier une histoire dramatique. Et pourtant, dans son histoire, il y a une lumière d’amour qui jaillit, et cela seul compte. Un monde “bon”, si l'on veut en donner vraiment une définition, ce serait peut-être un monde propice à permettre le jaillissement de l’amour. Mais peut-on sérieusement alors en imaginer un meilleur que celui qui nous est donné? Même les camps de concentration ont été des viviers d’amour lumineux. Bien sûr, cela ne veut pas dire qu’il faille souhaiter les camps de concentration, ni une quelconque autre circonstance propice au jaillissement de l'amour. Ce serait tomber à nouveau dans le piège du but, plutôt qu'aimer simplement. L’amour, toujours, met tout en oeuvre pour soulager la souffrance qu’il croise. Non pas dans le but (vain) d’éradiquer la souffrance de la terre, mais parce qu’il aime celui qu'il croise.

Pour revenir à la question du végétarisme, personnellement, je suis un peu comme mauvaiseherbe, je mange de la viande, peu, en évitant celle d'animaux dont je soupçonne qu'ils aient pu être élevés dans des conditions indignes. Mais je me dis aussi comme Jean-Marie, que je suis peut-être inconséquent... d'autant que j'ai été, il y a bien longtemps, végétarien strict durant quelques années. Wink

Feuille, je ne voulais pas du tout te choquer avec cet article. Je respecte trop ceux qui ont le courage d'aller jusqu'au bout de ce que leur dicte leur conscience. Et si cela vient du fond du coeur, alors je m'incline bien bas. :sayonara:
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